COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 12 JANVIER 2018
N° 2018/
Rôle N° 15/12247
[Q] [A]
C/
SAS DISPAC
Grosse délivrée
le :
à :
Monsieur [Q] [A]
Me Valérie VITU, avocat au barreau de MARSEILLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section C - en date du 04 Décembre 2012, enregistré au répertoire général sous le n° 11/71.
APPELANT
Monsieur [Q] [A], , demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Melle [T] [S] (Concubine) en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
SAS DISPAC, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Valérie VITU, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 15 Novembre 2017 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Marie-Agnès MICHEL, Président
Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller
Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Monsieur Guy MELLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2018.
Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Monsieur Guy MELLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat à durée indéterminée du 28 août 2006, Monsieur [Q] [A] a été embauché en qualité de conducteur de véhicules poids lourds coefficient 138 M groupe 6 par la société Dispac.
de la convention collective nationale des transports. Au dernier état de la relation contractuelle, son salaire brut de base s'élevait à 1372 € bruts.
Le 18 mai 2007 l'employeur a adressé au salarié un avertissement aux motifs que 'lors de la livraison au magasin Casino d'[Localité 1] le 11 mai dernier, le réceptionnaire a mentionné une palette manquante dans votre livraison alors que cette dernière avait été chargée, vous ne nous avez donné aucune explication' ».
Le 21 mai 2007, un avertissement lui a été adressé en ces termes : «' Vous ne respectez pas l'horaire de travail, vous arrivez régulièrement avec du retard c'est un manquement à la discipline générale de l'entreprise. Nous vous mettons en garde sur les répercussions commerciales que de tels errements peuvent entraîner auprès de nos clients''
Le 8 décembre 2008 le salarié s'est vu notifier un avertissement aux motifs suivants : « le 5 décembre dernier lors de la livraison du magasin [Établissement 1], vous avez omis de vérifier la température de votre semi-remorque elle était à -29° au lieu de 3°, la perte de marchandises s'élève à 200 €.....'.
Le 25 novembre 2008, il lui a été adressé un rappel à l'ordre en raison d'une mauvaise manipulation du chronotachygraphe.
Le 10 février 2009, le salarié s'est vu notifier un avertissement pour les motifs suivants: 'Vous avez occasionné une casse au casino [Établissement 2] le 15 janvier 2009.... Vous nous avez fait part verbalement que cette casse était survenue du fait que la télécommande était bloquée et que les arrêtoirs ne se relevaient pas automatiquement. Or nous avons contrôlé la télécommande dès le lendemain : elle fonctionnait correctement. Donc vous n'avez pas tenu le rolls sur le hayon.....' .
Le 23 mars 2009 le salarié a été convoqué en vue d'un licenciement à un entretien préalable, fixé au 31 mars 2009, avec mise à pied conservatoire, puis licencié pour faute grave par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 avril 2009 ainsi rédigée:
'Nous vous avons convoqué à un entretien préalable le 23 mars 2009 par lettre recommandée avec accusé de réception pour le 31 mars 2009 à 11 heures. Vous vous êtes présenté aux jours et heures indiquées. Lors de cet entretien nous vous avons fait part des griefs que nous étions amenés à formuler à votre encontre. Ces faits se rapportent à :
Le vendredi 20 mars dernier, vous avez livré le magasin [Établissement 3] en sas avec le camion immatriculé [Immatriculation 1]. Le lendemain matin nous avons été contacté par le magasin pour répondre d'importantes dégradations au niveau de la station-service (située sur l'accès livraison). Ces événements sont en étroite relation avec le constat visuel réalisé par le conducteur qui vous a succédé et qui prenait son service à 2 heures du matin. Celui-ci a prévenu Monsieur [D] que le camion était inutilisable (roue de secours de la remorque arrachée, barre anti cycliste arrachée,cable d'alimentation du hayon arraché et diverses traces d'accrochage sur la remorque au niveau des panneaux latéraux ainsi que du cadre arrière). L'indisponibilité de ce véhicule a entraîné un dysfonctionnement sur l'activité livraison de nuit pour notre client Easydis.
Nous vous avons contacté par téléphone le lendemain matin en vous demandant des explications non seulement sur ces faits et leur origine mais aussi la raison pour laquelle vous n'aviez pas prévenu Monsieur [D] de ces accrochages afin qu'il puisse organiser le remplacement du véhicule pour la tournée de nuit. Vous n'avez pas nié la responsabilité de l'accrochage sans pour autant donner d'explications au fait que vous nous l'ayez pas prévenu. Le préjudice des réparations s'élève à 2500 €, celui de la prise en charge des dommages au tiers 2000 € et la perte de chiffre d'affaires pour la tournée de nuit non effectuée 500 €.
La conversation téléphonique du vendredi 20 mars 2009 vers 21 heures que vous évoquez dans votre courrier n'a jamais eu lieu, vous êtes de mauvaise foi. Vous n'avez jamais prévenu Monsieur [D] ni de l'accrochage ni de votre accident. Nous vous notifions votre licenciement immédiat pour faute grave sans préavis ni indemnité de rupture. Vous cesserez de faire parti du personnel de notre entreprise à première présentation de cette lettre. Votre certificat de travail votre solde de tout compte ainsi que votre attestation ASSEDIC sont tenus à votre disposition, nous vous remercions de prendre rendez-vous avec le signataire pour fixer la date de votre passage.... »
Contestant son licenciement le salarié a saisi le 20 janvier 2011 le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence lequel, dans sa section commerce par jugement du 4 décembre 2012, a statué comme suit :
' dit et juge que le licenciement pour faute grave est fondé,
' condamne la société Dispac à payer à Monsieur [A] les sommes suivantes:
*500 € au titre de l'indemnité pour absence de mention du DIF dans la lettre de licenciement,
*500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' déboute Monsieur [A] de ses autres chefs de demande,
' déboute la SAS Dispac de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la partie défenderesse aux dépens.
Le 7 novembre 2011, la société Dispac a déposé plainte entre les mains du procureur de la république pour faux à l'encontre de Madame [T] Mme [S] et M. [J] [L], ayant rédigé des attestations au bénéfice du salarié et à l'encontre de M. [A] pour usage de faux et tentative d'escroquerie au jugement. Puis, a saisi le 12 juin 2012 le doyen des juges instruction près le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence d'une plainte avec constitution de partie civile pour les mêmes faits.
Par déclaration du 23 janvier 2013, Monsieur [A] a relevé appel du jugement du conseil de prud'hommes dont il a reçu notification le 15 janvier 2013.
L'affaire a été appelée à l'audience du 27 mai 2015, date à laquelle elle a été radiée.
Renvoyé devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence du chef de tentative d'escroquerie au jugement, par jugement définitif du 11 juin 2015, M. [Q] [A] a été renvoyé des fins de la poursuite.
Le dossier a été ré-enrôlée devant la présente cour le 30 juin 2015, après dépôt des écritures de l'appelant.
L'affaire a été appelée à l'audience du 28 septembre 2016, date à laquelle l'intimée a soulevé in limine l'irrecevabilité de l'appel au motif de l'acquiescement au jugement de l'appelant résultant d'un courrier de son avocat intervenant en première instance en date du 16 janvier 2013, M. [A] a contesté le mandat donné à son avocat à cette fin. La cour a renvoyé le dossier à l'audience du 22 février 2017 pour audition de l'avocat en présence des parties.
Le 21 février 2017, le bâtonnier du barreau de Marseille a rappelé la confidentialité attachée à la lettre de procédure du 16 janvier 2013 ne comportant pas la mention 'officielle' et invitant les parties à la retirer des débats.
A l'audience du 22 février 2017, la cour a établi un procès-verbal de carence, l'avocat ayant avisé la cour que son ordre lui avait demandé de ne pas violer le secret professionnel. La cour a fixé un calendrier de procédure invitant l'appelant à conclure et communiquer ses pièces avant le 5 avril 2017 et l'intimé à répliquer avant le 1er juin 2017, le dossier étant renvoyé à l'audience du 21 juin 2017 à 14 heures.
A l'audience du 21 juin 2017, afin d'assurer un parfait respect du contradictoire, la cour a procédé à un ultime renvoi à l'audience du 15 novembre 2017 et fixé un nouveau calendrier, l'intimée devant conclure avant le 28 juillet 2017 et réplique éventuelle de l'appelant avant le 18 septembre 2017.
Le dossier a été retenu à l'audience du 15 novembre 2017 à 9 heures.
Dans ses écritures déposées et soutenues à l'audience M. [A], accompagnées d'un bordereau de 126 pièces, assisté par Mme [T] [S], sa concubine, suivant pouvoir spécial, demande à la cour de:
1/ sur le non respect par l'intimé du délai pour conclure suivant le calendrier fixé à l'audience du 21 juin 2017, juger que les conclusions et pièces transmises par la partie intimée après le 28 juillet 2017 sont irrecevables,
2/ sur le prétendu acquiescement,
' juger que l'appel de Monsieur [A] est recevable,
' condamner la société intimée à lui verser la somme de 2000 € de dommages-intérêts pour procédure abusive concernant cette irrecevabilité soulevée de manière dilatoire,
3/ sur la prescription des demandes nouvelles,
' juger que les demandes ne sont ni nouvelles, elles sont additionnelles, ni prescrites,
4/ sur l'absence de dénonciation du reçu pour solde de tout compte,
' juger que le reçu pour solde de tout compte de Monsieur [A] n'a pas d'effet libératoire à l'égard de la société Dispac,
5/ sur la nullité du licenciement de Monsieur [A],
' juger que le licenciement est nul,
en conséquence,
' ordonner la réintégration du salarié sous astreinte de 1000 € par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, la cour se réservant expressément le pouvoir de liquider l'astreinte,
' condamner la société Dispac au paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont le salarié a été privé,
en conséquence,
'condamner la société Dispac à payer à Monsieur [A] la somme de 156'120,46 euros nets, outre la somme de 15'612,0 4 € nets à titre de congés payés y afférents, soit un total de 171'732,25 euros nets,
'condamner la société Dispac à délivrer au salarié les bulletins de paye conformes pour la période allant de la mise à pied conservatoire du 25 mars 2009 au 15 novembre 2017, sous astreinte de 1000 € nets par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la cour se réservant expressément le droit de liquider l'astreinte,
6/ sur la discrimination en raison de l'état de santé,
' juger le licenciement discriminatoire en raison de l'état de santé,
en conséquence,
' condamner la société Dispac au paiement de la somme de 156'120,46 euros nets correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont le salarié a été privé, outre la somme de 15'612,0 4 € nets à titre de congés payés y afférents, soit un total de 171'732,25 euros nets
sans déduction des salaires et des revenus de remplacement qu'il a reçus pendant cette période
du fait d'une atteinte au principe de non discrimination en raison de l'état de santé,
7/ sur la discrimination pour avoir témoigné de faits constitutifs de délits dans l'exercice de ses fonctions,
' juger le licenciement discriminatoire en raison de la dénonciation de faits délictueux dans l'exercice des fonctions de Monsieur [A],
en conséquence,
'condamner la société Dispac au paiement de la somme de 156'120,46 euros nets correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration dans la limite du montant des salaires dont le salarié a été privé, outre la somme de 15'612,0 4 € nets à titre de congés payés y afférents, soit un total de 171'732,25 euros nets
sans déduction des salaires et des revenus de remplacement qu'il a reçus pendant cette période
du fait d'une atteinte au principe de non discrimination d'après les articles L 1132 ' 1, L 1132 ' 4 du code du travail, l'article premier de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les articles un et 5 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 et l'article 21 de la charte des droits des droits fondamentaux de l'union européenne,
7/ sur la violation du principe à travail égal salaire égal,
' constater la violation par l'employeur du principe d'égalité salariale,
en conséquence,
' rétablir à juste cause la situation de Monsieur [A] au prononcé de la nullité du licenciement au niveau de la rémunération de Monsieur [H] ou Monsieur [B] pour calculer le montant du compte tenu de la réintégration soit le paiement d'une somme correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre le moment de l'éviction et la réintégration,
en conséquence,
' condamner la société Dispac selon le salarié Monsieur [H] au versement de la somme de 219'854,73 euros correspondant au montant des salaires dus du jour de l'éviction au jour de la réintégration outre la somme de 21'985,47 euros nets à titre des congés payés afférents soit un total de 241'840,20 euros nets avec les bulletins de salaire rectifiés, sous astreinte de 1000 € par jour, sans déduction des salaires et des revenus de remplacement qu'il a reçus pendant cette période, du fait d'une atteinte au principe de non-discrimination,
OU
'condamner à ce titre la société Dispac selon le salarié Monsieur [B] à verser la somme
de 175941,61 euros correspondant au montant des salaires dus du jour de l'éviction au jour de la réintégration outre la somme de 17 594,16 euros à titre des congés payés afférents soit un total de 193 535,77 euros nets avec les bulletins de salaire rectifiés, sous astreinte de 1000 € par jour, sans déduction des salaires et des revenus de remplacement qu'il a reçus pendant cette période, du fait d'une atteinte au principe de non-discrimination,
8/ sur le rappel de salaire selon le principe de l'égalité salariale de la date de l'embauche 26 août 2006 à la date de son licenciement 7 avril 2009,
' condamner la société Dispac au paiement à titre de rappel de salaire selon le principe de légalité salariale en comparaison avec Monsieur [H] à la somme de 34'531,20 euros (31'392 € de salaire et 3139,20 euros de congés payés),
OU,
' condamner la société Dispac à verser à titre de rappel de salaire selon le principe de l'égalité salariale en comparaison avec Monsieur [B], la somme de 17'691,69 euros (16'0 83,36 euros et 1608,33 euros de congés payés),
9/ en cas de licenciement nul et de refus fautif de l'employeur de réintégrer son salarié dans l'entreprise, faute ayant justifié la résiliation judiciaire du contrat de travail,
' condamner la société Dispac à lui verser la somme de la somme de 156'120,46 euros nets correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée du jour de l'éviction et sa réintégration, outre la somme de 15'612,0 4 € nets à titre de congés payés y afférents, l'indemnité légale de licenciement 2626,40 euros nets d'indemnité de préavis de deux mois, soit 3252,80 euros nets et en sus la somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts pour tous les préjudices subis moraux, financiers, physiques, pour l'atteinte à son intégrité, pour toutes les diffamations et procédure brutale et vexatoire subies et également pour toutes les formes de discrimination dont il a été victime (harcèlement moral, état de santé, le fait d'avoir relaté les fraudes, salariale, de classification............),
soit un total de 276'611,70 euros nets,
OU
' condamner la société Dispac à verser à Monsieur [A] la somme de 219'854,73 euros correspondant à la totalité du préjudice subi dans la limite du montant des salaires du jour de l'éviction au jour de la réintégration selon le salarié Monsieur [H] outre la somme de 21'985,47 euros nets à titre des congés payés afférents, l'indemnité légale de licenciement de 2129 € nets, l'indemnité de préavis soit 4258 € nets et en sus la somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts pour tous les préjudices subis moraux, financiers, physiques, pour l'atteinte à son intégrité, pour toutes les diffamations et procédure brutale et vexatoire subies et également pour toutes les formes de discrimination dont il a été victime (harcèlement moral, état de santé, le fait d'avoir relaté les fraudes, salariale, de classification............),
soit un total de 343'969,20 euros,
OU
'condamner la société Dispac à verser à Monsieur [A] la somme de 175'941,61 euros correspondant à la totalité du préjudice subi dans la limite du montant du salaire du jour de l'éviction au jour de la réintégration selon le salarié Monsieur [B] et 17'594,16 euros de congés payés y afférents, l'indemnité légale de licenciement 2703,76 euros nets, l'indemnité de préavis de 2 mois soit 3407,52 euros nets et en sus la somme de 100'000 € à titre de dommages-intérêts pour tous les préjudices subis moraux, financiers, physiques, pour l'atteinte à son intégrité, pour toutes les diffamations et procédure brutale et vexatoire subies et également pour toutes les formes de discrimination dont il a été victime (harcèlement moral, état de santé, le fait d'avoir relaté les fraudes, salariale, de classification............),
soit un total de 298'647,05 euros,
7/ sur la violation par l'employeur de son obligation de sécurité résultat : harcèlement moral et isolement,
' condamner la société Dispac à verser à Monsieur [A] la somme de 60'000 € à titre de dommages-intérêts pour avoir subi en corrélation avec toutes les discriminations dénoncées par le salarié un harcèlement moral,
' la condamner à la somme de 30'000 € à titre de dommages-intérêts suite à la faute inexcusable de l'employeur,
8/ dommages-intérêts suite au préjudice subi relatif au défaut de visite médicale d'embauche
' condamner la société Dispac à verser au salarié la somme de 1500 €
9/ dommages-intérêts pour préjudice moral subi en raison des circonstances brutales et vexatoires du licenciement,
' condamner la société Dispac au paiement de la somme de 20'000 €,
10/ dommages-intérêts pour diffamations et calomnies sur la mémoire du défunt,
' condamner la société Dispac à verser à Monsieur pas la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour diffamation sur la mémoire de Monsieur [L], témoin de l'accident survenu le 20 mars 2009,
11/ sur l'attestation pôle emploi non remise par l'employeur,
' condamner la société Dispac à verser la somme de 10'000 € en raison du préjudice subi relatif à la rétention de l'attestation ASSEDIC,
12/ sur les frais irrépétibles et les dépens,
- condamner la société Dispac au paiement de la somme de 6000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Dispac aux entiers dépens et notamment aux frais éventuels de l'exécution forcée du jugement à intervenir, toutes les condamnations seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice devant le bureau de conciliation avec le bénéfice de la capitalisation.
Dans ses conclusions déposées et soutenues à l'audience par son conseil la SAS Dispac, accompagnées d'un bordereau de 53 pièces, demande à la cour de:
A titre principal,
- dire et juger que Monsieur [A] a acquiescé de manière implicite mais sans équivoque au jugement dont appel,
en conséquence,
' déclaré irrecevable l'appel du jugement du 4 décembre 2012 interjeté par Monsieur [A],
A titre subsidiaire,
' dire et juger que le licenciement de Monsieur [A] repose bien sur une faute grave,
en conséquence,
' dire et juger que le licenciement est illégitime et justifié,
en conséquence,
' confirmer le jugement dont appel et débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement et de toutes ses demandes subséquentes,
' dire et juger que les demandes de rappel de salaire formulées pour la première fois en cause d'appel le 10 juillet 2016 sont prescrites et en tout état de cause infondées,
' dire et juger qu'en tout état de cause le reçu pour solde de tout compte signé par Monsieur [A] le 8 avril 2009 et non dénoncé rend irrecevables toutes ses demandes à caractère salarial,
' en conséquence le débouter de l'intégralité de ses demandes formulées à titre de rappel de salaire,
' débouter Monsieur [A] de l'intégralité de ses autres demandes comme étant infondées,
' dire et juger qu'en tout état de cause et ne justifie en rien du préjudice dont il sollicite réparation,
' en conséquence le débouter de toutes ses demandes formulées à titre de dommages-intérêts,
Reconventionnellement,
' infirmer le jugement dont appel s'agissant des dommages-intérêts alloués pour défaut de mention du DIF, les ramener à de plus justes proportions,
' condamner Monsieur [A] à payer sur le fondement de l'article 559 du code de procédure civile à une amende civile que la cour devra fixer ainsi qu'à des dommages-intérêts pour appel abusif d'un montant de 3000 €,
'condamner Monsieur [A] à payer la somme de 6500 € à la société Dispac en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
A l'audience du 15 novembre 2017, la cour a écarté des débats les pièces numéros 54 et 55 du bordereau de la société Dispac, comme communiquées le 12 octobre 2017, soit au delà du délai fixé par la cour, alors que l'affaire faisait l'objet d'un troisième renvoi après radiation.
1. Sur la recevabilité de l'appel,
Selon les dispositions des articles 409 et 410 et du code de procédure civile, l'acquiescement au jugement, qui se distingue de l'acquiescement à la demande, emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours; il peut être exprès ou implicite.
Ont été retirées de son dossier par la société Dispac, les pièces anciennement numérotées 15,16 et 46, courriers échangés avec l'avocat de M. [A] en première instance. Il n'y a donc pas lieu de se pencher sur leur portée ou leur confidentialité.
L'acquiescement invoqué ne peut être apprécié qu'au vu des autres pièces versées au dossier.
La société Dispac soutient qu'il ressort des courriers produits par M. [A] qu'un acquiescement au jugement a bien été formalisé même s'il conteste en avoir donné mandat à son avocat et ajoute qu'il a encaissé sans réserve le 26 février 2013 les condamnations du jugement déféré non assorties de l'exécution provisoire. En conséquence, l'appel est irrecevable, sauf à M. [A] à engager la responsabilité de son avocat.
M. [A] réplique que, présent à l'audience du conseil de prud'hommes, son avocat était chargé uniquement d'une mission d'assistance, qu'il n'avait donc pas qualité pour acquiescer au jugement sans mandat spécial. En tout état de cause, il avait été déchargé depuis le 10 décembre 2012. Il s'est borné à recevoir le montant de la condamnation du conseil de prud'hommes qu'il n'avait pas sollicitée et depuis a restitué la somme de 500 €.
Si l' acquiescement peut être exprès ou implicite, il doit toujours être certain, c'est-à-dire résulter d'actes ou de faits démontrant avec évidence et sans équivoque l'intention de la partie à qui on l'oppose.
La société Dispac ne se prévaut plus d'un acte d'acquiescement qu'elle ne produit pas. Il n'y a donc pas lieu de s'interroger plus avant sur l'étendue du mandat de l'avocat ayant assisté M. [A] devant le conseil de prud'hommes.
Il convient en conséquence de rechercher afin de caractériser un acquiescement implicite, s'il existe en l'espèce de la part de M. [A], des actes répondant aux critères énoncés ci-dessus.
Alors que M. [A] est bénéficiaire du jugement déféré, il ne peut valablement lui être opposé la présomption d'acquiescement instituée par l'article 410 alinéa 2 du code de procédure civile, selon lequel l'exécution sans réserve d'un jugement non exécutoire vaut acquiescement.
L'encaissement sans réserve le 26 février 2013 de la somme allouée à titre de condamnation principale ne peut à lui seul traduire une volonté non équivoque de renoncer à l'appel formé antérieurement, d'autant qu'aucune pièce ne permet d'établir une demande d'exécution de la part de l'appelant.
La fin de non recevoir tirée de l'acquiescement au jugement sera rejetée et l'appel déclaré recevable.
Il n'est pas pour autant démontré que l'intimée ait fait dégénérer en abus son droit d'opposer ce moyen. Aucune demande de dommages et intérêts ne peut prospérer à ce titre.
2. Sur l'exécution du contrat de travail,
2. 1 Sur les demandes de rappel de salaire,
Se prévalant du principe d'égalité de traitement salariale, par comparaison avec MM. [H] et [B], M. [A] sollicite le paiement d'un rappel de salaire pour la période du 28 août 2006 au 7 avril 2009.
La société Dispac soulève au visa des dispositions de la loi du 14 juin 2013 instaurant une prescription triennale, la prescription de ces demandes nouvelles présentées pour la première fois par conclusions du 10 juillet 2016.
La saisine du conseil de prud'hommes formée par requête du 20 novembre 2011 est antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 instaurant une prescription triennale. Ses dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, les instances introduites avant cette date étant poursuivies et jugées conformément à la loi ancienne.
Le salarié fait valoir que la saisine du conseil de prud'hommes le 28 avril 2011 a interrompu la prescription, y compris pour les demandes nouvelles formées en appel et qu'ayant présenté ses demandes par conclusions envoyées le 2 mars 2015, pour l'audience du 27 mai 2015 à la partie intimée, aucune prescription ne peut lui être opposée.
Si en principe l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, au cours d'une même instance, concernent le même contrat de travail.
En conséquence, la prescription a été interrompue par la saisine du conseil de prud'hommes le 20 janvier 2011, laquelle est interruptive pour les demandes initiales mais également pour les demandes nouvelles présentées au cours de l'instance. Dès lors, la date à laquelle la demande de rappel de salaire a été formulée pour la première fois est indifférente.
Sur le principe d'égalité de traitement, il est rappelé qu'il s'applique dès lors que les salariés sont placés dans une situation identique, ce qui suppose deux critères cumulatifs: les salariés doivent appartenir à la même entreprise et bénéficier de conditions de rémunération fixées par une source unique et commune : loi, convention collective ou accord collectif.
Il appartient au salarié d'apporter des éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité de rémunération, à charge ensuite pour l'employeur d'apporter la preuve soit que cette disparité n'est pas avérée, soit qu'elle est justifiée par des raisons objectives et pertinentes.
M. [A] soutient qu'il a toujours souffert d'une inégalité de traitement dès son embauche, qu'il était un excellent conducteur et invoque la situation de M. [H], embauché la veille de son licenciement, au taux horaire de 8,85 €, alors que lui-même a été embauché au taux de 8,27 €. Cette différence de 0,58€, s'explique par l'écart de deux ans et huit mois entre les dates d'embauche . Par ailleurs, à la date de son licenciement, M. [A] était rémunéré sur la base d'un taux horaire de 9,0270 € supérieur à celui de M. [H].
Le salarié se prévaut également de la situation de M. [B], auquel il ne se comparer puisqu'il a été embauché les 14 et 15 avril 2010, soit postérieurement à son licenciement.
En conséquence, en l'absence d'éléments de fait susceptibles de caractériser l'inégalité de rémunération invoquée, la demande au titre d'un rappel de salaire sur ce fondement sera rejetée.
2. 2 Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche,
Pour les mêmes motifs que ci-dessus, cette demande ne se heurte à aucune prescription. Cependant, faute pour M. [A] de caractériser un préjudice consécutif à l'absence de ladite visite, il sera débouté de sa demande de ce chef.
2.3 Sur la violation de l'obligation de sécurité de résultat,
Le salarié invoque d'une part une situation de harcèlement moral et d'autre part une faute inexcusable de l'employeur.
Il est observé qu'il ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes de se prononcer sur une telle faute.
Sur le harcèlement moral, selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [A] invoque une pression continuelle se matérialisant par des reproches incessants, des mesures vexatoires, des actions déstabilisantes, une baisse de fonction et de salaire.
Pour autant, si les six pièces qu'il produit au soutien de ces griefs, établissent des différends entre le salarié et son employeur, notamment quant aux horaires et à l'usage du chronotachygraphe, elles ne sont pas de nature à laisser présumer, pris dans leur ensemble, l'existence d'agissements répétés de nature à porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, les termes employés dans les courriers témoignant au contraire d'une liberté de ton certaine du salarié. Au demeurant aucune pièce de nature médicale ou para-médicale n'est produite sur la dégradation de l'état de santé de M. [A].
La demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral sera rejetée.
3. Sur le licenciement,
3. 1 Sur la nullité du licenciement,
3.1.1 comme discriminatoire,
M. [A] soutient que le licenciement est discriminatoire pour deux motifs, d'une part, sa véritable cause est son état de santé, d'autre part, pour avoir dénoncé des faits constitutifs de délits dans l'exercice de ses fonctions.
Si les pièces du dossier établissent que le salarié s'est trouvé en arrêt de travail à plusieurs reprises pour maladie au cours de l'année 2008, il a toujours été déclaré apte sans réserve, la dernière fois le 8 avril 2008 pour une durée de deux ans. Il n'a eu aucun arrêt de travail dans les mois précédents le licenciement. En cet état, alors que la notification du licenciement est intervenue immédiatement après les faits du 20 mars 2009, il n'est nullement démontré que le licenciement a pour véritable cause l'état de santé du salarié et comme tel atteint de nullité.
M. [A] soutient ensuite qu'il a été licencié pour avoir dénoncé des faits de nature délictuelle dans l'entreprise s'agissant de la manipulation frauduleuse des chronotachygraphes et rappelle qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L 1132-1 et L 1132-2 du code du travail
Il est observé que les faits qu'il affirme avoir dénoncés ne sont pas des agissements discriminatoires mais des agissements délictuels, de sorte que l'article L 1132-3 du code du travail est sans application. En toute hypothèse, le contrôle de la DREAL invoqué, qu'il affirme avoir provoqué, est intervenu le 14 mai 2007, soit deux ans avant le licenciement, de sorte qu'aucun lien de causalité ne peut être établi entre le licenciement et ledit contrôle, lequel au demeurant n'a donné lieu qu'au relevé de deux amendes de 135 €. Ce fondement ne peut davantage prospérer.
3.1.2 comme prononcé au cours d'une période de suspension du contrat de travail,
Selon l'article l'article L 1226-9 du code du travail, au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou la maladie.
Il résulte des pièces du dossier que M. [A] a été placé en arrêt de travail pour accident de travail, reconnu par la CPAM le 5 juin 2009, le 23 mars 2009 pour des faits du 20 mars 2009. Un premier arrêt de travail a été prescrit jusqu'au 30 mars 2009, adressé à l'employeur le 26 mars 2009, puis régulièrement prolongé jusqu'au 1er mai 2009.
Dès lors que le licenciement a été notifié pour faute grave, hypothèse prévue par le texte susvisé, il convient d'examiner si la preuve d'une faute grave est établie par les pièces du dossier avant de se prononcer sur la nullité sollicitée.
3.2 Sur la faute grave,
L'employeur qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail doit énoncer son ou ses motifs dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige. Il incombe à l'employeur d'alléguer des faits précis sur lesquels il fonde le licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur d'en apporter la preuve.
Les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont d'avoir dégradé le camion de livraison, rendu inutilisable et de ne pas avoir prévenu son employeur, faisant ainsi perdre une tournée de nuit pour le client Easydis.
Il est constant que le 20 mars 2009 M. [A], a pris son service à 13 h25, au volant du camion immatriculé [Immatriculation 1], a effectué dans la soirée une livraison au magasin [Établissement 3], que le disque chronotachygraphe établit qu'il est resté sur place de 20 h 47 à 21 h 18, et a rejoint l'entrepôt à Aix-en-Provence à 22 h 35.
Il est également constant que le 21 mars 2009, la société Dispac a été informée par la société [Établissement 3] de dégâts occassionés dans la station service du magasin de [Établissement 4].
La société Dispac produit à son dossier:
- une attestation de M. [V] [C], conducteur poids-lourds, selon lequel: 'Le 21 mars 2009 vers deux heures du matin en voulant récupérer mon camion pour effectuer ma tournée, celui-ci était inutilisable, j'ai donc appelé mon employeur pour lui signaler. N'ayant pas de possibilité de secours, il m'a demandé de rentrer chez moi et d'annuler la tournée',
- une attestation du chef d'exploitation, M. [I] [X], : 'J'ai contacté M. [Q] [A] par téléphone samedi 21 mars 2009 au matin pour lui demander des explications au sujet du camion qu'il a ramené dans un état inutilisable et sur les dégradations commises au niveau de la station-service de [Établissement 4]. Il n'a pas nié l'accrochage mais n'a pas donné d'explication sur le fait qu'il ne nous avait pas prévenu. Je lui ai indiqué que nous allions lui notifier une mise à pied conservatoire en attendant une éventuelle sanction disciplinaire',
- un courrier de Monsieur [A] daté du 24 mars 2009, expédié le 26 mars, ainsi rédigé 'Suite à notre conversation téléphonique de vendredi 20 mars 2009 vers 21 heures et malgré le fait que je me sois plaint de mes douleurs après être tombé du hayon en déchargeant seul dans le SAS de [Établissement 3], j'ai ramené le camion comme vous l'avez exigé. De plus je vous ai informé de l'accrochage que j'ai commis malencontreusement sortant du Casino, en effet, j'ai emprunté la sortie annoncée par un panneau d'indication avec bien évidemment aucune restriction aux poids-lourds 3,5 t et aux camions de livraison. Un témoin pourra confirmer mes propos et sera apte aussi à vous en faire part par écrit si vous en décidiez....... j'envoie ce courrier pour vous confirmer par lettre recommandée mon accident de travail qui m'indispose aujourd'hui à travailler suite à ma chute',
-l'arrêt de travail daté du 23 mars 2009 pour un accident survenu le 20 mars 2009, expédié le 26 mars avec le courrier ci-dessus,
- un bon de livraison de différentes pièces: ' barre horriz alupare-cycl, prof alu par-cycl, chape pare cycliste relevable, bouchon prof vert par cycliste, bouchon prof horiz par cyclist', datée du 24 mars 2009,
- une attestation du mécanicien de l'entreprise Dispac certifiant avoir constaté les dégâts sur le semi-remorque conduit le 20 mars 2009 à savoir, la barre anti cycliste et porte-roue de secours arraché, traces d'accrochage sur le panneau latéral de la remorque et le cadre arrière.
Il est rappelé que la preuve étant libre en matière prud'homale, les attestations émanant de salariés n'ont pas lieu d'être nécessairement écartées, en l'absence d'élément objectif permettant de douter de leur sincérité.
L'employeur maintient que le salarié ne lui a pas téléphoné le 20 mars dans la soirée pour l'avertir des dégradations sur le camion.
M. [A] affirme ' Au moment de décharger les dernières palettes, j'ai perdu l'équilibre et je suis tombé. Mon amie [T] [S], assise à l'intérieur et à proximité de moi et une autre personne ont été témoins de cette chute. Cette personne, Monsieur [L] et un autre couple dont j'ignore l'identité m'ont aidé à charger les 2 dernières palettes. Monsieur [L] se trouvait au bord de la route et se promenait avec sa compagne. J'ai fait appel à mon patron et lui ai expliqué ma chute et que je m'étais vraiment fait mal, il m'a répondu qu'il fallait que je rentre que j'étais costaud. J'ai repris la route et en sortant du parking 10 mn plus loin, j'ai accroché une pancarte côté droit avec la barre anti encastrement qui a été arrachée. Je suis sorti j'ai constaté les dégâts et appelé mon patron. Il s'est alors mis très en colère et m'a demandé de ramener le camion'' Sur interrogation, il précise qu'il a appelé son patron avec un téléphone à carte ' entrée libre'.
Cette version est incompatible avec la lecture du disque chronotachygraphe, qui après la période de stationnement au Casino, soit 25 minutes, ne fait pas apparaître un nouvel arrêt quelques mètres plus loin, où il affirme avoir accroché une pancarte, mais de 21 h 12 à à 21 h 18 un temps de conduite après que le camion ait parcouru cinq kilomètres. Par ailleurs, le temps de stationnement est également incompatible avec celui nécessaire pour l'ensemble des opérations de déchargementdes 11 palettes, (même si le déchargement lui-même prend de 20 à 23 mn) depuis l'ouverture du hayon, puis du SAS, de désactivation et activation de l'alarme, auquel s'ajoute le temps d'environ quinze minutes d'interruption des opérations de déchargement suite à la chute du hayon.
Sur les attestations de M. [L] et Mme [S], alors que cette dernière assiste le salarié dans le présent litige, cette pièce ne peut être retenue. Quant à celle de M. [L], qui s'est révélé être l'oncle de M. [A], en l'état des divergences entre l'attestation manuscrite initiale, irrégulière en la forme et son audition dans l'enquête pénale, dans laquelle, il déclare in fine ' .... Je me rappelle très bien l'avoir vu téléphoner parler à quelqu'un mais je ne me rappelle plus ce qu'il a pu dire ou encore à qui précisément il a téléphoné. De la même manière il ne m'a jamais parlé d'une quelconque menace de licenciement'', elle ne peut davantage servir d'élément probant.
Pour être complet, il est ajouté:
- que le camion, bien qu'ayant subi des dégâts était en mesure de rouler puisqu'il a mis un temps de trajet normal pour rejoindre l'entrepôt,
- qu'il n'y a pas lieu de se pencher plus avant sur la configuration de la station service et les dégâts occasionnés comme ne constituant pas un grief.
En l'état de l'ensemble de ces éléments, l'employeur démontre les dégradations commises sur le camion par son salarié. Sur le fait que le salarié ne l'a pas prévenu, il se trouve dans l'impossibilité d'apporter la preuve d'un fait négatif. En tout état de cause, la cour observe que si tel avait été le cas, il aurait pris des dispositions pour, entre 22 h 35, retour de M. [A] et 2 heures du matin, mettre à la disposition du chauffeur prenant la suite, un autre camion, surtout s'agissant d'un client important comme Easydis.
Dans ces conditions, alors que M. [A] avait fait l'objet de plusieurs avertissements et d'un rappel à l'ordre, jamais contestés, fut-ce dans le cadre du présent litige, qu'il est justifié de réclamations d'un chauffeur de l'entreprise, le 16 février 2009, quant à l'état d'un camion après son passage, ainsi que de clients: Easydis le 1er août 2008: '...je te confirme qu'à la prochaine altercation (problèmes livraison, reprise emballages........) Nous ferons interdire M. [A] de site (jour et nuit) sur Aix1", ce qui a été effectif à partir du 22 août 2008; Easydis 22 juillet 2008: 'hier soir, le chauffeur Monsieur [A] de la société TDC a refusé de prendre les emballages. Il a vite fermé son camion et a pris la fuite. Je ne veux plus de ce chauffeur sur mon site...', les faits fautifs énoncés dans la lettre de licenciement sont établis et incompatibles avec le maintien du salarié dans l'entreprise.
La faute grave étant établie, la demande de nullité du licenciement sur le fondement de l'article
L 1226-9 du code du travail, ne peut prospérer.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [Q] [A] est fondé.
M. [Q] [A] sera débouté de l'ensemble de ses autres demandes, infondées en l'état de la décision rendue.
4. Sur les autres demandes,
M. [A] n'a aucune qualité pour réclamer des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des diffamations et calomnies sur la mémoire de M. [L], son oncle, rédacteur d'une attestation contestée, décédé depuis. Sa demande de ce chef est irrecevable.
Il est établi que l'attestation destinée à Pôle emploi, datée du 8 avril 2009, a été remise au salarié à la même date, il ne peut donc se prévaloir d'aucun préjudice résultant de la rétention de cette attestation.
La cour n'est saisie d'aucune demande relative à la non mention du DIF dans la lettre de licenciement.
Il n'est pas établi que M. [Q] [A] ait fait dégénérer en abus son droit de relever appel, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
Il n'appartient pas aux parties de solliciter le prononcé d'une amende civile qui relève de la seule initiative de la juridiction.
M. [Q] [A] supportera les dépens d'appel et sera condamné à payer à la SAS DISPAC la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ecarte des débats les pièces numéros 54 et 55 du bordereau de la société Dispac,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. [Q] [A] le 23 janvier 2013,
Déclare irrecevable la demande en paiement de dommages et intérêts pour diffamation sur la mémoire de M. [L],
Confirme le jugement déféré uniquement qu'il a dit que le licenciement de M. [Q] [A] est fondé,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute M. [A] de ses demandes de rappel de salaire et de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche,
Déboute M. [A] de ses demandes de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes,
Déboute M. [A] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et de rétention de l'attestation Pôle emploi,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [Q] [A] à payer à la SAS Dispac la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Q] [A] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,