COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 28 SEPTEMBRE 2017
N°2017/ 698
Rôle N° 16/10958
[G] [Y] épouse [N]
C/
[R], [I], [B] [N]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Jean-Louis BONAN
Me Stéphane MÖLLER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 18 Mai 2016 enregistré au répertoire général sous le n°16/10958.
APPELANTE
Madame [G] [Y] épouse [N]
née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
comparante en personne,
représentée par Me Jean-Louis BONAN, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [R], [I], [B] [N]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Stéphane MÖLLER, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Juin 2017, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Chantal MUSSO, Présidente, et Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal MUSSO, Présidente
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Madame Carole MENDOZA, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Septembre 2017.
Signé par Madame Chantal MUSSO, Présidente et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
[G] [Y] et [R] [N] se sont mariés le [Date mariage 1] 2005 à [Localité 3].
Ils ont fait précédé leur union d'un contrat de mariage.
Une enfant est issue de cette union:
- [T], née le [Date naissance 3] 2004.
Le 14 Décembre 2012, [R] [N] a présenté une requête en divorce .
Par ordonnance de non conciliation du 12 Février 2013, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Digne les Bains a :
1°) En ce qui concerne les époux
attribué à [G] [Y] la jouissance gratuite du domicile conjugal, bien indivis
dit que chaque époux assumera la charge du remboursement du prêt immobilier par moitié
fixé à la somme mensuelle de 400 euros le montant de la pension alimentaire dûe à l'épouse au titre du devoir de secours
débouté [G] [Y] de sa demande en paiement d'une provision ad litem
attribué à [G] [Y] la jouissance du véhicule Renault Scénic
attribué à [R] [N] la jouissance du véhicule Renault Mégane
2°) en ce qui concerne l'enfant :
constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale
fixé la résidence de l'enfant au domicile maternel
organisé le droit de visite et d'hébergement du père de manière usuelle
fixé le montant de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de l'enfant à la somme mensuelle de 400 euros
Le magistrat conciliateur a également désigné Maître [V], notaire à [Localité 3] , aux fins d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial.
Ce projet a été déposé le 27 Février 2015.
Par assignation du 10 Juin 2015, [R] [N] a formé une demande en divorce sur le fondement des articles 237 et suivants du code civil .
Par jugement du 18 Mai 2016 le juge aux affaire familiales du Tribunal de Grande Instance de Digne les Bains a :
prononcé le divorce des parties pour altération définitive du lien conjugal
ordonné la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux
fixé à la somme de 25 000 en capital le montant de la prestation compensatoire dûe l'épouse
constaté l'exercice conjoint de l'autorité parentale
fixé la résidence de l'enfant au domicile maternel
organisé les droit de visite et d'hébergement du père les première, troisième et cinquième fins de semaine de chaque mois, du vendredi soir sortie des classes au lundi matin rentrée des classes, ainsi que la moitié de chaque période de vacance scolaires
fixé le montant de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de l'enfant à la somme mensuelle de 500 euros .
Le 13 Juin 2017, [G] [Y], a interjeté appel de cette décision.
Selon dernières conclusions déposées le 22 Mai 2017, elle demande à la Cour d'infirmer le jugement en ses dispositions relatives au quantum de la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation et de la prestation compensatoire .
Elle sollicite donc qu' [R] [N] lui verse:
- la somme mensuelle de 800 euros au titre de sa contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant
- la somme de 80 000 euros en capital au titre de la prestation compensatoire
Elle prétend au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle expose la situation respective des parties.
Elle rappelle d'abord que, mère de deux enfants issus d'une précédente union, elle engage des frais importants pour leur scolarité, et en particulier pour [E], qui poursuit un cursus de formation dans le tourisme.
Elle indique qu'elle exerce une activité d'aide de vie scolaire et perçoit un salaire mensuel de 680 euros par mois.
Elle estime ses charges mensuelles à la somme de 682 euros .
Elle analyse avec la plus grande minutie la situation de l'époux, effectue une analyse comparée des revenus déclarés par ce dernier depuis l'année 2011, pour soutenir qu'il entretient une opacité quant à ses véritables revenus.
Ainsi, elle prétend que c'est de mauvaise foi qu'il déclare percevoir un salaire mensuel variant entre 2800 euros et 2900 euros, puisque, en qualité d'agent de maîtrise au sein de l'entreprise AREVA, il effectue de nombreux déplacements qui donnent lieu à rémunération.
Elle décrit son propre parcours professionnel .
Elle insiste essentiellement sur le fait qu' à la suite de la naissance d'[T], elle n'a exercé que des emplois à temps partiel jusqu' à l'année 2014.
Après une période de chômage , du mois d'Août 2014 au 12 Janvier 2016, elle a bénéficie seulement d'un contrat d'insertion jusqu'au mois de Janvier 2017.
Elle indique que l'époux est nu-propriétaire de biens immobiliers sis à [Localité 3] , alors qu'elle n'est propriétaire que du bien immobilier qu'elle a apporté à la société d'acquêts, par contrat de mariage dressé le 20 Juin 2005.
Il détient également une épargne personnelle.
Elle soutient qu' [R] [N] n'exerce son droit de visite et d'hébergement que de manière irrégulière du fait de ses nombreux déplacements.
Elle doit donc assumer quasiment exclusivement la prise en charge d'[T] .
Formant appel incident, [R] [N] demande à la Cour, aux termes de ses dernières conclusions du 15 Février 2017, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à [G] [Y] une prestation compensatoire .
Il soutient en effet que le droit à prestation compensatoire n'est pas démontré par l'épouse.
Il fait d'abord observer que l'union est de courte durée ( 7 années) et que [G] [Y], âgée de 41 ans, ne rencontre aucun problème de santé particulier.
Il fait valoir que l'épouse, qui bénéficie actuellement d'un emploi à temps partiel en qualité d'auxiliaire de vie en milieu scolaire, pourrait parfaitement réaliser une insertion professionnelle plus rémunératrice.
Il affirme - ce qui est contesté par [G] [Y]- que cette dernière vit maritalement.
Il soutient que l'épouse n'a consenti aucun sacrifice pour privilégier la vie de la famille ou son propre cursus professionnel.
Il indique percevoir un salaire mensuel net depuis le Janvier 2016 de 3965 euros .
Il fait observer qu'il n'a jamais contesté qu'il effectuait des déplacements professionnels, qui se sont en effet accrus de manière exceptionnelle durant les trois dernières années, compte tenu de la politique et de l'activité menées par le groupe AREVA.
Il estime ses charges mensuelles à 3297 euros .
Il indique qu'il justifie de tous éléments de son patrimoine personnel:
Il est nu-propriétaire avec ses frère et soeur d'un bien immobilier sis à [Localité 3] par l'effet d'une donation consenti par leur mère le 29 Août 2005.
Il a investi l'épargne détenue en propre dans le bien immobilier indivis.
Il détient également une épargne salariale d'un montant de 124 220 euros .
Il a recueilli dans la succession de son père une somme qui s'élevait au 15 Janvier 2003 à 9784,14 euros .
Il s'oppose à l'augmentation du quantum de sa part contributive.
Il fait essentiellement valoir , d'une part, que la situation des parties et les besoins de l'enfant n'ont pas évolué, et que certaines activités de loisirs d'[T], prises en charge par le comité d'entreprise de son employeur, ne pèsent pas sur [G] [Y] .
La procédure a été clôturée le 06 Juin 2017 .
DISCUSSION
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
Seules se trouvent contestées les dispositions relatives à la contribution paternelle à l'entretien et l'éducation de l'enfant et à la prestation compensatoire .
Les autres dispositions non critiquées du jugement du 18 Mai 2016, seront confirmées.
Le litige opposant les parties est d'ordre financier.
La Cour procède donc à l'analyse de la situation économique respective des parties.
[G] [Y] est auxiliaire de vie scolaire, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminé, à temps partiel.
Elle perçoit actuellement un revenu mensuel de 680 euros .
Selon déclaration d'impôts, elle a perçu, au titre de l'année 2015, un revenu annuel de 8488 euros , soit en moyenne 707,33 euros
Elle est mère de trois enfants issus d'une précédente union, et pour lesquels le père contribue à hauteur de 250 euros par mois.
Conformément aux dispositions de l'ordonnance de non conciliation , elle occupe l'ancien domicile conjugal, bien indivis, à titre gratuit.
Elle assume les charge de la vie courante.
Une partie des frais dont elle fait état sont des dépenses engagés pour les loisirs des enfants issus d'une première union, et qui sont compensés par le paiement de la part contributive de leur père.
Aucune des pièces communiquées par l'intimé ne permet de déterminer si [G] [Y] vit ou non maritalement.
[R] [N] est technicien auprès de la société AREVA.
Selon avis d'impôts 2016 sur les revenus 2015, il perçoit un revenu mensuel de 5099 euros .
Outre les charges de la vie courante, il assume une charge de loyer mensuelle de 773 euros .
Il doit être observé que les parties sont déliées du paiement de l'emprunt immobilier, mis à leur charge par moitié par le magistrat conciliateur ( ce qui représentait une charge mensuelle pour chacun de 234 euros ).
Ce prêt est en effet arrivé à échéance le 15 Juin 2015.
Sur la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants:
Le montant de la contribution des parents à l'entretien d'un enfant commun doit être fixé en fonction de besoins de celui-ci et des facultés contributives respectives des parents, chacun devant contribuer à son entretien.
[T] est actuellement âgée de 13 ans.
Le droit de visite et d'hébergement de [R] [N] a été fixé de manière usuelle par le premier juge.
Aucun élément de la procédure ne permet de considérer que le père exerce irrégulièrement son droit, ce qui ferait alors peser sur [G] [Y] une charge financière accrue.
[G] [Y] ne se prévaut pas de charges spécifiques engagées pour l'entretien et l'éducation de cette enfant.
Compte de ces éléments et de l'analyse de la situation des parties, c'est à bon escient que le premier juge a fixé le montant de la part contributive d' [R] [N] à la somme mensuelle de 500 euros .
Sur la prestation compensatoire
Aux termes des articles 270,271 et 272 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.
Cette prestation a un caractère forfaitaire.
Elle prend la forme d'un capital.
Elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Le juge, saisi d'une demande de prestation compensatoire doit en premier lieu rechercher si la rupture crée une disparité dans les conditions de vie des époux.
Ce n'est que si l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux est établie, que le juge doit ensuite rechercher si elle doit être compensée, en appréciant la situation des époux selon les critères édictés par l'article 271 du code civil ou des circonstances particulières de la rupture.
Compte tenu de l'analyse de la situation respective des parties, il est incontestable que la rupture du lien conjugal va entraîner une disparité au détriment de l'épouse.
L'article 271 du code civil prévoit que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. A cet effet, le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage
- l'âge et l'état de santé des époux
- leur qualification et leur situation professionnelles
- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne
- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial
- leurs droits existants et prévisibles
- leur situation respective en matière de pensions de retraite.
[G] [Y] est âgée de 42 ans, [R] [N] est âgé de 53 ans.
Le mariage a duré 12 ans, la vie commune 8 années, jusqu'à l'ordonnance de non conciliation intervenue le 13 Février 2013.
Une enfant est issu de cette union, [T], âgée de 13 ans.
Les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens avec société d'acquêts
Aux termes d'un acte reçu par Maître [T], notaire à [Localité 3], le 20 Juin 2005, [G] [Y] a apporté à la communauté le bien immobilier sis [Adresse 1], à charge pour la communauté de supporter toutes les dettes relatives à ce bien.
Les parties s'accordent à voir fixer la valeur de ce bien immobilier à la somme de 198 000 euros .
Il ressort du projet d'état liquidatif élaboré par Maître [V], notaire, désignée par le magistrat conciliateur, que les droits de [R] [N] dans la liquidation s'élèvent à la somme de 88 143,72 euros , ceux de [G] [Y] à la somme de
75 379,28 euros .
[R] [N] est nu-propriétaire indivis, avec son frère et sa soeur de biens immobiliers sis à [Localité 3].
La valeur de ses droits n'est pas communiquée.
Il dispose d'une épargne salariale d'un montant de 124 220 euros .
[G] [Y] ne dispose pas d'un patrimoine en propre.
Lors de l'union célébrée au cours de l'année 2005, l'épouse était âgée de 30 ans.
Elle avait déjà réalisé une insertion professionnelle depuis l'année 1996.
Aucun élément ne permet de déterminer si cette activité a toujours été exercée à temps complet.
Après l'union et la naissance d'[T], elle n'a pas interrompu son activité professionnelle.
Il est cependant constant que son exercice professionnel s'est déroulé à temps partiel et dans le cadre de contrats à durée déterminée.
Cette situation va obérer nécessairement ses droits à la retraite.
Il doit cependant être rappelé que la vocation de la prestation compensatoire n'est ni d'assurer l'égalité des situations économiques entre les ex conjoints, ni de moduler les rigueurs du choix s'un régime matrimonial.
Il doit être observé que l'épouse est âgée de 42 ans, et que rien ne l'empêche de faire évoluer la situation professionnelle, puisqu'elle dispose par ailleurs d'un brevet professionnel en informatique.
Il doit être également rappelé que la vie commune a été de courte duré ( huit années).
Dès lors, la disparité résultant de la rupture du lien matrimonial a été justement compensée par le premier juge.
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
Il n' y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie assumera la charge des dépens qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats hors la présence du public,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT que chaque partie assumera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT