COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 JUIN 2017
No2017/ 296
Rôle No 14/ 14251
SA INTRAMAR SA
C/
SA CMA CGM
Grosse délivrée
le :
à :
Me MARCOUYEUX
Me MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 20 Juin 2014 enregistré au répertoire général sous le no 2012F01680.
APPELANTE
SA INTRAMAR SA,
demeurant Enceinte Portuaire GPMM Porte 4- BP 68- CEDEX 15-13315 Marseille/ France
représentée et plaidant par Me Frédéric MARCOUYEUX, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SA CMA CGM,
demeurant 4, Quai d'Arenc-13002 MARSEILLE
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Leopold RENARD de la SELARL RENARD et ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Francois LE LOUER, avocat au barreau de MARSEILLE
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COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président, et Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, chargés du rapport.
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Juin 2017.
Signé par Madame Christine AUBRY-CAMOIN, Président et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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F A I T S-P R O C E D U R E-D E M A N D E S :
Un connaissement a été émis le 26 mai 2011 par la S. A. CMA CGM pour le transport maritime entre GENES (Italie) et ALGER (Algérie) du conteneur TGHU 3509302 d'un poids de 2 200 kg, renfermant 20 palettes d'encre d'imprimerie pour un poids total de 10 800 kg ; celles-ci avaient été vendues au prix de 37 600 € 00 par la société italienne SAMIXCOLOR.
Lors de l'escale de MARSEILLE le 28 mai ce conteneur, pris en charge par la S. A. INTRAMAR, a chuté accidentellement et a été endommagé. Dans son rapport d'expertise du 20 juillet Monsieur Alain X..., requis par cette société, a conclu :
- le chargement est perdu en totalité ;
- les extra frais s'élèvent à la somme de 11 410 € 80 ;
- selon devis la remise en état du conteneur est de 4 391 € 73 ; la valeur résiduelle de celui-ci au jour du sinistre est arrêtée à 1 100 € 00 ;
- en regard du poids brut du matériel sinistré (10 800 kg) l'importance financière du dommage ne saurait excéder la contre-valeur de 21 600 DTS.
Le 16 mai 2012 la société SAMIXCOLOR a fait assigner en paiement de la valeur de la marchandise, des frais d'expertise et du coût du transport (instance no 1) la société CMA CGM, laquelle a le 8 juin suivant fait assigner la société INTRAMAR (instance no 2) en relevé et garantie et en paiement des frais causés par le sinistre et de la valeur du conteneur. Le Tribunal de Commerce de MARSEILLE par jugement du 20 juin 2014 a :
* joint les 2 instances ;
* dit recevable l'action de la société SAMIXCOLOR ;
* déclaré applicable la Convention de BRUXELLES de 1924 amendée ;
* déclaré que la société CMA CGM bénéficie de la limitation de responsabilité telle que prévue par la Convention de BRUXELLES ;
* condamné la société CMA CGM à payer à la société SAMIXCOLOR :
- la contre-valeur en Euros au jour du règlement de 21 600 DTS,
- la somme de 1 450 € 00 en remboursement des frais d'expertise,
- la somme de 899 € 15 au titre du coût de la traduction nécessitée par la défense des intérêts de la société SAMIXCOLOR,
- et celle de 3 000 € 00 au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
* condamné la société CMA CGM aux dépens de l'instance no 1 ;
* donné acte à la société INTRAMAR de ce qu'elle ne soutient plus le moyen tiré de la
prescription ;
* condamné la société INTRAMAR à relever et garantir la société CMA CGM de toutes les
sommes ressortant des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre, en principal, frais
d'expertise et de traduction, frais irrépétibles et dépens ;
* condamné la société INTRAMAR à payer à la société CMA CGM :
- la somme de 13 074 € 18 au titre des frais engagés lors de l'événement, avec intérêts légaux à compter du 8 juin 2012, date de la demande en justice ; cette somme comprend :
. frais de manutention et stationnement TRANSAGRUE : 1 889 € 00,
. frais de restitution TRANSAGRUE : 90 € 00,
. frais de destruction de la marchandise ALPHACHIM : 8 871 € 80,
. valeur du conteneur : 1 073 € 38,
. facture de l'expert : 1 150 € 00 ;
- et la somme de 3 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
* condamné la société INTRAMAR aux dépens de l'instance no 2 ;
* conformément aux dispositions de l'article 515 du Code de Procédure Civile, ordonné pour le tout l'exécution provisoire ;
* rejeté pour le surplus toutes autres demandes contraires.
La S. A. INTRAMAR a régulièrement interjeté appel le 18-21 juillet 2014 à l'encontre de la société CMA CGM uniquement, et par dernières conclusions du 25 mars 2016 soutient notamment que :
- mandatée par la société CMA CGM elle a réceptionné le conteneur en transbordement ; celui-ci, alors qu'il stationnait à quai, a été retrouvé endommagé suite à une chute dont les circonstances demeurent inconnues ;
- la limitation légale de responsabilité s'applique à elle-même pour tous les préjudices et frais résultant d'un même sinistre, non seulement pour la garantie due au transporteur (dommages matériels) comme l'a décidé le Tribunal, mais également pour les frais accessoires réclamés par ledit transporteur ;
- sa responsabilité est strictement limitée à la contre-valeur en Euros des 21 600 DTS correspondant au poids brut de la marchandise (10 800 kg) ; cette limite inclut notamment les frais accessoires, incluant ceux générés par les dommages au conteneur ;
- toute condamnation de l'entrepreneur de manutention ne peut être supérieure au montant de la limitation d'indemnisation ;
- seul le donneur d'ordres, c'est-à-dire le transporteur maritime, peut agir contre le manutentionnaire ; elle-même n'avait donc pas à attraire la société SAMIXCOLOR en cause d'appel.
L'appelante demande à la Cour, vu la Convention de BRUXELLES amendée, et les articles L. 5422-20, L. 5422-23 et L. 5422-13 du Code des Transports, de :
- dire et juger la responsabilité de la société INTRAMAR strictement limitée au montant du plafond d'indemnisation prévu auxdits articles L. 5422-23 et L. 5422-13 ;
- dire et juger les frais divers et accessoires, engagés par le transporteur maritime au titre du sinistre, nécessairement inclus dans ce plafond d'indemnisation ;
- dire et juger qu'en aucun cas il ne peut être prononcée de condamnation supérieure à la contre-valeur en Euros de 21 600 DTS à l'encontre de la société INTRAMAR ;
- en conséquence :
. infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société INTRAMAR à payer à
la société CMA CGM la somme de 13 074 € 18 ;
. condamner la société CMA CGM à payer à la société INTRAMAR la somme de
5 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par dernières conclusions datées du 31 mars 2017 la S. A. CMA CGM répond notamment que :
- la limitation de responsabilité ne concerne que les dommages causés aux marchandises, et pas les frais accessoires qui sont en dehors de ceux-ci ;
- en l'espèce il ne s'agit pas d'une demande présentée par un seul demandeur, mais de 2 demandeurs ayant chacun des réclamations autonomes ; la société SAMIXCOLOR réclame les pertes subies par la marchandise ainsi que des frais annexes ; elle-même réclame la perte subie par son conteneur et des frais annexes ; le plafond légal d'indemnisation ne peut s'appliquer à l'ensemble de ces 2 réclamations ; la demande d'elle-même ne peut être incluse dans le plafond lié à la demande présentée par la société SAMIXCOLOR ;
- l'article L. 5422-13 du Code des Transports vise les pertes ou dommages subis par la marchandise, alors que la réclamation d'elle-même ne les concerne pas ; peu importe que les 2 avaries trouvent leur source dans un même sinistre ;
- la société INTRAMAR, en n'intimant dans sa déclaration d'appel qu'elle-même, a entendu acquiescer au paiement à la société SAMIXCOLOR de frais accessoires en sus du plafond légal d'indemnisation ; la même n'a aucune critique à formuler au paiement par ses soins des frais accessoires obtenus par la société SAMIXCOLOR en sus de la perte de la marchandise ;
- subsidiairement ce plafond d'indemnisation s'applique aux dommages causés au conteneur ; le poids de ce dernier est de 2 200 kg, d'où une indemnisation de 2 DTS x 2 200 = 4 400 DTS.
L'intimée demande à la Cour, vu la Convention de BRUXELLES du 25 août 1924 amendée, et le Code des Transports, de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société INTRAMAR à payer à la société CMA CGM la somme de 13 074 € 18 ;
- en conséquence, débouter la société INTRAMAR de toutes ses demandes ;
- subsidiairement, dire et juger que le plafond légal d'indemnisation devant s'appliquer à la demande principale de la société CMA CGM s'élève à la somme de 4 400 DTS ;
- condamner la société INTRAMAR à payer à la société CMA CGM la somme de 5 000 € 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2017.
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M O T I F S D E L'A R R E T :
Le fait que la société INTRAMAR n'ait interjeté appel du jugement qu'à l'encontre de la société CMA CGM, alors qu'existait une troisième partie la société SAMIXCOLOR, est sans conséquence sur la condamnation en faveur de cette dernière prononcée par le Tribunal de Commerce, puisque cette condamnation ne frappe pas la société INTRAMAR mais uniquement la société CMA CGM. Par ailleurs la qualité de cette dernière (transporteur maritime) est distincte de celle de la société INTRAMAR (manutentionnaire).
Le Code des Transports précise :
- dans son article L. 5422-23 que " La responsabilité de l'entrepreneur de manutention ne peut en aucun cas dépasser les montants fixés par l'article L. 5422-13 (...) " ;
- dans cet article L. 5422-13 alinéa 1 que " La responsabilité du transporteur est limitée, pour les pertes ou dommages subis par les marchandises, aux montants fixés par les dispositions du paragraphe 5 de l'article 4 de la Convention (...) signée à BRUXELLES le 25 août 1924 modifiée ".
La condamnation de la société CMA CGM en faveur de la société SAMIXCOLOR, pour laquelle la première a obtenu relevé et garantie par la société INTRAMAR, a été prononcée à hauteur du plein plafond des limites de la Convention de BRUXELLES, et n'est d'ailleurs pas remise en cause par ladite société.
La combinaison des phrases " en aucun cas " du premier article, et " pour les pertes ou dommages subis par les marchandises " du second, conduit la Cour à juger que la responsabilité de la société INTRAMAR manutentionnaire est limitée aux montants fixés par la Convention de BRUXELLES uniquement pour les préjudices matériels subis par la marchandise elle-même, mais échappe à cette limite en ce qui concerne les dommages annexes tels que les frais divers qui ne sont pas " subis " par cette marchandise.
Les 13 074 € 18 auxquels le Tribunal a condamné la société INTRAMAR en faveur de la société CMA CGM au titre des frais engagés lors de l'événement comprennent :
. les frais de manutention et stationnement TRANSAGRUE : 1 889 € 00,
. les frais de restitution TRANSAGRUE : 90 € 00,
. les frais de destruction de la marchandise ALPHACHIM : 8 871 € 80,
. la valeur du conteneur : 1 073 € 38,
. la facture de l'expert : 1 150 € 00.
Cette 5ème somme est nécessairement due par la société INTRAMAR puisqu'indispensable à la détermination des conséquences et de l'étendue du sinistre. Par contre les 4 premières sommes sont indépendantes des " pertes ou dommages subis par la marchandise " car elles concernent des frais distincts de celle-ci puisque non supportés par elle.
C'est dont à bon droit que le Tribunal a condamné la société INTRAMAR à payer à la société CMA CGM la somme litigieuse de 13 074 € 18, peu important que cette dernière dépasse les plafonds fixés par la Convention de BRUXELLES.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme en totalité le jugement du 20 juin 2014.
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile condamne en outre la S. A. INTRAMAR à payer à la S. A. CMA CGM une indemnité de 5 000 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Condamne la S. A. INTRAMAR aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes autres demandes.
Le GREFFIER. Le PRÉSIDENT.