COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 14 NOVEMBRE 2017
A.D
N° 2017/
Rôle N° 16/01287
[E] [O]
C/
[G] [A]
[W] [U] [M] épouse [N]
[H] [Y]
[J] [R]
[O] [P] [I]
[P] [V]
SCP [A] - [T]
SELARL PHARMAPACK
SCI MTI
Grosse délivrée
le :
à :Me Guedj
Me Klein
Me Michel
Me levaique
Me Imperatore
Me Alligier
Me Baffert
Me Samak
Me Pieri
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 07 Janvier 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 11/10083.
APPELANT
Maître [E] [O], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Maud DAVAL-GUEDJ de la SCP COHEN GUEDJ MONTERO DAVAL GUEDJ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par Me Thomas D'JOURNO de la SELARL PROVANSAL-D'JOURNO-GUILLET & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,plaidant
INTIMES
Maître [G] [A], demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Pascale KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Madame [W] [U] [M] épouse [N]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 1], demeurant [Adresse 3]
représentée et assistée par Me Jean-Christophe MICHEL, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
Monsieur [H] [Y]
né le [Date naissance 2] 1945 à [Localité 2], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Pierre-Yves IMPERATORE de la SELARL BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Corinne SERROR, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Monsieur [J] [R], demeurant [Adresse 5]
représenté par Me Laurence LEVAIQUE de la SCP ERMENEUX-LEVAIQUE-ARNAUD & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me David CUSINATO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
Madame [O] [P] [I]
née le [Date naissance 3] 1953 à [Localité 3] (ALGERIE), demeurant [Adresse 6]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Anne-Laure SEMPE-FILIPPI, avocat au barreau de MARSEILLE,plaidant
Madame [P] [V]
née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 1], demeurant [Adresse 7]
représentée par Me Edouard BAFFERT de la SELARL BAFFERT.PENSO. ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Cécile CRUSANTI, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
SCP [A] - [T], demeurant [Adresse 2]
représentée et assistée par Me Pascale KLEIN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
SELARL PHARMAPACK agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège sis, demeurant [Adresse 8]
représentée et assistée par Me Philippe SAMAK, avocat au barreau de NICE, plaidant
SCI MTI, représentée par son gérant en exercice, M. [D] [Z], demeurant [Adresse 9]
représentée par Me Etienne PIERI, avocat au barreau de MARSEILL
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 09 Octobre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Danielle DEMONT, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2017
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Novembre 2017,
Signé par Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller ,faisant fonction de Président et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé :
Vu le jugement, contradictoire, rendu le 7 janvier 2016 par le tribunal de grande instance de Draguignan, ayant statué ainsi qu'il suit :
- déclare irrecevable la demande de Mme [V] contre maître [A],
- déclare les autres demandes recevables,
- rejette les demandes de la société Pharmapack contre la société civile immobilière MTI et contre Mme [W] [M]
- rejette la demande de Mme [M] contre Mme [V] et contre Mme [P] [I],
- condamne in solidum M. [Y], la société [A] [T], Me [O] à hauteur de 40 % et Me [R] à hauteur de 30 % à indemniser le préjudice de la société Pharmapack,
- ordonne une expertise avec la mission de donner au tribunal les éléments utiles à la détermination du préjudice matériel subi la demanderesse et résultant de l'impact de l'emphytéose sur la valeur du fonds, consistant dans l'indifférence de valeur entre le fonds que la société croyait acheter et qui lui offrait le statut de locataire commercial et le fonds qu'elle a réellement acquis et qui ne lui a conféré qu' un statut précaire,
- renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 9 juin 2016,
- réserve les droits des parties.
Vu l'appel interjeté le 25 janvier 2016 par Me [O], l'appel interjeté le 3 février 2016 par Me [R], et l'appel interjeté le 1er mars 2016 par M. [A] et la société [A] [T].
Vu les conclusions de Me [O], en date du 15 juillet 2016, demandant de :
- infirmer le jugement,
- juger irrecevables les prétentions de la société Pharmapack,
- à titre subsidiaire, débouter la société Pharmapack, Mme [M], M. [Y], la SCI [A] , Mme [V], Me [R] de toutes leurs demandes,
- à titre infiniment subsidiaire, vu l'article 1382 du Code civil,
- condamner in solidum M. [Y], la société [A] [T] à relever et garantir Me [O] de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au bénéfice de l'exécution provisoire,
- rejeter les demandes de Me [R],
- condamner tout succombant à régler la somme de 4000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu les conclusions de Me [R], en date du 15 septembre 2017, demandant de :
- réformer le jugement et dire que la société Pharmapack ne justifie pas d'un intérêt né et actuel pour agir, que son préjudice n'est qu'éventuel,
- déclarer l'action irrecevable,
- rejeter toutes les prétentions de la société demanderesse,
- subsidiairement, constater qu'il n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité vis-à-vis de ses clients et vis-à-vis des tiers à son intervention,
- dire que le préjudice allégué n'est qu' hypothétique en l'absence de réalisation du dommage, que celui-ci n'est pas justifié dans son quantum, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre le manquement allégué et le prétendu préjudice,
- à titre subsidiaire, dire que les manquements de M. [Y], de Me [C] et de Me [O] à les supposer établis constituent une cause d'exonération de sa responsabilité et réformer le jugement de ce chef,
- rejeter les demandes de la société Pharmapack, de Mme [M], de M. [Y], de Mme [V] ainsi que de Me [A] et de la SCP [A] [T],
- à titre infiniment subsidiaire,
- réformant le jugement, condamner M. [Y], Me [O] et/ ou la société [A] [T] venant aux droits de Me [C], et à l'encontre de laquelle l'action en responsabilité n'est pas prescrite à le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions de Me [A] et de la SCP [A] [T] en date du 11 septembre 2017, demandant de :
- infirmer le jugement,
- constater que Me [A] n'est pas le rédacteur de l'acte du 2 mai 1984,
- dire et juger irrecevable et infondée la demande à son encontre et le mettre hors de cause,
- dire prescrites en application de l'ancien article 2270-1 et des articles 2224 et 2232 du Code civil les demandes contre la société civile professionnelle,
- subsidiairement,
- constater que Me [C] n'est pas le rédacteur du bail commercial,
- dire qu'il n'est pas justifié que le bail commercial de 1974, objet de l'acte de cession reçue le 2 mai 1984 par Me [C] , ne mentionnait pas le caractère emphytéotique des droits du bailleur, que celui-ci n'était tenu d'aucune obligation de conseil et d'information vis-à-vis de M. [Y], le bailleur,
- dire que la preuve d'une faute de Me [C] n'est pas rapportée,
- constater que M. [Y] a consenti divers baux commerciaux postérieurement à l'acte de cession du bail sans aucune intervention de Me [C] et sans mentionner le bail emphytéotique,
- dire que l'absence d'informations par le bailleur à ses locataires successifs sur la restriction de son droit de propriété existe en dehors de toute intervention du notaire,
- dire que les différents rédacteurs des divers actes d'apport ou de cession, postérieurs à 1984, n'ont jamais vérifié l'étendue des droits du bailleur,
- dire que la faute de Me [C] est sans lien de causalité directe avec le préjudice invoqué et que le préjudice n'est en outre pas justifié,
- débouter en conséquence Mme [P] [I], M. [Y], Mme [V], Mes [O] et [R] de toutes leurs demandes à leur encontre,
- à titre infiniment subsidiaire, condamner solidairement Mes [O] et [R] à relever la société civile professionnelle de toute condamnation,
- à titre encore plus subsidiaire, dire que la responsabilité de Me [C] ne peut en aucun cas être équivalente , mais largement inférieure à celle de M. [Y] ainsi qu'à celle des rédacteurs intervenus postérieurement,
- condamner M. [Y] ou tout succombant à payer à la société civile professionnelle la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile
ainsi qu'aux entiers dépens.
Vu les conclusions de M. [Y] en date du 18 septembre 2017, demandant de :
- le recevoir en son appel incident et le déclarer bien-fondé,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- déclarer la société Pharmapack irrecevable en l'absence d'intérêt à agir et faute de préjudice actuel et certain,
- en conséquence, débouter la société Pharmapack de ses demandes,
- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'action contre le notaire n'était pas prescrite,
- dire qu'il n'a pas commis de faute,
- rejeter les demandes de la société Pharmapack de Me [O], Me [R], la société [A] [T], Mme [M] à son encontre,
- à titre subsidiaire, si la cour estime qu'il a commis une faute,
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que Me [C] a commis une faute engageant sa responsabilité et solidairement celle de la société [A] [T],
- dire que la faute du notaire absorbe la sienne,
- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que Me [O] et Me [R] ont commis une faute engageant leur responsabilité,
en conséquence,
- dire que la société [A] [T] devra seule assumer les conséquences de sa faute et de l'éventuelle faute de M. [Y] et qu'à défaut, elle devra le relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encours ainsi que Mes [O] et [R],
- à titre infiniment subsidiaire, ordonner une expertise pour déterminer le coût du déménagement de l'officine et de son installation dans un local voisin,
- condamner Pharmapack à la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu les conclusions de la société Pharmapack en date du 12 septembre 2017,demandant de :
- confirmer le jugement sur les responsabilités, sauf en ce qui concerne Mme [M],
- dire que Mme [M] lui doit garantie au titre de l'existence d'un bail emphytéotique non révélé,
- dire que Mes [O] et [R] et M [Y] ont commis une faute engageant leur responsabilité,
- y ajoutant,
- condamner in solidum Mme [M], Mes [O] et [R], ainsi que M. [Y] à lui verser la somme de 1'450'000 € correspondant à l'impact de l'emphytéose non déclarée sur la valeur actuelle du fonds de commerce arrêté en 2016,
- dire le cas échéant que Mme [M] sera relevée et garantie par les rédacteurs,
- les condamner, in solidum à lui payer la somme de 10'000 € au titre du préjudice moral,
- le cas échéant lui allouer une provision à hauteur de cette somme,
- désigner un expert dans les termes ordonnés par le tribunal,
- subsidiairement, dire que l'action en indemnisation des préjudices non encore constitués se prescrira à la date de la réalisation des préjudices,
- condamner in solidum tout succombant à lui payer la somme de 10'000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu les conclusions de Mme [M], épouse [N], en date du 27 avril 2016, demandant de :
- confirmer le jugement,
- subsidiairement, recevoir son appel incident,
- dire qu'elle sera relevée et garantie de toute condamnation prononcée à son encontre par M. [Y], Mme [P] [I], Mme [V] et Mes [O] et [R] ,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions du 16 mai 2016, de Mme [V], demandant de :
- à titre principal, confirmer le jugement,
- à titre subsidiaire, dire l'action de Mme [M] à son encontre irrecevable ,
- à titre subsidiaire, la recevoir en son appel incident et rejeter les demandes de la société Pharmapack,
- à titre encore plus subsidiaire, condamner la société [A] [T], Me [O], et Me [R] à la relever de toute condamnation susceptible d'intervenir à son encontre,
- condamner les parties succombantes au paiement de la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
Vu les conclusions de Mme [P] [I] du 19 aût 2016, demandant de :
- confirmer le jugement,
- subsidiairement, dire que l'action de Mme [M] à son encontre est irrecevable et mal fondée et rejeter son appel en garantie,
- à titre plus subsidiaire, rejeter les demandes de la société Pharmapack et en tant que de besoin, condamner la société [A] [T] à la relever et garantir,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Vu les conclusions de la SCI MTI en date du 25 juillet 2016, demandant de :
- constater qu'aucun appelant principal ou incident ne forme de demande à son encontre,
- confirmer la décision en ce qu'elle a rejeté les demandes de la société Pharmapack à son encontre,
- condamner tout succombant in solidum lui payer la somme de 1500 € application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 août 2017.
MOTIFS
Attendu que la recevabilité des appels n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.
Attendu que les appels seront donc reçus.
Attendu le 2 mai 1984, par acte de Me [C], alors associé dans la société civile professionnelle [A] [C], M. [H], restaurateur, a cédé à Mme [P], pharmacienne, un droit au bail consenti par Mme veuve [Y] en date du 10 août 1974 portant sur un fonds de commerce à usage de pharmacie à [Localité 1] ; que le même jour, un nouveau bail commercial était établi entre M [Y] et Mme [P].
Attendu que Me [C] a ultérieurement cédé ses parts à Me [A] .
