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15/02/2018 | FRANCE | N°16/10167

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 3e chambre a, 15 février 2018, 16/10167


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 15 FEVRIER 2018



N° 2018/0053













Rôle N° 16/10167







[G] [Y] épouse [E]





C/



EURL LES ARTISANS PENNOIS





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Bernard KUCHUKIAN



Me Patrice BIDAULT









Décision déférée à la Cour

:



Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Avril 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01157.





APPELANTE



Madame [G] [Y] épouse [E]

née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Bernard KUCHU...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

3e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 15 FEVRIER 2018

N° 2018/0053

Rôle N° 16/10167

[G] [Y] épouse [E]

C/

EURL LES ARTISANS PENNOIS

Grosse délivrée

le :

à :

Me Bernard KUCHUKIAN

Me Patrice BIDAULT

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 21 Avril 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 15/01157.

APPELANTE

Madame [G] [Y] épouse [E]

née le [Date naissance 3] 1976 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représentée et plaidant par Me Bernard KUCHUKIAN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

EURL LES ARTISANS PENNOIS, demeurant [Adresse 6]

représentée et plaidant par Me Patrice BIDAULT, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2017 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Sylvie CASTANIE, Présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Sylvie CASTANIE, Présidente (rapporteur)

Mme Béatrice MARS, Conseiller

Mme Florence TANGUY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Février 2018,

Signé par Madame Sylvie CASTANIE, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Faits, procédure, moyens et prétentions des parties :

L'immeuble situé [Adresse 5]), cadastré section E N° [Cadastre 4], devenu N° [Cadastre 2], d'une superficie de 13 a, 99 ca, consistant en deux bâtiments contigüs à usage d'habitation, l'un élevé d'un étage sur rez-de-chaussée et l'autre élevé d'un simple rez-de-chaussée avec cour sur le devant, dans laquelle se trouve un puits et jardin sur le derrière, est divisé, selon acte authentique en date du 9 février 1977, portant règlement de copropriété et état descriptif de division, en trois lots :

- lot N° 1 : un appartement situé au rez-de-chaussée du bâtiment A, comprenant deux cuisines, trois chambres, un séjour, ayant la jouissance exclusive des parcelles de terrain attenantes au dit appartement ainsi que de la partie de jardin, le tout figurant en teinte rose sur le plan annexé,

- lot N° 2 : un appartement situé au premier étage du bâtiment A auquel on accède par un escalier extérieur, comprenant hall, cuisine, séjour avec salon, trois chambres, salle de bains, WC, figurant en teinte bleue sur le plan,

- lot N° 3:1 appartement occupant tout le bâtiment B, comprenant deux cuisines, chambre, salon, terrasse, figurant en tête jaune sur le plan, avec jouissance exclusive de la partie du terrain figurant également en teinte jaune.

[X] [E], chef d'entreprise, alors célibataire, domicilié [Adresse 5], fait l'acquisition, selon acte authentique en date du 24 avril 2001, des biens et droits immobiliers consistant dans les lots N° 1 et 2, moyennant le prix de 79'273,49 euros, avec l'entrée en jouissance au jour de la signature de l'acte.

[G] [Y], épouse de [X] [E], avec lequel elle est mariée sous le régime de la séparation de biens, aux termes de son contrat de mariage reçu le 11 juillet 2001 et préalable à son union célébrée le 11 août 2001, également domiciliée [Adresse 5], fait l'acquisition, selon acte authentique en date du 4 août 2008, des biens et droits immobiliers consistant dans le lot N° 3, moyennant le prix de 115'000 €, avec entrée en jouissance au jour de la signature de l'acte authentique.

La SARL les Artisans Pennois exécute, courant 2010 et 2011, des travaux sur l'immeuble situé [Adresse 5], pour lesquels elle émet trois factures en date du 9 décembre 2010, 31 décembre 2010 et 28 février 2011, d'un montant global de 61'018,54 euros TTC.

Ces travaux demeurant impayés, [X] [E], artisan, reconnaît devoir à la SARL les Artisans Pennois, selon acte authentique en date du 21 octobre 2011, la somme de 61'000 €, « correspondant au montant des travaux effectués par la société les Artisans Pennois dans un bien immobilier appartenant à [X] [E] », remboursable à concurrence de 15'000 € au plus tard le 28 février 2012 et à concurrence du surplus, soit 46'000 €, au plus tard le 31 octobre 2012.

Les sociétés de travaux publics dont [X] [E] était le gérant, ont fait l'objet de procédures collectives et lui-même a été déclaré en faillite personnelle par jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 7 mars 2013, infirmé par la cour d'appel.

Les biens immobiliers appartenant à [X] [E], à savoir les lots N° 1 et N° 2, ont fait l'objet d'une adjudication, pour le prix de 112'000 €, plus les intérêts et les frais, selon un jugement de surenchère en date du 28 mars 2013 (jugement sur enchères publiques en date du 29 novembre 2012). Le commandement en date du 1er février 2012 décrivait le lot N° 2 correspondant à l'appartement du premier étage du bâtiment A, comme étant « en l'état de chantier inachevé et laissé à l'abandon ».

La SARL les Artisans Pennois qui avait pris une garantie hypothécaire sur les lots N° 1 et 2, a déclaré sa créance mais n'a pas été appelée à la distribution du prix de cession forcée desdits lots.

La SARL les Artisans Pennois assigne [G] [E], copropriétaire du lot N° 3, devant le tribunal de grande instance de Draguignan, selon acte extrajudiciaire en date du 23 janvier 2015, en paiement de la somme principale de 61'018,54 euros.

Par jugement en date du 21 avril 2016, cette juridiction :

condamne [G] [Y] épouse [E] à payer à la SARL les Artisans Pennois la somme de 61'018,54 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,

rejette les demandes reconventionnelles de mainlevée d'hypothèques et de dommages et intérêts pour procédure abusive, formées par [G] [E],

condamne [G] [E] à payer à la SARL les Artisans Pennois la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

[G] [E] relève appel de ce jugement, selon déclaration au greffe en date du 10 juin 2016.

Dans ses dernières écritures en date du 12 juillet 2016, [G] [E], désormais domiciliée à [Localité 8] (Var) conclut à l'infirmation du jugement entrepris. Elle rappelle qu'elle est copropriétaire du lot N° 3, non concerné par les travaux exécutés par la SARL les Artisans Pennois, supposés avoir été réalisés sur les lots N° 1 et 2 appartenant à son mari. Elle doute au demeurant de cette affirmation, les travaux s'inscrivant selon elle plus vraisemblablement dans le cadre des relations d'affaires et de sous-traitance existant ou ayant existé entre son mari et la SARL les Artisans Pennois Elle-même, en toute hypothèse, n'a commandé aucun travail à cette société. Ce point est corroboré par l'absence de devis, de marchés et d'ordres émanant d'elle et par l'absence de factures établies à son nom. Le moyen tiré du mandat apparent invoqué par la société intimée est en conséquence inopérant. Il en est de même du prétendu enrichissement sans cause dont elle aurait bénéficié. Elle est séparée de biens et propriétaire d'un bien personnel, sur lequel aucun travail n'a été entrepris. Le jugement dont appel qui a retenu cet argument doit en conséquence être infirmé. La société intimée doit être déboutée de toutes ses prétentions et condamnée à lui payer la somme de 7000 €, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire prise par la société les Artisans Pennois sur le lot N° 3 lui appartenant devant enfin être ordonnée.

Dans ses dernières écritures en date du 27 octobre 2016, la SARL les Artisans Pennois conclut à la confirmation du jugement dont appel dans toutes ses dispositions, sauf le cas échéant à procéder par substitution de motifs, si la cour privilégiait le moyen tiré du mandat tacite sur celui relatif à l'enrichissement sans cause et à la condamnation de la partie appelante à lui payer la somme de 5000 €, un application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est en date du 23 novembre 2017.

SUR CE

La SARL les Artisans Pennois, modifiant devant la cour l'ordre de ses moyens, invoque désormais, au principal, l'enrichissement sans cause, au visa de l'article 1371 du Code civil et, subsidiairement, en application des dispositions de l'article 1540 du Code civil, le mandat tacite qu'[G] [E] aurait confié à son mari.

- Sur l'enrichissement sans cause :

c'est à la partie invoquant l'enrichissement sans cause qu'il appartient d'établir que l'appauvrissement par elle subi et l'enrichissement corrélatif de l'autre partie ont eu lieu sans cause.

La SARL les artisans Pennois expose qu'elle a exécuté, à la demande [X] [E], des travaux sur le bâtiment B, correspondant au lot N° 3, constituant un bien personnel de son épouse, laquelle a ainsi bénéficié, les travaux demeurant impayés, d'un enrichissement sans cause, s'accompagnant corrélativement d'un appauvrissement à son détriment.

Il apparaît cependant que l'enrichissement invoqué, à supposer que les travaux litigieux aient bien été exécutés sur le bien personnel d'[G] [E], a une cause légitime trouvant sa source juridique dans le contrat conclu entre [X] [E], son époux et la SARL les artisans Pennois.

Le moyen tiré de l'enrichissement sans cause doit en conséquence être écarté.

- Sur le mandat tacite :

Selon l'article 1540 du Code civil, quand l'un des époux prend en main la gestion des biens de l'autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite couvrant les actes d'administration et de gérance, mais non les actes de disposition.

La SARL les artisans Pennois en conclut que [X] [E] a accompli pour le compte de son épouse, au vu et au su de celle-ci, dans la mesure où l'ensemble immobilier constituait alors le domicile conjugal, un acte d'administration engageant l'intéressée, laquelle, présente sur les lieux, n'aurait pas manqué, en cas de désaccord, de faire connaître son opposition aux travaux, de faire connaître sa qualité de seule propriétaire du lot N° 3 (bâtiment B) et de s'opposer aux directives de son mari, ce qu'elle n'a pas fait.

Il importe de déterminer, en premier lieu, le siège des travaux litigieux et de savoir en particulier s'ils ont eu lieu sur le bâtiment A composant les lots N° 1 et N° 2, bien personnel de [X] [E] ou bien sur le bâtiment B, composant le lot N° 1, bien personnel d'[G] [E].

[X] [E] reconnaît devoir à la SARL les artisans Pennois, aux termes de l'acte authentique en date du 21 octobre 2011, la somme de 61'000 €, « correspondant à un montant de travaux effectués (...) dans un bien immobilier appartenant à Monsieur [E] ».

Cette déclaration émanant de [X] [E] fait foi jusqu'à preuve du contraire.

La SARL les artisans Pennois produit pour la combattre l'attestation délivrée le 11 juin 2015 par [C] [U], aujourd'hui retraité, certifiant, en sa qualité d'associé de la société SIMCIC, durant 24 ans, avoir exécuté, dans le cadre d'une sous-traitance avec la société les artisans Pennois, des travaux au [Adresse 5], dans la partie arrière donnant sur le jardin et la piscine de la maison de [X] [E], ainsi que des pièces extraites de la procédure sur saisie immobilière, décrivant le lot N° 2, situé au premier étage du bâtiment A, comme étant sans toiture et en état de chantier inachevé, laissé à l'abandon.

Ces éléments prouvent, contre les déclarations de [X] [E] figurant dans l'acte précité, que les travaux litigieux ont bien été exécutés sur le bien immobilier appartenant à [G] [E] et non à lui-même.

Il convient en second lieu de considérer, qu'[G] [E], alors domiciliée au [Adresse 5], qui ne pouvait ignorer le déroulement de ces travaux et qui était en mesure de les faire cesser immédiatement, en cas de désaccord, avait donné à son mari, un mandat tacite de les entreprendre et de les poursuivre, de sorte qu'elle se trouve aujourd'hui engagée, vis-à-vis du tiers, la SARL les artisans Pennois.

Le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a condamné [G] [E] à payer à la SARL les artisans Pennois la somme de 61 018,54 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance.

Le premier juge doit également être approuvé, par motifs adoptés, en ce qu'il a rejeté les demandes reconventionnelles en mainlevée d'hypothèque et en paiement de dommages et intérêts présentées par [G] [E].

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné [G] [E] à payer à la SARL les artisans Pennois la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et statuant à nouveau de ce chef :

Condamne [G] [E] à payer à la SARL les artisans Pennois la somme de 3000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et devant la cour,

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses autres dispositions et y ajoutant :

Condamne [G] [E] aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 3e chambre a
Numéro d'arrêt : 16/10167
Date de la décision : 15/02/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 3A, arrêt n°16/10167 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-02-15;16.10167 ?
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