COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 27 AVRIL 2017
N°2017/174
SP
Rôle N° 15/03954
[O] [G] [L]
C/
SAS KAN PRIM
Grosse délivrée le :
à :
Me Jean-louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE
Me Audrey CHIOSSONE, avocat au barreau de NICE
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES - section CO - en date du 19 Février 2015, enregistré au répertoire général sous le n° F 12/00451.
APPELANT
Monsieur [O] [G] [L], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-louis DAVID, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Vincent MORICE, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
SAS KAN PRIM, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Audrey CHIOSSONE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Février 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie PISTRE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Avril 2017
Signé par Madame Sophie PISTRE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Monsieur [O] [L] a été engagé en qualité de Responsable achat, statut agent de maîtrise, à temps plein, le 1er juin 2010 par la société Kan Prim. Celle-ci exploite principalement une activité de vente en gros de produits alimentaires auprès d'une clientèle professionnelle.
Aux termes du contrat de travail, une clause d'exclusivité a été insérée.
Par courrier RAR du 3 mai 2012, la société Kan Prim a notifié à Monsieur [L] un avertissement aux motifs de différents manquements professionnels.
Après convocation par courrier remis en main propre le 14 août 2012, à un entretien préalable fixé au 27 août 2012, courrier notifiant en outre une mise à pied conservatoire, Monsieur [L] a été licencié pour faute grave selon courrier RAR du 4 septembre 2012 pour les motifs suivants :
« nous vous rappelons qu'au moment de votre embauche, la particularité de votre situation et de vos ambitions professionnelles nous avait conduit d'un commun accord à stipuler une clause d'exclusivité afin de protéger les intérêts légitimes de notre entreprise. En effet, vous nous aviez indiqué avoir exploité la société Cifra prim's spécialisée dans le commerce de détail de fruits et légumes de juillet 1996 à janvier 2010, date à laquelle elle a été dissoute et où vous êtes intervenu en qualité de liquidateur. Nonobstant l'échec de la société Cifra Prim's vous aviez tout de même évoqué l'éventualité de créer une nouvelle structure dans le domaine d'activité, à savoir les fruits et légumes : compte tenu de vos fonctions au sein de notre entreprise (responsable achats) vous auriez notamment bénéficié de notre fichier clientèle, de nos contacts fournisseurs et eu connaissance des prix et remises que nous pratiquons. Afin de préserver les intérêts légitimes de notre entreprise en l'éventualité d'une telle situation, génératrice d'un conflit d'intérêts, il a été expressément stipulé aux termes de l'article 10 de votre contrat de travail que « sauf accord écrit de la société, Monsieur [L] [O] s'engage à n'exercer aucune activité professionnelle complémentaire à celle qu'il exerce dans le cadre du présent contrat. Monsieur [L] [O] s'engage en particulier à ne pas être le gérant, PDG, administrateur ou autre de toute société ayant une activité concurrente ou non de la société Kan Prim. Il s'engage de plus à travailler exclusivement pour la société Kan Prim et à n'exercer aucune activité concurrente de celle de la société pendant toute la durée de son contrat de travail ». Or vous faites preuve de déloyauté à l'égard de notre société puisque nous avons été informé début août 2012 que vous êtes gérant de la SARL Lou dont le siège social est (...) à Nice depuis le 27 mai 2011, ce que nous avons pu vérifier. Vous ne nous avez pas avisé de votre nomination en qualité de gérant en violation flagrante des termes de l'article 10 de votre contrat travail. En outre, dans la mesure où la SARL Lou a pour activité le commerce alimentaire en magasins spécialisés, il est constant que celle-ci est pour partie de nature identique à notre propre activité, à savoir la vente de fruits et légumes. Le conflit d'intérêts est avéré. Lors de l'entretien vous avez reconnu d'une part être gérant de la société Lou et d'autre part avoir dissimulé cet état de fait depuis le 27 mai 2011. (...) ».
Contestant son licenciement, Monsieur [L] a saisi a saisi le 22 octobre 2012 le conseil de prud'hommes de Cannes, lequel, par jugement du 19 février 2015, a jugé le licenciement pour faute grave conforme aux dispositions réglementaires en vigueur, a jugé que le licenciement n'avait aucun caractère abusif et vexatoire et qu'il ne donnait pas droit à indemnisation, a jugé que Monsieur [L] a constitué la société Lou dont il est le gérant en violation de l'article 10 du contrat de travail, a jugé qu'il n'a pas rempli son obligation de loyauté et de fidélité vis-à-vis de son employeur par défaut d'information précédemment à la création de la société, et en conséquence, a débouté Monsieur [O] [L] de l'ensemble de ses demandes, la société Kan Prim de ses demandes reconventionnelles, et a laissé les dépens à la charge du salarié.
Monsieur [L] a interjeté appel de ce jugement le 11 mars 2015.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Monsieur [L], appelant, demande à la cour de juger que son licenciement ne repose sur aucune faute grave et in fine sur aucune faute sérieuse, de juger que la clause d'exclusivité visée dans la lettre de licenciement est nulle et de nul effet, de juger qu'il n'a pas manqué à son obligation de loyauté et de fidélité envers son employeur en informant dès le début celui-ci de l'exercice des fonctions de gérant de la société Lou parallèlement à son emploi de salarié au sein de la société Kan Prim, de juger que le licenciement a un caractère abusif et vexatoire et lui a causé un préjudice sérieux. En conséquence, Monsieur [O] [L] demande de voir réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau, de voir condamner la société Kan Prim à régler, outre les entiers dépens, les sommes suivantes :
'49 938 € à titre de dommages-intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse du licenciement
'3745,35 euros au titre de l'indemnité de licenciement
'8323 € d'indemnité de préavis outre 832 € d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
'3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Monsieur [L] demande en outre la condamnation de la société Kan Prim à lui remettre les documents sociaux modifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard.
La SAS Kan Prim, intimée, demande à la cour de juger que la clause d'exclusivité stipulée à l'article 10 du contrat de travail a été consentie d'un commun accord entre les parties afin de préserver les intérêts légitimes de l'entreprise eu égard à la nature des fonctions de Monsieur [L], et à la volonté manifestée par celui-ci au moment de l'embauche, de créer une nouvelle structure ayant pour objet la même activité que la société Kan Prim, de juger que Monsieur [O] [L] a violé l'article 10 de son contrat de travail en s'abstenant de solliciter l'accord de son employeur pour exercer les fonctions de gérant au sein de la société Lou constituée par ses soins, de juger parfaitement bien fondé tant en fait qu'en droit le licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet, et en conséquence, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 février 2015 par le conseil de prud'hommes de Cannes, et de condamner Monsieur [L] à payer, outre les entiers dépens, la somme de 3000 € en application des dispositions de l'article 700 du de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des demandes et moyens des parties, il convient de se référer aux écritures des parties, oralement reprises.
SUR CE
Sur la clause d'exclusivité
Monsieur [L] soutient que la clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à un employeur porte atteinte à la liberté du travail et qu'elle n'est valable que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Au soutien de sa demande tendant à voir prononcer la nullité de cette clause, Monsieur [L] prétend que la clause d'exclusivité litigieuse qui prévoit qu'il ne saurait exercer une activité concurrente ou non concurrente, ni complémentaire, relève d'une acceptation très large de la notion d'exclusivité qui excède des intérêts légitimes de la société Kan Prim.
La société intimée répond que la clause d'exclusivité est le pendant écrit de l'obligation générale de loyauté inhérente au contrat de travail et vise à interdire aux salariés, pendant l'exécution de son contrat de travail, l'exercice d'une autre activité, même non concurrente, pour son compte ou pour un autre employeur ; que l'exécution loyale s'impose indépendamment de toute clause. La société Kan Prim ajoute que si une clause d'exclusivité doit, pour être valable, être expressément prévue par le contrat de travail, acceptée par le salarié, nécessaire à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, justifiée par la nature des fonctions du salarié, et proportionnée au but recherché, il apparaît en l'espèce que l'obligation d'exclusivité mise à la charge de Monsieur [L] a été rendue nécessaire eu égard à la situation particulière dans laquelle le contrat a été conclu, dès lors que la société Kan Prim a été constituée en juin 2010, et que Monsieur [L] a été embauché suivant contrat de travail du 1er juin 2010 en ne cachant pas sa volonté de créer une nouvelle structure dans le même domaine d'activité, et alors qu'il avait exercé les fonctions de gérant pendant 14 ans de la SARL Cifra prim's, et disposait d'une expérience professionnelle en la matière et d'une connaissance du milieu professionnel afférent à la vente de fruits et légumes.
* *
La clause d'exclusivité insérée au contrat de travail est ainsi rédigée :
« sauf accord écrit de la société, Monsieur [L] s'engage à n'exercer aucune activité professionnelle complémentaire à celle qu'il exerce dans le cadre du présent contrat. Monsieur [L] s'engage en particulier à ne pas être le gérant, PDG, administrateur ou autre de toute société ayant une activité concurrente ou non de la société Kan Prim. Il s'engage de plus à travailler exclusivement pour la société Kan Prim, et à n'exercer aucune activité concurrente de celle de la société pendant toute la durée de son contrat de travail. »
La clause par laquelle un salarié s'engage à consacrer l'exclusivité de son activité à son employeur n'est valable que s'il est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
Monsieur [L] reconnaît dans ses écritures oralement comprises, que la clause d'exclusivité a été insérée en raison du contexte particulier de son embauche, à savoir qu'il avait exercé antérieurement à la conclusion du contrat de travail, les fonctions de gérant d'une société spécialisée dans le commerce de détail de fruits et légumes, la société Cifra prims. Cette circonstance est d'ailleurs établie par la production de l'extrait société.com de ladite société Cifra prims.
Si l'interdiction faite à Monsieur [L], embauché en qualité de responsable des achats, d'exercer une activité concurrente apparaît, dans ce contexte, indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, l'interdiction d'exercer toute activité même non concurrente, n'est en revanche pas justifiée par la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, ni justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché.
Il y a lieu dès lors de prononcer la nullité de la clause d'exclusivité litigieuse.
Sur le licenciement
La preuve de la faute grave pèse sur l'employeur.
Dès lors que la clause d'exclusivité a été annulée, le grief tiré d'une méconnaissance de ladite clause ne peut constituer un motif de licenciement. En revanche, à la lecture de la lettre de rupture, il apparaît qu'a été reprochée également à Monsieur [L] une méconnaissance de son devoir de général de loyauté en ces termes : « vous faites preuve de déloyauté à l'égard de notre société puisque nous avons été informé début août 2012 que vous êtes gérant de la SARL Lou dont le siège social est (...) à Nice depuis le 27 mai 2011, ce que nous avons pu vérifier ».
L'employeur verse les pièces suivantes :
'les attestations de Monsieur [X] [W], directeur du site, datées du 8 novembre 2012, en ces termes : « début août 2012, j'ai vérifié la rumeur suivante qui courait au sein de la société : comme quoi Monsieur [L] possédait une société de fruits et légumes. J'ai donc découvert que cette information était avérée puisque le client « Lou » avait pour gérant Monsieur [L]. Information qu'il m'a confirmée et pour laquelle je lui ai expliqué qu'il y avait une incompatibilité avec son contrat de travail. Il m'a demandé ce qui allait se passer. Je lui ai répondu qu'il n'était pas question de se faire la guerre. Il m'a donc demandé que l'on se quitte à l'amiable. Je lui ai donc confirmé qu'il n'y aurait aucun problème pour une rupture amiable. »; « lors de l'entretien préalable Monsieur [L] a demandé à Monsieur [D], venu pour l'assister, de bien vouloir sortir. Une fois seul avec lui, Monsieur [L] m'a fait part de son souhait d'une séparation à l'amiable. J'ai été très surpris de sa demande puisqu'il l'avait déjà refusé après en avoir fait initialement la demande. Nous avons terminé notre conversation sur ce comportement versatile. »
'extrait du site société.com dont il résulte que la SARL unipersonnelle Lou a été immatriculée le 27 mai 2011, qu'elle a pour gérant Monsieur [O] [L], et pour activité « autre commerce de détail alimentaire en magasins spécialisés »
'un relevé de compte au 15 novembre 2012 de la société Lou auprès de son fournisseur la société Kan Prim, établi à l'en-tête de la société Kan Prim, qui fait apparaître différents achats, et notamment les 6, 11, 14, 20, 25, 26, 28 juillet, 3,4, août 2012
'assignation devant le président du tribunal de commerce de Nice statuant en référé de la société Lou, par la société Kan Prim en paiement de ces factures.
Monsieur [L] ne conteste pas être le gérant de la société Lou qui a pour objet social le commerce de détail alimentaire et en particulier de fruits et légumes.
Monsieur [L] soutient toutefois n'avoir jamais caché à son employeur l'existence de sa société Lou, et fait valoir qu'il avait subi des reproches tenant une prétendue incompétence, de la part du fils du gérant, ce qui n'a rien à voir avec la motivation du licenciement. Il affirme que la société Kan Prim a toujours exigé de ses clients, et donc de la société Lou, la communication de l'extrait K bis avant l'ouverture d'un compte client ; qu'il est étonnant qu'il n'ait jamais été fait une allusion à ce prétendu conflit d'intérêts lors des échanges épistolaires postérieurs à la date à laquelle la société Kan Prim aurait eu connaissance de la création de la société Lou, alors que selon Monsieur [W] des rumeurs circulaient déjà sur la création de cette société ; qu'il est impossible que la société Kan Prim ait pu ignorer, comme elle le prétend, que Monsieur [L] soit le gérant de la société Lou, ce qui a pour effet de priver l'employeur de tous moyens à son encontre au regard des règles de la prescription applicable.
Monsieur [L] verse aux débats les éléments suivants.
'La lettre d'avertissement du 3 mai 2012 dans laquelle l'employeur reproche à Monsieur [L] notamment d'acheter anormalement des quantités de marchandises qui ne sont pas en adéquation avec la demande de la clientèle, de ne pas assurer le suivi de fidélisation avec les différentes marques et de ne pas avoir activé informatiquement une nouvelle référence achetée, de sorte que le service commercial a assuré une traçabilité erronée sur un produit (courge potiron Portugal)
'copie du courrier que Monsieur [L] a adressé à son employeur le 17 août 2012 à la suite de la remise le 14 août 2012 de la convocation à l'entretien préalable assortie d'une mise à pied conservatoire, en ces termes : « les échanges que nous avons eu ces derniers jours reflètent le fait que vous avez d'ores et déjà pris la décision de me licencier. Je ne reviendrai pas ici sur l'avertissement dont j'ai été l'objet le 3 mai 2012 et dont vous savez qu'il comporte une série de reproches infondés auquel j'ai répondu verbalement et le cas échéant je réitèrerai la contestation de ces griefs injustifiés. Le 9 août 2012, j'ai eu un entretien avec votre fils [Z] [T] au cours duquel il a osé me proposer de me mettre en arrêt maladie durant quatre mois, période au cours de laquelle je pourrais rester chez moi ! Je lui ai fait observer que n'étant pas malade il était inenvisageable pour moi de me mettre en arrêt maladie. Je lui ai répondu que je n'entendais pas commettre une fraude à la loi et lui ai indiqué que dans l'hypothèse où la société aurait des difficultés financières, d'autres moyens parfaitement légaux pouvaient être envisagés. Après avoir appelé la DRH, votre fils a alors envisagé une rupture conventionnelle que je n'ai pas acceptée car je n'entends pas mettre un terme au contrat de travail. Sur le ton de la plaisanterie, je lui ai suggéré de vendre un véhicule si l'entreprise rencontrait des difficultés financières. (...) Samedi 11 août 2012, Monsieur [X] [W] a voulu me faire signer un document relatif à une rupture conventionnelle ce que j'ai à nouveau naturellement refusé. À cette occasion il m'a rétorqué « est-ce que tu cherches la guerre ' ». Pour ma part je lui ai répondu « je ne cherche pas la guerre mais il est hors de question que je me rende auteur ou complice d'actes illégaux comme il est hors de question que je me soumette à toute forme de chantage » (...) »
'courrier de réponse RAR par l'employeur, en date du 29 août 2012, contestant la teneur du courrier du salarié, et indiquant notamment « nous tenons à remettre vos propos détournés dans leur contexte. En effet, Monsieur [Z] [T] a affirmé que « vu votre enthousiasme et votre professionnalisme à voir rechercher les meilleurs prix de vente durant la saison, peut-être vous auriez été efficace si vous étiez en maladie' ». Dans ce courrier, à aucun moment, l'employeur ne fait état de la découverte de ce que Monsieur [L] était le gérant d'une société Lou.
'Attestation de Monsieur [V] [D], responsable logistique, en ces termes : « j'ai assisté le 27 août 2012 à l'entretien préalable au licenciement de Monsieur [O] [L]. (') Lors de cet entretien, la direction lui a reproché d'avoir violé l'article 10 de son contrat de travail. Monsieur [L] exerce effectivement une activité de vente de paniers de fruits. Société pour laquelle il n'a jamais caché son existence. Au bout d'environ trois minutes, Monsieur [O] [L] m'a demandé de sortir de cette réunion, je ne sais donc pas quelle en est la teneur ensuite. »
'Différentes factures émises par la société Kan Prim à l'égard de la société Lou, datées des 28 juillet 2012, 3 août 2012 etc.
'extrait K bis de la société Lou dont il résulte que cette société a été immatriculée le 27 mai 2011 et qu'elle a pour gérant Monsieur [L], il s'agit d'une création de fonds de commerce de produits alimentaires au détail, traiteur, vente à emporter, livraison
'une fiche de prospection/ouverture de compte vierge
'mails publicitaires de la société Lou (livraison de paniers de légumes et de fruits au bureau).
Le fait que la société Lou, nouvellement créée par Monsieur [L], se soit fournie auprès de la société Kan Prim semble peu compatible avec l'allégation selon laquelle Monsieur [L] a eu la volonté de dissimuler à son employeur le fait qu'il avait monté sa propre entreprise. L'absence de référence dans le courrier du 29 août 2012 de l'employeur au manque de loyauté de Monsieur [L] et à la création d'une société, alors que ce courrier fait par ailleurs état du mécontentement du fils du gérant sur la qualité du travail de M. [L], est de nature à créer un doute sur le motif réel du licenciement.
L'attestation de M. [D] qui affirme que Monsieur [L] n'a jamais caché l'existence de la société qui exerce une activité de vente de paniers de fruits, contredit l'attestation versée par l'employeur émanant de Monsieur [W] selon laquelle ce n'est que début août 2012 que l'employeur a su que Monsieur [L] avait créé une entreprise.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la faute grave n'est pas démontrée.
Au vu des éléments versés tant par l'employeur que par le salarié, le caractère réel et sérieux du licenciement n'est pas plus démontré.
Sur les demandes de Monsieur [L]
Il résulte de l'attestation pôle emploi remplie par l'employeur que Monsieur [L] a perçu avant son licenciement, la somme de 24 969,54 euros bruts au cours des six derniers mois. Il résulte de cette même attestation que la société Kan Prim a déclaré avoir employé 15 salariés au 31 décembre 2011. L'employeur, qui a la charge de la preuve, ne démontre pas, en tout état de cause, avoir employé moins de 11 salariés.
Au soutien de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 49 938 € soit 12 mois de salaire, Monsieur [L] soutient qu'il disposait d'une ancienneté de deux ans et deux mois au moment du licenciement, et qu'il assume actuellement différentes charges et notamment le remboursement d'un prêt de 15 000 € consenti par son employeur.
Monsieur [L] ne verse toutefois aucun élément sur sa situation financière postérieure au licenciement, ni sur ses recherches d'emploi.
En considération de son âge comme étant né en [Date naissance 1], de son ancienneté (deux ans et trois mois), et de l'absence de justification de sa situation professionnelle et financière, le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse sera intégralement indemnisé par l'allocation de la somme brute de 25 000 €.
La société Kan Prim sera en outre condamnée à régler la somme suivante à titre d'indemnité de licenciement, calculée conformément aux dispositions légales :
1/5 x 2, 25 x 4161, 50 = 1872,67 euros.
La société Kan Prim sera condamnée à régler la somme de 8323 € correspondant à deux mois de salaire brut, à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 832 € au titre des congés payés sur préavis.
L'employeur sera en outre condamné à remettre à Monsieur [L] les documents sociaux rectifiés, conformes à la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette condamnation d'une astreinte.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [L] la charge des frais irrépétibles par lui exposés à l'occasion de la présente procédure. La société Kan Prim sera condamnée à lui régler la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.
Aucune considération d'équité ne commande en revanche de faire droit à la demande formée par la société Kan Prim au titre de ces mêmes dispositions. Cette demande sera rejetée.
La société Kan Prim qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par décision prononcée par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en matière prud'homale,
Reçoit Monsieur [O] [L] en son appel,
Sur le fond,
Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Cannes du 19 février 2015 en toutes ses dispositions
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité de la clause d'exclusivité figurant dans le contrat de travail de Monsieur [O] [L]
Juge que le licenciement de Monsieur [O] [L] par la SAS Kan Prim ne repose pas sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse
Condamne en conséquence la SAS Kan Prim à payer à Monsieur [O] [L] les sommes suivantes :
'25 000 € bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
'1872,67 € d'indemnité de licenciement
'8323 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 832 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis
'2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Ordonne à la SAS Kan Prim de remettre à Monsieur [O] [L] les documents de fin de contrat modifiés, conformes à la présente décision
Dit n'y avoir lieu à astreinte
Condamne la SAS Kan Prim aux dépens de première instance et d'appel
Rejette toutes autres prétentions.
Le greffier Madame Sophie PISTRE, Conseiller,
pour le président empêché