COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 06 AVRIL 2017
N°2017/ 191
Rôle N° 15/11221
SCI STEPHINI
C/
[I] [J]
Société LANDSBANKI LUXEMBOURG SA
Grosse délivrée
le :
à :
SCP BADIE
Me CARDONA
SCP ERMENEUX
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge Commissaire du Juge commissaire de GRASSE en date du 11 Juin 2015 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/299.
APPELANTE
SCI STEPHINI,
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Maître [I] [J]
Agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI S TEPHINI.
né le [Date naissance 1] 1964 à , demeurant Mandataire judiciaire - [Adresse 2]
représenté par Me Valérie CARDONA, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Axelle TESTINI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Société LANDSBANKI LUXEMBOURG SA,
dont le siége social est [Adresse 3]
représentée par Me Agnès ERMENEUX-CHAMPLY de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Marie-Christine MERGNY, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Yves ROUSSEL, Président, et Madame Catherine DURAND, Conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Yves ROUSSEL, Président rapporteur
Madame Catherine DURAND, Conseiller
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame France-Noëlle MASSON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Avril 2017.
Signé par Monsieur Yves ROUSSEL, Président et Madame France-Noëlle MASSON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La société Landsbanki a consenti à la société GD Invest un prêt de 2 775 000 €, suivant acte sous seing privé en date du 15 mars 2007, assorti d'une garantie par affectation hypothécaire de deux appartements, l'un situé au [Localité 1] (Alpes-Maritimes) et l'autre à [Localité 2] (Alpes-de-Haute-Provence), propriété de la SCI Stephini, sa filiale.
Elle lui a accordé un second prêt, le 6 août 2007, portant sur la somme de 2.300.000 €, garanti notamment par la caution hypothécaire de la SCI la Petite Roseraie.
Par jugement du 6 mai 2011, la société GD Invest a été déclarée en faillite par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg et Me [E] [M] a été désignée en qualité de curateur.
Le 19 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Grasse a ouvert la liquidation judiciaire de la SCI Stephini.
Par lettre recommandée AR du 13 mars 2014, la société Landsbanki a déclaré une créance de 6 114 735,55 euros, à titre privilégié au passif de la SCI Stephini.
Cette déclaration de créance a été contestée en la forme et au fond par la SCI Stephini.
Par ordonnance en date du 11 juin 2015, le juge-commissaire à la procédure collective de la SCI Stephini a dit que la déclaration de créance du 13 mars 2014 faite par la société Landsbanki au passif de cette société était régulière en la forme, jugé que les contestations élevées au fond étaient inhérentes à la dette et non personnelles à la caution hypothécaire et dit en conséquence que la banque était fondée à opposer l'autorité de la chose jugée par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg le 6 mai 2013 ayant admis sa créance au passif de la SA GD Invest débitrice principale pour un montant de 5 171 079, 71 euros, ordonné la réouverture des débats à l'audience du vendredi 3 juillet 2015 à 11 heures et invité les parties à conclure sur l'incidence du montant limité à la somme de 180 000 euros et 600 000 euros en fonction des biens immobiliers affectés hypothécairement sur le montant de l'admission des diverses créances de la SCI Stephini.
La SCI Stephini a fait appel de cette ordonnance par déclaration en date du 19 juin 2015.
Vu ses conclusions déposées et notifiées le 18 septembre 2015,
Elle demande à la cour de la recevoir en son appel d'infirmer l'ordonnance dont appel, de dire qu'il y a lieu de surseoir à statuer sur l'admission de la créance de la société Landsbanki à son passif, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale en cours d'instruction au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, subsidiairement, vu l'offre transactionnelle de l'intimée à GD Invest à hauteur de la somme de 2045750 € somme mise à disposition du débiteur principal, dire que la déclaration de créance du 13 mars 2014 est irrégulière, du fait de l'absence d'élection de domicile en France, de l'absence de la mention de la représentation de l'appelante par son liquidateur judiciaire, au fond, juger que la banque est infondée à opposer l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal d'arrondissement de Luxembourg du 6 mai 2013 ayant admis sa créance au passif de la SA GD Invest débitrice principale pour un montant de 5171079, 71 euros, GD Invest ayant été victime de man'uvres frauduleuses de la part de la Landsbanki SA et qu'elle entend se constituer partie civile dans le cadre de instruction 2069/10/07 Pôle financier du TGI de Paris, juger que la SCI Stephini est parfaitement à même de contester utilement les montants déclarés se constituant partie civile dans le cadre de l'instruction 2069/10/07 Pôle financier du TGI de Paris, condamner la société Landsbanki Luxembourg à payer à la SCI Stephini la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens.
La société Stephini fait valoir que la Landsbanki Luxembourg SA, filiale à 100% de la société de droit islandais Landsbanki Island HF, en faillite, a mis en place un système destiné à tromper la clientèle à seule fin de se constituer frauduleusement des actifs ; que, dans le cadre d'un montage financier de type « Equity Release », elle a accordé un prêt bien supérieur aux besoins de l'emprunteur, assorti d'un placement de 75% du montant du prêt sur un compte-titre ouvert dans ses livres et nanti à son profit, ce qui lui a permis d'augmenter artificiellement ses fonds propres et d'investir dans des sociétés ou établissements financiers à son gré, alors qu'elle savait que sa situation financière était compromise; qu'en engageant la société GD Invest à emprunter en contrepartie de garanties données par la SCI Stephini, sachant que la valeur du portefeuille acquis à l'aide de ce prêt allait diminuer et qu'elle devrait réaliser le nantissement des parts sociales, elle a commis un abus de confiance ou une escroquerie, délits réprimés par le code pénal ; qu'elle a d'ailleurs été mise en examen par le juge d'instruction parisien [Z] [C] le 21 octobre 2011 du chef d'exercice illégal de l'activité de prestataire de services et d'investissement en France et pour escroquerie courant 2006 à 2008 en France, tandis que Me [B] nommée liquidatrice de la Landsbanki Luxembourg SA en liquidation a été mise en examen au [Localité 3] du chef de blanchiment, faux bilans et association de malfaiteurs.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 16 novembre 2015 par Me [I] [J], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Stephini,
Il demande à la cour de le recevoir en son appel incident, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCI Stephini, de prendre acte de ce qu'il considère que la procédure pénale en cours peut avoir une influence sur le bien-fondé de la créance déclarée par la banque au passif de la SCI Stephini, en sa qualité de caution hypothécaire de la société GD Invest, débiteur principal, de prendre acte de ce qu'il s'en rapporte à justice quant à la demande de sursis à statuer, au fond de prendre acte de sa proposition de rejet total de la créance déclarée, compte tenu de l'irrégularité tenant à l'auteur de la déclaration de créance, d'infirmer l'ordonnance dont appel, de prendre acte, subsidiairement de ce qu'il s'en rapporte à justice quant aux contestations formulées par le débiteur au titre du bien-fondé de la créance, compte tenu de l'adage « la fraude corrompt tout », dans tous les cas condamner la banque Landsbanki à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu les conclusions déposées et notifiées le 17 novembre 2015 par la société Landsbanki,
Elle demande à la cour de débouter la SCI Stephini de sa demande de sursis à statuer, de confirmer l'ordonnance dont appel, de juger que les déclarations de créance du 13 mars 2014 sont régulières et que les déclarations rectificatives pouvaient être produites hors délai, de constater que sa créance au passif de la société GD Invest, débitrice principale a été admise pour un montant de 5.171.079,71 € par jugement définitif du 24 mai 2013 du tribunal d'arrondissement de Luxembourg, le liquidateur de GD Invest y ayant explicitement acquiescé, de constater, en conséquence, que ce jugement est passé en force de chose jugée, de dire qu'il a l'autorité de la chose jugée à l'égard de la caution et de juger fondée sa demande d'admission des créances déclarées au passif de la liquidation judiciaire de la SCI Stephini, de la débouter de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 8 février 2017.
SUR CE, LA COUR,
1. La SCI Stephini fait valoir qu'elle vient de déposer plainte et se constituer partie civile dans le cadre de l'information judiciaire ouverte au pôle financier du tribunal de grande instance de Paris à l'encontre de la Landsbanki SA en liquidation; qu'elle a fait demander par son conseil, au liquidateur de GD Invest, Me [M], de prendre les mesures propres à permettre une constitution de partie civile dans le cadre de cette information et que de nombreuses décisions de justice ont ordonné la suspension de procédure de saisie-immobilière engagée par la Landsbanki Luxembourg SA.
Elle demande à la cour de surseoir à statuer par application de l'article 378 du code de procédure civile, dans l'attente de l'issue de la procédure pénale ouverte au cabinet de M. [Z] [C], juge d'instruction le 21 octobre 2011 du chef d'exercice illégal de l'activité de prestataire de services et d'investissement en France et pour escroquerie courant 2006 à 200.
2. Mais, elle ne justifie ni d'un dépôt de plainte, ni d'une constitution de partie civile auprès du juge d'instruction pouvant légitimer une décision de sursis à statuer en rapport avec l'information judiciaire ouverte à Paris, dont, au demeurant la société Landsbanki indique qu'elle est achevée par une ordonnance qui l'a renvoyée devant le tribunal correctionnel, comme la presse s'en est fait l'écho. Il n'est, par ailleurs, en rien justifié d'une initiative prise par le liquidateur luxembourgeois de la société GD Invest, en vue de parvenir à un dépôt de plainte ou à une constitution de partie civile.
De plus, la situation présente s'inscrit dans un contexte autre que celui qui concerne les actions entreprises sur le plan pénal par des emprunteurs qui poursuivaient sur le plan civil le prononcé de la nullité du prêt consenti, et dont certains d'entre eux ont bénéficié d'ordonnances de saisie pénale de la créance de la banque, puisque la créance de la société Landsbanki a été admise définitivement au passif du débiteur principal, GD Invest, par un jugement du 24 mai 2013, rendu par le tribunal d'arrondissement de Luxembourg.
La demande de sursis à statuer sera donc rejetée.
3. La SCI Stephini soutient que la déclaration de créance du 13 mars 2014 est irrégulière, du fait de l'absence d'élection de domicile en France et de l'absence de la mention de la représentation de l'appelante par son liquidateur judiciaire.
Mais si l'article 855 2e du code de procédure civile dispose que l'assignation contient, à peine de nullité, lorsque le demandeur réside à l'étranger, les nom, prénoms et adresse de la personne chez qui il élit domicile en France, cette disposition n'est pas applicable à la déclaration de créance (Cass. Com. 5 nov. 2013, n°12-20234), ce que fait valoir la société Landsbanki, mais aussi Me [J].
4. La SCI Stephini considère que la déclaration de créance faite par la SA Landsbanki Luxembourg est irrégulière, faute de la mention de sa représentation par son liquidateur judiciaire, et Me [J] ès qualités, soutient pareillement que par suite du prononcé de sa faillite le 12 décembre 2008, Landsbanki était dessaisie de ses droits et actions au profit de son liquidateur, qui pouvait seul rédiger la déclaration de créance.
Il en conclut qu'elle n'avait donc pas qualité pour adresser la déclaration de créance par l'intermédiaire de son conseil ; que cette irrégularité ne peut être couverte par aucune rectification et que le défaut de pouvoir constitue, en application des articles 117 et suivants du CPC, une irrégularité de fond entraînant la nullité de la déclaration de créance et en tout état de cause son inopposabilité.
Ceci est contesté par la SA Landsbanki, qui fait valoir que la déclaration de créance a été faite par l'avocat la représentant, seul signataire et auteur de celle-ci au sens de l'article L 622-24 alinéa 2 du code de commerce ; que l'omission dans cet acte de la liquidation judiciaire et du liquidateur judiciaire désigné n'entraînent pas sa nullité et que le fait que l'auteur de cette déclaration soit un avocat couvre l'irrégularité résultant de la représentation de la personne morale.
5. Mais, la possibilité offerte au créancier de déclarer sa créance par l'intermédiaire d'un mandataire, pouvant être un avocat, ne saurait couvrir l'irrégularité de fond entachant cette demande du fait du défaut de qualité à agir du créancier déclarant placé en liquidation judiciaire, dessaisi de ses droits et actions s'agissant de son patrimoine, la question en litige n'étant pas celle du défaut de mention du représentant légal d'une personne morale dans une assignation, mais celle de l'exercice d'une action par un débiteur dépourvu de qualité, le liquidateur judiciaire d'une personne morale en liquidation judiciaire n'étant ni son mandataire social ni son représentant légal mais le mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire, exerçant en tant que tel pendant toute la durée de la procédure les droits et actions du débiteur dessaisi concernant son patrimoine.
La déclaration de créance présentée par la seule SA Landsbanki Luxembourg par l'intermédiaire de son avocat, alors qu'elle était dessaisie de ses droits et actions du fait de la procédure de liquidation judiciaire, est par conséquent irrégulière comme ayant été faite par une partie dépourvue de qualité.
D'autre part, la déclaration de créance présentée par Me [B] en qualité de liquidateur de la SA Landsbanki Luxembourg le 29 octobre 2014 et celle du 14 janvier 2015, postérieures de plusieurs mois à la publication au Bodacc du jugement d'ouverture, n'ont pas pu régulariser celle présentée le 13 mars 2014 par la société Landsbanki Luxembourg, non affectée d'erreur ni d'omission matérielle.
En conséquence, la déclaration de créance du 13 mars 2014 sera rejetée comme étant irrecevable et l'ordonnance attaquée sera réformée.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA Landsbanki Luxembourg est condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et publiquement,
Réforme l'ordonnance attaquée,
Statuant à nouveau,
Rejette la demande de sursis à statuer,
Dit que la déclaration de créance du 13 mars 2014 présentée par la SA Landsbanki Luxembourg par l'intermédiaire de son avocat est irrégulière faute de qualité à y procéder du fait de son dessaisissement résultant de sa liquidation judiciaire,
Dit que cette irrégularité n'a pas été valablement régularisée,
Par conséquent,
Rejette la déclaration du 13 mars 2014 de la créance de la SA Landsbanki Luxembourg,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SA Landsbanki Luxembourg aux entiers dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT