COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
11e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 01 FEVRIER 2018
N°2018/ 47
Rôle N° 17/02597
[S] [I]
C/
SCP BENABU BAUCHE
Grosse délivrée
le :
à :
Me Henri-Charles LAMBERT
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Juridiction de proximité de NICE en date du 09 Février 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 9115000882.
APPELANTE
Madame [S] [I]
née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE substitué par Me Pierre-Vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SCP [W] Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Christine CURCURU-BOLIER, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2017 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Yves BENHAMOU, président rapporteur,
et, Madame Sylvie PEREZ, conseiller- rapporteur,
chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :
Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre,
Madame Frédérique BRUEL, Conseillère
Madame Sylvie PEREZ, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2018.
Signé par Monsieur Yves BENHAMOU, Président de Chambre et Madame Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Par déclaration réceptionnée au greffe le 23 novembre 2015, Mme [S] [I] a attrait la Société Civile Professionnelle [W], huissiers de justice associés devant le juge de proximité de [Localité 2] afin de la voir condamner au paiement de la somme de 4.000 euros à titre de dommages et intérêts. Elle a ensuite formée de surcroît une demande d'affichage du jugement à intervenir dans les locaux de la chambre départementale des huissiers.
Par jugement en date du 9 février 2017 rendu 'en dernier ressort', le juge de proximité de [Localité 2], a :
- rejeté l'ensemble des demandes formées par Mme [S] [I] à l'encontre de la SCP [W],
- dit que l'équité n'impose pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [S] [I] aux entiers dépens.
Le premier juge relève au soutien de cette décision que :
' l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 relatif à la tarification des actes d'huissier permet à ceux-ci de percevoir en plus du droit visé à l'article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier,
' l'article 11 de ce décret exclut l'application du droit proportionnel de l'article 10 lorsque la créance en cause a un caractère alimentaire,
' or, dans le cas présent l'huissier en cause a été mandaté par Mme [I] pour procéder notamment à l'exécution d'un jugement rendu le 21 janvier 2014 pour parvenir au recouvrement d'un solde de prestation compensatoire d'un montant de 25.000 euros qui a été intégralement recouvré le 1er décembre 2014,
' la SCP [W] justifie avoir adressé l'ensemble des pièces justificatives évoquées par Mme [I] dans son acte introductif d'instance,
' l'article 11 du décret doit faire l'objet d'une application stricte de sorte que le caractère mixte de la prestation compensatoire, alimentaire et indemnitaire, ne lui permet pas de bénéficier de ladite exonération,
' Mme [I] devra en conséquence être déboutée de toutes ses demandes.
Dans ses dernières conclusions en date du 9 mai 2017, Mme [S] [I] demande à la cour de :
- condamner la SCP [W] à restituer à Mme [I] la somme de 1.363,19 euros avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 2015,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner la SCP [W] au paiement de la somme de 4.000 euros au titre des dommages et intérêts outre 3.500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens,
- ordonner l'affichage de l'arrêt à intervenir dans les locaux de la Chambre départementales des huissiers de justice des [Localité 3] sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt aux frais et à la diligence de la SCP [W].
Elle indique que :
' le jugement est improprement qualifié en dernier ressort ; il apparaît au regard des conclusions visées à l'audience du 9 décembre 2016 que le juge de proximité était saisi de demandes indéterminées qu'il a d'ailleurs rejetées sans que soient soulevée son incompétence,
' la SCP [W] était irrecevable à solliciter le bénéfice du droit proportionnel de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996,
' en effet la saisie attribution a été effectuée par une autre étude d'huissier ; le SCP [W] s'est contentée de délivrer un commandement aux fins de saisie vente et d'effectuer la dénonciation de la saisie attribution, actes qui lui ont été réglés avec les droits afférents,
' l'huissier a instrumenté pour le recouvrement d'un solde de prestation compensatoire de 25.000 euros,
' la jurisprudence a consacré le caractère à la fois alimentaire et indemnitaire de la prestation compensatoire ; or, le caractère alimentaire est d'ordre public et prime sur le caractère indemnitaire,
' l'article 10 du décret du 12 décembre 2016 exclut expressément les créances alimentaires de la charge du droit proportionnel,
' le texte ne comporte aucune dérogation concernant le fait que la créance alimentaire pourrait également revêtir un autre caractère,
' le premier juge a donc fait une application erronée de ce texte.
Pour sa part la SCP [W] dans ses dernières conclusions en date du 10 juillet 2017 demande notamment à la cour de confirmer purement et simplement le jugement querellé.
Elle indique notamment que :
' il résulte de la jurisprudence de diverses cours d'appel que lorsque la prestation compensatoire est versée sous forme de capital, cette prestation n'a pas un caractère alimentaire mais indemnitaire,
' en conséquence c'est à bon droit que la SCP BENABU- BAUCHE a pris en compte le droit proportionnel de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 de telle manière que le jugement sera purement et simplement confirmé.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 novembre 2017.
- MOTIFS DE LA COUR :
- SUR LE BIEN FONDÉ DE LA DEMANDE DE L'HUISSIER TENDANT AU PAIEMENT DE SES EMOLUMENTS :
En application des dispositions de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996, les huissiers de justice qui recouvrent des créances sont autorisés à percevoir en plus du droit visé à l'article 8, un droit proportionnel dégressif à la charge du créancier.
De plus l'article 11 - 2° du même décret prévoit quant à lui que le droit visé à l'article 10 n'est pas dû lorsque le recouvrement est effectué sur le fondement d'un titre exécutoire constatant une créance alimentaire.
Dans le cas présent la SCP d'huissiers [W] s'est vu mandater par Mme [S] [I] pour recouvrer sur la base d'un jugement de divorce du tribunal de grande instance de Nice en date du 21 janvier 2014, le reliquat d'une prestation compensatoire à hauteur de la somme de 25.000 euros.
Il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation que la prestation compensatoire présente un caractère mixte alimentaire et indemnitaire.
Toutefois s'agissant d'une prestation intervenant dans la sphère du droit des affaires familiales, l'objectivité commande de constater que son caractère alimentaire prime son caractère indemnitaire.
Par suite, en application des textes susvisés, la créance de Mme [S] [I] à raison de sa nature mixte mais prioritairement alimentaire ne saurait donner lieu au paiement au profit de l'huissier d'un droit proportionnel dégressif.
Il convient dès lors d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement querellé, et de condamner la SCP [W] à restituer à Mme [I] la somme de 1.363,19 euros avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 2015 tout en ordonnant la capitalisation des intérêts.
En revanche au regard de la nature de l'affaire, il n'y a pas lieu d'ordonner l'affichage au frais de l'intimé du présent l'arrêt dans les locaux de la Chambre départementales des huissiers de justice des [Localité 3] sous astreinte.
- SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES ET INTÉRÊTS :
La demande de dommages et intérêts de Mme [S] [I] n'apparaissant pas suffisamment justifiée, il convient de l'en débouter.
- SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme [S] [I] les frais irrépétibles exposés par elle et non compris dans les dépens.
Il convient par suite de condamner la SCP BENABU ET BAUCHE à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SCP [W] les frais irrépétibles exposés par elle et non compris dans les dépens.
Il convient en conséquence de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- SUR LES DÉPENS :
Il y a lieu de condamner la SCP [W] qui succombe aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,
- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé de la juridiction de proximité de [Localité 2],
Statuant à nouveau :
- CONDAMNE la SCP d'huissiers [W] à restituer à Mme [S] [I] la somme de 1.363,19 euros avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 2015,
- ORDONNE la capitalisation des intérêts,
Y ajoutant :
- DIT n'y avoir lieu d'ordonner l'affichage au frais de la SCP d'huissiers [W] du présent l'arrêt dans les locaux de la Chambre départementales des huissiers de justice des [Localité 3] sous astreinte,
- DEBOUTE Mme [S] [I] de sa demande de dommages et intérêts,
- CONDAMNE la SCP d'huissiers [W] à payer à Mme [S] [I] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- LA DEBOUTE de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- LA CONDAMNE aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,