Attendu que M. [H] [Y] en 1992 a consenti un bail commercial à Mme [P]; que ce bail a ensuite été apporté avec le consentement de M [Y] à la société [I] [V] en 1996, et qu'en 2001, Mme [M] a acquis le fonds de commerce de cette société ;
Attendu que le 16 novembre 2006, la société Pharmapack a acheté ce fond de Mme [M] selon acte reçu par Mes [R] et [O], avocats, ce dernier assistant le vendeur et étant désigné séquestre amiable du prix de 132'000 € et le premier assistant l'acheteur ; qu'en 2008, M [Y] a cédé ses droits à la société MTI et que celle-ci a, le 7 octobre 2010, donné congé à la société Pharmapack en lui offrant un renouvellement à compter du 2 mai 2011 et qu'à cette date, par la levée d'une fiche d'immeuble du 8 octobre 2010, il a été relevé que M. [Y] n'était pas propriétaire, mais seulement emphytéote depuis un bail du 18 juin 1928 indiquant la reprise des locaux par l'assistance publique de Marseille le 29 septembre 2028.
Attendu que la société Pharmapack qui apprenait ainsi qu'elle n'était que locataire d'un emphytéose a assigné en dommages et intérêts .
Attendu sur la question de la recevabilité du demandeur à agir, que l'existence d'un préjudice actuel, direct et certain ne conditionne pas la qualité à agir, mais le bien-fondé de la demande; qu'en effet, la notion d'intérêt à agir ne se confond pas avec l'appréciation de la légitimité de cet intérêt et n'est pas subordonnée à l'existence du préjudice invoqué, lequel n'est donc pas une condition de recevabilité de la prétention, mais de son succès au fond;
Attendu que la question du défaut de préjudice ne peut, en conséquence, être utilement invoquée de ce chef.
Attendu que Me [A] n'étant pas intervenu aux actes en litige, aucune faute à titre personnel ne peut lui être reprochée; attendu que toute demande quant à sa responsabilité professionnelle personnelle sera, en conséquence, rejetée .
Attendu que la société civile professionnelle de notaires [A] [T], qui est recherchée en sa qualité de successeur de Me [C], oppose à M [Y] la prescription de son action , qu'à cet égard, le point de départ du délai de la prescription se situe au jour de la manifestation du dommage invoqué et qu'en l'espèce, le dommage ne s'est manifesté à l'égard de M [Y] qu'à partir du jour où la société Pharmapack a découvert la qualité d' emphytéote de son bailleur, soit au plus tôt en 2010 lorsque la société MTI lui a proposé le renouvellement du bail et qu'elle a assigné M [Y].
Attendu par suite, que l'action engagée le 24 janvier 2013 dans le délai de 5 années de l'article 2224 du Code Civil est recevable, l'ancien article 2270-1 du Code Civil n'étant pas applicable et l'article 2232 n'ayant donc pas vocation à s'appliquer .
Attendu sur le fond qu'il résulte des actes versés au débats :
- que M. [Y] n'est pas apparu en qualité de locataire emphytéotique, mais comme propriétaire bailleur auprès de la société Pharmapack dès lors que l'acte de cession passé entre Mme [M] et la société comporte une lettre de M. [Y] du 14 novembre 2006 dans laquelle il se déclare propriétaire bailleur des locaux commerciaux et renonce à son droit de préemption, autorisant en même temps Mme [M] à céder le droit au bail;
- que dans le renouvellement du bail passé entre M. [Y] et Mme [M] le 4 avril 2002, et dans les autres actes auxquels il a été amené à concourir, celui-ci n'a pas donné de précision sur son exacte qualité d'emphytéote, se contentant de mentionner son état civil ;
- qu'il a également fait état de cette fausse qualité de propriétaire dans un courrier du 31 décembre 1996 accordant l'autorisation de cession à la SNC [I][V]
Or, attendu qu'en s'abstenant de préciser qu'il était emphytéote et laissant même croire en 1996 et en 2006 qu'il était propriétaire des murs, M [Y] a commis une faute, d'autant plus préjudiciable que dans le cadre d'un bail commercial, le locataire bénéficiant des droits attachés à la propriété commerciale, recherche une stabilité à long terme pour son commerce; qu'il ne peut prétendre s'en exonérer par la faute initiale de Me [C] alors que depuis 1984, il est intervenu, à plusieurs reprises et sans le concours de cet officier ministériel, aux différents actes ultérieurement passés relativement aux sous baux afférant aux lieux loués et que cette chaîne d'actes est, elle même, reprise, en tout ou partie, à chaque nouvel acte, ce qui a contribué à entretenir la méprise et la confusion de ce chef; que dans ces conditions, il sera jugé que la faute de M [Y] a bien induit la société Pharmapack en erreur sur l'étendue de ses droits, cette faute ne pouvant par ailleurs être anéantie par le fait que l' autorisation de cession a été rédigée par Me [O] dès lors que M [Y] l'a signée sans prétendre avoir subi quelque contrainte que ce soit et qu'il a donc pu en mesurer le sens et la portée.
