COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 15 FEVRIER 2018
N°2018/
NT/FP-D
Rôle N° 16/00383
Société MGS SALES & MARKETING (ANCIENNEMENT MGS PROMOTION)
C/
[I] [E]
Grosse délivrée le :
à :
Me Fannie DESBARATS, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau D'AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AIX-EN-PROVENCE - section AD - en date du 23 Mai 2013, enregistré au répertoire général sous le n° 12/697.
APPELANTE
Société MGS SALES & MARKETING (ANCIENNEMENT MGS PROMOTION), demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Fannie DESBARATS, avocat au barreau de VERSAILLES ([Adresse 2])
INTIMEE
Madame [I] [E], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2017, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Mme [I] [E] a été engagée en qualité d'hôtesse de vente par la société MGS promotion, devenue la société MGS sales & marketing et ayant pour activité la réalisation d'actions promotionnelles dans les lieux de vente, suivant contrat à durée indéterminée du 27 février 2001 prévoyant en son article 13 sa suspension entre chaque mission commerciale.
Le conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence, saisi par Mme [I] [E] le 13 janvier 2009, a, par jugement du 23 mai 2013, prononcé la requalification « du contrat de travail intermittent à durée indéterminée du 27 février 2001 en contrat de travail à temps complet », dit et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné sous astreinte la délivrance de bulletins de salaire et d'une attestation Pôle emploi rectifiés, et condamné la société MGS promotion à payer :
46 133,22 € à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet,
2 560,18 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
256,02 € au titre des congés payés,
896,07 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
1 280,99 € au titre de l'inobservation de la procédure de licenciement,
800 € pour rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre reçue au greffe le 22 juillet 2013, la société MGS promotion a relevé appel de cette décision notifiée le 5 juillet 2013.
L'affaire ayant fait l'objet d'un arrêt de radiation le 27 octobre 2015, a été réinscrite au rôle à la demande de l'appelante.
La société MGS sales & marketing soutient que le contrat de travail de Mme [I] [E] n'était pas un contrat intermittent dont les dispositions légales et conventionnelles le définissant étaient inexistantes lors de sa conclusion en 2001, mais un contrat de vacataire à durée indéterminée à temps partiel sans garantie d'horaire qui ne saurait être requalifié en un contrat à temps complet dès lors que l'intimée, affranchie de toute obligation entre les missions et qui a pu avoir d'autres activités professionnelles, n'était aucunement à sa disposition.
L'appelante déniant le droit de Mme [I] [E] d'obtenir paiement d'heures de travail qu'elle n'a pas effectuées et tout manquement à ses obligations contractuelles pouvant justifier la résiliation du contrat de travail qu'elle tient pour non rompu, conclut à l'infirmation de la décision prud'homale, au rejet de toutes les demandes de la salariée et à sa condamnation au paiement de 3500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [I] [E] objecte, au contraire, qu'elle est liée à la société MGS sales & marketing par un contrat de travail intermittent à durée indéterminée à temps partiel devant être requalifié en un contrat à temps complet du fait qu'il ne répond pas aux exigences légales régissant le contrat intermittent (défaut des mentions obligatoires et de la durée minimale de travail garantie, absence d'accord collectif prévoyant le recours à ce type de contrat), ce qui lui donne vocation à obtenir le paiement de la rémunération correspondant à un temps complet jusqu'à la date du prononcé de cette décision dès lors que le contrat, de l'aveu même de l'employeur, n'est pas rompu à ce jour.
L'intimée demande que la résiliation de son contrat de travail soit prononcée aux torts de la société MG sales & marketing en raison de ses manquements contractuels (irrégularité du contrat, absence de fourniture de travail et défaut de paiement de sa rémunération) et sollicite, outre la délivrance de bulletins de salaire, d'une attestation Pôle emploi rectifiés et la régularisation de ses cotisations de retraite sous astreinte, le paiement de :
217 056,50 € à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps complet pour la période de janvier 2014 à décembre 2017,
21 705,65 € au titre des congés payés,
1 480,29 € multipliés par le nombre de mois entre le 1er janvier 2018 et la date du prononcé de cette décision,
148,03 € multipliés par le nombre de mois entre le 1er janvier 2018 et la date du prononcé de cette décision, au titre des congés payés,
2 960,58 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
296 € au titre des congés payés
6 661,31 € à titre d'indemnité de licenciement,
25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux écritures reprises et soutenues oralement par les conseils des parties à l'audience d'appel tenue le 11 décembre 2017.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu qu'il résulte des pièces produites que Mme [I] [E] a été engagée en qualité d'hôtesse de vente par la société MGS promotion suivant contrat du 27 février 2001 « (') pour une durée indéterminée à compter de la date de signature du contrat de travail à temps partiel(') », qui prévoit en son article 13 sa suspension entre chaque mission commerciale, ne fait référence à aucune disposition légale le réglementant et ne comporte aucune précision sur le temps de travail et les horaires de la salariée ;
Attendu que la suspension de la relation de travail entre les missions commerciales prévue par l'article 13 du contrat de travail, conduisent de fait à assimiler celui-ci à un contrat de travail intermittent alors prévu par la loi du 19 janvier 2000 (anciens articles L 212-4-12 et suivants du code du travail) auquel la société MGS promotion ne pouvait cependant avoir recours en l'absence non discutée d'accord collectif l'autorisant dans sa branche d'activité ; que le contrat de travail du 27 février 2001 doit dès lors être tenu pour irrégulier dès lors que les règles du contrat intermittent ne lui sont pas applicables et qu'il ne respecte pas , non plus, celles relatives à la détermination du temps de travail dans le cadre du contrat à temps partiel ; qu'il conviendra, en conséquence, de confirmer la décision déférée ayant prononcé sa requalification en un contrat à temps complet, la salariée étant imprévisiblement placée, quand bien-même pouvait-elle refuser les missions, sous l'entière dépendance de l'employeur disposant du pouvoir de les proposer ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la société MGS promotion a cessé de fournir tout travail à Mme [I] [E] depuis l'année 2005, ce qui constitue un manquement indiscutable à ses obligations contractuelles dont la gravité justifie que la résiliation du contrat de travail soit prononcée à ses torts et dont la date sera fixée au jour de la décision prud'homale ayant constaté la rupture de la relation de travail soit le 23 mai 2013 ;
Attendu que la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat à temps complet ouvre droit à la rémunération correspondante pour la période du 13 janvier 2004 au 23 mai 2013 soit, selon les pièces et décomptes figurant au dossier (pièces 19 et 22 de la salariée) et compte tenu des salaires réglés sur la période, la somme de 137 208,71 €, outre les congés payés afférents ;
Attendu que la résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il sera alloué à Mme [I] [E], ayant plus de 2 ans d'ancienneté au service d'une entreprise ne soutenant pas employer moins de 11 salariés, compte tenu du salaire qu'elle a perdu (salaire temps complet de 1 293,51 € au mois de mai 2013) et en l'absence de pièce produite relative à sa situation professionnelle et financière, une indemnité de licenciement abusif fixée à 8 000 € en application de l'article L 1235-3 du code du travail, outre une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 2 587,02 € (2 mois x 1 293,51 € ) et une indemnité légale de licenciement fixée à 2 975,05 € (1 293,51 €/5 x 10 ans + 1 293,51 € x 2/15 x 2 ans et 3 mois) ;
Attendu qu'il sera enjoint, sans qu'il y ait lieu à astreinte, à la société MGS sales & marketing de délivrer à Mme [I] [E] un bulletin de salaire, à l'exception de tout autre, mentionnant les créances salariales fixées par cette décision, une attestation Pôle emploi conforme à cette décision et et régulariser la situation de la salariée auprès des organismes de retraite sur la base d'une rémunération à temps complet ;
Attendu que l'équité exige d'allouer à Mme [I] [E] 3 000 € en compensation de ses frais non compris dans les dépens par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Attendu que les entiers dépens seront laissés à la charge de la la société MGS sales & marketing qui succombe à l'instance ;
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile :
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes d'Aix-en-Provence du 23 mai 2013 en ce qu'il a prononcé la requalification du contrat de travail de Mme [I] [E] en un contrat à temps complet, infirme pour le surplus et statuant à nouveau :
Condamne la société MGS sales & marketing à payer à Mme [I] [E] :
137 208,71 € à titre de rappel de salaire,
13 720,87 € au titre des congés payés afférents ;
8 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2 587,02 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
258,70 € au titre des congés payés afférents,
2 975,05 € à titre d'indemnité de licenciement,
3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Enjoint à la société MGS sales & marketing de délivrer à Mme [I] [E] un bulletin de salaire mentionnant les créances salariales fixées par cette décision, une attestation Pôle emploi rectifiée et de régulariser la situation de la salariée auprès des organismes de retraite sur la base d'une rémunération à temps complet ;
Rejette toute demande plus ample ou contraire ;
Condamne la société MGS sales & marketing aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT