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13/04/2018 | FRANCE | N°15/10772

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 9e chambre b, 13 avril 2018, 15/10772


COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B



ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2018



N° 2018/





Rôle N° RG 15/10772 -





N° Portalis DBVB-V-B67-45PV





[W] [V]





C/





SARL CENTRAL MEDICAL

















Grosse délivrée

le :

à :



Me Laure DAVIAU, avocat au barreau de MARSEILLE



Me Audrey JURIENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE




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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE- section commerce - Formation de départage en date du 11 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n°F11/01219 .









APPELANT



Monsieur [W] [V], demeurant [Adresse 1]

comparant en per...

COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE

9e Chambre B

ARRÊT AU FOND

DU 13 AVRIL 2018

N° 2018/

Rôle N° RG 15/10772 -

N° Portalis DBVB-V-B67-45PV

[W] [V]

C/

SARL CENTRAL MEDICAL

Grosse délivrée

le :

à :

Me Laure DAVIAU, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Audrey JURIENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de prud'hommes d'AIX-EN-PROVENCE- section commerce - Formation de départage en date du 11 Mai 2015, enregistré au répertoire général sous le n°F11/01219 .

APPELANT

Monsieur [W] [V], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Laure DAVIAU, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SAS CENTRAL MEDICAL, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Audrey JURIENS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 21 Février 2018 en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Marie-Agnès MICHEL, Président

Monsieur Jean Yves MARTORANO, Conseiller

Monsieur Pascal MATHIS, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Harmonie VIDAL.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2018.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Avril 2018.

Signé par Madame Marie-Agnès MICHEL, Président et Madame Harmonie VIDAL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [W] [V] a été embauché par la Sarl- (aujourd'hui SAS)- Central Médical le 09 septembre 2009 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps plein, sur un poste de télévendeur, en qualité d'attaché commercial, coefficient 160 de la convention collective de la répartition pharmaceutique moyennant un salaire composé d'une partie fixe de 1.445,78 €, d'une prime fixe, d'une prime d'assiduité, et d'une commission composée d'un pourcentage de 17 % sur les marges en fonction d'un objectif minimum fixé d'abord à 3.999 €, puis porté à 5.999 € et enfin à 7.999 € à compter de mars 2011 ;

Le salaire moyen sur la dernière année entièrement travaillée (de juillet 2010 à juin 2011) s'est élevé à 3.117 € ;

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 mars 2011 un avertissement était infligé à Monsieur [V] pour avoir eu le 09 mars précédent, une violente dispute avec une collègue de travail dans les locaux de l'entreprise et n'avoir pas obtempéré aux injonctions de son supérieur hiérarchique de mettre un terme à cette algarade désorganisant le fonctionnement du service;

il contestait cette sanction auprès de l'employeur par lettre recommandée du 18 mars 2011 ;

Le 03 juin 2011 à l'issue d'une entrevue avec l'employeur au sujet d'une attestation qu'il avait rédigée au profit de M. [G], salarié en litige prud'homal avec l'entreprise, Monsieur [W] [V] se rendait chez son médecin et les parties échangeaient, dans les jours suivants, des courriers au sujet de cette entrevue ;

Du 03 au 10 juin 2011, puis du 22 juin au 30 juin, et enfin du 1er juillet - jour de reprise du travail au cours duquel le salarié a quitté son poste dans la matinée - au 30 septembre 2011, le contrat de travail a été suspendu pour cause de maladie ;

Pendant le cours de ce dernier arrêt de travail, par courrier recommandé du l4 septembre 2011, Monsieur [W] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur dans les termes suivants [caractère gras ajouté par la cour]:

' Depuis de nombreux mois, la situation au sein de la société s'est considérablement dégradée au niveau relationnel et l'acharnement dont je suis l'objet m'oblige a y mettre un terme et à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.

