COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 14 SEPTEMBRE 2017
N°2017/358
GP
Rôle N° 15/13546
[C] [V]
C/
SAS ECOSSAISE OPERATING
Grosse délivrée le :
à :
Me Bertrand BOACHON, avocat au barreau d'ANNECY
Me Jérôme HALPHEN, avocat au barreau de PARIS
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE - section AD - en date du 09 Juin 2015, enregistré au répertoire général sous le n° 14/292.
APPELANT
Monsieur [C] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Bertrand BOACHON, avocat au barreau d'ANNECY
([Adresse 2])
substitué par Me Jean baptiste GOBAILLE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SAS ECOSSAISE OPERATING, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Jérôme HALPHEN, avocat au barreau de PARIS
([Adresse 4])
substitué par Me Anne CARDON, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller
Madame Sophie PISTRE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Septembre 2017
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller, pour le président empêché et Madame Caroline LOGIEST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Monsieur [C] [V] a été embauché en qualité de chef cuisinier le 1er novembre 2007 par la SA ÉCOSSAISE PROPERTY, société de droit luxembourgeois.
Par une convention de transfert du 20 novembre 2008, le contrat de travail de Monsieur [C] [V] a été transféré au sein de la SA QUALITAS SERVICES COMPANY, société de droit luxembourgeois.
Par courrier du 20 décembre 2012, la SA QUALITAS SERVICES COMPANY a informé Monsieur [C] [V] du transfert de son contrat de travail au sein de la SAS ECOSSAISE OPERATING.
Un échange de correspondances est intervenu entre les parties à la suite de la transmission, par courrier de la SAS ECOSSAISE OPERATING en date du 31 janvier 2013, d'un contrat de travail soumis à la signature de Monsieur [C] [V], lequel a protesté contre des modifications de certains éléments de son contrat.
Par courrier du 17 septembre 2013, Monsieur [C] [V], qui était depuis plusieurs saisons mis à la disposition de la propriété de Soings en Sologne, a été informé par la SAS ECOSSAISE OPERATING qu'il devrait reprendre ses fonctions à la Villa Écossaise à [Localité 1] pour la saison automne-hiver.
Monsieur [C] [V] a protesté auprès de son employeur, par courrier recommandé du 9 octobre 2013, contre son affectation sur un poste de responsabilité et de niveau inférieurs à celui qu'il occupait à Soings en Sologne.
À la suite d'une rencontre entre les parties le 12 novembre 2013, des pourparlers se sont engagés entre elles en vue d'une rupture conventionnelle.
La SAS ECOSSAISE OPERATING a refusé les conditions de rupture réclamées par le salarié et a informé ce dernier qu'il était attendu sur le site de [Localité 1] à compter du 2 décembre 2013 (courriels des 19 et 26 novembre 2013).
Monsieur [C] [V] a été en arrêt de travail pour maladie à partir du 5 décembre 2013.
Il percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 8201,19 € (selon bulletin de paie de novembre 2013).
Il a été convoqué, par courrier du 23 janvier 2014, à un entretien préalable pour le 6 février 2014, entretien reporté au 18 février 2014 à sa demande, puis il a été licencié pour faute grave par courrier recommandé daté du 21 février 2014 pour son absence injustifiée du 2 au 4 décembre 2013 et pour retard de justification de la prolongation d'arrêt de travail pour la période du 16 décembre 2013 au 12 janvier 2014.
Par requête du 24 février 2014, Monsieur [C] [V] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail et de demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.
Par jugement du 9 juin 2015, le Conseil de prud'hommes de Nice a donné acte à la SAS ECOSSAISE OPERATING de ce qu'elle avait réglé à Monsieur [C] [V], suite au bureau de conciliation du 23 avril 2014, la somme de 8331,62 € au titre de la prévoyance, a jugé que le licenciement du salarié reposait sur une faute grave, a rejeté la demande au titre de la résiliation judiciaire, a débouté Monsieur [C] [V] de ses demandes, a débouté la SAS ECOSSAISE OPERATING de sa demande reconventionnelle et a mis les dépens à la charge du demandeur.
Ayant relevé appel, Monsieur [C] [V] conclut à ce que soient constatés les manquements de la SAS ECOSSAISE OPERATING relatifs au salaire et à son obligation de santé et de sécurité de résultat (notamment le défaut de visite médicale et son comportement déloyal), à ce qu'il soit jugé que la résiliation judiciaire du contrat de travail à l'initiative du salarié est imputable à la SAS ECOSSAISE OPERATING, s'analysant dès lors en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, en tout état de cause, à ce qu'il soit constaté que le licenciement pour faute grave est infondé et dépourvu de cause réelle et sérieuse, voire nul, en conséquence, à la réformation du jugement de première instance aux fins de voir condamner la SAS ECOSSAISE OPERATING à lui payer les sommes suivantes :
-100 000 € de dommages intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse,
-16 354 € d'indemnité compensatrice de préavis,
-1636 € de congés payés y afférents,
-10 726 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-180 € de rappel de salaire (frais de déplacement),
-37 168 € de congés payés,
-10 738 € de dommages intérêts pour manquements relatifs à la prévoyance,
-16 354 € de dommages intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
-3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,
à ce que soit ordonnée la rectification des documents de fin de contrat, notamment relativement au lieu de travail indiqué, à ce que soit ordonnée l'exécution provisoire par application des articles R.1454-28 du code du travail et 515 du code de procédure civile et à ce qu'il soit jugé que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil.
Monsieur [C] [V] fait valoir, à titre principal, que sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail est recevable car il a manifesté sa volonté de solliciter une telle résiliation le 18 février 2014, le jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au conseil de prud'hommes, soit antérieurement à l'envoi de la lettre de licenciement qui n'est intervenu que le 21 février 2014, que la résiliation judiciaire du contrat de travail est justifiée par les divers manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles, notamment quant à son déclassement à un niveau de responsabilité inférieur, que la SAS ECOSSAISE OPERATING ne lui a jamais fourni d'explication sur les raisons d'une telle rétrogradation, que l'employeur n'a eu de cesse de tenter de le déstabiliser, qu'il ne lui a pas payé son maintien de salaire à la suite de son arrêt de travail, à titre subsidiaire, qu'en l'état de son affectation sur un poste sous qualifié et en l'absence d'explication de l'employeur, le prétendu abandon de poste qui lui est reproché est infondé, qu'il a toujours communiqué ses arrêts de travail à son employeur, lequel ne l'a jamais mis en demeure de justifier de sa prolongation, que son licenciement n'est pas justifié et qu'il doit être reçu en ses réclamations.
La SAS ECOSSAISE OPERATING conclut à la confirmation en tous points du jugement déféré, en conséquence, au débouté de Monsieur [C] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et à la condamnation de Monsieur [C] [V] à lui verser la somme de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS ECOSSAISE OPERATING fait valoir que le lieu de travail de Monsieur [C] [V] était fixé à la Villa l'Écossaise, que le salarié a été affecté au sein de la propriété de Soings en Sologne pendant plusieurs saisons automne-hiver, qu'il a été informé le 17 septembre 2013 qu'il devait reprendre ses fonctions à la Villa l'Écossaise située à [Localité 1], conformément à ce que prévoit son contrat de travail, que Monsieur [C] [V] ne s'est toutefois pas présenté à son poste de travail le 2 décembre 2013, que le contrat de travail a été rompu par l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant le licenciement, antérieurement à la demande de résiliation judiciaire formée le 24 février 2014 par Monsieur [C] [V], que cette demande de résiliation judiciaire est irrecevable, que le fait de cuisiner pour le personnel de la [Adresse 5] faisait expressément partie des attributions de Monsieur [C] [V] telles que figurant à son contrat de travail, que l'employeur a fait uniquement usage de son pouvoir de direction, que le licenciement pour faute grave du salarié est justifié, que celui-ci a adressé la prolongation de son arrêt de travail le 10 janvier 2014, soit avec près de 3 semaines de retard, que l'absence de maintien de salaire résultait d'une erreur du prestataire paye, indépendante de la volonté de la société et corrigée dès que celle-ci s'en est aperçue, que Monsieur [C] [V] ne démontre pas en quoi la société lui devrait 100 jours de congés payés alors qu'il a reçu, au titre de son solde de tout compte, la somme de 9547,27 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, équivalant à 25 jours acquis et non pris sur la période de référence, que Monsieur [C] [V] est dans l'impossibilité de démontrer que des frais de déplacement datant de la saison 2011 lui seraient dus et ne lui auraient jamais été remboursés, que lors du transfert du contrat de travail de Monsieur [C] [V] le 20 décembre 2012, l'employeur n'était aucunement soumis à une quelconque obligation de faire passer au salarié une visite médicale, que la société concluante ne saurait être tenue responsable des manquements du précédent employeur, que Monsieur [C] [V] a quitté la société avant que le délai de deux ans pour passer la visite médicale obligatoire ne soit écoulé, que Monsieur [C] [V] n'a pas fourni à son ancien employeur la justification de sa prise en charge par le régime d'assurance-chômage pour bénéficier de la portabilité de la prévoyance, et que l'appelant doit être débouté de l'ensemble de ses demandes.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, il y a lieu de se référer au jugement du conseil de prud'hommes et aux écritures déposées, oralement reprises.
SUR CE :
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :
Monsieur [C] [V] a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail par courrier de son conseil daté du 18 février 2014, posté le 19 février 2014 selon l'avis de dépôt de la lettre recommandée à La Poste et réceptionné par le greffe du conseil de prud'hommes de Nice le 24 février 2014, selon le tampon apposé sur la requête.
Contrairement à ce qui est prétendu par l'appelant, ce n'est pas la date d'envoi de la lettre recommandée qui constitue la date de la demande de résiliation judiciaire, mais la date de réception de cette demande par le conseil de prud'hommes de Nice, date de saisine de la juridiction prud'homale.
Or, la saisine de la juridiction prud'homale en date du 24 février 2014 est postérieure à la date du licenciement de Monsieur [C] [V], notifié par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 21 février 2014 et présentée au salarié le 22 février 2014 (selon avis de dépôt et avis de réception versés en pièce 17 par l'employeur).
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont constaté l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [C] [V] en résiliation judiciaire du contrat de travail, postérieure à la notification du licenciement ayant d'ores et déjà rompu ledit contrat.
Sur le licenciement :
Monsieur [C] [V] a été embauché le 1er novembre 2007 par la société SA ECOSSAISE PROPERY en qualité de « chef cuisinier » et la liste de ses fonctions, non limitative, a été prévue à l'article 3 du contrat de travail du 19 novembre 2007, comme suit :
« Dans le cadre de ses fonctions et sans que cette liste soit limitative, M. [V] sera chargé de :
-Responsabilité de la préparation des repas, de la gestion du service de table et tous types de services faisant partie des prestations offertes dans le cadre de la propriété.
-Responsabilité de la définition et l'élaboration des menus proposés aux occupants de la propriété.
-Responsabilité du choix des vins qui vont accompagner les menus définis.
-Responsabilité de la gestion des stocks, des achats alimentaires et des vins ainsi que de tous types d'achats nécessaires à la réalisation de son poste de chef.
-Responsabilité du choix des prestataires concernés par les achats alimentaires ».
Le lieu de travail de Monsieur [C] [V] était par ailleurs fixé, à l'article 4, à la Villa L'Écossaise à [Localité 1] (83350).
Lors du transfert du contrat de travail de Monsieur [C] [V] au sein de la société QUALITAS SERVICES COMPANY, les fonctions de chef cuisinier et le lieu de travail de Monsieur [C] [V] sont restés définis de manière identique par contrat de travail du 20 novembre 2008.
Il n'est pas discuté que Monsieur [C] [V] a travaillé durant 5 ans sur le site de la propriété de Soings en Sologne jusqu'à la saison automne 2012/hiver 2013, exerçant les mêmes fonctions de chef cuisinier.
Après le transfert du contrat de travail de Monsieur [C] [V] au sein de la SAS ECOSSAISE OPERATING que cette dernière a annoncé au salarié par courrier recommandé du 20 décembre 2012, un contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er février 2013 a été soumis par la société ECOSSAISE OPERATING, par courrier du 31 janvier 2013, à la signature de Monsieur [C] [V] (pièce 5 produite par le salarié).
Monsieur [C] [V] faisait observer à son nouvel employeur, par courriers des 23 février et 28 mars 2013, qu'il n'était pas rappelé dans le contrat de travail soumis à sa signature sa date d'embauche du 1er novembre 2007 et que certains éléments contractuels avaient été modifiés (durée de travail passée de 35 heures à un forfait de 1827 heures par an incluant 220 heures supplémentaires; réduction de la période de prise des congés du 1er avril au 30 juin au lieu du 1er novembre au 31 mars).
Par courrier recommandé du 17 septembre 2013, la SAS ECOSSAISE OPERATING a informé Monsieur [C] [V] de sa nouvelle affectation en ces termes : « Vous devrez, pour la saison automne/hiver, reprendre vos fonction à la Villa Écossaise, [Adresse 6], lieu officiel de votre emploi.
La date exacte de votre prise de fonction vous sera communiquée dans les jours à venir, en fonction du planning de la Propriété.
Vous serez amené à préparer le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner pour les occupants de la propriété (staff).
Vos conditions de travail seront conformes à celles indiquées dans votre contrat de travail (35h par semaine et repos hebdomadaire fixé au dimanche')' ».
Monsieur [C] [V], par courrier recommandé du 9 octobre 2013, sollicitait auprès de la SAS ECOSSAISE OPERATING un rendez-vous, s'inquiétant de la volonté de cette dernière de l'affecter « de manière autoritaire à un poste de responsabilités et de niveau inférieurs à celui (qu'il) occupe actuellement et sur un site sur lequel (il) n'avait jamais été affecté auparavant pour les saisons indiquées ».
Suite à l'entretien qui s'est déroulé entre les parties le 12 novembre 2013 au cours duquel a été évoquée une rupture conventionnelle du contrat de travail et suite à la réclamation du salarié de versement d'une indemnité au moins de 80 000 € nets, la SAS ECOSSAISE OPERATING a fait connaître à Monsieur [C] [V], par courriel du 26 novembre 2013, qu'elle refusait un tel accord et que le salarié était attendu « pour prendre (son) poste à la Villa Écossaise à compter du 2 décembre 2013 ».
C'est dans ces conditions que Monsieur [C] [V] ne s'est pas présenté le 2 décembre 2013 à la Villa Écossaise pour reprendre le travail et a adressé à son employeur un arrêt de travail en date du 5 décembre 2013 jusqu'au 15 décembre 2013.
Il convient d'observer que la SAS ECOSSAISE OPERATING n'a pas répondu par écrit à Monsieur [C] [V], qui se plaignait dès le 9 octobre 2013 auprès de son employeur que sa nouvelle affectation représentait une diminution de ses responsabilités et un déclassement du niveau de son emploi.
La société souligne avant tout que le lieu de travail de Monsieur [C] [V] était contractuellement fixé à [Localité 1] et qu'il ressortait du pouvoir de direction de l'employeur d'enjoindre au salarié de reprendre son poste de travail à [Localité 1]. Elle fait valoir par ailleurs que le fait de cuisiner pour le personnel de la [Adresse 5] faisait expressément partie des attributions de Monsieur [C] [V], telles que figurant à son contrat de travail, et que le salarié avait déjà eu l'occasion de préparer des repas pour le personnel de la Villa. Elle produit l'attestation du 15 mai 2014 de Monsieur [Y] [V] (frère de [C] [V]), qui indique travailler pour ECOSSAISE OPERATING et être « au service de Mr et Me pour l'été (les Propriétaires) et en hiver, (il) alterne avec le 2ème chef, 15 jours chacun à la cantine pour le staff » ainsi que l'attestation du 1er juillet 2014 de Monsieur [A] [Q], Family Assistant Manager, qui rapporte que « lorsque que Mr [C] [V] travaillait à la villa Écossaise à [Localité 1], il préparait les repas autant pour les propriétaires, les invités que le staff dont (M. [Q]) ».
Alors que Monsieur [C] [V] travaillait depuis cinq saisons (automne-hiver), correspondant à la saison de la chasse, sur la propriété de Soings en Sologne, et qu'il n'est pas discuté qu'il faisait la cuisine pour les propriétaires et leurs invités, même s'il pouvait être amené également à préparer les repas du personnel, il ressort aussi des témoignages produits par l'employeur qu'à l'époque où il travaillait à la Villa Écossaise à [Localité 1], le salarié ne faisait pas uniquement la cuisine pour le personnel.
Les missions de Monsieur [C] [V] définies contractuellement correspondent d'ailleurs aux missions d'un chef cuisinier qui a la responsabilité de l'élaboration et la préparation des menus, du choix des vins et de la gestion du service de table au service des propriétaires et de leurs invités.
En conséquence, l'affectation de Monsieur [C] [V], décidée par la SAS ECOSSAISE OPERATING et annoncée le 17 septembre 2013, sur le poste de [Localité 1] avec pour missions de « préparer le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner pour les occupants de la propriété (staff) » représentait indiscutablement une limitation des responsabilités du chef cuisinier et une suppression de certaines de ses missions contractuelles et donc une modification du contrat de travail.
Au vu du déclassement imposé unilatéralement par l'employeur à Monsieur [C] [V] et alors que la SAS ECOSSAISE OPERATING n'a pas répondu au courrier du 9 octobre 2013 du salarié protestant contre son affectation sur un poste à un niveau inférieur et avec des responsabilités moindres, l'absence du salarié du 2 au 4 décembre 2013 n'est pas constitutive d'une faute grave.
La transmission tardive de la prolongation de l'arrêt de travail est contestée par Monsieur [C] [V], lequel affirme avoir adressé le certificat médical de prolongation sur la période du 16 décembre 2013 au 12 janvier 2014 par courrier simple du 17 décembre 2013. Elle ne constitue pas, en tout état de cause, une faute grave alors que l'employeur, informé de l'arrêt initial de travail pour maladie de Monsieur [C] [V], n'a même pas sollicité auprès du salarié un justificatif de son absence entre le 16 décembre 2013 et le 10 janvier 2014 (date de transmission dudit certificat par lettre recommandée).
Il convient, dans ces conditions, de réformer le jugement sur ce point et de dire que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] [V] n'est pas justifié.
Monsieur [C] [V] invoque un licenciement nul, faisant valoir qu'il a été prononcé à son égard en raison de son état de santé. Cependant, le licenciement du salarié est motivé à titre principal par un abandon de poste, antérieur à l'arrêt de travail de Monsieur [C] [V]. Il est intervenu en raison du refus opposé par le salarié de rejoindre son nouveau poste et non en raison de son état de santé.
Le licenciement de Monsieur [C] [V] n'est donc pas nul mais dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il convient d'accorder à Monsieur [C] [V] la somme brute de 16 354 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 10 726 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, dont le calcul des montants n'est pas discuté, ainsi que la somme brute de 1635,40€ au titre des congés payés sur préavis.
Monsieur [C] [V] produit un avis du Pôle emploi attestant qu'il a été admis, par notification du 10 juin 2014, au bénéfice de l'allocation d'aide au retour à l'emploi et qu'il a bénéficié de 146 allocations journalières au 30 septembre 2014. Il ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle postérieurement au mois de septembre 2014, ni sur ses ressources.
En considération de son ancienneté de six ans dans l'entreprise occupant plus de 10 salariés (35 selon l'attestation Pôle emploi du 25 février 2014 délivrée par l'employeur) et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Monsieur [C] [V] la somme de 50 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les frais de déplacement :
Monsieur [C] [V] réclame le paiement de la somme de 180 € à titre de remboursement de frais de déplacement. Il produit un courriel de son employeur en date du 4 octobre 2011, qui indique que les frais de 180 € « seront réglés bientôt »
La SAS ECOSSAISE OPERATING, venant aux droits de la société QUALITAS SERVICES COMPANY, ne justifie pas que cette somme a effectivement été réglée au salarié.
Alors que l'employeur a reconnu expressément devoir cette somme à titre de remboursement de frais, somme qui n'a pas été réglée au salarié, il convient de faire droit à la réclamation de Monsieur [C] [V] et de lui allouer 180 € à titre de remboursement de frais.
Sur les congés payés :
Monsieur [C] [V] soutient que ses employeurs successifs lui avaient déduit à leur gré des congés payés, correspondant à 100 jours supprimés, et il réclame à ce titre la somme de 37 168€.
Il produit un courrier qu'il a adressé le 11 septembre 2012 à la société QUALITAS SERVICES COMPANY pour réclamer que lui soient rajoutés les congés payés déduits d'office par son employeur du 1er juillet au 31 août 2012, celui-ci l'ayant sans consultation placé en congé payé en l'absence d'affectation pour la saison d'été. Il contestait également son placement par l'employeur en congé payé pour le mois de septembre 2012 en l'absence d'affectation, étant précisé qu'il a été affecté au domaine des Pins à Soing en Sologne à compter du 22 septembre 2012.
Il ressort des courriers produits par l'appelant que l'employeur lui a imposé de prendre des congés payés du 1er juillet au 31 août 2012 et du 1er au 21 septembre 2012 au motif qu'il n'avait pas trouvé d'affectation pour le salarié (courrier de l'employeur du 25 juillet 2012 pour la période de juillet et août 2012, courrier du 26 juillet 2012 pour la période de septembre 2012).
À défaut pour l'employeur d'avoir consulté le salarié sur ces dates de congés et compte tenu que celui-ci a été placé en congé payé d'office par l'employeur au seul motif que ce dernier ne lui trouvait pas de prestation de travail, il ne pouvait être déduit des jours de congés à Monsieur [C] [V] en juillet et août 2012 et du 1er au 21 septembre 2012, peu importe que le salarié se soit retrouvé sans activité bien que rémunéré par l'employeur.
Les seuls courriels versés par la SAS ECOSSAISE OPERATING (lettres simples sur lesquelles il est mentionné une remise en main propre contre décharge, sans signature du salarié) ne permettent pas de démontrer que la société a mis en demeure le salarié de présenter ses demandes de prise de congés avant l'échéance du 31 mai 2012, peu importe que cela soit spécifié dans le contrat de travail de Monsieur [C] [V].
Au vu du décompte présenté par le salarié et non utilement contesté par l'employeur, il est établi que Monsieur [C] [V] bénéficiait de 78 jours de congés payés sur 2011/2012 et de 16,5 jours de congés acquis sur 2012/2013, soit un total de 94,5 jours.
Lors du solde de tout compte, il a été réglé au salarié le paiement de 25 jours de congés payés (bulletin de paie de février 2014).
En conséquence, il reste dû à Monsieur [C] [V] 70 jours de congés payés, soit la somme de 26 414 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
Sur les manquements relatifs à la prévoyance :
Monsieur [C] [V] expose que son salaire ne lui a pas été maintenu durant son arrêt de travail, que la SAS ECOSSAISE OPERATING lui a adressé seulement à l'audience de conciliation la somme de 8331,62 € à titre de maintien de salaire et que la SAS ECOSSAISE OPERATING, après avoir prétendu avoir effectué les démarches nécessaires relatives à la portabilité de la prévoyance, lui a adressé plus de deux mois après son licenciement un bulletin d'adhésion à compléter par lettre recommandée du 24 avril 2014, bulletin d'adhésion retourné à l'employeur par l'intermédiaire du conseil de Monsieur [C] [V] par courrier recommandé du 5 mai 2014, et qu'il n'a à ce jour toujours aucune information et n'a perçu aucune indemnité de prévoyance.
Monsieur [C] [V] produit le courrier du 23 septembre 2014 de l'AG2R LA MONDIALE lui répondant n'avoir aucun dossier d'arrêt de travail le concernant et lui précisant qu'il doit se renseigner auprès de son employeur « car lui seul peut faire la démarche » et indiquant transmettre son courrier au service adhésion pour son bulletin de portabilité.
La SAS ECOSSAISE OPERATING réplique que pour bénéficier des dispositions relatives au maintien des garanties des couvertures complémentaires santé et prévoyance, l'ancien salarié devait fournir à l'employeur la justification de sa prise en charge par le régime d'assurance-chômage, obligation rappelée à Monsieur [C] [V] dans sa lettre de licenciement, que le salarié n'a jamais fait part à l'employeur de sa prise en charge au titre de l'assurance-chômage, que la société a fait les démarches nécessaires auprès de l'organisme assureur afin que le dossier de Monsieur [C] [V] soit pris en charge et elle produit le courrier du 19 mai 2014 qu'elle a adressé à AG2R Prévoyance pour transmission du bulletin d'affiliation du salarié au dispositif de portabilité (lettre recommandée réceptionnée le 21 mai 2014 par AG2R, pièce 34 versée par l'employeur), ainsi qu'un courriel de l'AG2R du 25 juillet 2014 confirmant que le dossier de Monsieur [V] était bien ouvert « concernant la portabilité ».
Monsieur [C] [V], qui ne conteste pas qu'il ne pouvait bénéficier d'une indemnisation pendant 90 jours de franchise, ne justifie pas d'un arrêt de travail qui se serait prolongé au-delà du 22 février 2014. Il fait état de la poursuite d'un arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2014, sans pour autant en justifier. Il ne pouvait donc prétendre au paiement d'indemnités journalières complémentaires par le régime de prévoyance.
Alors que Monsieur [C] [V] a été informé, par la lettre de licenciement du 21 février 2014, qu'il devait fournir à son employeur la justification de sa prise en charge par le régime d'assurance chômage s'il voulait bénéficier de la portabilité de la prévoyance et qu'il ne justifie pas avoir adressé un tel document à son employeur, il n'est pas démontré que ce dernier a tardé à lui adresser le bulletin d'affiliation au dispositif de portabilité, bulletin retourné par le conseil de Monsieur [C] [V] par courrier recommandé du 5 mai 2014 et adressé par l'employeur à l'AG2R le 19 mai 2014.
Il résulte des éléments versés par l'employeur que l'organisme de prévoyance AG2R a pris en charge Monsieur [C] [V] au titre de la portabilité.
En conséquence, à défaut de justifier de manquements de l'employeur, la Cour déboute Monsieur [C] [V] de sa demande d'indemnisation au titre de la prévoyance.
Sur le défaut de visite médicale :
Monsieur [C] [V] fait valoir qu'il n'a jamais passé de visite médicale et que la SAS ECOSSAISE OPERATING, lors de la reprise de son contrat de travail, ne lui a pas plus fait passer de visite médicale, même périodique. Il relève que ce manquement de l'employeur est d'autant plus grave qu'il s'inscrit dans un contexte de souffrance au travail généré par le comportement déloyal de l'employeur, qui a eu pour conséquence ses arrêts de travail. Il produit son arrêt de travail initial du 5 décembre 2013 mentionnant un 'burnout'.
La SAS ECOSSAISE OPERATING réplique que le salarié a été transféré le 20 décembre 2012, que la société n'était aucunement soumise à une quelconque obligation de lui faire passer une visite médicale avant le délai de deux ans et que Monsieur [C] [V] avait quitté la société avant la fin de ce délai.
Alors que le salarié n'avait bénéficié d'aucune visite médicale dans les deux ans ayant précédé le transfert de son contrat de travail au sein de la SAS ECOSSAISE OPERATING, il appartenait à cette dernière société d'organiser une visite médicale au profit de Monsieur [C] [V].
La SAS ECOSSAISE OPERATING a ainsi manqué à son obligation de sécurité, manquement qui a causé un préjudice au salarié lequel n'a pas été en mesure de faire vérifier la compatibilité de son état de santé au poste de travail et, le cas échéant, d'obtenir les adaptations de son poste de travail.
La Cour accorde à Monsieur [C] [V] en réparation de son préjudice la somme de 250 € pour défaut d'organisation de visite médicale.
Sur la remise des documents sociaux :
Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée, en conformité avec le présent arrêt, avec mention du dernier lieu de travail de Monsieur [C] [V] à [Localité 2].
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
STATUANT PUBLIQUEMENT, EN MATIERE PRUD'HOMALE, PAR ARRET CONTRADICTOIRE,
Reçoit l'appel en la forme,
Confirme le jugement en ce qu'il a jugé irrecevable la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et en ce qu'il a débouté Monsieur [C] [V] de sa demande de dommages intérêts pour manquements relatifs à la prévoyance,
Le réforme pour le surplus,
Dit que le licenciement de Monsieur [C] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS ECOSSAISE OPERATING à payer à Monsieur [C] [V] :
-16 354 € bruts d'indemnité compensatrice de préavis,
-1635,40 € bruts de congés payés sur préavis,
-10 726 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-50 000 € bruts de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-180 € de frais de déplacement,
-26 414 € bruts d'indemnité compensatrice de congés payés,
-250 € de dommages intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
Ordonne la délivrance par la SAS ECOSSAISE OPERATING d'un bulletin de paie mentionnant les sommes allouées de nature salariale et de l'attestation Pôle emploi rectifiée en conformité avec le présent arrêt,
Condamne la SAS ECOSSAISE OPERATING aux dépens et à payer à Monsieur [C] [V] 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier Madame Ghislaine POIRINE,
Conseiller, pour le président empêché