COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 31 AOUT 2017
N°2017/1416
Rôle N° 15/22407
[C] [V]
C/
Société LYONDELL CHIMIE FRANCE
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
MALAKOFF MEDERIC RETRAITE AGIRC
Grosse délivrée le :
à :
Me Sébastien RODRIGUEZ,
avocat au barreau de PARIS
Me Anne-Laure PERIES,
avocat au barreau de MONTPELLIER
MALAKOFF MEDERIC RETRAITE AGIRC
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des BOUCHES DU RHONE en date du 01 Octobre 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 21302909.
APPELANT
Monsieur [C] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sébastien RODRIGUEZ, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Société LYONDELL CHIMIE FRANCE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Anne-Laure PERIES, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
MALAKOFF MEDERIC RETRAITE AGIRC, demeurant [Adresse 4]
non comparante, non représentée
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Juin 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Claude REVOL, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Nathalie ARNAUD.
Les parties ont été avisées à l'audience que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 1er septembre 2017 puis par courrier, qu'il était avancé au 31 Août 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 31 Août 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M.[V] a fait appel d'un jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015 qui a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de son action engagée contre la SAS Lyondell Chimie France mais l'a débouté de ses demandes liées à l'assujettissement aux cotisations de retraite complémentaire.
Le tribunal a déclaré son jugement opposable à la CAPIMMEC.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 20 juin 2017, il a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de déclarer son action recevable et de condamner la société Lyondell Chimie France à lui payer la somme de 613063 euros pour compenser le préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil des prud'hommes de Martigues et la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, la SAS LYONDELL CHIMIE FRANCE a demandé à la Cour d'infirmer le jugement en déclarant les demandes prescrites, subsidiairement de réduire les indemnités à 238000 euros, et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La MNC a été avisée de l'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
M.[V], né le [Date naissance 1] 1946, a travaillé en qualité de « directeur de projets », statut de cadre, pour la société Arco Chimie Chemical Products Europe (devenue Lyondell Chemical Europe puis Lyondell Chimie France), du 4 janvier 1989 au 29 novembre 2010, date à laquelle il a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
De 1993 à fin janvier 2010 (sauf en 2006 et jusqu'à fin août 2007), il a exercé ses fonctions à l'étranger (Pays-Bas, Chine et Grande Bretagne).
A son retour en France, il n'a reçu aucune mission et un contentieux prud'homal a été engagé, l'employeur ayant fait valoir que le salarié avait refusé un poste par télétravail.
C'est ainsi que, par requête reçue le 11 juin 2010, complétée par des conclusions du 9 février 2011, M.[V] a saisi le conseil des prud'hommes, notamment pour faire « dire et juger, que les éléments de rémunération liés à (son) expatriation auraient dû être assujettis aux cotisations de retraite complémentaire », pour faire constater qu'il a subi un préjudice du fait de la soustraction frauduleuse de ces éléments de rémunération de la base de calcul des cotisations de retraite complémentaire et pour faire condamner la société Lyondell Chimie France à « régulariser sa situation auprès des caisses de retraite complémentaire ou à titre subsidiaire à lui verser une indemnité de (') euros ».
Dans le dernier état de ses demandes, il demandait la condamnation de la société Lyondell Chimie France, à lui « verser une indemnité (') afin de compenser le préjudice subi du fait du défaut de cotisations aux caisses de retraite complémentaire » (conclusions du 9 février 2011).
Par jugement du 11 janvier 2012, le conseil des prud'hommes, confirmé par la Cour par son arrêt du 27 septembre 2012, a déclaré la juridiction prud'homale incompétente au profit de la juridiction de sécurité sociale.
Il a alors déposé une requête contre son ancien employeur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, en reprenant le contenu de ses dernières demandes devant le conseil des prud'hommes (conclusions du 2 juillet 2014).
Il a fait valoir ses droits à la retraite avec effet au 1er mai 2015.
Devant le tribunal puis devant la Cour, il a soutenu que le manquement de son employeur à son obligation de verser des cotisations de retraite complémentaire sur tous les éléments de rémunération et avantages en nature lui avait occasionné un préjudice quant au montant de sa retraite, par l'effet d'un manque de points.
**********
La faute de l'employeur aurait donc été commise pendant toute la période au cours de laquelle l'appelant était rémunéré par la société intimée pour ses activités à l'étranger, soit de 1989 à 2010.
Cette faute aurait consisté à minimiser l'assiette des cotisations sociales en excluant deux catégories de primes liées à la mission à l'étranger (FSP et CS) ainsi que la prime de logement, et l'avantage en nature qu'aurait constitué la prise en charge par l'employeur du surcroît d'impôt sur le revenu étranger, avec pour conséquence la perte de 36200 points qui auraient augmenté le montant de la pension de retraite de 15324 euros par année de versement.
Pour parvenir à l'évaluation de son dommage, M.[V], appelant, dit avoir procédé à la « réintégration dans l'assiette des cotisations de retraite complémentaire, année par année, des éléments de rémunération frauduleusement soustraits ».
Ce faisant, M.[V] reconnaît que les primes qu'il percevait étaient bien un élément de salaire.
Un échange de courriels du 29 avril 1998 qu'il adressait à une certaine Agata H., permet de constater qu'il s'interrogeait déjà sur le système appliqué dans la société Lyondell, aussi bien concernant le paiement de la CSG que le paiement des cotisations sociales sur l'avantage en espèces que constituait l'impôt payé en son nom par l'employeur aux Pays-Bas.
De plus, dès le 8 août 2003, il était destinataire des courriels échangés entre un autre salarié travaillant à l'étranger, M.[L], et l'un des membres de leur hiérarchie, M.[H], faisant référence à leur réunion de février (donc début 2003) au sujet du plan de garantie retraite de Lyondell, de l'hypotax et des points de retraite CAPIMMEC, dont il était même précisé: « les primes FSP et l'indemnité CS ne sont pas prises en compte pour la cotisation à la retraite: est-ce légal ' », la réponse donnée pouvait ne pas avoir donné satisfaction, mais l'employeur évoquait une possibilité d'opter pour un autre système. (pièce 19 de l'appelant).
Force est de constater que cette difficulté était déjà connue de certains salariés travaillant à l'étranger puisqu'un certain [K] avait déjà refusé l'option proposée par l'employeur par un courriel du 15 mai 2002 en le mettant en demeure de régulariser sa situation personnelle (pièce 22).
M.[V], qui était donc parfaitement informé du système en vigueur dans la société Lyondell et de ses incidences sur sa retraite complémentaire, au moins en 1998, probablement lors de la réunion du mois de février 2003 et, en tout cas, début août 2003, n'a rien contesté et n'a engagé aucune action entre 1998 et 2003.
M.[V] a saisi le conseil des prud'hommes par requête reçue le 11 juin 2010, afin d'obtenir une régularisation de ses droits auprès de la caisse de retraite complémentaire.
La décision de la juridiction prud'homale, confirmée en appel, de décliner sa compétence d'attribution au profit de la juridiction de sécurité sociale au motif que le contentieux relève de la compétence exclusive de cette dernière, lie la juridiction de sécurité sociale aussi bien que la Cour.
La Cour, dans sa formation spécialisée dans le contentieux relevant du code de la sécurité sociale, ne lui saurait donner au contentieux qui lui est déféré, sur contredit, un autre périmètre que celui qui lui est dévolu par ce code et qui rend irrecevable une demande de dommages-intérêts: la demande de l'appelant doit être analysée et qualifiée au regard des textes relatifs au contentieux du paiement des cotisations sociales en général, et des cotisations de retraite complémentaire en particulier.
Par application des articles 2277 du code civil et L143-14 du code du travail applicables avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, ( actuellement articles 2224 du code civil et L3243-1 du code du travail), le droit d'un salarié au paiement de salaires étant éteint du fait de la prescription extinctive de cinq ans, une action en paiement de cotisations de retraite assises sur ces salaires est nécessairement prescrite pour la même période.
Le point de départ de cette prescription est le jour où la victime a eu la révélation de son dommage (avant 2008), ou encore « le jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. » (loi du 17 juin 2008).
En l'espèce, cette date peut être fixée, dans l'hypothèse la plus favorable à l'appelant, au 8 août 2003.
L'action de M.[V], engagée le 11 juin 2010, était éteinte par la prescription quinquennale et ses demandes sont irrecevables.
La Cour infirme le jugement dont appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches du Rhône du 1er octobre 2015,
Et statuant à nouveau:
Dit que l'action de M.[V], engagée le 14 juin 2010, était éteinte par la prescription quinquennale,
Déclare irrecevables les demandes de M.[V],
Le dispense de payer le droit prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,
Condamne M.[V] à payer à la SAS Lyondell Chimie France la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT