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01/03/2018 | FRANCE | N°17/16586

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 17e chambre, 01 mars 2018, 17/16586


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre



ARRÊT AU FOND

DU 01 MARS 2018



N° 2018/

JLT/FP-D











Rôle N° 17/16586







[X] [Y]





C/



SAS IMMOBILIERE FROUMESSOL



























Grosse délivrée

le :

à :

Me Yves ROUSSARIE, avocat au barreau de NICE



Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE


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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 10 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00009.





APPELANT



Monsieur [X] [Y]

né le [Date naissance 1] 1951 à[Localité 1], demeurant [Adresse 1]

repré...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

17e Chambre

ARRÊT AU FOND

DU 01 MARS 2018

N° 2018/

JLT/FP-D

Rôle N° 17/16586

[X] [Y]

C/

SAS IMMOBILIERE FROUMESSOL

Grosse délivrée

le :

à :

Me Yves ROUSSARIE, avocat au barreau de NICE

Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 10 Juillet 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00009.

APPELANT

Monsieur [X] [Y]

né le [Date naissance 1] 1951 à[Localité 1], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Yves ROUSSARIE, avocat au barreau de NICE,

INTIMEE

SAS IMMOBILIERE FROUMESSOL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Gérald GUILLOT, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Janvier 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS,, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

M. [X] [Y] a été embauché, en qualité d'attaché commercial, selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 1994, par la SAS Agence Immobilière FROUMESSOL, dont son épouse était actionnaire majoritaire et lui-même actionnaire minoritaire.

M. [Y] a fait valoir ses droits à la retraite à compter du 31 janvier 2012.

Saisi par M. [Y] le 9 janvier 2017 afin d'obtenir paiement de primes exceptionnelles, le Conseil de Prud'hommes de Grasse, par jugement du 10 juillet 2017, a :

- constaté que les décisions du conseil d'administration octroyant des primes exceptionnelles à M. [Y] datent du 6 décembre 2002, 14 décembre 2003 et 10 décembre 2004,

- déclaré prescrites les demandes au titre des primes exceptionnelles,

- débouté les parties de leurs demandes.

M. [Y] a relevé appel le 31 août 2017 de ce jugement notifié à une date indéterminée.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions déposées et communiquées le 21 novembre 2017, M. [Y], concluant à la réformation du jugement, sollicite :

- de dire que les décisions du conseil d'administration lui octroyant des primes ne sont pas prescrites,

- de dire qu'elles lui ont été octroyées en sa qualité de salarié et non d'administrateur,

- de dire que le contrat de travail n'était pas fictif, de constater qu'aucune action en nullité de ce contrat n'a été faite et débouter la SAS Agence Immobilière FROUMESSOL de sa demande à ce titre,

- de condamner la SAS Agence Immobilière FROUMESSOL à lui payer les sommes de:

* 216 000,00 € au titre des primes exceptionnelles non perçues,

* 5 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

* 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions déposées et communiquées le 29 novembre 2017, la SAS Agence Immobilière FROUMESSOL, concluant à la confirmation du jugement, demande :

- à titre principal,

* de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

* de constater que les décisions du conseil d'administration octroyant des primes exceptionnelles à M. [Y] datent du 6 décembre 2002, 14 décembre 2003, 10 décembre 2004 et de dire prescrites les demandes au titre de ces primes,

* de débouter M. [Y] de ses demandes,

- à titre subsidiaire :

* de constater que M. [Y] était, durant la période couvrant son contrat de travail, dirigeant de fait de la SA FROUMESSOL, que lui et sa femme possédaient la quasi-totalité des actions de la société, qu'il n'était soumis à aucun lien de subordination, qu'il n'avait aucune fonction technique et n'était soumis à aucun lien de subordination et de déclarer en conséquence nul le contrat de travail,

* de débouter M. [Y] de sa demande de paiement de primes salariales,

- à titre infiniment subsidiaire :

* de dire que les décisions du conseil d'administration octroyant des primes exceptionnelles du fait de bons résultats sont nulles,

* de débouter M. [Y] de ses demandes,

- à titre très infiniment subsidiaire :

* de débouter M. [Y] de ses demandes a hauteur de 216.000 € et accueillir sa demande à hauteur du pourcentage qu'il détient dans la SAS FROUMESSOL pour la somme de 14.800 €.

- en tout état de cause :

* de débouter M. [Y] de sa demande de dommages-intérêts,

* de le condamner à lui payer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000,00 € au titre de la procédure de 1ère instance et celle de 5 000,00 € au titre de la procédure d'appel.

Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens antérieurs des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées.

DISCUSSION

Sur la demande en paiement de primes

M. [Y] explique que le conseil d'administration de la société FROUMESSOL lui a attribué ainsi qu'à Mme [J] [Y], son épouse aujourd'hui décédée, des primes exceptionnelles, dont le montant se décompose ainsi :

- 120 000,00 € selon délibération du 6 décembre 2002,

- 160 000,00 € selon délibération du 14 décembre 2003,

- 90 000,00 € selon délibération du 10 décembre 2004,

- 62 000,00 € selon délibération du 31 décembre 2009.

La somme de 216 000,00 € qu'il revendique correspond à la moitié du montant de ces primes attribuées aux deux époux.

Il verse aux débats les délibérations du 6 décembre 2002, du 14 décembre 2003 et du 10 décembre 2004 attribuant les sommes litigieuses aux deux époux.

En revanche, il ne produit pas la délibération du 31 décembre 2009. A l'appui de ses prétentions au paiement d'une prime au titre de cette délibération, il soutient qu'elle a toujours été reprise dans la comptabilité de la société et il se réfère aux comptes de l'année 2014 qui font état, en effet, dans le grand livre, d'une somme de 62 000,00 € au titre d'une 'prime exceptionnelle 2009" sans toutefois préciser l'identité du bénéficiaire. Il se prévaut également d'un courrier de Mme [J] [Y], en date du 8 juin 2010 €, adressé au commissaire au compte, qui fait, certes, état de cette prime de 62 000,00 € mais qui ne précise pas davantage l'identité du créancier.

Il produit par ailleurs un autre courrier en date du 4 juin 2004 également adressé au commissaire aux comptes par lequel Mme [J] [Y] fait état de deux primes de 80 000,00 € chacune, au titre de l'exercice 2003, provisionnnées au profit de M. et Mme [Y].

La société FROUMESSOL conteste l'authenticité de ces deux derniers courriers qui ne sont produits qu'en copie, fait valoir que ces documents comportent des espaces et des traces trahissant, selon elle, le montage, souligne que le prénom de Mme [Y] a été mal orthographié ('[J]' au lieu de '[J]') et justifie qu'elle a porté plainte pour faux. Elle verse aux débats le rapport de gestion de l'exercice 2009 déposé au tribunal de commerce le 14 mai 2010 qui ne fait aucune mention d'une prime exceptionnelle.

Quoi qu'il en soit, la société FROUMESSOL s'oppose à la demande en paiement de l'ensemble de ces primes en se prévalant de l'expiration du délai de prescription, la juridiction prud'homale ayant été saisie le 29 mars 2016.

Il est, en effet, certain, et non contesté, que la juridiction prud'homale a été saisie après l'expiration du délai de prescription applicable.

Cependant, M. [Y] soutient que le délai de prescription a été interrompu par la reconnaissance de sa dette par la société résultant de l'approbation des comptes annuels au 31 décembre 2012, 31 décembre 2013 et 31 décembre 2014.

Il verse aux débats :

- le procès-verbal de l'assemblée générale du 16 juillet 2012 portant approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2011 avec le bilan de l'exercice comportant, au titre des dettes, la somme de 394 060,28 € sous le libellé 'prime exceptionnelle',

- le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 20 novembre 2013 portant approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2012 avec le bilan de l'exercice comportant, au titre des dettes, la même somme de 394 060,28 € sous le libellé 'prime exceptionnelle',

- le procès-verbal de la réunion du comité de direction du 20 mai 2014 portant approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2013 avec le bilan de l'exercice comportant, au titre des dettes, la même somme de 394 060,28 € sous le libellé 'prime exceptionnelle'.

Il convient, toutefois, de relever qu'en application de l'article 2240 du code civil, l'interruption du délai de prescription suppose 'la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait'.

Pour avoir un effet interruptif, la reconnaissance doit être claire, précise et dépourvue d'ambiguïté. Elle ne peut résulter que d'un acte ou d'une démarche par lesquels le débiteur se réfère clairement à une créance définie par sa nature, son montant et l'identité du créancier. La prescription ne peut être interrompue que si l'attitude du débiteur implique un aveu non équivoque des droits du créancier.

Or, en l'espèce, les sommes litigieuses figurent seulement dans les documents comptables pour leur montant global et indifférencié sans aucune indication ni quant à la cause de ces primes ni quant à l'identité du créancier. Cette seule inscription ne peut apporter la preuve que la société FROUMESSOL aurait reconnu sans ambiguïté devoir les sommes litigieuses à M. [Y].

La société FROUMESSOL justifie d'ailleurs que les comptes de l'exercice 2014 n'ont pas été approuvés par l'assemblée générale du 30 juin 2015 qui a, en outre, refusé de payer à M. [Y] la somme de 216 000,00 euros au titre de primes exceptionnelles.

Il y a lieu de relever que la société FROUMESSOL ne compte que deux actionnaires, qui étaient initialement Mme [J] [Y], très largement majoritaire, et M. [X] [Y], qu'à la suite du décès de Mme [J] [Y], sa fille, [I] a hérité des actions de cette dernière, que M. [Y] est devenu président de la société à compter du 15 novembre 2012 et qu'un grave conflit s'est instauré entre le père et la fille dans les années qui ont suivi. M. [Y] a été révoqué de son poste de président lors de l'assemblée générale extraordinaire du 8 janvier 2016 puis exclu de la société le 23 janvier 2017.

La société FROUMESSOL verse aux débats le rapport du commissaire aux comptes établi le 25 avril 2016 en exécution de la mission confiée par l'assemblée générale dans le cadre des dispositions de l'article L 820-3-1 du code de commerce relativement aux exercices clos les 31 décembre 2012, 31 décembre 2013 et 31 décembre 2014. Il a été notamment noté, dans ce rapport, que le conseil d'administration avait voté le versement de primes exceptionnelles au bénéfice des époux [Y] en 2002,2003 et 2004, que ces sommes n'ont été ni versées, ni réparties, ni inscrites en compte courant des intéressés bénéficiaires et qu'elles figurent toujours en charges à payer dans les comptes de la société au 31 décembre 2014. Le commissaire aux comptes a estimé que le départ en retraite de M. [Y] et le décès de Mme [Y] de même que la prescription de droit commun 'rendent ces charges à payer non causées et nécessiteraient leur contre-passation comptables'. Il a estimé que les comptes annuels ne sont ni réguliers ni sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations des exercices concernés ainsi que de la situation financière de la société.

La société FROUMESSOL justifie que les primes litigieuses ont été supprimées dans les comptes de la société au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015.

Il sera, en outre, relevé que, dès le 12 avril 2013, l'expert-comptable de la société avait alerté M. [Y], en sa qualité de président directeur général, sur le caractère injustifié du maintien des primes litigieuses au bilan de la société en soulignant que ces primes n'ont jamais été prélevées ni déclarées aux organismes sociaux, qu'elles présentent le risque d'être rejetées fiscalement ou imposées au nom des bénéficiaires en ajoutant que le maintien de ces primes est d'autant plus contestable que l'un des bénéficiaires est décédé et l'autre parti en retraite.

Dès lors, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le seul fait que les primes litigieuses apparaissent dans les documents comptables de la société au titre des exercices 2011, 2012 et 2013, sans indication de leur bénéficiaire ni de leur cause, ne peut suffire, en l'absence de toute manifestation non équivoque de volonté du prétendu débiteur, à établir que la société FROUMESSOL aurait reconnu devoir les sommes litigieuses à M. [Y].

Il s'ensuit qu'en raison de la prescription acquise, les créances invoquées sont éteintes et que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [Y] de sa demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

M. [Y] devra supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ce qui exclut qu'il puisse prétendre bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait par contre inéquitable de laisser la société FROUMESSOL supporter l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts. Une indemnité de 3 000,00 € lui sera accordée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

- Condamne M. [X] [Y] à payer à la SAS AGENCE IMMOBILIÈRE FROUMESSOL la somme de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Dit que la SAS AGENCE IMMOBILIÈRE FROUMESSOL doit supporter les dépens de première instance et d'appel.

Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

F. PARADIS-DEISS J.L. THOMAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/16586
Date de la décision : 01/03/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 17, arrêt n°17/16586 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-03-01;17.16586 ?
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