Attendu, en revanche, que la société MTI, second bailleur emphytéote, qui a succédé à M [Y] en 2008 , ne se voit, dans le cadre de la procédure telle que débattue, rechercher par aucune des parties;
Attendu qu'il sera donc constaté, ainsi qu'elle le demande, qu'aucune demande n'est formée à son encontre .
Attendu, sur la faute reprochée à Me [C], dont la réparation est désormais recherchée contre la SCP [A] [T], que si celui ci n'est tenu de vérifier les déclarations faites par les parties sur des éléments factuels que s'il dispose d'éléments de nature à faire douter de leur véracité, il doit néanmoins, en sa qualité d'officier public apportant son concours à un acte qui doit s'avérer valide et efficace, s'attacher à vérifier les éléments qui ont une portée juridique, et notamment la qualité des parties, ainsi que leur titre, et par suite, la réalité de leurs droits lorsque ceux ci, comme en l'espèce, sont soumis à publicité légale auprès de la conservation des hypothèques et aisément accessibles; qu'en ne le faisant pas à propos de l'acte de cession de droit au bail établi entre M [H] et Mme [P] le 2 mai 1984, alors pourtant que le devoir de conseil s'apprécie au regard du but poursuivi par les parties compte tenu de l'objet de l'acte et que la cession d'un droit au bail exigeait ici que le professionnel s'assure précisément du titre exact du bailleur et alors, en outre, que ce notaire était précédement intervenu pour dresser des actes visant cette emphytéose, il a commis une faute.
Attendu, sur la faute des avocats ayant participé à la rédaction de l'acte de cession du fonds de commerce et qui sont recherchés sur le fondement de la seule responsabilité civile, à l'exclusion de l'article L 141-3 du code du commerce, qu'il sera rappelé :
- que Me [O] est intervenu en 2001 pour l'acte de cession SNC [I] [V] à Mme [M] et en 2006 pour l'acte de cession [M] à Pharmapack en sa qualité d'avocat du cédant ;
- que Me [R] est alors intervenu en sa qualité d'avocat du cessionnaire, la société Pharmapack ;
- que ces actes ont été établis par référence aux actes antérieurs ( le premier visé à l'acte de de 2001 et à l'acte de 2006 étant le bail commercial [P]-[Y] de 1992) sans qu'aucune vérification ne soit faite, alors que plusieurs années s'étaient écoulées;
Or, attendu, compte tenu des obligations d'efficacité et de sécurité également attachées à la mission de rédacteur d'actes, que cette omission est fautive de la part de chacun, même si Me [O] a, seu,l rédigé l'acte, étant encore souligné de ce chef que le droit au bail est donc un élément déterminant de la cession d'un fonds, qu'à cet égard, peu importe que M [Y], qui ne fait qu'y intervenir, ne soit pas partie à ces actes, le devoir de conseil et l'obligation d'établir des actes efficaces, leur imposant, en pareil cas, par une vérification aisée à la conservation des Hypothèques, de vérifier l'exacte portée du droit au bail cédé avec le fonds ainsi que les droits qu'il est censé conférer au cessionnaire à fin qu'ils soient transmis sans critique ou risque pour les parties.
Attendu, enfin, que la faute initiale du notaire ne les décharge pas des conséquences du non respect de leurs propres obligations et ne peut donc les exonérer de leur faute.
Attendu qu'à l'égard de Mme [M], la société Pharmapack sollicite qu'elle soit engagée à son égard sur le fondement de la garantie d'éviction . Mais attendu que le seul fait qu'elle n'ait pas connu la teneure exacte des droits de son bailleur et le seul risque auquel elle est exposée ne constitue pas une éviction, étant observé qu'elle est en outre toujours dans les lieux qu'elle exploite et qu'il n'est nullement démontré qu'à l'issue du bail emphytéotique, elle subira une telle éviction; que le jugement de ce chef sera donc confirmé;
que par suite, ses demandes subsidiaires contre M [Y], Mme [P], Mme [V] et Mes [O] et [R] sont sans objet; que le jugement attaqué ayant rejeté les demandes de Mme [M] contre les dames [V] et [P] sera aussi confirmé, aucune des autres parties en cause d'appel ne les recherchant sur leur responsabilité.
Attendu, enfin, en ce qui concerne le dommage invoqué par la société Pharmapack, que celle ci doit justifier d'un préjudice certain, actuel et direct en lien de causalité avec les fautes retenues;
Qu'à cet égard, elle ne fait plus état de la perte de sa propriété commerciale en 2028, mais le fait que la qualité d'emphytéote de M [Y], qui lui a été cachée, l'expose à une valeur moindre de son fonds d'officine à raison de l'incertitude grevant sa propriété commerciale.
Or, attendu que la société Pharmapack exploite toujours dans les lieux et que l'on ignore, en outre, quelle sera sa situation par rapport à la propriété des murs lors d'une éventuelle cession, de telle sorte que le caractère certain du préjudice invoqué fait défaut et que de surcroît sa prise en compte dès à présent empêcherait la société Pharmapack de solliciter à l'avenir toute indemnisation de ce même chef .
Attendu qu'il sera, en revanche, retenu que la société Pharmapack subit, à ce jour, un préjudice certain du fait de la précarité de la situation qui en résulte pour elle compte tenu de l'exacte nature et portée des droits de son bailleur; que cette situation est à l'origine d'une incertitude dommageable quant à ses perspectives d'avenir.
Que ce préjudice est, par ailleurs, en lien causal direct avec les fautes, tant du notaire que de M [Y] et de Mes [O] et [R] en ce que sans leur omission quant à la vérification des droits et de la qualité exacte du bailleur, la société Pharampack ne se serait pas trouvée dans l'ignorance de la réalité de la situation d'emphytéose existant au jour où elle acquis le fonds; qu'enfin, il s'agit bien d'un préjudice indemnisable;
Que le préjudice ainsi subi sera évalué à la somme demandée de 10 000€ compte tenu de sa durée, de son incidence et des tracas qu'il génère en termes de gestion future et notamment du devenir de son exploitation.
Attendu que les différents intervenants aux actes, dont la responsabilité a été ci dessus retenue, seront condamnés in solidum à verser ladite somme à la société Pharmapack, cette responsabilité se répartissant, entre eux, à parts égales, et qu'il n'y a donc pas lieu à relevé et garantie entre eux.
Attendu que le jugement sera donc réformé en ce qui concerne le partage des responsabilités y retenu et en ce qui concerne la détermination et l'évaluation du préjudice de la société Pharamapack.
Attendu qu'il n'entre pas dans l'office du juge de statuer en posant des principes de droit pour un litige futur et que la demande de la société Pharamapack tendant à voir dire que l'action en indemnisation de préjudices non encore constitués se prescrira à la date de la réalisation des préjudices sera, en conséquence, rejetée.
Vu les articles 696 et suivants du Code de Procédure Civile .
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit les appels,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a partagé la responsabilité à proportion de 40 % et 30 % respectivement pour Me [O] et Me [R] et sauf sur le préjudice en ce qu'il a organisé une expertise relativement au préjudice matériel subi par la demanderesse comme résultant de l'impact de l'emphytéose sur la valeur de son fonds
Statuant à nouveau de ces chefs :
Dit que M. [Y], la société civile professionnelle [A] [T], Me [O] , Me [R] sont tenus, in solidum, à indemniser le préjudice de la société Pharmapack, que dans leurs rapports entre eux, la responsabilité se répartit à parts égales, et en conséquence, rejette les demandes de relevé et garantie,
Rejette la demande d'indemnisation du préjudice matériel de la société Pharmapack et condamne in solidum M. [Y], la société civile professionnelle [A] [T], Me [O] , Me [R] au titre du préjudice moral à verser à la société Pharmapack la somme de 10'000 €;
Y ajoutant :
Constate, ainsi qu'elle le demande, qu'aucune demande n'est formée contre la société MTI;
Condamne, in solidum, M. [Y], la société civile professionnelle [A] [T], Me [O] , Me [R] à verser, par application de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Pharmapack la somme de 3500€, à Mme [M], épouse [N], la somme de 2500 €, à Mme [P] [I], ainsi que Mme [V] la somme de 1800 € chacune , et à la société MTI la somme de 1500€,
Rejette les demandes plus amples,
Condamne, in solidum, M. [Y], la société civile professionnelle [A] [T], Me [O] , Me [R] à supporter les entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT