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30/03/2017 | FRANCE | N°14/21665

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 8e chambre a, 30 mars 2017, 14/21665


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2017



N°2017/ 174













Rôle N° 14/21665







SELARL [J] [X]

SARL YMO DEVELOPMENT





C/



[Z] [Y]





































Grosse délivrée

le :

à :



SCP TRAMIER

SCP BADIE





Décision

déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2013009734.





APPELANTES



SELARL [J] [X]

Me [J] [X]

Es-qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société YMO DEVELOPMENT.

Intervenante forcée.



représentée par Me David TRAMIER de l...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

8e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 30 MARS 2017

N°2017/ 174

Rôle N° 14/21665

SELARL [J] [X]

SARL YMO DEVELOPMENT

C/

[Z] [Y]

Grosse délivrée

le :

à :

SCP TRAMIER

SCP BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 10 Novembre 2014 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 2013009734.

APPELANTES

SELARL [J] [X]

Me [J] [X]

Es-qualités de mandataire judiciaire au redressement de la société YMO DEVELOPMENT.

Intervenante forcée.

représentée par Me David TRAMIER de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER DUFLOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Marion TEYSSANDIER, avocat au barreau de BORDEAUX

SARL YMO DEVELOPMENT,

dont le siége social est [Adresse 1]

représentée par Me David TRAMIER de la SCP FRANCOIS-CARREAU FRANCOIS TRAMIER DUFLOT, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Marion TEYSSANDIER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIME

Maître [Z] [Y]

Agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SARL COULEURS PRIVILEGES

né le [Date naissance 1] 1975 à , demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine DURAND, Président suppléant et Madame Anne CHALBOS, Conseiller,

Madame Catherine DURAND, Président suppléant , a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Yves ROUSSEL,Président

Madame Catherine DURAND, Président suppléant

Madame Anne CHALBOS, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017.

Signé par Monsieur Yves ROUSSEL,Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La société Couleurs Privilège exploitait une résidence hôtelière [Établissement 1].

Dans le cadre de la procédure collective des deux SCI propriétaires des murs, la Societé YMO Development, marchand de biens, a acquis aux enchères publiques le 25 avril 2005, l'intégralité des 119 lots de copropriété de cette résidence qu'elle a ensuite revendus par lot dès décembre 2005 à des investisseurs, susceptibles de bénéficier d'avantages fiscaux, intéressés par la perception de loyers.

Une convention sous seing privé a été conclue le 26 juillet 2005, modifiée par un avenant du 1er décembre 2005, aux termes de laquelle la société Couleurs Privilège en sa qualité de preneur exploitant s'engageait à verser aux propriétaires des biens un loyer annuel de 587.480 euros HT pour les suites, studios et parkings et la somme trimestrielle de 3.600 euros pour la salle de conférence.

La société YMO Development, en contrepartie de l'engagement pris par Couleurs Privilège d'assurer l'exploitation de l'installation pendant 11 ans et 11 mois, convenait de lui verser une subvention de prise à bail de 410.000 euros HT, majorée de la TVA, soit 490.360 euros TTC, payable en 6 échéances s'échelonnant du 31 décembre 2005 au 31 janvier 2007, et à faire exécuter des travaux de rénovation.

Le bail conclu entre les parties rappelait l'engagement du bailleur de faire des travaux avant le 31 mars 2006, cette rénovation ayant pour but de rendre l'appartement conforme au standard du 'témoin' réalisé, le preneur s'engageant à l'issue de cette rénovation à faire son affaire personnelle du renouvellement et de l'entretien du mobilier.

La société YMO Development a assigné le 27 octobre 2009 en référé la société Couleurs Privilège en paiement des loyers dus pour la salle de conférence, celle-ci sollicitant reconventionnellement sa condamnation au paiement de la somme de 490.360 euros au titre de la subvention non réglée.

Par ordonnance du 12 janvier 2010 la société Couleurs Privilège a été condamnée à verser à la société YMO Development une somme de 4.770,86 euros outre intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2009 au titre de loyers pour la salle de conférence, et diverses sommes à différents bailleurs, toutes les autres demandes étant rejetées.

Une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société Couleurs Privilège le 21 janvier 2010, convertie en liquidation judiciaire le 4 octobre 2011, Me [Z] [Y] étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

Par ordonnance de référé du président du TGI d'Aix-en-Provence du 29 juillet 2011 la société Couleurs Privilège a été déboutée de sa demande de condamnation de la société YMO Developement au paiement de la somme de 490.360 euros au titre du solde de la subvention, la société YMO Developement ayant soutenu s'en être acquittée par compensation avec les arriérés de loyers non versés par l'exploitante. Le juge, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, a dit n'y avoir lieu à référé.

L'appel interjeté contre cette décision a été déclaré caduc par décision du 17 avril 2012.

La société Couleurs Privilège a ensuite assigné en référé en 2011 la société YMO Development et 37 autres copropriétaires en désignation d'un expert aux fins d'inventorier et évaluer les travaux de rénovation qu'elle avait exécutés aux lieu et place des copropriétaires. Cette affaire a été radiée le 23 mars 2012.

Le 2 décembre 2011 la société YMO Development a déclaré une créance de 10.044,87 euros au passif de la procédure de la société Couleurs Privilège, dont 4.770,86 euros au titre du principal de la condamnation du 10 janvier 2010, outre intérêts au taux légal à compter du 27 octobre 2009.

Par exploit du 9 août 2013, Me [Z] [Y], ès qualités, a assigné la société YMO Developement devant le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence, en paiement de la somme de 490.360 euros au titre du solde de la subvention, outre celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en inexécution du contrat et de celle de 10.000 euros de frais irrépétibles.

Il a également sollicité la désignation d'un expert aux fins de chiffrer le préjudice financier global de la société Couleurs Privilège résultant des fautes contractuelles de la société YMO Developement et de préciser les conséquences de ces fautes sur la survenance de la cessation des paiements de l'entreprise, chiffrer la perte de valeur consécutive du fait de la liquidation judiciaire irrémédiable.

La société YMO Development a soulevé la nullité de l'assignation et, à titre subsidiaire, a conclu au débouté des demandes présentées.

Par jugement du 10 novembre 2014 le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a :

Condamné la société YMO Developement à payer à Me [Y], ès qualités, la somme de 475.360 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007, correspondant à la subvention qu'elle s'était engagée contractuellement à verser avant le 31 janvier 2007,

Considéré qu'il n'avait pas les informations nécessaires pour statuer sur la réalité des travaux prévus contractuellement devant être réalisés au 31 mars 2006 par la société YMO Development, sur les loyers réellement dus et à qui, ainsi que sur le préjudice financier réel subi par la société Couleurs Privilège et son influence exacte sur sa mise en liquidation judiciaire,

Condamné la société YMO Developement à payer à Me [Z] [Y] ès qualités, une somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à prononcer l'exécution provisoire des condamnations prononcées,

Statuant avant dire droit

Désigné Monsieur [P] [F] ....

Ordonné l'exécution provisoire de la mesure d'expertise.

Par acte du 17 novembre 2014 la société YMO Development a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions responsives et récapitulatives n° 2 déposées et notifiées le 6 octobre 2016, tenues pour intégralement reprises, elle demande à la cour de :

Vu les articles 6, 9, 32-1, 68, 112, 122 et suivants, 463, 853, 855, 873 du code de procédure civile,

Vu les articles 2224 et suivants, 2240 et suivants du code civil,

Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et notamment son article 26,

Déclarer son appel recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

In limine litis et à titre principal,

Constater la nullité de l'assignation,

Constater que le tribunal n'est pas régulièrement saisi,

Renvoyer Me [Y], ès qualités à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire,

Déclarer recevable et bien fondée la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par Me [Y] ès qualités,

En conséquence,

Le renvoyer des fins de la poursuite,

A titre infiniment subsidiaire,

Le débouter de ses demandes, fins et conclusions,

Donner acte à la société YMO Developement de ce qu'elle a procédé au paiement de la somme de 490.360 euros TTC par compensation au profit de la société Couleurs Privilège,

Lui donner acte que les travaux de rénovation ont bien été effectués,

Statuant sur l'omission à stater,

Condamner Me [Y] ès qualités au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour action abusive tardive et dilatoire,

Le condamner au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions d'intervention forcée déposées et notifiées le 17 janvier 2017, tenues pour intégralement reprises, la SELARL [J] [X] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société YMO Development, demande à la cour de :

Constater l'intervention forcée de la SELARL [J] [X] ès qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société YMO Developement,

Vu les articles 6, 9,32-1, 68, 112, 122 et suivants, 463, 853, 855, 873 du code de procédure civile,

Vu les articles 2224 et suivants, 2240 et suivants du code civil,

Vu la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et notamment son article 26,

Déclarer son appel recevable et bien fondé,

Infirmer le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

In limine litis et à titre principal,

Constater la nullité de l'assignation,

Constater que le tribunal n'est pas régulièrement saisi,

Renvoyer Me [Y], ès qualités à mieux se pourvoir,

A titre subsidiaire,

Déclarer recevable et bien fondée la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action engagée par Me [Y] ès qualités,

En conséquence,

Le renvoyer des fins de la poursuite,

A titre infiniment subsidiaire,

Le débouter de ses demandes, fins et conclusions,

Donner acte à la société YMO Developement de ce qu'elle a procédé au paiement de la somme de 490.360 euros TTC par compensation au profit de la société Couleurs Privilège,

Lui donner acte que les travaux de rénovation ont bien été effectués,

Statuant sur l'omission à stater,

Condamner Me [Y] ès qualités au paiement de la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts pour action abusive tardive et dilatoire,

Le condamner au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions récapitulatives et responsives n° 3 déposées et notifiées le 1er février 2017, tenues pour intégralement reprises, Me [Z] [Y], ès qualités, demande à la Cour de :

Confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation délivrée le 9 août 2013 à la société YMO Developement faute pour l'appelante de justifier d'un grief,

Dire que la reconnaissance de la dette faite devant la juridiction des référés du TGI d'Aix-en-Provence en juillet 2011 par la société YMO Developement a interrompu la prescription quinquennale qui courait depuis 2008 et a fait courir un nouveau délai de 5 ans, cet effet interruptif n'étant pas remis en cause par la décision du juge des référés qui s'est déclaré incompétent au motif de cette exception de compensation, ni par la caducité subséquente de l'appel, qui n'ont aboli que le seul effet interruptif de la demande en justice,

Dire que l'interruption du délai de prescription quinquennal par la reconnaissance du droit de Me [Y] s'étend nécessairement à toutes demandes formées par ce dernier au titre de la convention-cadre, et ne peut se fractionner en sorte qu'elle vaut pour la totalité de la créance née de la convention-cadre,

Juger que l'action en paiement du liquidateur de la société Couleurs Privilège n'était point prescrite au jour de l'assignation au fond délivrée le 9 août 2013,

Rejeter la fin de non-recevoir opposée par la société YMO Development,

Sur le fond :

Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société YMO Developement à payer à Me [Y], ès qualités, la somme de 475.360 euros TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2007, correspondant à la subvention qu'elle s'était engagée contractuellement à verser avant le 31 janvier 2007,

Le confirmer en ce qu'il a ordonné l'instauration d'une expertise sur la réalisation des travaux et le préjudice subi

A titre subsidiaire,

Juger que la créance détenue par Me [Z] [Y] ès qualités est incontestable et sera inscrite au passif de la société YMO Developement pour une somme qui ne saurait être inférieure à 1.390.360 euros,

Condamner la société YMO Developement au paiement d'une somme de 10.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'affaire a été clôturée en l'état le 1er février 2017.

MOTIFS

Sur la nullité de l'assignation :

Attendu que la société YMO Development et Me [X] ès qualités, soutiennent que l'assignation délivrée à la demande de Me [Z] [Y], ès qualités, est irrégulière pour ne mentionner que la représentation personnelle du défendeur, seul ou assisté d'un avocat, ou la représentation par un avocat, mais pas par un représentant justifiant d'un pouvoir spécial, qu'elle est entachée de nullité et que le demandeur doit être renvoyé à mieux se pourvoir ;

Attendu toutefois que la société YMO Development a comparu devant le tribunal de commerce, assistée par un avocat et a été à même de conclure et de présenter sa défense ;

Attendu que faute d'invoquer, et de démontrer, le grief que lui aurait causé l'omission dans l'assignation des modalités de représentation devant la juridiction consulaire, elle a été à bon droit déboutée de sa demande de nullité de l'assignation pour vice de forme ;

Sur la prescription de la demande de paiement de la subvention de prise à bail :

Attendu que la société YMO Development soutient que cette demande présentée par assignation au fond en date du 9 août 2013 est prescrite pour avoir été introduite plus de 5 ans après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 ayant réduit le délai de prescription des actions commerciales de dix à cinq ans, le délai de prescription ayant commencé à courir le 18 juin 2008 ;

Attendu que cette fin de non-recevoir opposée pour la première fois en appel est recevable en application de l'article 123 du code de procédure civile ;

Attendu que la société YMO Development fait valoir justement que l'interruption de la prescription résultant de l'action en référé provision engagée le 21 juin 2011 par la société Couleurs Privilège est anéantie par l'ordonnance définitive du 29 juillet 2011 ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Couleurs Privilège en vertu de l'article 2243 du code civil, de même que celle résultant de l'assignation en 2011 devant le TGI des propriétaires des lots dont la société YMO Developement au titre des travaux de rénovation, suite à la décision de radiation de l'instance en date du 20 mars 2012 ;

Attendu que l'appelant soutient que le délai de prescription a été interrompu, en application de l'article 2240 du code civil, par la reconnaissance par la société YMO Development du droit de créance de la société Couleurs Privilège, intervenue devant le juge des référés, et que ce mode autonome d'interruption de prescription est distinct de celui prévu à l'article 2241 du même code résultant d'une demande en justice ;

Attendu que celui qui invoque la compensation en réponse à la demande en paiement de son créancier reconnaît par là même qu'il est débiteur, et donc le droit de celui contre lequel il prescrivait ;

Attendu que cette reconnaissance affecte de façon indivisible la totalité de la dette, y compris l'excédent non compensé de celle-ci ;

Attendu que dans ses écritures déposées dans l'instance en référé, reprises dans l'ordonnance du 29 juillet 2011, la société YMO Development expose avoir versé la somme de 410.000 euros HT soit 490.360 euros TTC, au titre de la subvention de prise à bail, sous forme de compensation avec les loyers dus par la société Couleurs Privilège et par paiement d'un acompte de 15.000 euros en juillet 2007 ;

Attendu que ce faisant elle a reconnu indéniablement être débitrice de cette somme envers à la société Couleurs Privilège ;

Attendu que cette reconnaissance du droit du créancier, intervenue au plus tard le 12 juillet 2011, date de l'audience de référé, a interrompu le délai de prescription ;

Attendu que la disparition de l'effet interruptif de la demande en justice résultant de la décision du juge des référés disant n'y avoir lieu à référé, ne s'étend pas à la reconnaissance par le débiteur du droit du créancier, étant un mode autonome et distinct d'interruption de prescription ;

Attendu par suite que la demande de paiement de la subvention formée par assignation au fond du 9 août 2013 n'est pas prescrite ;

Sur la prescription de la demande en inexécution des travaux de rénovation :

Attendu que Me [Y], ès qualités, expose dans son assignation du 9 août 2013 que la société YMO Development n'a pas exécuté les travaux de rénovation de la résidence hôtelière dans les conditions prévues au contrat, qu'ils n'ont jamais donné lieu à un procès-verbal de réception contradictoire entre les parties, que la société Couleurs Privilège a été dans l'obligation de les réaliser à sa place, obérant ainsi sa trésorerie et qu'elle n'avait pu exploiter, au terme convenu du 31 mars 2006, une résidence hôtelière rénovée d'un standing de 4 étoiles et donc augmenter le prix des nuitées et couvrir ses dépenses locatives ;

Attendu qu'il a demandé la réparation du préjudice résultant pour la société Couleurs Privilège de l'inexécution par la société YMO Development de ses engagements par l'allocation de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Attendu qu'en cours d'instance il a en outre sollicité le paiement d'une somme de 519.924 euros au titre de l'inexécution des travaux de rénovation promis ;

Attendu que l'appelante fait valoir que ces demandes sont prescrites dès lors que l'inexécution des travaux prévus dans la convention-cadre n'a été invoquée pour la première fois que dans l'assignation du 9 août 2013 ;

Attendu que l'intimé soutient que l'interruption du délai de prescription quinquennale par la reconnaissance par le débiteur du droit de la société Couleurs Privilège s'étend à tous les éléments de la convention-cadre, donc à l'exécution des travaux de rénovation à la charge du bailleur, que l'effet interruptif d'une telle reconnaissance ne peut se fractionner et vaut pour la totalité de la créance née de la convention-cadre ;

Attendu toutefois que l'effet interruptif ne résulte pas en l'espèce d'une demande en justice présentée antérieurement par la société Couleurs Privilège ou Me [Z] [Y], ès qualités, mais de la reconnaissance par la société YMO Development du droit du preneur au paiement de la subvention de 490.360 euros TTC ;

Attendu que ne portant pas sur les travaux de rénovation que le bailleur s'était engagé à réaliser avant le 31 mars 2006, l'effet interruptif de prescription en résultant ne peut être étendu aux demandes présentées le 9 août 2013 au titre de l'inexécution par la société YMO Developement desdits travaux ;

Attendu que les demandes présentées par Me [Z] [Y] ès qualités en instauration d'une expertise des travaux effectués et en évaluation des préjudices subis en raison de fautes contractuelles imputables à YMO Development sont par conséquent rejetées comme étant irrecevables ;

Sur la compensation invoquée :

Attendu qu'aux termes de la convention conclue le 26 juillet 2005 entre les parties, fixant les conditions de continuation de l'exploitation des biens désignés à l'acte, la société Couleurs Privilège a pris à bail l'ensemble immobilier à compter du 1er août 2005 ;

Attendu qu'elle s'est engagée :

- à régler 'aux propriétaires des biens ci-dessus désignés' un loyer annuel de 587.480 euros HT pour les 57 suites, studios et parkings boxés et 3.600 euros HT pour la salle de conférence, payable trimestriellement en 4 échéances,

- à réaliser autant de baux qu'il y aura de copropriétaires au terme de la commercialisation de l'ensemble des lots assurée par la société YMO Development, la grille de répartition des loyers par lots étant jointe à cet acte,

- à prendre les lieux parfaitement connus d'elle, dans l'état où ils se trouvent au moment de la prise de bail, sous réserve de la parfaite exécution par la société YMO Development des travaux de rénovation prévus dans le descriptif annexé à la convention ;

Attendu que la société YMO Development s'est engagée quant à elle à lui fournir la liste des copropriétaires et les numéros des lots leur appartenant, au fur et à mesure de la signature des actes de vente, afin qu'elle puisse établir les baux individuels pour chaque copropriétaire ;

Attendu que par ailleurs, en contrepartie des engagements pris par la société Couleurs Privilège, favorisant la commercialisation de l'ensemble immobilier auprès d'investisseurs :

- elle a accepté de lui verser une subvention de 490.360 euros TTC, payable selon l'avenant du 1er décembre 2005 en 6 échéances, le dernier terme étant fixé au 31 janvier 2007,

- elle s'est engagée à faire réaliser les travaux de rénovation des locaux et à les terminer au plus tard le 31 mars 2006, leur livraison étant validée par la signature entre les parties d'un procès-verbal de livraison ;

Attendu qu'au 1er août 2005 un bail précaire d'une durée maximum de 23 mois a été conclu entre la société YMO Development, n'ayant pas alors revendu la totalité des lots de l'ensemble immobilier, et la société Couleurs Privilège, lui assurant le versement des loyers des lots invendus jusqu'à la réitération du dernier acte de vente ;

Attendu ainsi que la société Couleurs Privilège est titulaire d'une créance de 410.000 euros HT soit 490.360 euros TTC au titre de la subvention de prise à bail que la société YMO Development s'est engagée à lui verser au plus tard le 31 janvier 2007 ;

Attendu que la société YMO Developement, en vertu de la convention du 26 juillet 2005 et du bail précaire, est titulaire d'une créance de loyer au titre des lots lui appartenant, diminuant au fur et à mesure de la cession desdits lots à différents investisseurs copropriétaires ;

Attendu que depuis le 4ème trimestre 2007 elle n'est propriétaire que de la salle de conférence ;

Attendu que le caractère connexe de ces deux dettes n'est pas contesté par les parties ;

Attendu qu'en vertu de l'article 1291 du code civil la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes ayant pour objet une somme d'argent, liquides et exigibles ;

Attendu que la société YMO Development et Me [X] ès qualités, soutiennent que la subvention de prise à bail a été intégralement réglée par compensation avec les loyers non versés par la société Couleurs Privilège et le virement de la somme de 15.000 euros en juillet 2007 ;

Attendu que Me [Y] ès qualités soutient qu'il n'est pas justifié de l'existence d'une dette locative exigible susceptible d'être compensée avec la subvention de prise à bail ;

Attendu toutefois qu'ainsi qu'il l'a déjà été précisé la société YMO Development est créancière de loyers à l'égard de la société Couleurs Privilège en qualité de propriétaire de lots pris à bail par la société Couleurs Privilège ;

Attendu que si l'intimé soutient que la créance de loyers revendiquée n'est pas exigible, faute de réalisation par cette dernière des travaux de rénovation conditionnant leur paiement, ni la convention du 26 juillet 2005, ni le bail précaire du 1er août 2005, ni l'avenant du 1er décembre 2005 ne conditionnent le paiement des loyers par Couleurs Privilège à l'exécution par la société YMO Developement des travaux de rénovation et l'absence d'initiative contentieuse du bailleur pour demander au preneur le paiement des loyers avant le 27 octobre 2009, ou s'en débarrasser, est insuffisante à établir que l'exigibilité des loyers dépendait de l'exécution par YMO Development des travaux ;

Attendu que les loyers étaient payables trimestriellement à terme échu en 4 échéances annuelles les 31 mars, 30 juin, 30 septembre et 31 décembre et donc exigibles à chacun de ces termes ;

Attendu que contrairement à ce qu'allègue l'appelant, la société YMO Developement établit l'existence et le quantum de la créance de loyers par la production de 15 factures de loyers s'échelonnant du 1er décembre 2005 au 31 mars 2009, le tableau retraçant la chronologie des ventes des différents lots du 20 décembre 2005 au 30 août 2007 et celui de l'état comptable des loyers retraçant la répartition des loyers entre les différents lots et propriétaires au fur et à mesure des cessions du 3ème trimestre 2005 au 3ème trimestre 2007 ;

Attendu que la circonstance que les factures ne détaillent pas les différents lots au titre desquels les loyers sont réclamés est indifférente dès lors que les tableaux précités permettent de les déterminer et que la grille de répartition du loyer global entre les lots est annexée au bail ;

Attendu que ces éléments ne sont pas utilement contestés par l'intimé, qui se contente de soutenir que l'envoi des 15 factures n'est pas démontré, étant noté que l'ordonnance de référé du 29 juillet 2011 ne mentionne pas que la société Couleurs Privilège ait alors contesté avoir reçu ces mêmes factures et qu'elle ne produit pas aux débats les différents baux qu'elle a conclus au fur et à mesure des ventes ;

Attendu que la créance de loyers de la société YMO Development du 1er août 2005 au 30 mars 2009 s'établit à la somme de 475.592,63 euros TTC se décomposant comme suit :

- 3ème trimestre 2005 103.793,73 euros,

- 4ème trimestre 2005 152.324 euros,

- 1er trimestre 2006 73.766 euros,

- 2ème trimestre 2006 66.975 euros,

- 3ème trimestre 2006 36.526 euros,

- 4ème trimestre 2006 23.387 euros,

- 1er trimestre 2007 5.368 euros,

- 2ème trimestre 2007 5.110 euros,

- 3ème trimestre 2007 1.884,50 euros,

- du 4ème trimestre 2007 au 1er trimestre 2009 inclus 1.076,40 euros x 6.

Attendu qu'au 31 mars 2009, compte tenu du virement de 15.000 euros effectué en juillet 2007 par YMO Development au titre de la subvention de prise à bail, la dette au titre de la subvention de la société YMO Development a été intégralement réglée par compensation avec la dette de loyers de la société Couleurs Privilège à cette date, un solde de loyers de 232,63 euros demeurant dû après compensation au titre du 1er trimestre 2009 ;

Attendu que cette extinction de la majeure partie de la créance de loyers de la société YMO Development par compensation au 31 mars 2009 explique, d'une part, que celle-ci n'ait sollicité dans son assignation en référé du 27 octobre 2009 que le paiement des seuls loyers échus à compter du 1er trimestre 2009 pour partie, 2ème, 3ème et 4ème trimestre 2009 et, d'autre part, qu'elle n'ait pas déclaré de créance de loyers antérieure au 30 mars 2009 au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la société Couleurs Privilège le 21 janvier 2010, cette créance étant éteinte à cette date ;

Attendu que l'assignation en référé du 27 octobre 2009 ayant été lancée par plusieurs copropriétaires, dont la société YMO Development, il ne peut être tiré de la mention y figurant d'une absence de paiement des loyers par Couleurs Privilège après le 1er trimestre 2007 que celle-ci s'est acquittée des loyers envers la société YMO Developement jusqu'au 30 mars 2007 ;

Attendu enfin que la compensation de créances réciproques s'opérant de plein droit à concurrence de la plus faible à l'instant où la seconde vient à échéance et son bénéfice pouvant être invoqué à tout moment, il est sans emport que la société YMO Developement l'ait revendiquée en 2011 en défense à la demande présentée en référé par la société Couleurs Privilège ;

Attendu qu'il s'ensuit que le jugement querellé est réformé ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la créance déclarée par Me [Z] [Y] ès qualités au passif de la société YMO Development, seul le juge commissaire en charge de la vérification du passif étant compétent pour l'admettre ou la rejeter ;

Attendu que l'action engagée par Me [Z] [Y] ès qualités n'ayant pas dégénéré en abus du droit d'ester les appelants sont déboutés de leur demande de dommages et intérêts présentée de ce chef ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que Me [Z] [Y] ès qualités est condamné aux entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et publiquement,

Réforme le jugement attaqué,

Statuant à nouveau,

Rejette l'exception de nullité de l'assignation,

Déclare recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription des actions,

Déclare prescrites les demandes présentées par Me [Z] [Y] ès qualités au titre de l'inexécution par la société YMO Development de ses engagements contractuels au titre de l'exécution de travaux de rénovation de l'ensemble immobilier,

Rejette par conséquent ces demandes comme étant irrecevables,

Dit que la reconnaissance par la société YMO Development de la créance du débiteur au titre de la subvention de prise à bail a interrompu le délai de prescription quinquennale courant depuis le 18 juin 2008,

Dit recevable car non prescrite la demande condamnation de la société YMO Development au paiement de la somme de 490.370 euros,

Constate que l'obligation au paiement est éteinte depuis le 31 mars 2009 suite à la compensation intervenue entre cette dette et la dette de loyers, et au paiement en juillet 2007 par YMO Developement de la somme de 15.000 euros au titre de la subvention,

Déboute par conséquent Me [Z] [Y] ès qualités de ses demandes, fins et conclusions,

Déboute la société YMO Development et Me [X] ès qualités, de leur demande de dommages et intérêts pour action abusive,

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la créance déclarée par Me [Z] [Y] ès qualités au passif de la société YMO Development,

Dit n'y avoir lieu de donner acte à la société YMO Developement et Me [X] ès qualités que les travaux de rénovation ont bien été effectués,

Déboute les parties de leurs demandes d'application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

Condamne Me [Z] [Y] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Couleurs Privilège aux entiers dépens, frais privilégiés de procédure collective, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 8e chambre a
Numéro d'arrêt : 14/21665
Date de la décision : 30/03/2017

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 8A, arrêt n°14/21665 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-03-30;14.21665 ?
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