Vous avez orchestré de longue date, un isolement intentionnel à mon égard, usé de votre statut d'employeur de façon abusive, usé de pratiques douteuses dans le but de m'éloigner de l'équipe de travail, ce qui me contraint à prendre acte de la rupture de mon contrat de travail.

Votre comportement est à l'origine de mes problèmes de santé actuels liés a votre attitude répressive et inadéquate.

Pour toutes ces raisons, je prends acte de la rupture de mon contrat de travail a vos torts exclusifs pour le non respect de vos obligations contractuelles et pour harcèlement moral a mon égard. (...)' ;

Par lettre recommandée du 2l septembre 2011, l'employeur contestait les griefs contenus dans la lettre de prise d'acte de rupture du lien contractuel ;

Par requête du 18 octobre 2011, Monsieur [W] [V] a saisi le conseil des prud'hommes d'Aix-en-Provence, section commerce, d'une demande tendant à faire porter à sa prise d'acte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en paiement de diverses sommes ;

la formation paritaire s'étant déclarée en partage de voix selon procès-verbal du 27 juin 2013, le juge départiteur, par jugement du 11 mai 2015 a :

' Dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail notifiée par le salarié produit les effets d'une démission ;

' Débouté Monsieur [W] [V] de l'intégralité de ses demandes;

' l'a condamné à payer à la Sarl Central Médical les sommes de :

' 3.470,42 € pour inexécution du préavis de démission,

' 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Débouté la Sarl Central Médical de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;

' Condamné Monsieur [W] [V] aux entiers dépens ;

Par déclaration électronique transmise par le réseau RPVA le 12 juin 2015 Monsieur [W] [V] a interjeté appel général de ce jugement qui lui avait été notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 02 juin 2015.

Par conclusions déposées le 21 février 2018, auxquelles il est expressément fait référence, par application de l'article 455 du code procédure civile, pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, Monsieur [W] [V] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement entrepris,

A titre principal :

' Dire et juger qu'il a subi des faits de harcèlement moral ;

Par conséquent :

' Dire et juger que la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

' Dire et juger que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité et a exécuté le contrat de travail de façon déloyale ;

Par conséquent :

' Dire et juger que la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

' Condamner la société Central Médical à lui payer les sommes suivantes :

' 6.234 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 623,40 € bruts à titre d'incidence congés payés y afférent,

' 1.090,95 € nets à titre d'indemnité légale de licenciement,

' 25.000 € nets à titre d'indemnité pour licenciement nul, ou à titre subsidiaire, dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' 5.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou à titre subsidiaire, pour préjudice moral,

' 129,87 € bruts à titre de rappel de salaire pour le jour de congés payés lié à un événement familial (décès),

' 12,98 € bruts à titre d'incidence congés payés y afférent :

' 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' Débouter la société Central Medical de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

' la Condamner aux entiers dépens, y compris au règlement du droit de plaidoirie de 13 €.

Par conclusions déposées le 21 février 2018, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, reprises et développées à la barre par son conseil, la SAS Central Médical demande à la cour de :

' Confirmer le jugement dont appel;

' Ecarter la pièce adverse n° 36 intitulée 'attestation de Madame [Y]' qui ne comporte pas les mentions nécessaires à sa production en justice ;

' Dire et juger que Monsieur [V] ne rapporte pas la preuve de l'existence de faits graves justifiant sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail ;

' Dire et juger que la prise d'acte de la rupture de Monsieur [V] doit être considérée comme une démission et en produire les effets;

' Débouter Monsieur [V] de l'ensemble des demandes, fins et conclusions;

' Le Condamner à lui payer la somme de 3.470,42 € à titre d'indemnité pour inexécution du préavis;

' Dire et juger qu'il a abusé de son droit de rompre son contrat de travail à durée indéterminée;

Par conséquent,

' Réformer le jugement sur ce point et Condamner Monsieur [V] à lui verser la somme de 5.000 € en réparation du préjudice subi du fait de cette rupture abusive ;

' Condamner Monsieur [W] [V] à lui payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

' Condamner Monsieur [V] à lui payer la somme de 2.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

' Le Condamner aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

Il ne ressort pas des pièces du dossier d'irrecevabilité de l'appel que la cour devrait relever d'office et les parties n'élèvent aucune discussion sur ce point.

1- Sur la rupture du lien contractuel

1- a - de son bien fondé

La prise d'acte est l'acte par lequel, avant toute convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, le salarié informe directement son employeur qu'il met un terme à son contrat de travail en raison de faits qu'il lui reproche, survenus et connus antérieurement à sa décision et caractérisant un manquement suffisamment grave à ses obligations pour empêcher la poursuite du contrat de travail ;

il incombe au salarié de prouver la réalité des griefs qu'il invoque ;

cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce Monsieur [W] [V] a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé du 14 septembre 2011 rédigé sur huit pages, contenant en exergue, en première page, les quatre paragraphes reproduits ci-dessus, résumant les motifs de sa décision, puis reprenant dans le détail, depuis septembre 2009, l'historique de la relation contractuelle en énumérant les incidents qui l'ont émaillée et qu'il reproche à l'employeur, et enfin se terminant par un nouveau résumé ainsi libellé [la cour a conservé la mise en page avec les caractères gras et souligné ]:

' La situation n'a que trop duré et elle m'est devenue invivable.

En m'accusant de menteur, en m'insultant, en m'isolant des collègues, les incitant fortement à ne plus me parler, ni même de prendre leurs pauses déjeuner avec moi, en observant tous mes faits et gestes par le biais de la webcam pendant de nombreuses journées, en me dépouillant de mes clients, en me faisant des menaces et des reproches non fondées, vous avez orchestré un acharnement a mon égard et je ne peux que constater que tout cela doit s'arrêter.

Vous m'avez poussé de longue date à quitter la société, alors que mes résultats ont toujours été très bons et que vous n'aviez rien à me reprocher.

Ne voyant plus d'issue, je me retrouve maintenant dans l'obligation de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail, malgré les difficultés financières que je subis en conséquence.

Cet acharnement a entraîné des problèmes de santé et je n'ai d'autre choix que de perdre mon emploi, malgré mes nombreuses et vaines tentatives d'apaisement. '

Il résulte expressément de ce courrier que Monsieur [W] [V] fait grief à la Sarl Central Medical d'avoir commis à son encontre des faits qu'il qualifie de harcèlement moral manifesté d'une part, par une politique de sape psychologique, d'isolement, de dévalorisation et d'humiliation ayant eu un effet péjoratif sur sa santé psychologique, d'autre part, par des manquements à ses obligations contractuelles;

dès lors c'est à juste titre que le premier juge a rappelé que selon l'article L1152-1 du code du travail, en sa rédaction applicable aux faits de la cause, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, et que selon l'article L1154-1 du même code, en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 (...) le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Pour établir les faits permettant de présumer l'existence du harcèlement dont il se plaint, - et dont il date le début à novembre 2010 à l'occasion d'une demande de congé pour événement familial qui, selon-lui, avait 'contrarié' l'employeur -, Monsieur [W] [V] produit aux débats notamment les pièces suivantes [numérotation reprise du bordereau] [caractère gras ajouté par la cour]:

' n° 2 : une attestation établie conformément aux trois derniers alinéas de l'article 202 du code de procédure civile par Monsieur [W] [G] du 29 juin 2011 qui indique notamment : 'en janvier 2011, en rentrant de congés, Mr [V] et moi-même, étions étonnés de voir nos secteurs respectifs amoindris car la direction nous avait enlevé approximativement 3 secteurs chacun, sans nous en informer au préalable. Par ailleurs, ils nous ont aussi mis côte a côte au fond a droite de la salle ';

le fait que cette attestation émane d'un salarié avec lequel Monsieur [W] [V] entretenait de bonnes relations, et qui lui même a pris acte de la rupture de son contrat de travail en début d'année 2011 et engagé une procédure prud'homale à l'encontre de la SAS Central Médical, n'ôte rien à sa valeur probante, alors surtout que, dans le cadre de ladite instance, M. [V] a lui-même établi une attestation au profit de Monsieur [G], qui a donné lieu à l'entrevue du 03 juin 2011, provoquée par l'employeur, et dont il sera question ci-après ;

' n° 26 bis : courrier de la SAS Central Médical à M. [V] du 2l septembre 2011

dans cette lettre, adressée au salarié en réponse à la 'prise d'acte', l'employeur indique, concernant la suppression de secteurs : ' Vous nous reprochez de vous avoir retiré trois départements : les 21,49 et 65, qui vous rapportaient une marge bénéficiaire importante, sans vous savoir consulté.

Trois départements, sur les quinze que vous aviez alors en charge ; alors que vous n'auriez dû pour respecter l'équité entre les commerciaux, n'en avoir que dix.

Hors vous savez pertinemment la aussi que ces trois départements vous étaient confiés provisoirement, ils vous étaient prêtés et ne faisaient en aucun cas partie des fichiers vous étant attribués en propre, de plus vous bénéficiez toujours alors, malgré le retrait de ces trois fichiers de deux département supplémentaires prêtés, ce que vous omettez de signaler.

J'attire votre attention sur le fait que les départements ainsi confiés le 21 ,49 et 65 ne constituent pas un élément déterminant du contrat de travail puisqu'ils ne vous ont été confiés que de manière provisoire. IL ne s'agit nullement d'une modification de votre contrat de travail.

Nous n'avions en aucun cas à vous prévenir de quoi que ce soit d'une part, d'autre part peut être souhaitiez-vous bénéficier d'un statut tout particulier au sein de l'équipe commerciale '

Par ailleurs nous vous invitons à relire votre contrat de travail qui stipule :

' Une (ou plusieurs) zone géographique vous sera attribuée. Cette zone pourra être remise en cause, soit à l'initiative de la direction, soit à votre propre initiative. En cas d'absence de votre part ladite zone sera confiée à un autre commercial de façon ponctuelle ou durable' '.

La cour relève que dans son courrier du 21 septembre l'employeur, d'une part, reconnaît la suppression unilatérale de trois secteurs géographiques, d'autre part qu'il a commis une erreur dans la citation du contrat de travail ; en effet la clause du 8° de ce contrat stipule : " Une (ou plusieurs) zone géographique vous sera attribuée. Cette zone pourra être remise en cause annuellement, soit à l'initiative de la direction, soit à votre propre initiative. En cas d'absence de votre part ladite zone sera confiée à un autre commercial de façon ponctuelle ou durable " ;

cette rédaction signifie que la modification des secteurs géographiques ne peut avoir lieu - sauf absence entraînant affectation provisoire d'un ou plusieurs secteurs à d'autres commerciaux, afin d'éviter de les laisser en jachère -, qu'un fois par an et à l'issue d'une concertation ('..à l'initiative' et non sur décision de l'une ou l'autre des partie), entre l'employeur et le salarié ;

' n°5 : l'attestation qu'il avait lui-même établie dans les formes légales le 7 janvier 2011 au profit de M. [G]

dans cette attestation il indiquait notamment : « Le mercredi 5 janvier 2011, alors que nos bureaux étaient rapprochés, notre employeur nous a séparés brutalement alors que nous étions tous deux en ligne avec un client. Une heure après environ, mon employeur est venu retirer le téléphone portable personnel de [W] [G] ni qui était posé sur son bureau alors que mon collègue était toujours en ligne avec un client. Ce même jour en milieu d'après-midi, l'employeur a enlevé la totalité des fichiers clients travaillés au quotidien par Monsieur [G]. Il l'a ensuite isolé des autres commerciaux en le changeant de place » ;

la cour relève que dans son courrier du 21 septembre 2011 l'employeur, reconnaît avoir, à deux reprises, changé de place les bureaux de Mrs [G] et [V], puisqu'il écrit : ' Vous prétendez que nous vous aurions le même jour (le 3 janvier, jour de la reprise du travail après les congés annuels), changé de place sans explication.

Faux, il y avait bien une raison et elle n'était pas pour vous déplaire puisqu'il s'agissait, pour vous faire plaisir, conformément à votre requête préalable, de vous installer aux cotés de votre ami, M. [G], vous étiez alors plutôt ravi de la chose, vous aviez tous deux alors manifesté votre plaisir, toute l'équipe commerciale peut en attester si besoin est....' et poursuit : ' Vous prétendez que le 5 janvier nous aurions poussé votre bureau d'un coup sec sans raison apparente.

Faux d'une part pour la sécheresse du geste, d'autre part raison il y avait, à une remise en place de bureaux. En effet vous aviez sans notre consentement, sans même avoir demandé une quelconque autorisation de le faire, accolé vos bureaux M. [G] et vous-même.

M. [S] vous a demandé à plus de cinq reprises au cours de la matinée de replacer vos bureaux à leurs places initiales (proches mais pas collés).Vous avez fait fit de ses requêtes et l'avez superbement ignoré tout en continuant à discuter et plaisanter entre vous, manifestant ainsi le plus grand mépris pour votre supérieur hiérarchique. M. [Q] est alors intervenu pour replacer lui-même les bureaux à leur place initiale, mais en aucun cas celui-ci n'a fait preuve d'un comportement déplacé, comme vous semblez l'insinuer ...' ;

par ailleurs la rédaction de l'attestation du 07 janvier 2011 a donné lieu à un incident le 03 juin 2011;

' n° 12 et 12 bis : avis d'arrêt de travail initial du 3 juin 2011 et ordonnance médicale,

' n° l3 : courrier de Monsieur [V] à l'employeur du 6 juin 2011

' n° 14 : courrier de l'employeur à Monsieur [V] du 9 juin 2011

ces pièces ont trait à l'entrevue du 03 juin 2011 ; dans son courrier du 6 juin le salarié indique : « cet entretien m'a beaucoup éprouvé d'autant que je me suis retrouvé seul devant vous deux [Mrs [S], directeur général et [Q], président], assisté d'un de mes collègues de travail, Monsieur [I], qui, selon vos dires était présent en qualité de témoin ce qui m'a beaucoup surpris. Au cours de cet entretien vous m'avez vivement reproché d'avoir signé une attestation en faveur de mon ancien collègue, Monsieur [G], dans le cadre de son action de justice au conseil des prud'hommes. Vous m'avez demandé de produire une nouvelle attestation en votre faveur. Je vous confirme la position que je vous ai exprimée au cours de cet entretien : je maintiens l'attestation que j'ai produite dans la mesure où elle correspond à la réalité des faits' » ;

à l'issue de cet entretien Monsieur [V] a consulté son médecin traitant, le Docteur [O], qui lui a prescrit des médicaments et lui a délivré un arrêt de travail pour la période du 3 au 10 juin 2011, mentionnant, à la rubrique « renseignements médicaux », pour motif de cet arrêt : « stress professionnel»;

dans sa lettre en réponse du 19 juin 2011 l'employeur a écrit : « nous nous devons de rejeter en bloc tout ce que vous y prétendez. Nous vous avons fait venir dans notre bureau le vendredi 3 juin matin, nous vous avons simplement signalé que nous étions très étonnés de recevoir dans un courrier concernant une affaire qui nous oppose à Monsieur [G] une attestation de votre main concernant ladite affaire. En effet nous nous permettons de vous rappeler, afin de replacer les choses dans leur contexte, que vous nous aviez assuré auparavant que vous n'aviez réalisé aucune attestation en faveur de Monsieur [G] et que vous n'en réaliserez aucune, car rien ne le justifiait. Nous souhaitions simplement lors de cet entretien savoir pourquoi ce soudain revirement et pourquoi vous nous aviez menti.' », reconnaissant ainsi avoir convoqué le salarié au sujet de son témoignage en justice ;

A l'issue de ce premier échange de correspondance, et après la reprise du travail par le salarié et une nouvelle entrevue en date du 14 juin, les parties ont à nouveau échangé des correspondances sur le même thème ;

' n° 34 à 39 et n° 41 à 45 : attestations de Mmes [L], [Y], [K], [M], et de Mrs [U], [D], [X] et [B],

la cour estime que bien que ne contenant pas toutes les mentions exigées par l'article 202 du code de procédure civile, l'attestation établie par Mme [Y], accompagnée d'une copie de pièce d'identité, présente les garanties suffisantes pour être utilisée comme pièce à conviction ;

au demeurant, l'ensemble des ces attestations, qui concernent plusieurs griefs, et notamment celui d'isolement volontaire, de surveillance par caméra et l'incident entre Monsieur [W] [V] et Mme [Z] [T], ne suffisent pas à caractériser ces griefs ; en particulier la palinodie de Mme [L], qui a également attesté en faveur de l'employeur ( pièce n° 11 produite par ce dernier ), fragilise son témoignage ;

' n°22 et n° 6 : dossier médical de Monsieur [W] [V] dans les registres de la médecine du travail

dans ce dossier, à une date non précisée mais qui pourrait être celle du 25 août 2011, le médecin du travail a écrit : ' arrêt d'une semaine début juin. A repris une semaine .pb. Puis nouvel arrêt maladie du 22 au 30 juin. A repris quelques heures le 1er juillet, puis nouvel arrêt. Souffrance au travail. Revient le 25 août à 15h30 ';

par certificat du 26 septembre 2011, ce même médecin (Docteur [C]) atteste avoir reçu Monsieur [W] [V] ' en vistes à sa demande le 10 janvier 2011, le 18 juillet 2011, le 25 août 2001 et le 26 septembre 2011 ';

s'il mentionne une 'souffrance au travail ', le médecin du travail n'a rien constaté du harcèlement allégué;

' n° 15 et n° 20, n° 24 et 25 : arrêt de travail prescrits par le docteur [O]

ces documents qui font état de ' stress professionnel aigüe ', de ' harcèlement moral professionnel -

stress professionnel ' et de ' harcèlement moral professionnel - Agression verbale - stress réactionnel majeur ' émanent du médecin traitant du salarié qui a rapporté les propos de ce dernier sans avoir constaté un quelconque fait à l'origine du symptôme réactionnel qu'il a pu observer chez son patient, en sorte que ce type de certificat ne peut pas servir à l'établissement de faits à l'origine d'une perturbation psychologique ;

Ainsi analysées et prises dans leur ensemble, ces pièces ne suffisent pas à la formation d'une présomption d'existence d'un harcèlement moral, mais caractérisent en revanche et apportent la preuve de manquements, ponctuels mais graves, aux obligations de l'employeur qui :

- début janvier 2011 a modifié unilatéralement une partie du secteur géographique de prospection attribué à Monsieur [W] [V], sans concertation ni délai de prévenance alors qu'une telle modification avait une incidence directe, compte tenu de l'existence de commissions sur chiffre d'affaires, sur sa rémunération

- les 3 et 5 janvier 2011 déplacé à deux reprises, la seconde fois de façon inopinée et brutale, l'emplacement du bureau de ce salarié,

- le 03 juin 2011, convoqué Monsieur [W] [V] devant 3 personnes (à la façon d'un tribunal répressif), afin de lui demander de s'expliquer relativement à l'attestation qu'il avait rédigée au profit d'un ancien collègue de travail, et tenté de faire pression sur lui afin d'obtenir une modification de sa position ;

le tout ayant profondément affecté le salarié qui a été contraint de consulter un médecin ;

Les pièces produites par l'employeur, qui concernent :

' en grande partie (pièces n° 8 et 11 à 20) l'algarade entre Melle [T] et Monsieur [V], dont la réalité ne fait pas de doute, comme les dérapages auxquels elle a donné lieu de la part des deux protagonistes, mais qui ne peut pas être mise au passif de l'employeur qui a sanctionné, à juste titre, d'un avertissement les deux salariés,

' en grande partie (pièces n° 29 à 41) la matinée du 1er juillet 2011 au cours de laquelle, Monsieur [W] [V], qui reprenait le travail après un arrêt pour maladie a finalement quitté l'entreprise pour ne plus y revenir,

' l'utilisation ponctuelle d'une 'webcam'pour les besoins d'une formation ( attestations constituant les pièces n° 47 à 51), qui explique la présence de caméras photographiées par Monsieur [V],

' l'absence de harcèlement moral ' envers aucun employé de la société Central Médical ', affirmée dans une attestation (pièce n°53) établie conformément aux trois derniers alinéas de l'article 202 du code de procédure civile par Monsieur [X] [U] ( également attestant au profit de Monsieur [W] [V] concernant l'incident du 09 mars 2011 ),

' le litige commercial entre la SAS Central Médical et la société Destock Médical créée et revendue par les dirigeants de la SAS Central Médical antérieurement à la création de cette dernière, et au sein de laquelle Monsieur [W] [V] a été provisoirement embauché après sa 'prise d'acte',

ne suffisent pas à contrebalancer la force probante des éléments analysés ci-dessus ;

C'est donc à tort que le premier juge a rejeté la demande de Monsieur [W] [V] tendant à faire produire à la prise d'acte de rupture du lien contractuel, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

le jugement doit donc être infirmé ;

1- b - de ses conséquences

Le droit à l'indemnité de licenciement s'apprécie, sauf disposition contraire, à la date d'envoi de la lettre de rupture du contrat de travail ;

Par ailleurs, il résulte des articles L 1234-8 et L 1234-11 du code du travail que, sauf dispositions légales, conventionnelles ou contractuelles plus favorables, les périodes de suspension du contrat de travail n'entrent pas en compte dans la durée d'ancienneté exigée pour bénéficier du délai congé et de l'indemnité de licenciement ;

Enfin les articles F2 et F3 de la convention collective nationale de la répartition pharmaceutique du 7 janvier 1992, étendue par arrêté du 28 juillet 1992 (JORF 29 juillet 1992) stipulent :

1) s'agissant du préavis :

'Sauf accord entre les parties prévoyant une durée supérieure, la durée du préavis, dite aussi " délai-congé ", est :

- de 1 mois pour les employés en cas de démission, portée à 2 mois en cas de licenciement pour les salariés ayant une ancienneté égale ou supérieure à 2 ans ;

- de 2 mois pour les techniciens, les techniciens supérieurs et les agents de maîtrise. Elle est portée à 3 mois pour les techniciens supérieurs et les agents de maîtrise ayant 10 ans d'ancienneté ;

- de 3 mois pour les cadres.'

2) s'agissant de l'indemnité de licenciement :

' En dehors du préavis prévu par la présente convention, il sera alloué aux salariés congédiés, sauf en cas de faute grave ou lourde, une indemnité au prorata du temps d'ancienneté dans l'entreprise.

Entre 2 et 3 ans de présence dans l'entreprise, il s'agit de l'indemnité légale prévue par le code du travail. (...)'

Au regard de ces textes, c'est à juste titre que Monsieur [W] [V] soutient que le calcul de l'ancienneté à prendre en compte pour son droit à indemnité compensatrice de préavis ne doit pas exclure les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie puisque, contrairement à l'article L 1234-8 du code du travail, la convention collective ne les exclue pas, tandis que l'ancienneté lui donnant vocation à l'indemnité de licenciement doit être déterminée par application de l'article L 1234-11 du code du travail, auquel renvoie la convention collective, c'est à dire en excluant lesdites périodes de suspension ;

En application de ces règles, au 14 septembre 2011, jour de la rupture du lien contractuel, Monsieur [W] [V], qui était entré dans l'entreprise le 09 septembre 2009, totalisait :

' du point de vue du droit à préavis, une ancienneté de 2 ans et 5 jours lui ouvrant droit à une indemnité compensatrice de 2 mois, avec incidence congés payés,

' du point de vue du droit à indemnité de licenciement, tenant compte des absences pour maladie du 3 juin au 10 juin 2011, puis du 22 juin au 14 septembre 2011, soit durant trois mois, une ancienneté de 1 an et 9 mois ;

Monsieur [W] [V], dont la moyenne des trois derniers mois de salaires n'est pas différente de celle des 12 derniers mois, s'élevant à 3.117 € brut, a vocation à percevoir, en application des dispositions légales et conventionnelles susvisées et de l'article L1235-3 du code du travail :

' [(3.117 € x 2) = ] 6.234,00 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 623,40 € brut à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

' [((1/5 x 3117 €) + { 9/12 x (1/5 x 3117 €)}) = ] 1.090,95 € à titre d'indemnité de licenciement,

' [ (3.117 € x 6) =] 18.702 € à titre d'indemnité minimale en réparation du dommage consécutif à la rupture de son contrat de travail qui porte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

au regard de l'âge, de l'ancienneté de ce salarié et du fait qu'il a retrouvé des emplois précaires, notamment une série de contrats à durée déterminée entrecoupés de périodes de chômage, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 21.000 € le montant des dommages et intérêts à lui allouer ;

En revanche la demande en dommages et intérêts distincts pour harcèlement moral sera rejetée;

2- Sur le jour de congé pour événement familial

L'article G.3 de la convention collective stipule :

' 3.1. Sans condition d'ancienneté, tout salarié a droit, sur justification, à des congés payés

exceptionnels prévus pour événements de famille, dans les conditions suivantes :

- pour son mariage : 5 jours ;

- pour le décès :

- de son conjoint, d'un de ses enfants : 5 jours ;

- de son père, sa mère, un de ses beaux-parents : 3 jours ;

- d'un de ses grands-parents ou d'un de ses frères ou soeurs : 1 jour ;'

Monsieur [W] [V] produit la copie de l'acte de décès, survenu le 02.11.2010, de feue sa grand-mère, [Y] [H] ;

Au vu de cette pièce, la SAS Central Médical déclare accepter de lui payer un jour de salaire, soit la somme de 129,87 € brut outre 12,98 € brut au titre des congés payés y afférent ;

3- Sur les frais non répétibles

Il serait inéquitable de laisser Monsieur [W] [V] supporter l'intégralité de ses frais d'instance de première instance et d'appel ; une somme de 1.500 € lui sera donc allouée en application de l'article 700 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau,

Déclare la prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, prononcée le 14 septembre 2011 par Monsieur [W] [V] fondée sur des manquements de l'employeur à ses obligations contractuelles ;

Dit que cette rupture porte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne en conséquence la SAS Central Médical à payer à Monsieur [W] [V] les sommes de :

' 6.234,00 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis

' 623,40 € brut à titre d'incidence congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,

' 1.090,95 € brut à titre d'indemnité de licenciement,

' 129,87 € brut à titre de rappel de salaire

' 12,98 € brut à titre d'incidence congés payés sur rappel de salaire,

ces sommes porteront intérêts calculés au taux légal à compter du 15 novembre 2011,

' 21.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

cette somme portera intérêts calculés au taux légal à compter de la présente décision,

' 1.500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, avec intérêts calculés au taux légal à compter de la présente décision ;

Deboute Monsieur [W] [V] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice consécutif à un harcèlement moral ;

Déboute la SAS Central Médical de ses demandes ;

Condamne la SAS Central Médical aux dépens de première instance et d'appel.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 9e chambre b
Numéro d'arrêt : 15/10772
Date de la décision : 13/04/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 9B, arrêt n°15/10772 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-04-13;15.10772 ?
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