COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 11 JANVIER 2018
N°2018/39
Rôle N° 17/09391
[F] [V] [V] [I]
C/
[L] [Z] [Q] [I] épouse [I]
Grosse délivrée
le :
à :
Me Frédérique GREGOIRE
Me Layla TEBIEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 04 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 11/05883.
APPELANT
Monsieur [F] [V] [V] [I]
né le [Date naissance 1] 1925 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
comparant en personne,
représenté par Me Frédérique GREGOIRE, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Madame [L] [Z] [Q] [I] épouse [I]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Philippe-bernard FLAMANT, avocat au barreau de NICE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Novembre 2017 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Michèle CUTAJAR, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Chantal MUSSO, Présidente
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Madame Carole MENDOZA, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2018..
ARRÊT
contradictoirement,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Janvier 2018.
Signé par Madame Chantal MUSSO, Présidente et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
[L] [I] et [F] [I] se sont mariés le [Date mariage 1] 1977 à [Localité 3].
Un contrat de mariage ( séparation de biens) a été préalablement reçu par Maître [U], notaire à [Localité 4].
Deux enfants, aujourd'hui majeurs et autonomes sont issus de cette union:
- [A],née le [Date naissance 3] 1971
- [F], né le [Date naissance 4] 1981
Le 27 Novembre 2009, [L] [I] a déposé une requête en divorce .
Par ordonnance de non conciliation du 08 Mars 2010, le juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Nice a :
attribué à l'épouse la jouissance du domicile conjugal ( bien appartenant à la SCI Artémisia, dont elle est porteuse de 90% des parts sociales)
dit que l'épouse assumera le paiement des charges afférentes au domicile conjugal
dit que l'époux devra quitter le domicile conjugal dans un délai de deux mois
fixé le montant de la pension alimentaire dûe à [L] [I] à la somme mensuelle de 300 euros au titre du devoir de secours
dit que l'époux assumera le remboursement du crédit SOFINCO souscrit pour l'acquisition du véhicule Golf, sans droit à récompense
dit que l'épouse assumera le remboursement du crédit FC FRANCE souscrit pour l'acquisition du véhicule Fiat, sans droit à récompense.
Par arrêt du 17 Mars 2011, la Cour d'Appel a partiellement infirmé cette décision et a notamment :
dit n'y avoir lieu à paiement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours.
Le 10 Février 2011, [L] [I] a assigné [F] [I] en divorce, sur le fondement des articles 237 et 238 du code civil .
[F] [I] a formé une demande reconventionnelle en divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil .
Le 11 Octobre 2011, [F] [I] a fait assigner [L] [I], [A] [I], la SCI Artémisia et la SCI La Bastide devant le tribunal de grande instance de Nice, en révocation et annulation de donations consenties à l' épouse.
Par arrêt du 04 Juin 2015, la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence en Provence a a:
condamné [L] [I] à payer à [F] [I] la somme de 22 000 euros correspondant à la valeur de la terre cadastrée CH[Cadastre 1] sis à [Localité 3]
condamné in solidum [L] [I] et la SCI Artémisia à payer à [F] [I] la somme de 735 000 euros au taux légal à compter du 23 Octobre 2013,correspondant à la valeur de l'ensemble immobilier constitué des lots numéros 42-43 et 257 dépendant de l'immeuble sis à [Adresse 3]
dit que [L] [I] sera tenue de restituer en nature l'immeuble sis [Adresse 4] cadastré lots 1,3,6 et 7 , section CO [Cadastre 2] N° [Cadastre 2],, [Cadastre 3] [Adresse 5], et lot 2 section CO N°[Cadastre 3], [Adresse 6], et à défaut à restituer la contre valeur de cet immeuble, soit la somme de 320 000 euros .
