COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
15e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 JANVIER 2018
N° 2018/ 41
Rôle N° 16/12159
[G] [Y]
C/
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SIX FOURS LES PLAGES
Grosse délivrée
le :
à : Me Olivier AVRAMO
Me Olivier SINELLE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de TOULON en date du 15 Juin 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 11.15.001950.
APPELANT
Monsieur [G] [Y]
né le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (MAROC), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Olivier AVRAMO, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMEE
CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SIX FOURS LES PLAGES, prise en la personne de représentant légal, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Olivier SINELLE de l'AARPI ESCLAPEZ-SINELLE- PILLIARD- FERRI, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Julien MARLINGE, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente
Monsieur Dominique TATOUEIX, Conseiller
Madame Pascale POCHIC, Conseiller
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Janvier 2018
Signé par Madame Marie-Madeleine BOUSSAROQUE, Présidente et M. Alain VERNOINE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte notarié en date du 21 décembre 2007, M. [G] [Y] s'est porté caution personnel et solidaire avec Mlle [D] [Z] des engagements de la SCI AJM à l'occasion du prêt d'un montant de 340 000 € concédé à cette société par la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS.
Par jugement en date du 28 octobre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Toulon a homologué la vente amiable du bien immobilier dont était propriétaire la SCI AJM pour la somme de 338 000 € et par un arrêt en date du 30 mars 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé en toutes ses dispositions le jugement aux termes duquel le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Toulon a homologué la distribution du prix.
Par exploit en date du 8 Juin 2015, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS a attrait M. [G] [Y] devant le tribunal d'instance de TOULON aux fins de saisie des rémunérations pour paiement d'une créance totale de 167 796,27 €, dont 142 986,73 € en capital, au titre de son engagement de caution du 21 Décembre 2007 des obligations de la SCI AJM.
Par jugement du 15 juin 2016 dont appel du 29 juin 2016, le tribunal d'instance de Toulon a :
- Ordonné la saisie des rémunérations de M. [G] [Y] pour un montant total de 167 752,39 euros, soit 166 737,93 euros en principal (capital et assurance) et 10l4,46 euros en frais, ces sommes ne produisant pas intérêts pour l'avenir ;
- Condamné M [G] [Y] à payer à la Caisse de Crédit Mutuel Ouest Varois la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [G] [Y] aux dépens ;
- Ordonné l'exécution provisoire ;
Le tribunal énonce en ses motifs :
- les actes d'exécution forcée qui ont donné lieu à des décisions de justice du 28 octobre 2010 et du 30 mars 2012 ont interrompu la prescription,
- M. [Y], qui justifie par des pièces médicales qu'il souffre d'un trouble dépressif majeur depuis mars 2007, ne démontre pas en quoi ce trouble a pu constitué un vice du consentement, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à l'exception de nullité du cautionnement pour défaut de consentement,
- si M. [Y] démontre que le cautionnement était manifestement disproportionné par rapport à ses revenus, il ne rapporte pas la preuve qu'il l'était également par rapport à ses biens alors qu'il est propriétaire depuis 1996 d'une maison de ville de deux étages acquise au prix de 640 000 fr.
- la Caisse de crédit mutuel ne conteste pas avoir failli dans l'exécution de son obligation annuelle d'information de la caution mais ne disposant pas d'un jugement de condamnation, elle ne peut se prévaloir des dispositions des articles 1153 et 1153-1 du Code civil pour prétendre à la substitution de l'intérêt contractuel par l'intérêt légal.
Vu les dernières conclusions déposées le 14 novembre 2017 par M. [G] [Y], appelant, aux fins de voir :
- Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 juin 2016 par le tribunal d'instance de TOULON,
- Déclarer la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS irrecevable, comme prescrite, et à défaut mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter,
A titre subsidiaire,
Vu l'article L. 341-6 du code de la consommation,
- Confirmer le jugement rendu le 15 juin 2016 par le tribunal d'instance de TOULON en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de retenir de dette d'intérêts à l'encontre de M. [Y],
En toute hypothèse,
- Condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS à payer à Monsieur [G] [Y] la somme de 2.400 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Olivier AVRAMO, Avocat, sur ses offres de droit.
- Débouter la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS de toutes ses
demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions déposées le 15 novembre 2017 par la Caisse de Crédit Agricole Mutuel de Six Fours les Plages, intimée, aux fins de voir :
A titre principal,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les intérêts pour l'avenir ;
- Dire et juger que la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SIX-FOURS LES PLAGES s'élève à la somme de 166.737,93 € en principal, et 948,11 € en frais, arrêtée à la date du jugement déféré, outre intérêts au taux contractuel majoré jusqu'à parfait paiement ;
Subsidiairement,
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne les intérêts pour l'avenir ;
- Dire et juger que la créance de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE SIX-FOURS LES PLAGES sera assortie des intérêts légaux du 02.10.2008 jusqu'à parfait paiement ;
En tout état de cause,
- Dire et juger Monsieur [G] [Y] irrecevable et pour le moins infondé en ses demandes, fins et prétentions ;
- Ordonner la saisie des rémunérations de Monsieur [G] [Y] jusqu'à extinction de ladite créance ;
- Confirmer la condamnation de Monsieur [G] [Y] aux frais irrépétibles et de procédure de première instance ;
- Ajoutant au jugement déféré, condamner Monsieur [G] [Y] à payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du CPC en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel, distraits au profit de Maître Olivier SINELLE, Avocat, sur son offre de droits, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
Vu l'ordonnance de clôture du 15 novembre 2017.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que M. [Y], qui soutient que la prescription applicable est la prescription biennale de l'article L 317-2 du code de la consommation ou à tout le moins la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil, fait valoir que la déchéance du terme ayant été prononcée le 19 novembre 2008, l'obligation principale apparait prescrite, de sorte que l'engagement de caution, accessoire à l'obligation principale, se trouve par voie de conséquence, éteint ;
Mais attendu que conformément à l'article L 137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation, la prescription biennale, applicable à l'action des professionnels pour les biens et services qu'ils fournissent aux consommateurs, n'est pas applicable aux personnes morales et notamment aux SCI, y compris à vocation familiale, qui ne peuvent être regardées comme un consommateur au sens de ces dispositions ;
Que par ailleurs, la référence dans l'acte de prêt aux dispositions des articles L 312-1 et suivants du code de la consommation, dont il ne peut s'induire une soumission volontaire à toutes les dispositions dudit code que sous réserve de son caractère non équivoque qui n'est toutefois pas établi par M. [Y], n'a pas pour effet de modifier la qualité de l'emprunteur et la nature du prêt, de sorte que M. [Y] ne peut se prévaloir de la prescription biennale applicable au seul consommateur ;
Et attendu que par application de l'article 2141 du Code civil, la procédure de saisie immobilière mise en 'uvre en 2009 a interrompu la prescription quinquennale jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 mars 2012, de sorte que l'action engagée le 8 juin 2015 à l'encontre de la caution n'était pas prescrite ;
Attendu que M. [Y] invoque, à titre subsidiaire, une absence de consentement éclairé de sa part et en tout état de cause, le caractère disproportionné du cautionnement ;
Mais attendu que si M. [Y] justifie par des pièces médicales, qu'il souffrait d'une dépression qui a nécessité son hospitalisation pendant dix jours en avril 2007 puis durant deux semaines en avril 2009, aucune des pièces produites, et notamment l'expertise médical du 19 octobre 2007 aux termes de laquelle le docteur [B] conclut à un état dépressif majeur, ne démontre une altération de son consentement et en particulier le 21 décembre 2007, date du cautionnement, et preuve d'une véritable altération du consentement, seule susceptible de remettre en cause son engagement, ne résulte pas davantage des autres certificats médicaux, lesquels sont en outre postérieurs de plus de deux ans à l'acte litigieux et ne permettent, pas plus que celui du 19 octobre 2007, d'apprécier la capacité décisionnelle de M. [Y] sur la période litigieuse ;
Et attendu qu'en se bornant à faire valoir que ses charges mensuelles moyennes s'élevaient à la somme de 1 659,93 € pour un revenu mensuel moyen de 3 456 € alors qu'au moment de son engagement de caution, il était déjà propriétaire en propre d'un bien immobilier, acquis à l'aide d'un prêt souscrit sur 15 ans en 1996, constitué de 2 appartements d'une valeur nette de 430 000 € au vu des renseignements fournis au prêteur de deniers, M. [Y] ne démontre pas que son engagement était manifestement disproportionné ;
Attendu que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL OUEST VAROIS ne conteste pas avoir failli à son obligation d'information annuelle de la caution, laquelle est en conséquence seulement tenue, en vertu de l'article 1153, alinéa 3 du Code civil, aux intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure ;
Que le jugement dont appel, qui a dit qu'il n'y a pas lieu de retenir de dette d'intérêts à l'encontre de M. [Y], doit être en conséquence infirmé en ce qu'il a ordonné la saisie des rémunérations pour un montant total de 167 752,39 € et statuant à nouveau, il convient d'ordonner la saisie des rémunérations de M. [G] [Y] pour un principal de 166 737,93 €, outre intérêts au taux légal calculés à compter de la mise en demeure du 2 octobre 2008 et outre frais pour une somme de 948,11 € ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement dont appel, mais seulement en ce qu'il a ordonné la saisie des rémunérations de M. [G] [Y] pour un montant total de 167 752,39 euros, soit 166 737,93 euros en principal (capital et assurance) et 10l4,46 euros en frais, ces sommes ne produisant pas intérêts pour l'avenir ;
Et statuant à nouveau sur le chef infirmé,
Ordonne la saisie des rémunérations de M. [G] [Y] pour un principal de 166 737,93 €, outre intérêts au taux légal calculés à compter de la mise en demeure du 2 octobre 2008 et outre frais pour une somme de 948,11 € ;
Confirme le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne M. [G] [Y] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT