COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
14e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2017
N°2017/1643
Rôle N° 16/03426
INSTITUT NATIONAL DE L'ORIGINE ET DE LA QUALITE
C/
URSSAF DU VAR
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE
Grosse délivrée le :
à :
Me LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS
URSSAF DU VAR
Copie certifiée conforme délivrée aux parties le :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale du VAR en date du 25 Janvier 2016,enregistré au répertoire général sous le n° 21301096.
APPELANTE
INSTITUT NATIONAL DE L'ORIGINE ET DE LA QUALITE, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Fanny GOUT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
INTIMEE
URSSAF DU VAR, demeurant [Adresse 2]
représenté par Mme [O] [G] (Inspectrice du contentieux) en vertu d'un pouvoir spécial
PARTIE(S) INTERVENANTE(S)
MNC - MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE, demeurant [Adresse 3]
non comparant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
M. Gérard FORET-DODELIN, Président
Madame Florence DELORD, Conseiller
Madame Marie-Pierre SAINTE, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2017
Signé par M. Gérard FORET-DODELIN, Président et Madame Nathalie ARNAUD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
L'Institut National de l'Origine et de la Qualité (INAO) a fait appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var du 25 janvier 2016 qui l'a débouté de son recours contre une décision de l'URSSAF puis de la commission de recours amiable du 15 mars 2013 de lui refuser le remboursement de cotisations sociales versées du chef de ses agents titularisés dans le régime des fonctionnaires de l'Etat suite à un décret du 20 octobre 2010.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience de plaidoirie du 27 septembre 2017, il a demandé à la Cour d'infirmer le jugement, de d'annuler la décision de la commission de recours amiable du 15 mars 2013 et de condamner l'URSSAF à lui payer la somme de 172051 euros avec les intérêts moratoires à compter du paiement des cotisations sociales indûment versées, outre la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ses dernières conclusions développées à l'audience, l'URSSAF a demandé à la Cour de confirmer le jugement, de débouter l'appelant de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La MNC a été avisée de l'appel.
MOTIFS DE LA DECISION
L'INAO a fait l'objet d'un contrôle de l'Urssaf du Var concernant tous ses établissements et portant sur la période 2009 ' 2011, qui a donné lieu à cinq chefs de redressement qui ont été acceptés, pour un total de 16348 euros.
Au cours de ce contrôle, l'INAO a demandé à l'Urssaf le remboursement des cotisations sociales réglées pour ses agents devenus fonctionnaires de l'Etat à l'occasion de leur changement de statut, courant octobre 2010, en faisant valoir que leur titularisation avait été rétroactive au jour de leur demande.
L'Urssaf, la commission de recours amiable et le tribunal ont refusé cette demande au motif que selon l'article 5 d'une Instruction Générale du 1er août 1956 repris dans au moins une lettre ACOSS du 30 janvier 1996, et l'article D173-19 du code de la sécurité sociale, si la titularisation peut être rétroactive au jour de la demande de l'agent, l'affiliation au régime des fonctionnaires ne peut pas l'être: ainsi, le régime général de sécurité sociale conserve les cotisations versées et garde définitivement la charge des prestations servies avant la titularisation.
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L' Institut National des Appellations d'Origine (INAO) est un établissement public administratif sous tutelle de l'Etat, créé en 1935 et renommé Institut national de l'origine et de la qualité en 2006.
Par une ordonnance du 25 mars 2009, les agents sous contrat à durée indéterminée de divers organismes, dont l'INAO, ont obtenu un droit d'option entre l'intégration dans la fonction publique et un nouveau statut unique unifié.
Un décret n°2010-1246 du 20 octobre 2010, a organisé les conditions de titularisation et d'intégration de ces agents non titulaires de l'Etat dans les différents corps de fonctionnaires du ministère de l'agriculture en fonction de leur catégorie (A, B et C).
Ces agents avaient un an pour faire leur demande de titularisation.
Selon l'article 4, la date de la titularisation était fixée au premier jour du mois qui suivait le dépôt d'une demande complète, faisant l'objet d'un accusé de réception.
Pour les agents relevant des catégories B et C, la titularisation était de droit,
Les agents relevant de la catégorie A pouvaient demander à être titularisés dans les corps des attachés d'administration ou dans le corps des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement ; s'ils n'obtenaient pas de titularisation dans le corps souhaité, ils pouvaient demander à ne pas être titularisés, ou bien à être titularisés dans l'autre corps. Dans ce cas, la titularisation dans l'un ou l'autre des corps était de droit.
Devant la Cour, l'INAO a rappelé que la règle de la rétroactivité avait été posée par le décret du 20 octobre 2010 et que l'Urssaf avait accepté de lui reconnaître un crédit de 172051 euros au titre des mois de janvier à avril 2012 comme en attestaient deux mails de sa « gestionnaire-recouvrement », Madame [N], en mai et juin 2012 (pièces 12 à 17).
Il estime, depuis sa toute première demande du 23 octobre 2012, réitérée dans ses conclusions, que, si l'annulation des versements des cotisations de l'assurance vieillesse était prévue par un texte, « la même règle doit raisonnablement être appliquée aux autres cotisations afin que les intéressés ne soient pas affiliés à des régimes différents pour une même activité ».
Dans le dernier état de ses conclusions soutenues à l'audience, l'Urssaf a renoncé à se prévaloir de deux lettres Acoss de 1991 et du 30 décembre 1996 dont l'INAO avait soutenu ne pas en avoir trouvé trace, mais a maintenu son refus de faire droit à la demande de remboursement en se fondant sur l'Instruction générale du 1er août 1956 et sur l'article D173-19 du code de la sécurité sociale.
Quant aux mails de Madame [N], elle a considéré qu'ils ne faisaient que rappeler le principe de la communication des informations relatives au calcul des cotisations.
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La Cour constate, au préalable, que la demande de l'INAO ne porte pas sur les cotisations de l'assurance vieillesse, mais sur les « autres cotisations sociales ».
Or, si le décret du 20 octobre 2010 précité a prévu que la titularisation des agents avait un effet rétroactif au jour de la réception de leur demande, ce texte ne contient aucune disposition relative à la date de l'affiliation de ces agents au régime de la sécurité sociale des fonctionnaires.
L'article D173-19 du code de la sécurité sociale prévoit et organise la prise en charge, par le régime général, au titre de l'assurance vieillesse, des droits à la retraite en faveur de certains fonctionnaires civils quittant leur administration et autorise l'annulation rétroactive des versements des cotisations de l'assurance vieillesse.
Toutefois, ce texte n'a pas son équivalent pour les « autres cotisations sociales ».
L'INAO demande l'application de la même règle pour les « autres cotisations », en faisant valoir que l'instruction générale du 1er août 1956 n'a aucune valeur législative.
L'article 5 de la Section 1 du Titre premier de l'Instruction Générale du 1er août 1956 avait prévu que, « en cas de titularisation prononcée avec effet rétroactif, les agents bénéficient du régime de sécurité sociale des fonctionnaires à compter du premier jour du mois qui suit la notification au service ordonnateur de l'acte portant titularisation.
L'affiliation ne peut donc pas être rétroactive ».
Toutefois, l'Instruction Générale du 1er août 1956 qui a été établie et co-signée par le secrétaire d'Etat à la Présidence du conseil chargé de la fonction publique et par le secrétaire d'Etat au budget, et qui s'adressait aux ministres et secrétaires d'Etat, se présentait comme se substituant aux anciennes circulaires prises pour l'application de la loi du 9 avril 1947 ratifiant un décret du 31 décembre 1946, aménagés et précisés par un décret 55-1389 du 18 octobre 1955 et une loi 56-341 du 27 mars 1956.
Ce document annonçait une « codification » des circulaires antérieures.
Or, il n'est pas établi que le texte de l'article 5 de la Section 1 du Titre premier de cette « instruction générale » aurait, ultérieurement, fait l'objet d'une loi ou d'un décret, et notamment au regard des dispositions de la loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat.
En conséquence, la Cour ne peut donner aucune valeur à la règle de la non-rétroactivité de l'affiliation, posée en 1956.
Cependant, le représentant du régime de sécurité sociale de la fonction publique n'étant pas partie à la procédure, il convient de rechercher si l'INAO justifie que sa demande de remboursement est effectivement fondée sur un double paiement de cotisations et sur le fait que les agents titularisés ne sauraient être « affiliés à des régimes différents pour une même activité ».
En effet, l'INAO soutient avoir réglé à la fois les cotisations sociales au régime général et les cotisations au régime des fonctionnaires, pendant la période d'attente des décisions de titularisation de ses agents. Il en veut pour preuve ses pièces 11-1 à 11-14, en prenant l'exemple d'un certain [U] qui avait obtenu sa titularisation avec effet au 1er septembre 2011.
La Cour constate que les pièces 11 concernent des « versements spontanés de l'INAO au CAS des Pensions », c'est-à-dire au Compte d'Affectation Spécial des pensions de retraite de l'Etat.
Il a été constaté que le litige ne portait pas sur les cotisations de l'assurance vieillesse.
Ces pièces 11 ne constituent pas la preuve de versements spontanés des « autres cotisations sociales » au régime des fonctionnaires.
L'INAO ne justifie pas davantage que le régime social des fonctionnaires lui aurait demandé de prendre en charge et de lui payer les « autres cotisations sociales » pour les agents titularisés en vertu du décret du 20 octobre 2010, dans l'attente de leur arrêté de titularisation.
L'INAO n'a donc pas apporté la preuve qu'il aurait supporté une double charge financière pour ses agents,« affiliés à des régimes différents pour une même activité ».
L'INAO soutient également que l'Urssaf aurait reconnu un effet rétroactif à l'affiliation au régime des fonctionnaires puisque ses services (en la personne de Mme [N]) avaient admis devoir lui rembourser, par compensation, les cotisations versées à tort pendant la période d'attente des décisions de titularisation.
La Cour constate que, contrairement à ce que soutient l'Urssaf, Madame [N] répond bien à une demande de régularisation en faveur de l'INAO et n'évoque nullement « le principe de la communication des informations relatives au calcul des cotisations. ».
Ainsi, il résulte des mails échangés entre l'INAO et Madame [N], que s'il est vrai que l'INAO lui avait effectivement soumis une demande de régularisation, en invoquant le « changement de statut de ses agents » prévu par le décret du 20 octobre 2010, il n'avait pas précisé la nature exacte des cotisations dont il demandait la régularisation.
Dès lors, la reconnaissance d'un crédit à hauteur de 172051 euros par Madame [N], en 2012, n'a pas de lien démontré avec les « autres cotisations sociales » et pourrait concerner les cotisations de l'assurance vieillesse auxquelles s'applique le principe de la rétroactivité.
Ces pièces ne constituent donc pas la reconnaissance, par l'Urssaf, de l'existence de la créance alléguée par l'INAO.
En conséquence, la Cour déboute l'appelant de ses demandes dont il a été démontré qu'elles étaient infondées, et, par motifs substitués à ceux du tribunal, confirme le jugement dont appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme, par motifs substitués, le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Var du 25 janvier 2016,
Déboute l'INAO de ses demandes,
Le dispense de payer le droit prévu par l'article R144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT