COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
2e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2018
N° 2018/ 327
Rôle N° RG 16/05830 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6LMT
Société D... X... A... - B...
C/
SAS BERINGER AERO
Grosse délivrée
le :
à :
Me Y...
Me F...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge de la mise en état de la 1ère chambre du Tribunal de grande Instance du MARSEILLE en date du 19 Janvier 2016 enregistrée au répertoire général sous le n° 15/01759.
APPELANTE
Société D... X... A... - B...,
Société de droit tchèque,
dont le siège est [...]
représentée par Me Joseph Y... de la SCP Y... E... Y... JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée et plaidant par Me Sylvie G..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS BERINGER AERO,
dont le siège est [...]
représentée par Me Marie-france F..., avocat au barreau de MARSEILLE,
assistée et plaidant par Me Guillaume Z..., avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, monsieur PRIEUR, conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Viviane BALLESTER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018,
Signé par Madame Marie-Christine AIMAR, Présidente et Madame Viviane BALLESTER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DE L'AFFAIRE
Par acte du 11 juin 2013, la société SAS BERINGER AERO (société BERINGER AERO), spécialisée dans le développement des roues et freins pour l'aviation, a fait assigner la «société» D... X... ' A...-B..., entité de droit tchèque (société D... X...) devant le Tribunal de Grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur et concurrence déloyale.
Par ordonnance du 19 décembre 2014, le juge de la mise en état Tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Marseille.
Par ordonnance du 19 janvier 2016, le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance de Marseille a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la «société» D... X... et l'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts.
La «société» D... X... a relevé appel de cette décision et expose :
-que les 'uvres revendiquées ne sont identifiées et décrites, ni dans leur contenu, ni dans leur date, ni dans leurs caractéristiques originales (description), tant dans l'assignation que dans les conclusions postérieures,
-qu'il y a imprécision tant sur les pièces revendiquées que sur les pièces prétendument contrefaisantes ce qui ne permet pas d'apprécier l'action en contrefaçon,
-que la société BERINGER a manqué à son obligation de délivrer une assignation contenant l'objet de sa demande avec un exposé des moyens en fait et en droit,
-qu'elle ignore pleinement les contours comme elle ignore la teneur des atteintes qui lui sont reprochées,
-qu'elle a été dans l'impossibilité d'identifier précisément les « 'uvres '' revendiquées dont elle ignore pleinement les contours comme elle ignore la teneur des atteintes qui lui sont reprochées,
-qu'elle ne peut donc répondre utilement à l'assignation délivrée, ce qui lui cause grief,
-que les demandes fondées sur la contrefaçon sont indissociables de celles formées au titre de la concurrence déloyale en ce qu'elles s'appuient sur les mêmes éléments factuels.
Elle précise qu'il ressort de l'extrait du Registre du Commerce tchèque et de sa traduction libre, que «D... H... A... B... '' est le « nom d'entreprise '' et qu'elle bénéficie d'un « numéro unique d'enregistrement '' et d'une « date d'immatriculation '' auprès de ce même registre. Elle ajoute que l'expression «société de droit tchèque '' utilisée par la société D... X... n'a jamais laissé présumer qu'il s'agissait d'une personne morale.
La société appelante sollicite la réformation de l'ordonnance, et demande de :
-Dire et juger régulière la déclaration d'appel et débouter la société BERINGER AERO de ses demandes d'irrecevabilité;
-Infirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état du 19 janvier 2016 en toutes ses dispositions;
-Annuler en conséquence l'assignation délivrée le 11 juin 2013 à la requête de la société BERINGER AERO sur le fondement des articles 4, 9 et 56 du Code de Procédure Civile;
-Déclarer la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive recevable et bien fondée et condamner la société BERINGER AERO à verser à la société D... X...-A...-B... la somme de 15 000 euros;
-Subsidiairement, déclarer nulle et de nul effet l'assignation du 11 juin 2013 délivrée par la société BERINGER AERO et des actes subséquents pour défaut d'assignation régulière sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile;
-Condamner la société BERINGER AERO à verser à la société D... X...-A...-B... la somme la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
La société BERINGER AERO rétorque :
-qu'il doit être enjoint à la société appelante de justifie de son immatriculation en qualité de personne morale, du fait que dans une procédure introduite devant le tribunal allemand de Ravensburg à son encontre, celle-ci a été initiée par Madame D... X... en qualité de commerçante personne physique qui a soutenu qu'il n'existe aucune société personne morale dénommée D... H... A... B...,
-que la validité de l'assignation doit être appréciée en regard de l'objet du litige,
-que le rapport de l'expert produit par la société BERINGER démontre que les modèles sont identifiés et comparés,
-que l'assignation est conforme à l'article 56 du code de procédure civile, puisqu'elle a opéré une comparaison entre les modèles incriminés et ses propres modèles et a déterminé avec suffisamment de précision quelles seraient les 'uvres revendiquées et en quoi elles seraient éligibles à la protection au titre du droit d'auteur,
-qu'il n'appartient pas au juge de la mise en état de statuer sur le fait qu'il appartient au demandeur à l'action en contrefaçon d'établir la réalité des droits qu'il allègue,
-que l'appelante ne justifie d'aucun grief.
La société BERINGER AERO conclut à la confirmation de la décision entreprise et demande de :
-Déclarer irrecevables l'appel et les demandes faites par l'appelante,
-Confirmer l'ordonnance rendue le 19 janvier 2016,
-Constater que l'assignation introductive d'instance délivrée par la société BERINGER vise précisément le système de freinage pour train d'atterrissage d'avion, composé d'un système de freinage par étrier monté sur un système de disque flottant, tel que décrit par Monsieur C..., expert, dans son rapport du 14 avril 2013,
-Dire et juger en conséquence mal fondée la société D... 'PA'KOVÁ ' A... - B... de son exception de nullité,
-Dire et juger que les moyens soutenus dans son incident relève de l'appréciation du juge du fond et non du juge de la mise en état,
-Déclarer irrecevable la demande de dommages-et-intérêts pour procédure abusive,
-Condamner la société D... 'pa'ková ' A... - B..., au paiement d'une somme de 7.500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.
La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon l'article R123-58 du code de commerce : «Lorsqu'une société commerciale dont le siège est à l'étranger n'est pas soumise à la législation d'un État membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen, mais revêt une forme juridique comparable à celles énoncées à l'annexe 1-3 au présent livre [reproduite ci-dessous], sont déclarés, outre les renseignements prévus aux articles R. 123-53 à R. 123-56, la législation qui lui est applicable ainsi que le lieu et le numéro de son immatriculation sur un registre public si la loi étrangère à laquelle cette société est soumise le prévoit».
L'annexe 1.3 précise «les formes juridiques de sociétés désignées à l'article R 123-7 qui sont les suivantes :
Pour la République tchèque :
-spolecnost s rucenijm omezenm ;
-akciovaj spolecnost.
La traduction libre d'un extrait du Registre du Commerce tchèque fait ressortir les éléments suivants:
date d'immatriculation : 28 mai 1991,
nom de l'entreprise : «D... H... A... B... '',
entrepreneur : D... X...
date de naissance de «l'entrepreneuse» : 31 décembre 1971.
Il n'existe donc pas une «société» «D... H... A... B...», mais une entreprise enregistrée au nom de «D... X...», ce qui correspond aux déclarations de madame D... X... devant le tribunal de Ravensburg (Allemagne) dans lesquelles elle précise «la demanderesse est commerçante individuelle et détient l'entreprise D... X...-A...-B....
En application des articles 117 et 122 du code de procédure civile, la société D... X...-A...-B... n'a pas qualité pour agir et il convient de prononcer la nullité de l'assignation que lui a délivré la société BERINGER devant le tribunal de grande instance de Paris le 11 juin 2013.
L'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.
La société appelante sera déboutée de sa demande à ce titre, faute pour elle de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la société BERINGER AERO qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits, et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais de défense exposés.
Il convient de condamner la société BERINGER AERO à payer à la société D... X... une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme l'ordonnance attaquée,
Prononce la nullité de l'assignation délivrée par la société BERINGER à la société D... X... devant le tribunal de grande instance de Paris le 11 juin 2013,
Condamne la société BERINGER AERO à payer à la société D... X... une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples,
Condamne la société BERINGER AERO aux dépens de première instance et d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,