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28/06/2018 | FRANCE | N°17/01624

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4e chambre a, 28 juin 2018, 17/01624


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A



ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2018

BM

N° 2018/ 577













Rôle N° RG 17/01624



N° Portalis DBVB-V-B7B-75RW







Ghislaine X... épouse Y...





C/



Pierre Michel Joseph Z...





















Grosse délivrée

le :

à :



Me Agnès G...



Me Michel A...





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Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Janvier 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/01994.





APPELANTE



Madame Ghislaine X... épouse Y... agissant en qualité d'héritière de Madame Andrée B... veuve X..., décédée le [...],, d...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

4e Chambre A

ARRÊT AU FOND

DU 28 JUIN 2018

BM

N° 2018/ 577

Rôle N° RG 17/01624

N° Portalis DBVB-V-B7B-75RW

Ghislaine X... épouse Y...

C/

Pierre Michel Joseph Z...

Grosse délivrée

le :

à :

Me Agnès G...

Me Michel A...

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 04 Janvier 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 14/01994.

APPELANTE

Madame Ghislaine X... épouse Y... agissant en qualité d'héritière de Madame Andrée B... veuve X..., décédée le [...],, demeurant [...]

représentée Me Agnès G..., avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Valérie C... de la D..., avocat au barreau de GRASSE, plaidant

INTIME

Monsieur Pierre Michel Joseph Z...

demeurant [...]

représenté et assisté de Me Michel A..., avocat au barreau de GRASSE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Madame Bernadette MALGRAS, Conseiller

Madame Sophie LEONARDI, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018

Signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCÉDURE ' MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame Andrée B... épouse X..., décédée le [...], aux droits de laquelle se trouve sa fille Ghislaine X... épouse Y..., était propriétaire de la parcelle [...] sise sur la commune de Cagnes-sur-Mer, par suite d'un acte de partage du 27 janvier 1959 ; aux termes de cet acte, elle s'est vue attribuer le troisième lot comprenant la parcelle numéro [...], devenue AT 327.

Monsieur Pierre Z... est propriétaire de la parcelle [...], située à l'Ouest et en contrebas de l'allée des pruniers, qu'il a acquise le 1er septembre 2000.

Les deux propriétés sont issues d'un même fonds, la propriété B... ; elles sont confrontées au Nord par l'allée des pruniers qui était à l'origine un chemin privé desservant la propriété B... et qui est devenue une voie publique à la suite de la cession à la commune.

En l'état du projet de Ghislaine Y... et de sa mère de diviser leur propriété en deux parcelles et de vendre celle la plus au Sud, Pierre Z... leur a signifié l'interdiction de passer sur la bande de terrain située entre le portail de la propriété X... et l'allée des pruniers ; depuis lors, la parcelle [...] a été divisée en deux parcelles, numéros 335 et 336, en vue de la construction de deux villas.

Andrée X... a engagé le 11 juillet 2013 une procédure de référé devant le tribunal de grande instance de Grasse en vue de la désignation d'un expert ; par ordonnance du 11 décembre 2013, la demande d'expertise a été rejetée, faute de pièces suffisantes pour démontrer l'enclave.

Par exploit du 25 mars 2014, Ghislaine Y... a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Grasse, Pierre Z..., en vue de se voir reconnaître la prescription acquisitive des ouvrages permanents, de voir constater la prescription de la servitude de passage sur le fonds Z... par 30 ans d'usage continu et de voir fixer l'assiette de la servitude de passage selon le plan établi par son géomètre-expert, monsieur E....

Le tribunal, par jugement du 4 janvier 2017, a notamment :

- débouté Ghislaine X... épouse Y... de ses demandes

- condamné Ghislaine X... épouse Y... à verser à Pierre Z... la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné Ghislaine X... épouse Y... aux dépens.

Ghislaine X... épouse Y... a régulièrement relevé appel, le 25 janvier 2017, de ce jugement en vue de sa réformation.

Elle demande à la cour, selon conclusions déposées le 19 avril 2018 par RPVA, de :

A titre principal

Vu les articles 693 et 694 du code civil

- dire et juger que la servitude est établie par destination du père de famille

- réformer en conséquence le jugement rendu le 4 janvier 2017

A titre subsidiaire

- dire et juger acquise par madame Y..., la prescription des ouvrages permanents et visibles sur l'accès en cause, réalisés il y a plus de 50 ans

- dire et juger qu'il existe des éléments de preuve précis et concordants permettant de démontrer l'existence d'une servitude verbalement convenue entre les parties

- débouter monsieur Z... de ses moyens pour s'opposer à la demande, abusifs et infondés

A titre infiniment subsidiaire

vu les articles 682 et suivants du code civil

- reconnaître l'enclave relative du fonds Y...

En conséquence

- dire et juger acquise la servitude de passage au bénéfice du fonds Y... et grevant le fonds Z...

- réformer en toutes ses dispositions le jugement du 4 janvier 2017

- dire et juger que l'assiette de ladite servitude de passage est celle déterminée sur le plan établi par monsieur E...

- ordonner la publication au fichier, des hypothèques, en marge de la parcelle [...], sise sur la commune de Cagnes-sur-Mer

- débouter monsieur Z... de toutes ses demandes, fins et conclusions

- condamner monsieur Z... à régler une indemnité de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner monsieur Z... aux dépens.

Formant appel incident, Pierre Z... sollicite de voir, selon conclusions déposées par RPVA le 4 mai 2018 :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse en ce qu'il a rejeté la demande de madame Y... concernant l'acquisition de la servitude de passage par destination du père de famille

- le confirmer également ce qu'il a rejeté sa demande concernant la prescription acquisitive invoquée des ouvrages aménagés

- rejeter la demande de reconnaissance de l'état d'enclave relative de son fonds, et en conséquence rejeter sa demande d'acquisition de la servitude de passage à son bénéfice

- constater que la nouvelle parcelle [...] bénéficie d'un accès direct à la voie publique

- dire et juger à titre subsidiaire que si une servitude de passage lui était consentie sur le terrain Z..., il y aurait lieu à dire d'expert et aux frais exclusifs de la demanderesse d'établir, décrire et chiffrer les moyens propres à consolider le terrain objet de cette servitude et empêcher tout effondrement sur la propriété Z...

- dire et juger également que si l'état d'enclave était retenu, il y aurait lieu à indemnisation de monsieur Z... à dire d'expert

- déboutant l'appelante de son appel, la condamner à la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 7 mai 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 694 du code civil dispose que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude, dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.

Il en résulte que :

- lorsqu'il existe des signes apparents de servitude, la servitude par destination du père de famille ne peut être écartée que par des dispositions contraires de l'acte de division

- le signe apparent peut être recherché dans la situation même des lieux

- l'état de fait apparent, caractéristique de la servitude par destination du père de famille, doit exister au moment de la division du fonds.

En l'espèce, Ghislaine Y... invoque à titre principal une servitude établie par destination du père de famille.

À cet effet, contrairement à ce qu'a relevé le premier juge, elle produit aux débats l'acte de partage intervenu le 27 janvier 1959 en annexe 8 du rapport d'expertise privée de monsieur E..., constituant également sa pièce 24 en cause d'appel.

Cet acte de partage est celui qui a entraîné la division des fonds litigieux.

Il ne ressort nullement de cet acte une stipulation contraire au maintien de la servitude ; au demeurant Pierre Z... ne le soutient pas.

En outre, au vu de la photo aérienne IGN (prise de vue le 8 juillet 1958) jointe en annexe 19 de l'étude du géomètre E..., le tracé du passage invoqué était visible avant le partage ; il est également représenté sur les plans de permis de construire X... établis en 1959 à l'occasion de la demande d'agrandissement de la construction initiale (annexes 21 et 24 du rapport E...) ; il est corroboré par une attestation du dénommé F... Alain né [...]; ces éléments qui ne reposent pas sur des interprétations subjectives du géomètre E..., contrairement aux allégations de l'intimé, permettent de démontrer que l'aménagement du fonds a été réalisé par le propriétaire avant sa division.

Ils sont contestés par Pierre Z... qui procède par affirmation sans toutefois s'expliquer valablement sur le caractère prétendument non visible selon lui ; il produit pour cela une version zoomée de la photo aérienne IGN précitée, laquelle est peu lisible et ne rend pas compte de la situation globale ; les deux premiers feuillets du plan du permis de construire précité qu'il produit ne sont pour leur part pas davantage de nature à contredire les autres feuillets dudit plan ; il en est de même en ce qui concerne l'ancien plan cadastral qu'il verse en pièce 5 ou encore des photographies produites en pièce 9, non datées et faisant figurer des constructions manifestement récentes, bien postérieures à l'acte de partage.

Au contraire, le signe apparent se trouve corroboré par la situation des lieux, en ce que le terrain est relativement pentu et qu'il était plus logique, avant le partage, pour les époux B..., grands-parents de Ghislaine Y..., lors de l'exploitation de leur fonds, d'accéder à la « planche» située devant la maison, directement depuis le point de rencontre de ladite « planche » avec le chemin plutôt que de créer une rampe nécessitant la construction de murs de soutènement.

Pierre Z... argue de ce que si l'aménagement permettant de desservir la parcelle X... avait été voulu par monsieur B..., auteur commun, une servitude eut été créée à cet effet ; il ajoute que les servitudes discontinues ne peuvent être établies que par titre; cette argumentation est cependant inopérante puisque précisément les dispositions de l'article 694 sont prévues dans le cas où aucune convention n'a été établie; de plus, la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsque, comme en l'espèce, existent des signes apparents de servitude lors de la division et que l'acte ne contient aucune stipulation contraire.

Pierre Z... prétend également que la destination de cet accès, savoir desservir la construction existante, se trouve modifiée dans le cadre du projet de construction de madame Y... et en déduit que la servitude par destination du père de famille doit être écartée, faisant état d'une dangerosité de cette servitude et d'une restriction de son droit de propriété.

Cette argumentation ne peut davantage être retenue, la servitude par destination du père de famille s'appréciant à la date de division des fonds soit en l'occurrence l'année 1959, et non au regard d'un futur projet d'aménagement du terrain ; de plus, par nature une servitude est une restriction au droit de propriété; ce qui n'est pas un motif suffisant pour y mettre fin, seule l'assiette pouvant le cas échéant être déplacée selon les conditions de l'article 701 du code civil, en l'occurrence nullement invoquées par Pierre Z...; s'agissant du risque qu'entraînerait le passage sur la bande litigieuse pour la villa de monsieur Z..., il est produit par ce dernier des photographies et un procès-verbal de constat du 9 mai 2016 ; les simples constatations de l'huissier de justice non corroborées par l'avis d'un technicien, sont insuffisantes pour caractériser le danger allégué et encore plus pour lier l'instabilité alléguée du mur ancien à la circulation sur le passage litigieux.

Au surplus, Pierre Z... conteste la nécessité de maintenir le passage, alors que selon lui la nouvelle parcelle [...] issue de la division de la parcelle AT 327 a un accès direct à la voie publique ; cependant, si en vertu de l'article 685-1 du code civil, en cas de cessation de l'enclave, le propriétaire du fonds servant peut invoquer l'extinction de la servitude, il demeure que l'article 685-1 n'est pas applicable aux servitudes de passage établies par destination du père de famille ; l'argument est par suite inopérant.

Enfin, Pierre Z... soutient que la passage revendiqué sur son terrain fait suite à une simple tolérance ; ce qui cependant ne peut être retenu, alors que les conditions édictées par l'article 694 du code civil sont réunies pour constater une servitude par destination du père de famille.

En considération de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a écarté la servitude par destination du père de famille au sens de l'article 694 du code civil et rejeté la demande de servitude de passage présentée par Ghislaine Y... sur la parcelle [...] ; Pierre Z... sera débouté de sa demande de désignation d'expert chargé de rechercher les moyens propres à consolider le terrain et à empêcher tout sinistre.

De manière surabondante, il sera constaté que Pierre Z... avait parfaitement connaissance de cette servitude, qu'il conteste aujourd'hui dans le cadre de la présente instance, dans la mesure où lui-même la mentionnait dans son dossier de demande de permis de construire déposée en 2000 (plan de demande de permis de construire) et ce, même s'il ne peut en être déduit un quelconque aveu judiciaire.

Il n'y a pas lieu dés lors d'examiner les moyens subsidiaires tirés par madame Y... de la prescription ou encore de l'état d'enclave.

Par conséquent, il convient de juger comme acquise la servitude de passage au bénéfice du fonds de Ghislaine Y... et grevant le fonds de Pierre Z..., conformément à la demande, et ce selon l'assiette figurant sur le plan du géomètre-expert E... en annexes 27 et 28 de son étude du 6 mai 2016, selon hachures vertes.

Il appartiendra à la partie la plus diligente de procéder à la publication de ladite servitude à ses frais avancés.

Succombant en ses prétentions, Pierre Z... doit être condamné aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à Ghislaine Y... la somme de 4.000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Réforme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Grasse en date du 4 janvier 2017,

Statuant à nouveau,

Dit que la servitude est établie par destination du père de famille au bénéfice du fonds de Ghislaine X... épouse Y..., cadastré [...] devenu AT 336-335 sis sur la commune de Cagnes-sur-Mer, et grevant le fonds voisin appartenant à Pierre Z..., cadastré [...],

Dit que l'assiette de ladite servitude de passage est celle déterminée sur le plan établi par monsieur E... dans son étude du 6 mai 2016, telle que figurant sur ses plans en annexes 27 et 28 selon hachures vertes,

Dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de procéder à la publication au service de publicité foncière compétent de ladite servitude à ses frais avancés,

Déboute monsieur Pierre Z... de toutes ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à expertise,

Condamne monsieur Pierre Z... à régler à madame Ghislaine X... épouse Y... une indemnité de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur Pierre Z... aux dépens de première instance et d'appel,

Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : 4e chambre a
Numéro d'arrêt : 17/01624
Date de la décision : 28/06/2018

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 4A, arrêt n°17/01624 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2018-06-28;17.01624 ?
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