Par jugement du 04 Avril 2017, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice a :
prononcé le divorce aux torts partagés des parties
débouté les parties de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts fondées sur l'article 1380 ancien du code civil et 266 du même code
fixé le montant de la prestation compensatoire dûe à [L] [I] à la somme de
200 000 euros en capital
rejeté la demande d'exécution provisoire de la condamnation au titre de la prestation compensatoire .
Le 16 Mai 2017, [F] [I] a interjeté appel de ce jugement .
Aux termes de ces dernières écritures déposées le 02 Novembre 2017, il demande à la Cour d'infirmer la décision rendue le 04 Avril 2017 en toutes ses dispositions.
Il sollicite donc que:
- le divorce soit prononcé aux torts exclusifs de [L] [I]
- [L] [I] soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil
- [L] [I] soit condamnée à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros sur le fondement de l'article 266 du code civil
- de constater ' les détournements de l'épouse et son refus d'exécuter l'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence le 04 Juin 2015 ', et par conséquent de dire n'y avoir lieu à paiement d'une prestation compensatoire au profit de l'épouse
- de condamner [L] [I] Ã lui payer une prestation compensatoire d'un montant de 500 000 euros
Il sollicite également sa condamnation à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
S'agissant de la cause du divorce , il fait valoir que les fautes de l'épouse sont constituées par le fait qu'elle a abandonné le domicile conjugal, qu'elle a manqué à son devoir de secours et d'assistance , qu'elle a manqué de respect envers l'époux.
Il soutient qu'il fait la démonstration ( notamment par la production du devis de déménagement prévu pour le 27 Mars 2008 et des demandes de changement d'adresse) que le départ [L] [I] était en réalité prémédité depuis longue date.
Elle a également affirmé de manière mensongère et diffamatoire qu'il avait détourné des sommes importantes à son seul profit, alors que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bordeaux, a relevé dans son ordonnance du 01 Février 2008, que rien ne permet de corroborer les affirmations de [L] [I].
Elle a procédé à la vente du domicile conjugal pour le prix de 735 000 euros ( alors qu'il était valorisé à la somme de 1 200 000 euros) en fraude des droits de l'époux.
Sur ce point, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice a d'ailleurs, par ordonnance du 07 Novembre 2013, ordonné la séquestration du prix de vente du domicile conjugal et désigné Maître [J], notaire, en qualité de séquestre.
Il soutient cependant que l'épouse a opéré transfert de cette somme sur un de ses comptes personnels en Suisse.
Il conteste avoir observé à l'encontre de l'épouse un comportement agressif, et justifie au contraire ,par la production de nombreuses attestations, avoir toujours été aimant et bienveillant à son égard.
Il conteste également avoir entretenu une relation avec Madame [O] durant la vie commune.
Il soutient que cette relation , d'abord amicale, a pris naissance après le départ de l'épouse du domicile conjugal.
Le comportement de l'épouse le fonde en ses demandes relatives au paiement de dommages et intérêts , puisque les fautes de cette dernière lui fait subir un préjudice direct.
Il fait valoir que la trahison de [L] [I], de 31 ans sa cadette, lui cause un préjudice exceptionnel, puisqu'il avait espéré vivre les dernières années de sa vie auprès d'elle, dans une ambiance paisible.
S'agissant de la prestation compensatoire , il soutient en cause d'appel que la rupture du lien matrimonial va entraîner une disparité entre la situation respective des parties, à son détriment.
Il soutient en effet essentiellement que [L] [I] s'est enrichie durant l'union:
Lors du mariage célébré au cours de l'année 1977, [L] [I] ne disposait d'aucune qualification.
Il a alors créé le fonds de commerce d'agent immobilier ' Agence [F] [I] ' et embauché fictivement son épouse en qualité de salariée de 1977 à 1979, afin de préparer la transmission à son profit de son outil de travail.
Dès l'année 1979, il a fait immatriculer l'épouse en qualité d'agent immobilier, procéder à sa propre radiation et transférer par l'effet d'une première donation à cette dernière, sans aucune contrepartie, le fonds de commerce.
Cette opération avait pour but de pouvoir constituer une retraite à [L] [I].
Dans la réalité, c'est l'époux qui a continué à exploiter l'outil de travail, d'autant plus que [L] [I] a résidé au Canada avec les deux enfants de 1984 à 1988.
Quoiqu'affirme maintenant l'épouse, il résulte des différents décisions de justice intervenues les 19 Avril 2012 et 04 Juin 2015, que [L] [I], qui n'a jamais exercé aucune activité au sein de l'agence immobilière, se trouve à la tête d'un patrimoine conséquent, constitué du fait de la volonté de l'époux, mais également la suite de détournements de fonds opérés à son préjudice, et du fait qu'elle n'a exécuté que partiellement les condamnation prononcées à son encontre par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 04 Juin 2015.
Il soutient donc que le premier juge a procédé à une analyse erronée de son propre patrimoine en considérant qu'il allait pouvoir récupérer une somme de l'ordre de plus d'un million d' euros à la suite de la décision du 04 Juin 2015.
Il fait valoir qu'il serait particulièrement contradictoire d'allouer à l'épouse une prestation compensatoire , alors même que cette dernière détient des fonds qu'elle refuse de restituer et qu'il ne pourra pas recouvrer.
Sa propre situation est critique: dépossédé de l'ensemble de son patrimoine, il ne perçoit qu'une retraite annuelle de 11 500 euros .
Il fait observer que le patrimoine immobilier dont fait état [L] [I] ne lui appartient pas, mais appartenait à un des enfants communs.
Il est à ce jour vendu.
Formant appel incident, [L] [I] demande à la Cour , aux termes de ces dernières conclusions déposées le 12 Octobre 2017 :
1°) A titre principal de :
- prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal
- de condamner [F] [I] à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de
100 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil , et la même somme sur celui de l'article 266 du même code
- de condamner [F] [I] Ã lui payer une prestation compensatoire en capital d'un montant de 1 500 000 euros .
2°) A titre subsidiaire de:
- prononcer le divorce aux torts partagés des parties
- de condamner [F] [I] à lui payer des dommages et intérêts à hauteur de
100 000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil , et la même somme sur celui de l'article 266 du même code
- de condamner [F] [I] Ã lui payer une prestation compensatoire en capital d'un montant de 1 500 000 euros .
Elle prétend au paiement de la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance.
S'agissant de la cause du divorce , elle fait état, dans de longs développements, du fait que l'autoritarisme inacceptable de l'époux n'a d'égal que son cynisme.
Cherchant à la discréditer en faisant état à son encontre de vains griefs, il n'a pas hésité à engager une procédure en annulation des donations qu'il lui avait consenties ( assignation du 11 Octobre 2011 devant le tribunal de grande instance de Nice), mettant ainsi tout en oeuvre pour l'anéantir et la priver de tout moyen d'existence sous le prétexte qu'il s'agissant de donations déguisées.
Une analyse minutieuse des éléments de faits convaincra la Cour que son départ du domicile conjugal ne peut s'analyser comme un abandon du domicile conjugal.
De la même manière, il suffira à la Cour de se reporter aux différentes décisions de justice, pour se convaincre qu'au delà de la posture misérabiliste de l'époux, ce dernier pouvait entretenir un train de vie luxueux.
Par conséquent, aucun des griefs exposés par l'appelant à son encontre ne se trouve démontré.
Elle soutient donc que le divorce ne peut être prononcé que pour altération définitive du lien conjugal, puisqu'elle rapporte la preuve de la cessation de la vie commune depuis plus de deux ans, au moment où elle a assigné [F] [I] en divorce .
Si la Cour devait prononcer le divorce sur le fondement de l'article 242 du code civil , elle sollicite alors la confirmation du jugement entrepris en faisant sien le raisonnement du premier juge.
