COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2017
N° 2017/76
Rôle N° 15/05606
[Y] [E]
[W] [L]
C/
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Grosse délivrée
le :
à : Me TAVITIAN
Me STRATIGEAS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 19 Mars 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 12/08056.
APPELANTS
Madame [Y] [E]
née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Serge TAVITIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [W] [L]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2],
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Serge TAVITIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée et assistée de Me Jean-christophe STRATIGEAS de la SELARL CADJI & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Février 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre, magistrat rapporteur
Mme Françoise DEMORY-PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence (le Crédit Agricole) a consenti à la SARL Goupe Centrale Automobiles (GCA) divers concours garantis par le cautionnement solidaire de Mme [Y] [E].
Selon acte sous seing privé du 22 décembre 2008, le Crédit Agricole a également consenti à la SARL GCA une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 90 000 euros garanti par un engagement de caution solidaire de Mme [Y] [E] et de M. [W] [L], dans la limite de 108 000 euros par acte sous seing privé du même jour.
Le Crédit Agricole a dénoncé cette ouverture de crédit par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 juillet 2011 à l'issue d'un préavis de 60 jours.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mars 2012, le Crédit Agricole a mis en demeure la débitrice principale et les cautions d'avoir à régler la somme de 96 019,39 euros due au titre de cette ouverture de crédit.
Faute de règlement le Crédit Agricole a fait assigner les cautions devant le tribunal de grande instance de Marseille.
Par ordonnance du 17 avril 2014, le juge de la mise en état a sursis à statuer sur les demandes dirigées contre Mme [Y] [E] dans l'attente de l'arrêt définitif de la Cour d'appel d'AIX EN PROVENCE concernant l'affaire enrôlée devant elle sous le N° RG 12/22488 (action en responsabilité contre la banque exercée par Mme [Y] [E]) et dit que l'affaire se poursuivrait contre M. [W] [L].
Par jugement du 19 mars 2015, le tribunal de grande instance de Marseille a statué en ces termes :
- CONDAMNE M. [W] [L] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE la somme de 96.019,39 € (quatre vingt seize mille dix-neuf euros et 39 cents) majorée des intérêts au taux conventionnel postérieurs au 26 mars 2012, en exécution de l'engagement de caution solidaire garantissant le fonctionnement du compte courant n° 28864123000 ouvert au nom du GROUPE CENTRALE AUTOMOBILES.
- DÉBOUTE M. [L] de ses contestations portant sur la disproportion de son engagement de caution eu égard à ses revenus et patrimoine.
- DIT M. [L] irrecevable en ses contestations des sommes objet de virements du compte ouvert au nom du GROUPE CENTRALE AUTOMOBILES à diverses sociétés pour cause de forclusion.
- CONDAMNE M. [L] à payer la somme de 2.000 € (deux mille euros) à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNE M. [L] aux dépens
- ORDONNE l'exécution provisoire.
Mme [Y] [E] et M. [W] [L] ont interjeté appel le 3 avril 2015.
Vu les conclusions des consorts [E]-[L] du 30 janvier 2017 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
- Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;
Et, statuant à nouveau,
À titre principal
Vu 1'Article L341-4 du Code de la consommation
Dire et juger que l'engagement de caution souscrit par Monsieur [L] était manifestement disproportionné à ses biens et revenus
Par conséquent,
Dire et juger que le CRÉDIT AGRICOLE ne peut se prévaloir de ces engagements ;
Débouter le CRÉDIT AGRICOLE de l'ensemble de ses demandes, 'ns et prétentions,
En tout état,
Dire et juger que les demandes du CRÉDIT AGRICOLE devront être diminuées du montant des prélèvements opérés sans autorisation sur le compte courant de la Société GROUPE CENTRALE AUTOMOBILES, soit la somme de 94.123,26 euros ;
Condamner le CRÉDIT AGRICOLE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence du 31 janvier 2017 aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Dire qu'il n'existe aucune disproportion manifeste concernant les actes de cautionnement de Monsieur [W] [L] et ses capacités financières.
Dire que Monsieur [W] [L] es qualité de caution, ne peut valablement contester l'absence de consentement de la société cautionnée aux prélèvements sur son compte bancaire s'agissant d'une exception purement personnelle au débiteur principal.
Dire que le montant des créances est définitif au regard du jugement du 23 octobre 2012 revêtu de l'autorité de la chose jugée.
Dire que la société GROUPE CENTRALE AUTOMOBILES a consenti aux opérations débitées sur son compte bancaire pendant plusieurs années.
Dire et juger irrecevable comme forclose et injustifiée la demande de remboursement formulée tardivement pour la première fois le 15 mai 2013 par Madame [Y] [E] et Monsieur [W] [L] relatives aux opérations débitées sur le compte bancaire de la société cautionnée.
Rejeter l'appel principal comme mal fondé.
Débouter les appelants principaux de toutes leurs demandes.
Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a jugé que l'absence de consentement de la société cautionnée aux prélèvements sur son compte ne constituait pas une exception qui n'est pas purement personnelle au débiteur principal.
Y ajoutant,
Condamner Monsieur [W] [L] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE la somme de 3.000,00 EUR au titre de l'indemnité de procédure.
Le condamner aux entiers dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
- Sur la disproportion :
En application de l'article L341-4 devenu l'article L332-1 du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation
Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement, dont la preuve incombe à la caution, s'apprécie au regard, d'une part, de l'ensemble des engagements souscrits par celle-ci et, d'autre part, de ses biens et revenus, sans tenir compte des revenus escomptés de l'opération garantie et, sauf anomalies apparentes, le créancier professionnel n'a pas l'obligation de vérifier l'exactitude des déclarations de la caution.
Sur la fiche de renseignements sur la situation de la caution, établie le même jour que son engagement, M. [W] [L] n'a fait figurer que sa fonction de gérant et associé de la SARL GCA, sans y porter une quelconque rémunération, et le chiffre d'affaires réalisé en 2007, soit 2 545 000 euros. Contrairement à ce qu'il soutient, la valeur de ses parts sociales et son compte courant d'associé doivent être pris en considération au titre de son patrimoine.
La valeur des parts sociales de la SARL GCA ne peut être réduite aux seuls capitaux propres de la dite société dont la valeur s'apprécie non seulement au regard des éléments comptables, mais également au regard de la valeur du fonds de commerce exploité.
Il ne conteste pas non plus disposer d'une créance en compte courant de 57 195 euros au titre de l'exercice 2007, les pièces comptables relatives à l'année 2008, n'ayant pas été produites.
Il résulte des pièces produites aux débats qu'il a déclaré en 2008 des revenus de capitaux mobiliers pour un montant total de 16 250 euros et des revenus fonciers nets d'un montant de 10 080 euros. Il ne justifie pas de la valeur du bien immobilier pour lequel il a perçu ces revenus.
Il explique qu'il s'agit d'un « montage financier » aux termes duquel il sous-louait une pièce de son habitation à la SARL GCA, mais comme le fait justement remarquer le Crédit Agricole, ce « loyer » ne figure pas dans la comptabilité de la SARL GCA et il n'est même pas justifié de la réalité de cette sous-location.
De même il indique n'être qu'hébergé par un ami à [Localité 3], ce qui est contradictoire avec l'affirmation précédente, puisqu'il n'aurait pu, à ce titre « sous-louer » une pièce de son habitation à la SARL GCA et contradictoire avec les mentions de son avis d'imposition.
Au regard de la valeur des parts sociales de la SARL GCA, même valorisées a minima à la somme de 27 711 euros comme le soutient l'appelant, de ses revenus de capitaux mobiliers et fonciers, de sa créance en compte courant, l'engagement de caution n'est pas manifestement disproportionné et le jugement doit être confirmé de ce chef.
- Sur le montant réclamé :
M. [W] [L] soutient que la banque a commis une faute en procédant à des virements vers des sociétés tierces, sans autorisation et que le montant de ces prélèvements doit venir en déduction de sa créance.
Le Crédit Agricole soutient au contraire qu'il s'agit d'une exception purement personnelle au débiteur principal, que la caution n'est pas fondée à soulever, que le montant de sa créance a définitivement été fixé par jugement du tribunal de commerce de Toulon du 23 octobre 2012 et qu'en tout état de cause la SARL GCA a consenti aux prélèvements.
C'est à juste titre que le premier juge a énoncé qu'il ne s'agissait pas d'une exception personnelle au débiteur mais d'une exception inhérente à la dette que la caution est fondée à opposer au créancier.
En application de l'article L133-24 du code monétaire et financier, la SARL GCA disposait d'un délai de forclusion de 13 mois pour contester ces opérations. Si ce délai a pu être interrompu par les courriels échangés le 3 mars 2001 par lesquels la gérante de la SARL GCA sollicitait des renseignements sur ces opérations, un nouveau délai de 13 mois a couru à compter de cette date. Or la contestation des virements litigieux n'a été opérée que par les conclusions du 15 mai 2013 et la forclusion est par conséquent encourue.
Le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Marseille du 19 mars 2015,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [W] [L] à payer à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de deux mille euros,
Condamne M. [W] [L] aux dépens l'instance d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT