COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2017
bm
N° 2017/ 291
Rôle N° 15/13240
[N] [S]
C/
[R] [B]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Frédérique GALLOU
Me Frédéric DURAND
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 26 Mai 2015 enregistré au répertoire général sous le n° 14/04104.
APPELANTE
Madame [N] [S]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédérique GALLOU, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMEE
Madame [R] [B]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Frédéric DURAND, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Février 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du Code de Procédure Civile, Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre
Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller
Madame Agnès MOULET, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017,
Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
Madame [O] [B] était propriétaire d'un immeuble bâti cadastré H [Cadastre 1] à [Localité 1] ; madame [N] [S] est propriétaire de la parcelle cadastrée H [Cadastre 2].
A la suite d'un litige relatif à leurs propriétés respectives, le bornage judiciaire a été ordonné selon jugement du tribunal d'instance de Hyères en date du 2 avril 1993, confirmé par la cour d'appel d'Aix en Provence le 28 janvier 1997 ; la limite divisoire a été fixée, conformément au rapport de monsieur [X] selon les poins (F G L M) ; par jugement du 23 octobre 2000, le tribunal de grande instance de Toulon a ordonné la démolition de la partie d'immeuble [S] empiétant sur le fonds [B] ; madame [N] [S] a procédé à la démolition d'une partie du mur concerné.
Se plaignant de fissures apparues sur la partie de mur n'ayant pas été démolie, madame [R] [B] qui a reçu par donation l'immeuble appartenant à [O] [B] a saisi le juge des référés, lequel a désigné un expert par ordonnance du 15 mars 2013.
Le rapport d'expertise a été dressé le 13 janvier 2014 par monsieur [D].
Par exploit du 28 juillet 2014, madame [R] [B] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Toulon madame [N] [S], afin d'obtenir notamment diverses indemnités en réparation d'un trouble anormal de voisinage.
Le tribunal, par jugement du 26 mai 2015, a notamment :
- dit que les désordres affectant le mur de soutènement situé sur la limite séparative des fonds [B] et [S] excède les inconvénients normaux du voisinage
- condamné madame [N] [S] à payer à madame [R] [B] la somme de 15.994,04 euros indexée du 25 novembre 2013 au jour du jugement sur l'indice du coût de la construction BT01, puis augmentée des intérêts légaux à compter de cette date
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires
- condamné madame [N] [S] à payer à madame [R] [B] la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné madame [N] [S] aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire
- ordonné l'exécution provisoire.
Madame [N] [S] a régulièrement relevé appel le 20 juillet 2015, de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour, selon conclusions déposées le 13 octobre 2015 par RPVA, de :
Vu les articles 651, 1382 et 1384 du code civil
- la recevoir en son appel, le dire régulier et bien fondé
- infirmer le jugement
- débouter madame [R] [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions
- condamner madame [R] [B] à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire à ses frais exclusifs, à l'intérieur de sa parcelle, en respectant les limites de propriété avec la parcelle [S], ledit mur ne devant plus empiéter chez madame [S], et en veillant à remettre les terres et replanter les végétaux de la parcelle [S], sous astreinte de 300 euros par jour de retard
- condamner madame [R] [B] au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner madame [R] [B] aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire.
Formant appel incident, madame [R] [B] sollicite de voir, selon conclusions déposées par RPVA le 10 décembre 2015 :
Vu les articles 651, 1382 et 1384 du code civil
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions
- débouter madame [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions
- condamner madame [S] à payer à madame [B] la somme de 4000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner madame [S] aux entiers dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le rapport d'expertise judiciaire du 13 janvier 2014
L'expert judiciaire a constaté des désordres affectant le mur séparatif des propriétés [S] et [B] ; il indique que ce mur, épais à sa base de 30 cm environ, est situé 18 cm environ sur la propriété de madame [B] et 12 cm chez madame [S] ; ce mur a été arasé à 1,40 m de hauteur au cours des travaux de terrassement du sous-sol de madame [S] ; il a ensuite été reconstruit en agglos creux de 20 cm pour retrouver sa hauteur initiale par l'entrepreneur de maçonnerie de madame [S] ; cet ouvrage s'est déplacé en partie haute de 2 cm environ ; madame [B] l'a fait buter en tête par des étais positionnés horizontalement et appuyés sur sa maison ; il s'est ensuite fissuré horizontalement à 1,80 m de hauteur environ.
En ce qui concerne les causes des désordres, l'expert judiciaire mentionne que ce mur n'est pas de nature à s'opposer durablement à la poussée des terres ; il s'est déplacé et fissuré lors de la vidange d'une piscine qui appartient à un tiers ; il se serait fissuré de la même manière lors d'un autre événement comme une journée de pluie diluvienne ; il aurait pu périr par augmentation progressive du déplacement jusqu'à la rupture ; l'expert considère que la cause des désordres est le sous dimensionnement du mur de soutènement ; il relève qu'en l'absence de ferraillage et d'une semelle de fondation adaptée, le mur travaille en mur poids et que c'est son poids qui s'oppose à la poussée des terres ; il indique que cet équilibre précaire ne peut perdurer et que tout phénomène particulier met en danger l'ouvrage.
Sur le trouble anormal de voisinage invoqué par madame [B]
Il n'est pas contesté que la partie du mur affectée de désordres correspond au tronçon (F G) de la limite divisoire des fonds [S] et [B], dénommé également tronçon (A B) dans le rapport d'expertise de monsieur [X], homologué dans la décision précitée de bornage.
Les désordres sur cette partie de mur sont dus au sous-dimensionnement du mur qui en outre présente une absence de ferraillage et de semelle de fondation adaptée.
Or ce mur a été construit par les auteurs de madame [B], madame [S] s'étant contentée de l'araser jusqu'à une hauteur de 1,40 m pour faire ses travaux de terrassement puis de le rétablir à sa hauteur initiale par l'ajout d'agglos creux ; d'ailleurs, il est mentionné dans le rapport de monsieur [X] du 1er septembre 1988 que le mur désigné par les lettres A B appartient aux époux [B] et ces derniers ont demandé au tribunal d'homologuer ce rapport ; ce sont donc les auteurs de madame [B] qui n'ont pas réalisé le mur dans les règles de l'art, en le sous-dimensionnant et en ne prévoyant ni ferraillage, ni semelle de fondation adaptée ; aucune pièce technique ne lie les désordres aux travaux d'arasement partiel et de rétablissement effectués par madame [S].
Le jugement entrepris sera donc réformé, notamment en ce qu'il retient un trouble anormal de voisinage subi par madame [B], en ce qu'il condamne à ce titre madame [S] au paiement de dommages intérêts et en ce qu'il la condamne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance.
Sur les demandes de madame [S]
Au regard des développements qui précèdent, il appartient à madame [B] de réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire à ses frais exclusifs, selon la solution numéro 1, consistant en la démolition et reconstruction après étude de dimensionnement du mur par un ingénieur béton.
De plus, ce mur qui est épais à sa base de 30 cm environ, empiète de 12 cm sur la propriété [S] ; par suite, l'intéressée est bien fondée à solliciter la reconstruction en respectant les limites de propriété, conformément au dispositif qui suit, et ce sous astreinte selon les modalités ci-après définies compte-tenu de la résistance de madame [B].
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant sur ses prententions, madame [B] doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à madame [S] la somme de 4.000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulon en date du 26 mai 2015,
Statuant à nouveau,
Déboute madame [R] [B] de toutes ses demandes,
Condamne madame [R] [B] à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire [L] [D] à ses frais exclusifs, selon la solution numéro 1 du rapport dressé le 13 janvier 2014, consistant en la démolition et reconstruction après étude de dimensionnement du mur par un ingénieur béton, à l'intérieur de sa parcelle H [Cadastre 1] sise commune de [Localité 1] (83), en respectant les limites de propriété avec la parcelle H [Cadastre 2] de madame [S], et en veillant à remettre en état les terres et végétaux de la parcelle H [Cadastre 2], dans le délai de six mois à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai, pendant une période de six mois à l'issue de laquelle il pourra être statué à nouveau,
Condamne madame [R] [B] à payer à madame [S] la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne madame [R] [B] aux dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise judiciaire,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président