L'attitude de l'époux qui n'a de cesse que de la persécuter, tant sur le plan moral que sur le plan physique, son positionnement procédural, la fonde en ses demandes en paiement de dommages et intérêts.
S'agissant de la prestation compensatoire , elle fait observer que le premier juge n'a pas été dupe de la présentation par [F] [I] de sa situation économique et financière.
Elle dresse la liste des revenus locatifs dont bénéficie l'époux ( soit un revenu annuel de
30 000 euros ) de tous les actifs dont il dispose ( soit une somme de 1 397 585,49 euros ) et qui vont se trouver abondés par la réintégration de tous les autres actifs à la suite de l'intervention de l'arrêt du 04 Juin 2015 ( soit une somme supplémentaire de 1 632 562,90 euros ).
Elle fait observer que [F] [I] a procédé à d'autres investissements immobiliers, fictivement au nom d' un des enfants communs afin de dissimuler sa véritable fortune.
L'impécuniosité dont se prévaut l'appelant n'est donc qu'une illusion.
Sa demande est en revanche parfaitement justifiée.
Elle examine sa situation au regard des critères de l'article 271 du code civil.
Elle fait valoir qu' après 32 ans de mariage, elle est totalement démunie économiquement, à la suite de l'intervention de l'arrêt du 04 Juin 2015.
Elle est seulement bénéficiaire d'une donation d'un montant de 46 000 euros résultant d'une donation-partage consentie par sa mère, dont l'exécution n'interviendra qu'au décès de cette dernière.
Âgée de 21 ans au moment de l'union , elle ne dispose d'aucune qualification et ' a renoncé à exercer toute activité professionnelle en dehors de celle d'accompagner l'époux dans une vie professionnelle qu'elle pensait commune.'
Aujourd'hui, pour avoir accepté les conditions d'un époux de trente ans son aîné,' lui traçant la voie qu'elle devait suivre selon lui, elle se trouve en totale rupture avec les conditions de vie qui étaient les siennes lors du mariage.'
Elle ne peut prétendre à aucune pension de retraite.
Elle fait observer qu'elle a développé une pathologie cancéreuse pour laquelle elle subit toujours des soins à long terme, et voit dans le fait que [F] [I] minimise l'impact psychologique de cette situation , une preuve supplémentaire de son cynisme.
La procédure a été clôturée le 07 Novembre 2017.
DISCUSSION
A l'audience, avant le déroulement des débats, et à la demande des parties, l'ordonnance de clôture rendue le 07 Novembre 2017 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la Cour se réfère à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
1°) Sur le prononcé du divorce
Aux termes de l'article 246 du code civil, si une demande pour altération définitive du lien conjugal et une demande en divorce pour faute sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande pour faute .
S'il rejette celle-ci, le juge statue sur la demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Aux termes de l'article 242 du code civil, le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune .
[F] [I] reproche à [L] [I] d'avoir abandonné le domicile conjugal, d'avoir failli à son obligation de secours et d' assistance, de lui avoir manqué de respect.
[L] [I] fait grief à [F] [I] d'avoir observé un comportement autoritariste et violent- à l'origine de son départ du domicile conjugal - et d'avoir entretenu une relation extra conjugale avec Mme [O].
Chacune des parties conteste les griefs formulés par l'autre à son encontre.
Nonobstant leurs longs développements quant à la cause du divorce , elles ne produisent somme toute que bien peu d'éléments probants au soutien de leurs demandes:
Si [L] [I] a bien quitté le domicile conjugal dans le courant du mois de Mars 2008, les circonstances qui ont présidé à ce départ ne sont pas déterminées.
S'agissant des manquements au devoir de secours et d'assistance, et des griefs tenant à l'absence de respect de l'un comme de l'autre époux, la Cour observe que les pièces volumineuses communiquées par chacune des parties concernent essentiellement les multiples litiges financiers qui les opposent, sans que ne soit établie, dans un tel contexte, l'existence des comportements allégués.
