COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 30 MARS 2017
N°2017/
GP/
Rôle N° 15/13766
[I] [M]
C/
[V] [J]
[E] [S]
SARL LA SCALA
CGEA MARSEILLE
Grosse délivrée le :
à :
Me Véronique BOLIMOWSKI, avocat au barreau de GRASSE
Me Stéphanie JAGNOUX-LEVY, avocat au barreau de NICE
Me Valérie CARDONA, avocat au barreau de GRASSE
Me Estelle CIUSSI, avocat au barreau de NICE
Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section C - en date du 02 Juillet 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 13/78.
APPELANTE
Madame [I] [M], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Véronique BOLIMOWSKI, avocat au barreau de GRASSE
INTIMES
Maître [V] [J], mandataire liquidateur de la SARL MARCA, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphanie JAGNOUX-LEVY, avocat au barreau de NICE
Maître [E] [S], mandataire ad hoc de la SARL MARCA, demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Valérie CARDONA, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
La SARL LA SCALA, demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Estelle CIUSSI, avocat au barreau de NICE substitué par Me Anaïs BARUSTA, avocat au barreau de NICE
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
Le CGEA MARSEILLE, demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Isabelle JOGUET, avocat au barreau de NICE substitué par Me Vanessa STARK, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 31 Janvier 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président de Chambre
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Mars 2017
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [I] [M] a été embauchée en qualité d'assistante administrative et commerciale le 7 octobre 2010 par la SARL MAR CA, selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 11 octobre 2010 prévoyant le versement d'un salaire mensuel net de 1400 € pour 39 heures hebdomadaires de travail.
Elle a occupé les fonctions de responsable administrative et commerciale à compter du 1er avril 2011.
Le contrat de travail de Madame [I] [M] a été transféré à compter du 21 décembre 2011 au sein de la SARL LA SCALA, à la suite d'un jugement du tribunal de commerce de Cannes en date du 11 octobre 2011 ayant arrêté la cession de la SARL MAR CA au profit de la SARL LA SCALA.
Par jugement du 10 juillet 2012, le tribunal de commerce de Cannes a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL MAR CA et désigné Maître [V] [J] en qualité de liquidateur judiciaire.
Madame [I] [M] a été licenciée le 15 juin 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Par requête du 6 février 2013, Madame [I] [M] a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de commissions à l'encontre de la SARL MAR CA et de la SARL LA SCALA. Elle a par la suite formé des demandes à l'encontre de la SARL LA SCALA en paiement d'indemnités de rupture, de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour le préjudice distinct lié à la détérioration de son état de santé.
Par jugement du 2 juillet 2015, le Conseil de prud'hommes de Cannes a débouté Madame [I] [M] de ses demandes et a dit que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.
Ayant relevé appel, Madame [I] [M] conclut à la réformation du jugement en toutes ses dispositions et, statuant de nouveau, à ce qu'il soit jugé que la SARL MAR CA lui devait une somme de 6124,62 € au titre de commissions sur le chiffre d'affaires impayé, à laquelle s'ajoute l'indemnité compensatrice de congés payés sur commissions, soit la somme de 612,46 €, à la condamnation de la SARL MAR CA au paiement des arriérés de commissions et ce, en exécution des engagements contractuels contenus dans la cession de fonds de commerce conclue avec Maître [K], soit la somme de 6124,62 € à laquelle s'ajoute l'indemnité compensatrice de congés payés sur commissions, soit la somme de 612,46 €, augmentées des intérêts légaux capitalisés à compter du 30 juin 2012 (date de l'établissement du bulletin de salaire), subsidiairement, sur ce point : à ce qu'il soit jugé que la concluante s'en rapporte à la Cour pour savoir si cette somme doit être prise en charge par la SARL LA SCALA, repreneur du fonds de commerce, ou doit être fixée au passif de la SARL MAR CA, en tout état de cause, si la SARL LA SCALA doit assumer le paiement de cette somme, à ce qu'il soit dit qu'il y aura lieu de la condamner au paiement du montant brut de 6737,08 €, augmenté des intérêts légaux capitalisés depuis le 30 juin 2012 (date de l'établissement du bulletin de salaire), si la créance reste à la charge de la SARL MAR CA, à ce qu'elle soit fixée à son passif et à ce qu'il soit jugé que le jugement sera dans ces conditions opposable au CGEA/AGS dans la limite de la garantie et dire que l'AGS devra procéder à l'avance des créances, à ce qu'il soit jugé que l'inaptitude de la salariée ayant entraîné son licenciement pour inaptitude a pour origine un comportement fautif de la SARL LA SCALA, en conséquence, à ce qu'il soit jugé que le licenciement fondé sur cette inaptitude est sans cause réelle et sérieuse, à ce qu'il soit dit en tout état de cause que la SARL LA SCALA n'a pas rempli son obligation loyale et sérieuse de reclassement, à ce qu'il soit jugé que, pour ces deux raisons, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, en conséquence, à la condamnation de la SARL LA SCALA à lui régler pour l'indemniser des préjudices subis, tant au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse que compte tenu de la détérioration de son état de santé causée par le comportement fautif de l'employeur, les sommes suivantes :
-37 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-20 000 € à titre de dommages intérêts pour le préjudice distinct lié à la détérioration de son état de santé,
à la condamnation de la SARL LA SCALA au paiement d'un préavis d'un mois, soit la somme de 3079,91 € augmentée de l'indemnité de congés payés sur cette somme, soit 307,99 €, à la condamnation de la SARL MAR CA au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme n'entrant pas dans le cadre de la garantie du CGEA et à la condamnation de la SARL LA SCALA au paiement de la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement de l'intégralité des dépens.
Madame [I] [M] fait valoir qu'elle a été embauchée, suivant contrat de travail à durée indéterminée du 11 octobre 2010 par la SARL MAR CA, en qualité d'assistante administrative et commerciale, avec un salaire mensuel net de 1400 € pour un horaire hebdomadaire de 39 heures, qu'un avenant au contrat de travail a été conclu le 11 octobre 2010 prévoyant qu'à compter du 1er avril 2011, elle exercerait les fonctions de responsable administrative et commerciale de terrain, avec une rémunération fixe de 3079,91 € et un commissionnement sur le chiffre d'affaires annuel réalisé, que ce n'est qu'au mois de juin 2012 que la SARL MAR CA a établi sa fiche de salaire comportant le montant des commissions qui lui étaient dues, à savoir une somme de 6124,62 €, que l'attestation Pôle emploi qui lui a été transmise le 2 août 2012 mentionne également le montant des commissions qu'elle aurait dû recevoir, que Maître [J] a refusé de lui régler ces commissions, que Maître [K] en qualité d'administrateur avait une mission exclusive d'assistante de sorte que le dirigeant, Monsieur [B] n'était pas privé de ses prérogatives et pouvait faire seul les actes liés à la gestion courante de l'établissement, que la production du bulletin de salaire établi par la SARL MAR CA et son dirigeant et l'établissement de l'attestation Pôle emploi par la SARL MAR CA valent à eux seuls reconnaissance du chiffre d'affaires effectivement effectué sur lequel les commissions lui revenant sur l'année 2011 ont été calculés, qu'aucun solde de tout compte n'a été validé par Madame [I] [M] et versé aux débats et qu'elle doit être reçue en ses demandes de rappel de salaire.
Elle fait valoir par ailleurs qu'elle a d'évidence fait les frais de la querelle entre les associés de la SARL MAR CA, Mademoiselle [B] [B] et Monsieur [H] [S] [E] à la suite de leur séparation, que dans le cadre de la cession du fonds de commerce autorisée dans le cadre du plan de cession c'est le « clan [E] » qui a manifestement remporté la victoire et a pu récupérer le fonds de commerce dans sa globalité, que le jour de la prise de possession par la SARL LA SCALA, des incidents violents sont intervenus et dont elle a été victime, qu'elle a été en arrêt de travail à partir du 23 décembre 2011, qu'elle a été déclarée inapte en une seule visite médicale le 3 mai 2012 et « à reclasser hors de l'entreprise ou dans un autre établissement de l'entreprise s'il existe », que son inaptitude et l'état dépressif sont liés exclusivement à l'attitude du nouvel employeur, qu'il s'ensuit que son licenciement fondé sur cette inaptitude est sans cause réelle et sérieuse, que l'employeur n'établit pas qu'il a effectué des recherches sérieuses et effectives de reclassement, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, que de surcroît la salariée a subi une détérioration de son état de santé causée exclusivement par le comportement fautif de l'employeur et qu'elle doit être reçue en l'ensemble de ses réclamations.
Maître [V] [J] ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la SARL MAR CA conclut, à titre principal, à ce qu'il soit jugé que la créance de commissions sur chiffre d'affaires revendiquée par Madame [I] [M] n'est pas justifiée, par conséquent, à la confirmation du jugement attaqué en ce qu'il a débouté Madame [I] [M] de sa demande au titre du paiement des commissions et congés payés afférents, à ce qu'il soit statué ce que de droit sur le surplus, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit jugé que, si par extraordinaire la créance de commissions de Madame [I] [M] était établie, le concluant s'en rapporte à la Cour pour savoir si cette créance devrait être prise en charge par la société SCALA ou être inscrite au passif de la société MAR CA, à ce que soit constatée l'intervention de l'AGS, seule en état de régler lesdites créances, en tout état de cause, à la condamnation de Madame [I] [M] à verser au concluant ès qualités la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Maître [V] [J] ès qualités fait valoir qu'en application de l'article L.1224-1 du code du travail, le nouvel employeur est redevable des salaires dus à la date de transfert par l'ancien employeur, que les salaires ne peuvent donc être réclamés au repreneur, qu'en tout état de cause, Madame [I] [M] n'apporte aucune justification du calcul des commissions invoquées alors que la charge de la preuve lui incombe, que Madame [I] [M] fonde ses réclamations sur un bulletin de paie qui aurait été établi par la SARL MAR CA en juin 2012 et sur une attestation Pôle emploi, lesquels documents font apparaître les commissions revendiquées, que la SARL MAR CA a établi à la salariée son solde de tout compte le 22 décembre 2011 lors du transfert du contrat de travail, sur lequel il n'est fait état d'aucune des commissions réclamées, qu'en tout état de cause, toute pièce établie ultérieurement au transfert est entachée de nullité car la SARL MAR CA n'était plus l'employeur, que Madame [I] [M] a attendu plus de 6 mois après le transfert de son contrat de travail au sein de la SARL LA SCALA, puis son licenciement par cette dernière société, pour revendiquer des commissions, qu'elle a fait mention pour la première fois de ces créances en juillet 2012, qu'il y a donc lieu de s'interroger sur la sincérité des documents produits et qu'il convient de débouter Madame [I] [M] de sa demande de rappel de commissions.
Maître [E] [S] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL MAR CA, désigné en cette qualité par ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de Cannes en date du 21 mai 2013, conclut, à titre liminaire, à ce qu'il soit constaté qu'il a été désigné en qualité de mandataire ad hoc de la SARL MAR CA selon ordonnance du 21 mai 2013, à ce qu'il soit constaté que pour être attraite à la procédure, la SARL MAR CA devait nécessairement être pourvue d'un dirigeant, à ce qu'il soit constaté toutefois qu'il n'est pas nécessaire que le mandataire ad hoc soit convoqué par devant la Cour de céans de façon distincte de la société, représentée par son liquidateur judiciaire désigné, à savoir Maître [J], en conséquence, à ce qu'il soit pris acte qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre de Maître [S] ès qualités de mandataire ad hoc, à ce qu'il soit jugé qu'aucune condamnation ne pourrait intervenir à son encontre, à ce titre, au fond, à la confirmation du jugement de première instance rendu par le conseil de prud'hommes de Cannes le 2 juillet 2015, en toutes ses dispositions, à ce qu'il soit jugé que le liquidateur judiciaire ès qualités soulève des arguments qui semblent fondés quant au caractère litigieux de la créance alléguée par Madame [I] [M], à ce qu'il soit jugé que le bulletin de salaire du mois de juin 2012 ainsi que l'attestation ASSEDIC produits par Madame [I] [M] paraissent irréguliers, à ce qu'il soit jugé que Madame [I] [M] ne parvient pas à justifier du bien-fondé de la créance alléguée, en ne produisant pas d'éléments permettant de vérifier le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé en 2011, à ce qu'il soit jugé que Madame [I] [M] n'a pas contesté son solde de tout compte dans le délai de 6 mois à compter de sa date, soit le 22 décembre 2011, à ce qu'il soit jugé que le solde de tout compte en date du 22 décembre 2011 établi par la société MARCA est donc libératoire, à ce qu'il soit jugé que, si une créance était reconnue au bénéfice de Madame [I] [M], seule la société cessionnaire, à savoir la SARL LA SCALA, pourrait être concernée du fait du transfert du contrat de travail et de la reprise du passif, en conséquence, au débouté de Madame [I] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SARL LA SCALA, à ce qu'il soit jugé qu'en tout état de cause, seule la SARL LA SCALA pourrait être condamnée à régler les sommes qui seraient octroyées à la salariée, au débouté de Madame [I] [M] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation aux dépens, dans tous les cas, à la condamnation de tout succombant à lui verser la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Maître [E] [S] ès qualités fait valoir, à titre liminaire, qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre du mandataire ad hoc ès qualités, que la Cour doit prendre acte qu'aucune demande n'est formulée à l'encontre du mandataire ad hoc et qu'aucune condamnation ne saurait intervenir à son encontre, en vertu des dispositions de l'article L.641-9 du code du commerce, le débiteur en liquidation judiciaire est dessaisi de ses droits et actions au profit du liquidateur judiciaire, que l'argumentation soulevée par le liquidateur judiciaire ès qualités quant au rejet des demandes de Madame [I] [M] en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SARL MAR CA paraît fondée, que Madame [I] [M] fonde ses demandes sur un bulletin de salaire afférent au mois de juin 2012 ainsi que sur une attestation ASSEDIC, qui semblent entachés d'irrégularité, que Madame [I] [M] ne démontre pas l'existence de l'obligation dont elle sollicite l'exécution, qu'un solde de tout compte aurait été émis le 22 décembre 2011, soit au moment du transfert du contrat de travail au sein de la SARL LA SCALA, lequel solde de tout compte est libératoire, que si une créance était reconnue, seule la SARL LA SCALA cessionnaire pourrait être retenue au paiement des sommes sollicitées et que Madame [I] [M] doit être déboutée de l'ensemble de ses prétentions.
La SARL LA SCALA conclut :
I/Sur les prétendues commissions dues à Madame [I] [M] :
à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a :
-constaté l'irrecevabilité des demandes de rappel des commissions dues pour la période du 1er avril au 20 décembre 2011 formulées à l'encontre de la SARL LA SCALA,
-constaté que l'avenant au contrat de travail revendiqué par Madame [I] [M] en date du 1er avril 2011 n'est pas opposable à la SARL LA SCALA,
-constaté que Madame [I] [M] ne rapporte aucune preuve du bien fondé de la créance revendiquée au titre de ses commissions,
-débouté Madame [I] [M] de sa demande de paiement des commissions restant dues pour la période du 1er avril au 20 décembre 2011,
II/Sur la légitimité du licenciement de la salariée pour inaptitude :
à la réformation parte in qua du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cannes le 2 juillet 2015 en ce qu'il n'a pas statué sur la demande de prescription des revendications indemnitaires de Madame [I] [M],
Sur ce, statuant à nouveau, à ce qu'il soit constaté que la demande indemnitaire de Madame [I] [M] est prescrite et irrecevable, à la confirmation parte in qua du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cannes du 2 juillet 2015 en ce qu'il a :
-constaté que le reclassement de Madame [I] [M] au sein de la SARL LA SCALA était impossible compte-tenu de son inaptitude prononcée par avis du Docteur [H] le 22 mai 2012,
-jugé que la SARL LA SCALA n'a pas manqué à son obligation de reclassement de la salariée,
-constaté que le licenciement pour inaptitude de Madame [I] [M] notifié par la SARL LA SCALA est régulier, légitime et bien fondé,
-débouté Madame [I] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
III/Sur les prétendues demandes indemnitaires de Madame [I] [M] :
à la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cannes le 2 juillet 2015 en ce qu'il a :
-constaté que le bulletin de salaire du mois de juin 2012 ainsi que l'attestation ASSEDIC produits par Madame [I] [M] paraissent irréguliers,
-constaté que Madame [I] [M] ne parvient pas à justifier du bien fondé de la créance alléguée, en ne produisant pas d'élément permettant de vérifier le chiffre d'affaires qu'elle a réalisé en 2011,
-constaté que Madame [I] [M] n'a pas contesté son solde de tout compte dans le délai de 6 mois à compter de sa date, soit le 22 décembre 2011,
-constaté que le solde de tout compte en date du 22 décembre 2011 établi par la société MARCA est donc dilatoire,
-débouté Madame [I] [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SARL MAR CA,
-jugé que la somme réclamée ne peut être fixée au passif de la SARL MAR CA,
-débouté Madame [I] [M] de ses demandes au titre :
' du paiement des commissions pour un montant de 6124,62 €, ainsi que 612,46 € au titre des congés payés,
' de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse pour un montant de 37 000€, paiement des commissions et congés payés y afférents,
' de dommages intérêts pour licenciement pour le préjudice distinct lié à la détérioration de son état de santé pour un montant de 20 000 €,
' du paiement du préavis pour un montant de 3079,91 € et des congés payés afférents pour un montant de 307,99 €,
IV/Sur les demandes reconventionnelles :
à la réformation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Cannes du 2 juillet 2015 en ce qu'il a débouté la SARL LA SCALA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande pour procédure abusive formulées à l'encontre de Madame [I] [M],
Sur ce, statuant à nouveau, à la condamnation de Madame [I] [M] à payer à la SARL LA SCALA une indemnité de 5000 € pour procédure abusive et 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La SARL LA SCALA fait valoir qu'en application de l'article L.1224-2 du code du travail, les demandes formulées à son encontre sont irrecevables puisqu'elle a repris une société placée en procédure de sauvegarde puis en redressement judiciaire, que les obligations de la concluante ne commencent donc à l'égard des salariés qu'à compter de la prise de possession effective des lieux intervenue le 22 décembre 2011, qu'il ressort du dossier de reprise communiqué par Madame [B] [B] à Maître [K] que le montant de la rémunération de Madame [I] [M] était de 1399,86 €, que Madame [I] [M] ansi que Madame [B] [B], ancienne concubine de Monsieur [H] [S] [E], lequel a été évincé de la société MAR CA et a créé sa propre société LA SCALA, ont présenté des demandes de commissionnement en faisant apparaître des documents révélés postérieurement à leur licenciement, que le bulletin de paie de juin 2012 et l'attestation Pôle emploi d'août 2012 sont frappés de nullité par défaut de pouvoir, puisque ni l'administrateur judiciaire ni le mandataire liquidateur ne sont intervenus dans la rédaction de ces documents, de sorte qu'ils doivent être écartés, que Madame [I] [M] doit être déboutée de ses demandes de rappel de commissions, que le 22 décembre 2011 la prise de possession s'est faite normalement et sans aucun incident avec les salariés, que la déclaration de Madame [I] [M] est mensongère comme cela ressort des témoignages des autres salariés, que les faits invoqués par Madame [I] [M] à l'appui de la nullité de son licenciement ne sont pas établis, que l'employeur justifie de l'impossibilité de reclassement de la salariée dans l'entreprise, que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse et que Madame [I] [M] doit être déboutée de ses réclamations.
Le CGEA de Marseille, agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, conclut à ce que soit constatée son intervention forcée et la dire bien fondée, en conséquence, à ce qu'il lui soit donné acte de ce qu'il s'en rapporte aux écritures de Maître [J] ès qualités tant sur le transfert des obligations de la SARL MAR CA à la SARL LA SCALA que sur le caractère infondé de la somme réclamée, vu les dispositions de l'article L.1244-2 du code du travail, à ce qu'il soit jugé que les obligations de la SARL MAR CA ont été transférées à la SARL LA SCALA au moment du transfert du contrat de travail de Madame [I] [M], à ce qu'il soit jugé que la somme réclamée ne peut être fixée au passif de la SARL MAR CA, subsidiairement sur le montant réclamé par Madame [I] [M] et contesté par Maître [J] : à la confirmation de la décision et au débouté de Madame [I] [M] de sa demande au titre des rappels de commissions, en tout état de cause, vu les dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail, à ce qu'il soit jugé que les sommes réclamées au titre des commissions pendant la période d'observation (entre le RJ et la LJ) seront garanties dans la limite d'un montant maximal correspondant à un mois et demi de travail, vu les dispositions de l'article L.622-28 du code du commerce, à ce qu'il soit jugé que le cours des intérêts légaux s'arrête au jour de l'ouverture de la procédure collective, à ce qu'il soit jugé que le concluant ne garantit pas la somme réclamée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à ce qu'il soit dit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre des concluants et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittance, à ce qu'il soit jugé que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement, à ce qu'il soit dit que la décision à intervenir sera déclarée opposable au concluant dans les limites de la garantie et que le concluant ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L.3253-6 et L.3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-15, L.3253-18, L.3253-19, L.3253-20, L.3253-21 et L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail et à ce qu'il soit statué ce que de droit en ce qui concerne les dépens.
Le CGEA fait valoir qu'en application de l'article L.1224-2 du code du travail, seule la société SCALA est redevable des salaires dus à la date du transfert par l'ancien employeur, que Madame [I] [M] ne verse pas de pièces justifiant du montant du chiffre d'affaires sur lequel elle se fonde pour calculer les commissions, qu'au moment de l'établissement du solde de tout compte par la société MARCA, il n'est fait état d'aucune commission, qu'il est donc surprenant que Madame [I] [M] ait attendu plus de six mois après le transfert de son contrat de travail puis son licenciement pour revendiquer des commissions acquises en 2011 et qu'elle doit être déboutée de ses réclamations.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur les commissions :
La SARL MAR CA a été créée le 17 février 1993 et son capital était réparti égalitairement entre les deux familles [B] et [E], cette répartition trouvant son explication dans l'union qui existait à l'époque entre Mademoiselle [B] [B] et Monsieur [H] [S] [E]. La rupture du couple intervenue en avril 2007 va entraîner une dégradation des relations entre les deux familles. Monsieur [G] [B], gérant de droit, a délégué la gérance à sa fille [B] [B]. Monsieur [H] [S] [E] a été licencié pour faute grave le 30 mai 2009 par la SARL MAR CA, licenciement qui a été jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse par le conseil de prud'hommes de Cannes le 23 septembre 2011.
Par jugement du 16 mars 2010, le tribunal de commerce de Cannes a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la SARL MAR CA, convertie en procédure de redressement judiciaire le 17 mai 2011. Deux offres de reprise ont été présentées au tribunal de commerce, l'une émanant de Mademoiselle [B] [B], l'autre émanant de Monsieur [H] [S] [E], gérant de la SARL LA SCALA.
Suivant jugement du 11 octobre 2011 confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 1er mars 2012, le tribunal de commerce de Cannes a ordonné la cession de la SARL MAR CA au profit de Monsieur [H] [S] [E]. Par ordonnance de référé du 15 décembre 2011, le Président du tribunal de commerce de Cannes a ordonné à la SARL MAR CA sous astreinte de procéder à la signature du procès-verbal de prise de possession. Monsieur [H] [S] [E] représentant la SARL LA SCALA est entré en possession des lieux le 21 décembre 2011.
Madame [I] [M] a été engagée en qualité d'assistante administrative et commerciale par la SARL MAR CA le 7 octobre 2010, pendant la période de sauvegarde de la société, selon contrat de travail à durée indéterminée du 11 octobre 2010 prévoyant une rémunération mensuelle nette de 1400 € pour un horaire hebdomadaire de 39 heures.
Il convient d'observer, comme souligné par la SARL LA SCALA, que dans le « dossier de reprise » établi par la SARL MAR CA, Madame [I] [M] était présentée, au sein de l'équipe administrative et commerciale, comme ayant pour fonction l' « assistance administrative » avec pour « compétences associées : technico commerciale », une ancienneté dans l'entreprise de 6 mois et une rémunération nette de 1399,86 €.
La SARL LA SCALA représentée par Monsieur [H] [S] [E], suite à sa réclamation du 16 janvier 2012 adressée à Maître [M] [K], a eu communication du bulletin de paie de décembre 2011 de Madame [I] [M], l'administrateur judiciaire précisant ne pas disposer du bulletin de salaire du mois de novembre 2011 et que le salaire brut de Madame [I] [M] « était de 2951,53 € a priori ».
La SARL LA SCALA a indiqué, par courrier recommandé du 16 janvier 2012, à Madame [I] [M] qu'elle n'avait toujours pas reçu ni d'elle-même, ni de Maître [K], « l'indication du salaire qui (lui) a été réglé en novembre 2011' Le seul élément trouvé dans (son) dossier social est un avenant à (son) contrat de travail du 1er avril 2011 mentionnant une rémunération brute de 3079,91 €' », étant précisé que des difficultés étaient apparues quant à la fixation du montant de la rémunération de la salariée sur la période du 21 au 31 décembre 2011
Il existait donc une incertitude quant au montant de la rémunération de Madame [I] [M], même si son statut de responsable administrative et commerciale n'a pas été remis en cause par l'administrateur judiciaire, qui a écrit à Madame [I] [M] le 21 décembre 2011 pour lui indiquer que « (son) contrat de travail de : Responsable administrative et commerciale-catégorie non cadre est transféré au cessionnaire, conformément aux dispositions de l'article 1224-1 du code du travail à compter du 21 décembre 2011 à 0H ».
Maître [M] [K] a écrit le 2 avril 2012 à Monsieur [Z] [B] en sa qualité de dirigeant de droit de la SARL MAR CA, pour lui indiquer : « Par ailleurs, j'ai été informé qu'un avenant aurait été signé en date du 1er avril 2011 au bénéfice de Madame [M], portant sa rémunération de 1399 € à 3078 €, outre une partie variable !
Cette information n'aurait pas été portée à la connaissance du repreneur, ni de moi-même.
Je vous saurais gré, en conséquence, de m'adresser une copie de cet avenant, ainsi qu'une note justifiant d'une telle augmentation en période d'observation' ».
L'avenant au contrat de travail dont il s'agit et que le repreneur a trouvé dans le dossier social de Madame [I] [M], à l'exclusion de tout bulletin de paie, est daté du 1er avril 2011 et prévoit que la salariée exercera « ses fonctions de responsable administrative et commerciale de terrain à compter du 1er avril 2011 » et bénéficie « d'un salaire mensuel brut fixé comme suit :
-une part fixe de 3079,91 € pour un horaire hebdomadaire de 39h (151.67*17.769+ 17.33*17.769*1.25)
-une part variable qui correspond à une commission sur le chiffre d'affaires annuel réalisé, 2 % jusqu'à 1 000 000 €, 9 % au-delà'
Sera exclu du chiffre d'affaires retenu pour le calcul de la commission, le chiffre d'affaires réalisé par Mlle [B] [B] ainsi que le chiffre d'affaires pour lequel la marge brute moyenne est inférieure à 60 %, on entend par marge brute le prix de vente HT, façonnage et pose comprise, auquel on déduit le prix d'achat HT des matières premières.
L'avenant au contrat intervenant le 01 avril 2011, pour la première année, le chiffre d'affaires pris en compte sera celui réalisé à compter du 01.04.2011 et la commissions sera de 2 % jusqu'à 750 000 € et 9 % au-delà.
Des acomptes sur la commission seront versés semestriellement et la régularisation aura lieu sur le salaire du mois de janvier de l'année suivante au plus tard ».
Madame [I] [M] a donc bénéficié d'une augmentation de son taux horaire brut passant de 9,957 € à 17,769 € à partir du 1er juillet 2011 (elle a perçu un taux horaire brut de 17,071 € d'avril à juin 2011, non conforme à l'avenant du 1er avril 2011). Cette augmentation de rémunération de la salariée intervient alors que la SARL MAR CA avait été placée en procédure de sauvegarde depuis le 16 mars 2010, convertie en procédure de redressement judiciaire à partir du 17 mai 2011, et que l'exploitation de la société était devenue déficitaire depuis août 2010 (depuis même 2009 selon le « détail des comptes de résultat » de la SARL MAR CA produit en pièce 4 par la SARL LA SCALA) et son passif estimé à 353 000 € selon les termes du jugement du tribunal de commerce de Cannes en date du 11 octobre 2011.
Monsieur [Z] [B], dirigeant de droit de la SARL MAR CA, a répondu le 17 avril 2012 au courrier du 2 avril 2012 de Maître [M] [K], en justifiant l'augmentation de la rémunération de Madame [I] [M], sans évoquer pour autant un droit de la salariée à commissionnement.
Madame [I] [M] réclame le paiement de commissions sur le fondement, outre de l'avenant au contrat de travail du 1er avril 2011, d'un bulletin de paie du mois de juin 2012 établi par la SARL MAR CA et mentionnant le paiement de commissions sur chiffre d'affaires d'un montant brut de 6124,62 € et de congés payés afférents et de l'attestation Pôle emploi établie le 2 août 2012 par la SARL MAR CA, mentionnant le versement de commissions d'un montant de 6737,08 € (commissions + congés payés afférents), commissions dues sur la période du 1er avril 2011 au 20 avril 2012. La salariée verse également un certificat de travail établi par la SARL MAR CA représentée par Monsieur [Z] [B] en qualité de gérant, sur sa période d'emploi du 7 octobre 2010 au 20 décembre 2011.
Même si Madame [I] [M] soutient que le bulletin de paie a été établi par la SARL MAR CA en juin 2012, elle ne verse aucun élément quant à sa date de remise, l'attestation Pôle emploi et le certificat de travail étant quant à eux datés du 2 août 2012. Eu égard à la date de délivrance des documents de fin de contrat et à la date à laquelle Madame [I] [M] a réclamé pour la première fois auprès de Maître [J], par lettre recommandée du 6 août 2012, le paiement de commissions en adressant au mandataire liquidateur, outre la copie de son avenant à son contrat de travail, l'attestation ainsi que le bulletin de paie aux fins de justifier du montant des commissions réclamées, la Cour en déduit que le bulletin de paie de juin 2012 a été établi à la date du 2 août 2012.
Or, à la date du 2 août 2012, la SARL MAR CA était placée en liquidation judiciaire suite au jugement du tribunal de commerce de Cannes en date du 10 juillet 2012 et elle était donc dessaisie dans tous les actes concernant l'administration et la disposition de ses biens. Seul le mandataire liquidateur, exerçant pendant toute la durée de la liquidation judiciaire les droits et actions de la SARL MAR CA et devant répondre des obligations auxquelles la société était tenue, était habilité à délivrer à Madame [I] [M] un bulletin de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi.
En conséquence, le bulletin de paie de juin 2012 et l'attestation Pôle emploi du 2 août 2012 produits par la salariée sont entachés d'irrégularité puisque non établis par le représentant légal de la SARL MAR CA, à savoir Maître [V] [J] ès qualités de mandataire liquidateur.
Au surplus, il convient d'observer que Madame [I] [M] réclame un commissionnement sur un chiffre d'affaires de 306 230,83 €, alors qu'il était contractuellement prévu que devait être exclu du chiffres d'affaires retenu pour le calcul de sa commission le chiffre d'affaires réalisé par Mademoiselle [B] [B], laquelle a formulé une réclamation parallèlement à celle de Madame [I] [M] en paiement de commissions, sur 2009 et 2010, pour un montant de 160 983,85 € (commissionnement de 10 %) correspondant à un chiffre d'affaires de 1 609 385 €. Or, la production vendue s'est élevée à 1 775 562 € sur 2009 et 2010 (et les achats de matières premières à 523 773 €), en sorte qu'il ne ressort pas des éléments versés aux débats que la salariée a réalisé sur 2010 un chiffre d'affaires commissionable pour lequel la marge brute moyenne est égale ou supérieure à 60 % (marge brute obtenue après déduction du prix d'achat des matières premières).
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [I] [M] de sa demande en paiement de commissions et de congés payés afférents.
Sur le licenciement :
La SARL LA SCALA invoque en premier lieu la prescription des revendications indemnitaires de Madame [I] [M] en ce qu'elles ont été faites pour la première fois le 10 juillet 2014, postérieurement à l'introduction de la requête du 6 février 2013 concernant exclusivement des demandes de rappel de commissions, soit deux ans après la lettre de licenciement reçue par la salariée le 15 juin 2012.
Cependant, le délai de prescription de deux ans, prévu à l'article L.1471-1 du code du travail, s'applique aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, date de promulgation de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. En conséquence, l'action de Madame [I] [M] n'est pas prescrite.
Madame [I] [M], qui affirme avoir été victime, le jour de la prise de possession par le repreneur, de violences verbales de la part du père de Monsieur [H] [S] [E] et avoir été de ce fait en arrêt de travail à partir du 23 décembre 2011 pour état dépressif, soutient que son inaptitude résulte du comportement fautif de son nouvel employeur et que son licenciement est en conséquence dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Elle produit les éléments suivants :
-un courrier du 23 décembre 2011 adressé par la salariée à Maître [K] en ces termes :
« J'ai le regret par la présente de vous informer des faits suivants intervenus le jeudi 22 décembre 2011.
Hier matin, jour où Monsieur [S] [E] est arrivé à la société Mac ca nouvellement la Scala, donc mon nouveau patron, j'ai eu à déplorer ce qui suit :
alors que j'étais à mon poste de travail et en communication téléphonique, j'ai vu arriver un homme qui a débuté son entrée en matière par des propos en hurlant : « ils sont où ', la boss elle est où ' Il est où le gérant ' ». Il a continué en me hurlant dessus et toujours sans se présenter en me vociférant et en tapant du poing sur le comptoir, combien il y avait de portables dans la société. J'ai à peine eu le temps de répondre 3 portables, qu'il a continué en hurlant qui ' qui ' J'ai encore une fois à peine eu le temps de répondre [T] [F] qu'il a continué dans sa furie hurlante et toujours en tapant des poings. Qu'il savait que la puce du portable d'[T] [F] avait été récupérée, j'ai continué en nommant une ligne au nom de M. [B], et une ligne que j'utilisais moi-même comme mon outil de travail. Il exigea que je lui restitue mon portable sur le champ. L'ayant malheureusement oublié à mon domicile, il a continué dans sa voix tonitruante est toujours Insultants d'aller immédiatement le récupérer, car allaient arriver les huissiers. J'en ai déduit qu'il s'agissait du père de mon nouveau patron M. [E] [W].
Je suis allée récupérer à mon domicile la puce de mon portable'
Malgré mon état, suite à cette épouvantable altercation qui m'a profondément affectée, je suis revenue à la Société terrorisée et tétanisée. J'ai essayé de reprendre mon travail mais le harcèlement sur ma personne a continué en la personne de [D] [N] [E], qui m'a reproché d'avoir falsifié des factures et des bons de livraison en les antidatant'
Elle a également remis en doute ma fonction en contrôlant mon contrat de travail.
Cette journée a été pour moi très éprouvante et violente, un vrai cauchemar !' ».
-un certificat médical du docteur [O] [G] du 23 décembre 2011 qui certifie : « avoir examiné ce jour Madame [I] [M] qui me dit avoir été agressée verbalement et insultée par son employeur le 22.12.2011. Cette patiente se présente à mon cabinet, en état de choc émotionnel, avec crise d'angoisse nécessitant un traitement anxiolytique pendant quelque temps et un arrêt de travail de 10 jours à compter de ce jour », l'avis d'arrêt de travail initial du 23 décembre 2011 mentionnant un « état anxio-dépressif suite à des problèmes professionnels. Doit voir le médecin du travail » et les arrêts de travail de prolongation,
-divers courriers de réclamation : courrier du 10 janvier 2012 de réclamation de son salaire de décembre 2011, courrier du 30 janvier 2012 de demande de rectification du bulletin de paie de décembre 2011 (rectification de l'intitulé de sa fonction, rectification de son adresse) et demandes d'explication sur le calcul des indemnités journalières versées et de paiement de l'indemnité complémentaire conventionnelle, courrier du 14 février 2012 de demande de rectification des bulletins de paie de décembre 2011 et janvier 2012, courrier du 13 mars 2012 de demandes de rectification concernant son salaire au titre de 169 heures (et non 151,67) et sa qualification, de dénonciation du retard dans la délivrance du bulletin de paie de février, la salariée indiquant que :
« compte tenu de toutes ces irrégularités et de leur persistance dans le temps, je ne peux que constater de votre part une attitude visant à fragiliser encore davantage ma situation, ce qui est inacceptable de la part d'un employeur responsable' », courrier du 15 mai 2012 réclamant son salaire du mois d'avril, courrier du 12 juin 2012 indiquant à l'employeur que la CPAM n'avait toujours pas reçu de sa part la déclaration de l'attestation de salaire suite à son arrêt de travail du 4 mai au 3 juin,
-La fiche de visite de reprise en date du 3 mai 2012 dans laquelle le médecin du travail conclut :
« inapte définitif. 1ère visite (article R4624-31 du code du travail). Inapte définitif aux postes de responsable administrative et responsable commerciale tels que configurés dans l'entreprise. Inaptitude prononcée en une seule visite comme le prévoit l'article R4624-31 en cas d'impossibilité de maintien dans l'emploi de la salariée du fait du danger immédiat pour la santé pour la salariée que constituerait ce maintien. À reclasser hors de l'entreprise ou dans un autre établissement de l'entreprise s'il existe »,
-le courrier du 22 décembre 2011 adressé par Monsieur [Y] [Q], chef d'atelier et représentants des salariés dans le cadre de la procédure collective, à Maître [M] [K], pour lui indiquer : « Ce jour 22 décembre 2011 :
-une salariée, Madame [I] [M], a été agressée verbalement par la nouvelle direction. Elle a également subi une intimidation physique (coups violents portés sur son bureau) et il lui a été sur le champ retiré un élément essentiel de son outil de travail, à savoir le téléphone portable mis à sa disposition par la société pour ses tâches commerciales et de relations clients'
C'est pourquoi je suis plus qu'inquiet quant à la bonne fin de la reprise du fonds de commerce de MAR CA par Mr [E], si dès son arrivée il met en place un harcèlement pour empêcher une salariée de travailler' »,
-un procès verbal de notification de rappel à la loi du 23 janvier 2012, dont il ressort que Monsieur [W] [E] a reçu de l'Officier de Police Judiciaire, conformément aux instructions reçues de l'Officier du Ministère Public près le tribunal de police de Cannes, un rappel à la loi pour avoir, au sein de la société MARCA le 22 décembre 2011 « commis l'infraction suivante : injure non publique, en l'espèce : avoir traité Mlle [I] [M] de connasse, lui avoir dit de bouger son cul et lui avoir fait des reproches de façon agressive ».
La SARL LA SCALA produit en réplique une attestation du 16 décembre 2013 de quatre salariés ([T] [V], [L] [L], [R] [K], [X] [A]) relative au commissionnement principalement de Mademoiselle [B] [B], une attestation du 4 janvier 2012 des mêmes quatre salariés qui indiquent que « contrairement aux affirmations de Mr [Q] [Y], Mr [E] a rassuré l'ensemble des salariés pour l'avenir de leur emploi au sein de la Sarl la SCALA. Cette reprise s'est faite sans aucun incident mais de façon rassurante. Il n'y a eu aucune altercation avec Madame [M] comme peut en témoigner en pièce jointe Mlle [L] [L]. En effet, lors des courts entretiens entre Mme [M] et Mr [E] [W] ou Mlle [D] [N] [E], la secrétaire Mlle [L] [L] était présente et dément toutes agressions verbales, intimidations physiques ou harcèlement à l'encontre de Mme [M]. Nous joignons à la présente l'attestation faite par Mlle [L] [L]' » (il ressort de cette attestation que seule Madame [L] [L] était présente lors des faits dénoncés par Madame [I] [M]), l'attestation du 4 janvier 2012 de Madame [L] [L], salariée de l'entreprise « présente lors de la visite de Monsieur [E] [W] et ensuite de Madame [E] [D] [N] le 22 décembre 2011 », qui rapporte : « il n'y a eu aucune altercation avec Madame [M]. Elle n'était pas seule, j'étais présente dans le bureau. Monsieur [W] [E] s'est entretenu avec Madame [M] et moi-même environ 10 minutes, il n'a fait preuve d'aucune agression verbale ou intimidation physique à l'encontre de Madame [M]. Il lui a simplement parlé sur un ton ferme, mais sans aucune agressivité. De même que, lors de l'entrevue avec Madame [D] [N] [E], cette dernière a été rassurante et n'a exercé aucun harcèlement vis-à-vis de Madame [M]. Le 23 décembre 2011 j'ai été entendu par la gendarmerie de Mouans-Sartoux en tant que témoin des faits reprochés à Monsieur [E] [W] par Madame [M] et j'ai indiqué qu'il n'y avait eu aucune agression verbale ou intimidation physique ni agressivité » et un arrêt de la 8ème chambre de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 1er mars 2012 ayant confirmé le jugement du tribunal de commerce de Cannes du 11 octobre 2011 arrêtant le plan de cession de la SARL MAR CA et relevé que « dans des attestations récentes du 4 janvier 2012 quatre des sept salariés concernés affirment que [H] [S] [E] les a rassurés et que la reprise s'est faite sans incident ; que doivent également être relativisés, au vu notamment de ces quatre attestations, des témoignages antérieurs rapportant des violences verbales de la part du père de [H] [S] [E] et de ce dernier lui-même avant son licenciement, aucune certitude ne pouvant être acquise au vu du dossier quant à l'incapacité de [H] [S] [E] à diriger l'entreprise alors que pour le surplus il n'est pas contesté que, sur le plan technique, il est un spécialiste de la branche' ».
L'attestation versée par l'employeur de Madame [L] [L], présente lors des faits du 22 décembre 2011, est cependant insuffisante à contredire l'appréciation faite par le représentant du Ministère Public, au vu de l'enquête de gendarmerie, de la réalité de l'infraction commise par Monsieur [W] [E], père du nouvel employeur, qui a injurié Madame [I] [M] le 22 décembre 2011 sur son lieu de travail, la traitant de « connasse », lui disant de « bouger son cul» et lui faisant « des reproches de façon agressive », infraction qui a été sanctionnée par un rappel à la loi le 23 janvier 2012.
En conséquence, il est établi que Madame [I] [M], le jour de la reprise de l'activité par la SARL LA SCALA le 22 décembre 2011, a été injuriée et traitée agressivement par le père de son nouvel employeur sur son lieu de travail et dans le cadre de l'exercice de ses fonctions.
Il s'agit là d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de protection de la santé de la salariée, laquelle a été placée immédiatement en arrêt de travail alors qu'elle se trouvait « en état de choc émotionnel, avec crise d'angoisse nécessitant un traitement anxiolytique... », arrêt de travail prolongé pour un état anxio-dépressif qui a conduit le médecin du travail à conclure le 3 mai 2012 à l'inaptitude définitive de la salariée à tout poste dans l'entreprise en une seule visite médicale du fait du danger immédiat pour la santé de la salariée.
Il s'ensuit que l'arrêt de travail de Madame [I] [M] et l'inaptitude qui s'en est suivie résultent du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Par conséquent, le licenciement de Madame [I] [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient de faire droit à la réclamation de la salariée au titre du préavis, eu égard à son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de lui accorder la somme brute de 3079,91 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme brute de 307,99 € au titre des congés payés y afférents.
Madame [I] [M] produit des relevés d'indemnisation du Pôle emploi de juin 2012 à février 2013 (1785,60 € d'indemnités versées en janvier 2013, 1612,80 € d'indemnités versées en février 2013) et des bulletins de salaire établis par la société MICHELATO WALTER, par laquelle elle est embauchée en qualité d'assistante comptable et commerciale à temps partiel pour une rémunération mensuelle brute de 953,37 €. Elle ne verse pas d'autre élément sur l'ensemble de ses ressources.
En considération des éléments fournis sur son préjudice, de l'ancienneté de la salariée inférieure à deux ans dans l'entreprise et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Madame [I] [M] la somme de 9 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au vu des éléments médicaux versés par Madame [I] [M], la Cour constate qu'elle a subi un préjudice distinct résultant de la dégradation de son état de santé, qui sera réparé par l'allocation de 3000 € à titre de dommages intérêts.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif, au bénéfice de Madame [I] [M] et au bénéfice de Maître [E] [S] ès qualités de mandataire ad hoc.
L'équité n'impose pas qu'il soit fait application, au cas d'espèce, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du mandataire liquidateur de la SARL MAR CA.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté Madame [I] [M] de sa demande en paiement de commissions et de congés payés afférents, en ce qu'il a constaté qu'aucune demande n'était formulée à l'encontre de Maître [E] [S] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL MAR CA et en ce qu'il a débouté Madame [I] [M] de ses demandes dirigées à l'encontre de la SARL MAR CA représentée par son mandataire liquidateur,
Le réforme pour le surplus,
Condamne la SARL LA SCALA à payer à Madame [I] [M] :
-3079,91 € brut d'indemnité compensatrice de préavis,
-307,99 € brut de congés payés sur préavis,
-9000 € de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3000 € de dommages intérêts pour préjudice distinct lié à la détérioration de son état de santé,
Condamne la SARL LA SCALA à payer à Maître [E] [S] ès qualités de mandataire ad hoc de la SARL MAR CA la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL LA SCALA aux dépens de première instance et d'appel et à payer à Madame [I] [M] 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS,
Rejette toute autre prétention.
Le greffier Madame Ghislaine POIRINE,
Conseiller, pour le président empêché