A supposer établie la relation extra conjugale entretenue par l'époux ( La Cour relève que l'attestation [P] ne constitue qu'un témoignage indirect), celle-ci aurait pris naissance au cours de l'année 2009.
Elle ne peut donc être considérée comme à l'origine de la faillite du couple, puisque postérieure à la séparation des parties.
Par conséquent, si les pièces communiquées attestent d'un climat pour le moins délétère entre les parties, aucune cependant ne permet de démontrer l'existence de comportements fautifs au sens de l'article 242 du code civil.
L'article 238 alinéa 1 du code civil dispose que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis de deux ans lors de l'assignation en divorce .
En l'espèce, aucun des époux ne conteste que la séparation effective du couple est intervenue dans le courant du mois de Mars 2008.
L'assignation en divorce a été délivrée le 10 Février 2011.
Par conséquent, le divorce sera prononcé pour altération définitive du lien conjugal.
2°)Sur les dommages et intérêts
L'article 266 du code civil dispose que lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'un des époux, celui-ci peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel ou moral d'une particulière gravité que la dissolution du mariage fait subir à son conjoint.
Le divorce étant prononcé sur le fondement de l'article 237 et suivants du code civil , les parties sont irrecevables en leurs demandes de ce chef.
L'article 1240 du code civil peut être invoqué par l'époux qui justifie d'un préjudice distinct de celui résultant de la rupture du lien conjugal et qui peut résider notamment dans les circonstances de la rupture .
En l'espèce, aucune des parties ne rapporte la preuve de l'existence d'un tel préjudice.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
3°) Sur la prestation compensatoire :
Aux termes des articles 270,271 et 272 du code civil, le divorce met fin au devoir de secours.
L'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, ce qui ne signifie pas qu'elle doit assurer l'égalité des situations économiques des ex conjoints.
Cette prestation a un caractère forfaitaire.
Elle prend la forme d'un capital.
Elle est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
Le juge, saisi d'une demande de prestation compensatoire doit en premier lieu rechercher si la rupture crée une disparité dans les conditions de vie des époux.
Ce n'est que si l'existence d'une disparité dans les conditions de vie des époux est établie, que le juge doit ensuite rechercher si elle doit être compensée, en appréciant la situation des époux selon les critères édictés par l'article 271 du code civil ou des circonstances particulières de la rupture.
La Cour observe que l'épouse, qui sollicite en cause d'appel le paiement d'une prestation compensatoire d'un montant de 1 500 000 euros, ne produit strictement aucun document justifiant de sa situation actuelle:
Elle ne communique en effet que des éléments déjà qualifiés d'obsolètes par le premier juge, puisqu'ils datent de 2010 et 2013.
Elle ne verse aucun élément relatifs à sa formation, ses qualifications éventuelles, son cursus professionnel.
C'est donc en l'état de ces éléments embryonnaires que la Cour procède à l'analyse de la situation des parties:
Il résulte de l'avis de situation déclarative à l'impôt que [F] [I], âgé de 93 ans , a perçu, au titre des revenus 2016, une retraite annuelle de 13 807 euros , soit 1150 euros par mois.
Il indique dans sa déclaration sur l'honneur datée du 20 Octobre 2017, qu'il perçoit également un revenu foncier d'un montant de 2060 euros par mois.
Outre les charges de la vie courante, il acquitte un loyer mensuel de 500 euros.
Comme l'a relevé la Cour d'appel d'Aix-en-Provence dans son arrêt du 04 Juin 2015, l'époux, en opérant durant la vie commune, au profit de l'épouse, les donations dont il a ensuite sollicité la révocation, a effectué des montages financiers lui permettant à la fois de gratifier l'épouse et de poursuivre son activité d'agent immobilier et de marchands de biens de manière occulte.
C'est donc à juste titre que le premier juge a relevé que le train de vie de l'époux, n'est pas en adéquation avec les moyens financiers modestes dont il fait état.
Il ne doit pas être éludé que la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence , dans son arrêt du 04 Juin 2015, aujourd'hui définitif, a analysé les donations consenties par [F] [I] à [L] [I] comme des donations déguisées, et a condamné l'épouse à restituer à l'époux:
- la somme de 735 000 euros au taux légal à compter du 23 Octobre 2013,correspondant à la valeur de l'ensemble immobilier ayant constitué le domicile conjugal, constitué des lots numéros 42-43 et 257 dépendant de l'immeuble sis à [Adresse 3]
- la somme de 22 000 euros correspondant à la valeur de la terre cadastrée CH [Cadastre 1] sis à [Localité 3]
- l'immeuble sis [Adresse 4] cadastré lots 1,3,6 et 7 , section CO [Cadastre 2] N° [Cadastre 2], [Cadastre 3] [Adresse 5], et lot 2 section CO N°[Cadastre 3], [Adresse 6], et à défaut à restituer la contre valeur de cet immeuble, soit la somme de 320 000 euros .
Aucun élément ne permet de considérer, comme le soutient [F] [I] - lequel ne justifie d'ailleurs pas de la mise en oeuvre de procédures d'exécution consécutivement à la signification de cette décision- qu'il ne pourra pas récupérer ces biens, qui vont dès lors abonder son patrimoine.
La Cour observe d'ailleurs que par ordonnance du 07 Novembre 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice a ordonné le séquestre du prix de vente de l'immeuble sis [Adresse 7] et désigné Maître [J], notaire à [Localité 5], es qualité de séquestre.
[L] [I], est âgée de 61 ans.
Le premier juge a relevé qu'elle n'exerce aucune activité professionnelle, et a justifié avoir été inscrite auprès des services de Pôle Emploi en 2012.
Le dernier avis d'impôts communiqué ( 2013) mentionne des ressources mensuelles d'un montant de 879 euros.
Elle reste taisante sur la période de 1984 à 1988 , durant laquelle, elle a vécu au Canada, avec les enfants communs, sur le fait qu'elle a obtenu la nationalité canadienne lui permettant de séjourner de manière permanente dans ce pays.
Elle ne communique aucun élément quant à ses sources de revenus, ni pendant cette période, ni postérieurement à la séparation du couple, alors qu'elle ne bénéficie plus du paiement de la pension alimentaire depuis l'intervention de l'arrêt de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence-en-Provence intervenu le 17 Mars 2011.
Le mariage a duré 40 ans, la vie commune 33 ans, jusqu' au 08 Mars 2010, date de l'intervention de l'ordonnance de non conciliation .
Les parties sont mariés sous le régime de la sépartion de biens.
Il n'existe pas de patrimoine indivis.
C'est donc au regard de l'analyse du patrimoine des parties que se trouve établie la disparité au détriment de l'épouse.
Compte tenu des éléments portés à la connaissance de la Cour, et de l'analyse de la situation des parties, la somme de 200 000 euros allouée par le premier juge à [L] [I] vient justement compenser cette disparité.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il n' y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Chaque partie assumera la charge des dépens qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats hors la présence du public
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce des parties.
MAIS L'INFIRME en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts partagés des parties.
ET STATUANT A NOUVEAU quant à la cause du divorce :
Prononce le divorce de:
[F], [V], [V] [I], né le [Date naissance 1] 1925 à [Localité 1] ( Charentes Maritimes)
et de
[L], [Z], [Q] [I], née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 2] (Gironde)
mariés le [Date mariage 1] 1977 à [Localité 3] (Gironde)
pour altération définitive du lien conjugal, sur le fondement des articles 237 et suivants du code civil )
DEBOUTE [F] [I] de sa demande en paiement d'une prestation compensatoire.
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions.
DIT n' y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT que chaque partie assumera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT