COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
17e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 28 JUIN 2018
N° 2018/
JLT/FP-D
Rôle N° N° RG 17/02601 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAAF6
Jean-Christophe X...
C/
Société GENERALI VIE
Grosse délivrée
le : 28 JUIN 2018
à :
Me Caroline Y..., avocat au barreau de NICE
Me Antoine Z..., avocat au barreau de PARIS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 27 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00419.
APPELANT
Monsieur Jean-Christophe X...
de nationalité Française, demeurant [...] / FRANCE
représenté par Me Caroline Y..., avocat au barreau de NICE substitué par Me Marie A..., avocat au barreau de NICE
INTIMEE
Société GENERALI VIE Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés [...]
représentée par Me Antoine Z..., avocat au barreau de PARIS ([...])
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 14 Mai 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Luc B..., Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Monsieur Jean-Luc B..., Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise H....
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 28 Juin 2018,
Signé par Monsieur Jean-Luc B..., Président et Madame Françoise H..., greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
M. Jean-Christophe X... a été embauché par la société la FRANCE VIE aux droits de laquelle se trouve la SA GENERALI VIE, en qualité d'agent spécialiste, par un contrat de travail à durée indéterminée du 17 février 1992.
Le salarié a exercé des mandats de représentant du personnel à compter de juin 2002 et il a été élu délégué du personnel suppléant le 4 juin 2013.
Se plaignant de manquements de l'employeur à ses obligations (relatifs notamment au calcul de la rémunération et à une discrimination liée à ses mandats de représentant du personnel), le salarié a saisi le Conseil de Prud'hommes de Nice le 7 février 2014 pour solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire et d'indemnités.
Par jugement du 27 janvier 2017, le conseil de prud'hommes a débouté le salarié de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail mais il a condamné la SA GENERALI VIE à lui payer la somme de 14 581,42 euros à titre de commissions ainsi que celle de 1 458,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante et celle de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X... a relevé appel le 9 février 2017 de ce jugement notifié le 4 février 2017.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 20 avril 2018 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, M. X..., concluant à la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société GENERALI VIE à lui payer la somme de 14 581,42 euros bruts à titre de rappel de commissions avec l'indemnité compensatrice de congés payés afférente ainsi que celle de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la réformation pour le surplus, sollicite de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la société GENERALI VIE et de condamner cette dernière à lui payer les sommes de :
- 212 000,00 euros net à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 13 274,88 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis
- 1 327,48 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, - 79 649,35 euros net à titre d'indemnité de licenciement,
- 176 587,50 euros net à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, - 12 512,39 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 2 953,49 euros au titre du cumul GBR,
- 25 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour défaut d'entretiens
annuels obligatoires,
- 25 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement, - 40 781,25 euros brut à titre de rappel de primes dites 'aides financières',
- 4 078,12 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, - 50 000,00 euros net à titre de dommages et intérêts pour discrimination et entrave à l'exercice du droit syndical,
- 50 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité de résultat,
- 1 584,48 euros net à titre de remboursement de frais (téléphone portable),
- 5 000,00 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées le 7 mai 2018 auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, la SA GENERALI VIE sollicite de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes, de l'infirmer en ce qu'il a octroyé à l'intéressé un rappel de commissions et de condamner le salarié à lui payer la somme de 5000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle demande de limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 10 975,00 euros, l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 54260,95 euros et l'indemnité au titre de la nullité du licenciement à la somme de 32 926,50 euros.
Elle demande de débouter M. X... de sa demande au titre de la violation du statut protecteur dès lors que le mandat dont il bénéficiait au jour de la saisine a cessé et d'apprécier le préjudice allégué au titre d'un 'harcèlement moral' et d'une 'discrimination' dans de plus justes proportions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 mai 2018.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux conclusions déposées.
DISCUSSION
Sur la demande au titre du rappel de commissions
La rémunération de M. X... est constituée par un salaire mensuel de base et par une rémunération variable basée sur des commissions sur les affaires réalisées. Le mode de rémunération, en ce qui concerne la partie variable de celle-ci, a été fixé selon les règles mises en place par un plan de commissionnement du 14 janvier 2002.
Selon ce plan, le taux de commission a été fixé à 10% la première année, 5% la deuxième, 3% la troisième et 1% à compter de la quatrième pour toute une série de contrats répartis par catégories : 'retraite collective', 'Madelin' ('Madelin retraite' et 'Madelin prévoyance'), 'contrats de prévoyance collective' ('Mornay', 'Modulia', 'Sur Mesure'), 'contrats de prévoyance santé individuelle'. Ce plan laissait aux salariés le choix entre le maintien du système précédent ou l'adoption du nouveau système. Il était précisé que, pour les salariés optant pour le nouveau système, le mode de calcul serait appliqué à l'ensemble de la production à venir, que le choix s'effectuerait globalement et non par produits et qu'il serait définitif. Il est constant que M. X... a accepté ce nouveau mode de rémunération.
M. X... explique que, par la suite, l'employeur a introduit progressivement de nouveaux produits dont le taux de commissionnement n'est pas conforme au plan de 2002, étant, pour la plupart, rémunérés sur la base d'un taux de commissionnement de 2%. Il invoque notamment les contrats APGME (commissionnés, en application du plan de 2002, à 10% la première année, 5% la deuxième année, 3% la troisième année et 1% les années suivantes) et qui ont été progressivement remplacés par des contrats IGPM et Mornay Mutuelle rémunérés sur la base d'un taux linéaire de 2%.
Il fait également état des contrats 'April' ('santé relais' et 'santé accueil'), pour lesquels il justifie avoir perçu chaque année des commissions jusqu'en 2013. Il se plaint de ne pas avoir perçu de commissions suite à la conclusion de contrats individuels découlant d'un contrat 'April'.
L'employeur ne conteste pas que, postérieurement à 2002, de nouveaux produits ont remplacé les anciens, devenus obsolètes, non rentables ou non conformes à la législation. Il ne conteste pas non plus que le taux de commissionnement de ces nouveaux contrats a pu être fixé à un taux inférieur à celui des contrats visés par le plan de 2002.
Il souligne que la cessation de commercialisation d'un produit ne peut constituer une modification du contrat de travail ni un changement des conditions de travail, que le plan de 2002 n'avait vocation à s'appliquer qu'aux produits qu'il vise à l'exclusion de produits créés ultérieurement et que le mode de commissionnement défini en 2002 n'a pas été remis en cause pour les contrats déjà présents en 2002. Il soutient que l'évolution de l'offre commerciale ne saurait constituer une modification du contrat de travail.
Cependant, s'il ne peut, à l'évidence, être reproché à l'employeur de mettre fin à la commercialisation de produits ni d'en créer de nouveaux, il n'en reste pas moins que le plan de 2002 fixait un taux de commission déterminé pour chacune des familles de produits que le salarié avait la charge de distribuer sans prévoir la possibilité de fixer des taux différents en cas de création de nouveaux produits.
Or, alors qu'il n'est pas contesté que les produits nouvellement commercialisés entrent dans les familles de produits visées par le plan de 2002, il apparaît qu'un mode de rémunération différent a été appliqué aux nouveaux contrats créés sans que l'accord du salarié soit sollicité sur cette modification d'un élément déterminant du calcul de sa rémunération.
Le salarié fait valoir que le nouveau mode de calcul sur les contrats 'Mornay' a entraîné une perte sur les commissions perçues de 12 922,70 euros depuis 2009 et de 1658,72 euros au titre des contrats 'April' non rémunérés. Il justifie ses prétentions en produisant des tableaux par lesquels il a calculé, année par année et en fonction des familles de produits, la différence entre le montant des commissions dues en application du plan de 2002 et le montant des commissions perçues.
L'employeur ne saurait soutenir que la baisse du montant des commissions perçues par le salarié s'expliquerait par une moins bonne productivité de l'intéressé. S'il est de fait que la 'production' de M. X... a considérablement baissé depuis 2010, ce qui a entraîné nécessairement une baisse de sa rémunération variable, la perte calculée par le salarié a été calculée en fonction des chiffres effectivement réalisés de 2009 à 2013.
L'application d'un taux de commission plus bas n'a pu qu'avoir des conséquences négatives sur la rémunération du salarié et ce, quelle que soit la productivité ou laperformance de l'intéressé.
Il est ainsi établi que les contrats créés après 2002 ont été rémunérés selon des modalités différentes de celles convenues antérieurement et que cette modification affecte, pour le moins, une partie non négligeable des commissions perçues par M. X....
Compte tenu de sa qualité de salarié protégé qui interdisait à l'employeur toute modification de son contrat de travail et même toute modification de ses conditions de travail, M. X... est bien fondé à se plaindre d'un manquement à ce titre des obligations de l'employeur et à revendiquer un rappel de salaire fondé sur l'application du plan de commissionnement de 2002.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au paiement de la somme de 14 581,42 euros à titre de rappel de commissions outre l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
Sur la discrimination syndicale
Pour soutenir avoir fait l'objet d'une discrimination syndicale, M. X... fait valoir :
- qu'il s'est vu remis en cause à plusieurs reprises et ce, publiquement,
- qu'il s'est vu écarter de plusieurs réunions sans que cela soit justifié par des motifs objectifs et ce, malgré les remarques émises par les représentants du personnel,
- qu'il n'a pas pu bénéficier d'une proratisation effective et efficace de ses objectifs pour tenir compte de ses mandats de représentants du personnel,
- qu'il n'a pas bénéficié d'entretiens annuels d'évaluation ni de formations pendant plusieurs années.
Sur le premier point, il produit l'attestation de M. C..., collègue de travail, qui rapporte avoir assisté à la réunion du 14 février 2012 au cours de laquelle M.X... a été 'pris à partie' par ses supérieurs hiérarchiques en lui demandant devant tous les collaborateurs ses codes personnels afin d'accéder à son espace personnel et en détaillant ses résultats avec plus de minuties que les autres chargés de clientèle alors que 'normalement les résultats sont globaux et non personnalisés'. Il ajoute que l'un de ses supérieurs hiérarchiques a, au cours de cette réunion, montré de la main M. X... en disant : 'nous allons nous débarrasser des éléments perturbateurs'.
M. D..., collègue de travail, rapporte avoir assisté à une réunion, le 16 septembre 2013, au cours de laquelle M. E..., directeur du réseau, et M. F..., directeur de l'animation commerciale, ont 'fustigé' l'agence de Nice (où travaillait X...) et ont 'publiquement stigmatisé 4 commerciaux (facilement identifiables par rapport aux rapports d'activité reçus chaque mois) de cette agence en insistant sur leurs mauvais résultats'.
Le salarié verse aux débats un échange de courriels intervenu avec M. F..., directeur de la distribution, au début du mois d'octobre 2013 au cours duquel ce dernier a reproché au salarié ses résultats (7 rendez-vous qualifiés depuis le 1er janvier, absence de toute activité ou production en septembre) en les qualifiant d' 'inacceptables' et en précisant que 'le fait d'avoir une activité syndicale ne (l') exonère en aucun cas de (son) activité de chargé de clientèle'. M. X... ayant répondu qu'il était en délégation depuis le 19 septembre dernier, qu'il avait eu des réunions de délégués du personnel, du CHSCT et du comité d'établissement et ayant regretté que, dans les objectifs, 'il n'y a pas de proratisation pour les absences dues aux mandats', M. F... a répondu n'avoir pas la réponse à ses questions et noter les jours d'absence en septembre (7) ainsi que le nombre de jours travaillés (15). M. X... a alors rétorqué qu'il ne s'agit pas de jours d'absence mais de jours de délégation en rappelant les dispositions de l'accord interne sur le droit syndical dans l'entreprise.
Sur le deuxième point, M. X... justifie s'être plaint le 7 mai 2013 de ne pas avoir été convié à la convention annuelle ('première fois en 21 ans d'ancienneté') et s'être vu répondre que seuls étaient conviés les collaborateurs ayant réalisé au moins 3,5 affaires nouvelles par mois depuis le début de l'année 2013 ou au moins 5,5 affaires nouvelles par mois depuis 2012. Il lui a été précisé que pour déterminer les participants à la convention, il a été pris en compte 'le temps que chacun des collaborateurs pouvait consacrer à son activité professionnelle compte tenu des situations individuelles'.
M. X... justifie également s'être plaint de ne pas avoir été convié à la convention de 2014 en se voyant opposer les critères pris en compte (4,5 de productivité mensuelle par an ou 6 de productivité mensuelle de janvier à avril 2014). Il justifie encore ne pas avoir été invité au congrès de l'Institut Français des Experts G... en 2014.
Sur le troisième point, le salarié se prévaut de l'accord interne sur le droit syndical du 4 janvier 2011 dans lequel il est indiqué que l'évaluation du salarié est fondée 'sur la seule appréciation de sa prestation professionnelle, étant précisé que la détermination de ses objectifs et l'estimation de ses performances sont fonction de sa disponibilité professionnelle'.
Dans le compte rendu de l'entretien d'évaluation du 11 février 2014, l'auteur de l'évaluation du salarié a estimé que 'l'exercice 2013 ne reflète pas forcément la réalité des compétences acquises au fil des années par M. X.... Si les résultats sont insuffisants, il me semble que c'est en partie en raison d'un engagement personnel où parfois le fond et la forme ses confondent'.
S'agissant des entretiens annuels d'évaluation, il est constant que le salarié n'en a pas bénéficié de 2008 à 2014. Il s'est plaint au cours de l'entretien du 11 février 2014 de n'avoir bénéficié que d'une seule formation en 2013.
Alors que l'ensemble de ces éléments tend à montrer la prise en compte de l'activité syndicale du salarié pour lui faire des reproches quant à ses résultats professionnels et à mettre en évidence par conséquent l'existence d'une discrimination syndicale, l'employeur affirme, en se fondant sur le compte rendu de la réunion du 14 février 2012, que les propos tenus étaient anodins, que, pour certains, ils ne visaient pas spécifiquement M.X... et qu'a seulement été relevée la faiblesse de ses résultats de manière objective. Il résulte pourtant de ce compte rendu que les résultats de M. X... pour le mois de décembre 2011 ont été spécialement mis en avant et que celui-ci a dû s'en expliquer.
S'agissant de sa mise à l'écart de plusieurs réunions, l'employeur soutient que M.X... n'a fait l'objet d'aucun traitement particulier et que les invitations ont été faites en fonction de critères objectifs tenant à la productivité de chaque chargé de clientèle. Il soutient que si M. X... n'a pas été invité à certaines réunions c'est parce qu'il ne remplissait pas les critères de productivité. L'employeur justifie, certes, par un courriel du 3 juin 2014, que l'absence d'invitation du salarié à la convention annuelle de 2014 s'explique par la non atteinte des critères fixés et qu'il a été tenu compte de ses absences pour raisons syndicales, mais il n'est pas justifié des raisons pour lesquelles M.X... a été écarté de la convention de 2013 (pour la 'première fois en 21 ans d'ancienneté'), l'employeur ayant seulement affirmé, a posteriori, suite aux plaintes pour discrimination exprimées à l'occasion de la réunion des délégués du personnel du 28 mai 2013, qu'avait été pris en compte le temps que chaque collaborateur pouvait consacrer à son activité professionnelle sans qu'il soit justifié de la mise en place de critères objectifs et préalablement définis tenant compte du temps de présence réduit en raison de l'activité syndicale exercée. S'agissant du congrès des experts comptables, l'employeur affirme qu'ont été sélectionnés les chargés de clientèle développant une partie importante de leur activités avec les experts comptables mais il ne fournit aucune explication ni justification sur les raisons qui ont conduit à écarter M. X....
L'employeur soutient que le salarié lui reprocherait à tort de n'avoir proratisé ses objectifs annuels qu'en 2014 en faisant valoir qu'il n'aurait subi aucun préjudice du fait de l'absence de proratisation, expliquant que sa rémunération n'est pas basée sur l'atteinte d'un objectif annuel mais sur la souscription d'affaires et qu'il a été reproché au salarié sa très faible activité commerciale. Il est néanmoins établi que, pour apprécier son activité commerciale, il n'a pas été tenu compte avant 2014 de son temps d'absence dû à ses activités syndicales alors que, compte tenu de ses mandats, il ne pouvait lui être imposé une activité comparable à celle des autres chargés de clientèle.
Pour expliquer l'absence d'entretiens individuels d'évaluation entre 2008 et 2013, l'employeur explique qu'aucune disposition légale ne l'oblige à organiser des entretiens annuels pour l'ensemble des salariés. Il précise que ces entretiens ont été systématisés en 2014 et que M. X... en a bénéficié comme l'ensemble de ses collègues. Toutefois, si l'employeur admet 'l'absence de systématisation' des entretiens avant 2014, il n'explique pas pourquoi le salarié a été privé d'entretiens pendant 5 ans alors qu'il résulte de ses propres explications que d'autres salariés en ont bénéficié. Il convient de relever que l'accord interne sur le droit syndical prévoit un entretien annuel.
Il apparaît, en conséquence, qu'au moins jusqu'en 2014 et la saisine de la juridiction prud'homale, M. X... s'est vu privé d'entretiens annuels d'évaluation, qu'il a été écarté de certaines réunions et que la faiblesse de ses résultats commerciaux lui a été reprochée sans qu'il ait été tenu compte du temps passé à ses activités syndicales alors que le salarié s'est plaint à plusieurs reprises de l'absence de 'proratisation'.
Il s'ensuit que les faits de discrimination syndicale sont établis.
Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, le préjudice qui en est résulté pour le salarié qui s'est ainsi trouvé privé de certains droits, stigmatisé pour ses résultats et mis à l'écart à plusieurs reprises sera réparé en lui allouant la somme de 10000,00 euros à titre de dommages-intérêts.
L'absence d'entretien annuel d'évaluation pendant plusieurs années lui aussi causé un préjudice en le privant d'un échange avec ses responsables hiérarchiques sur son activité professionnelle, ses difficultés éventuelles et ses attentes et en le privant d'éventuelles perspectives d'évolution professionnelle. Ce préjudice sera réparé en lui allouant la somme de 5 000,00 euros.
Sur la demande au titre de l'inégalité de traitement
M. X... se plaint d'une inégalité de traitement entre les chargés de clientèle en ce que certains d'entre eux perçoivent des 'aides financières' qu'il ne s'est jamais vu proposer.
Il verse aux débats la lettre d'engagement d'un chargé de clientèle embauché en 2007 qui lui octroie, en plus de son salaire fixe et des commissions, une aide financière mensuelle dégressive pendant un an. Un avenant a accordé à ce salarié en 2009 une prime sur objectifs pendant 6 mois calculée en fonction de la réalisation d'objectifs définis. Un second avenant lui a accordé, pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, 'une aide financière sous conditions d'objectifs' sous la forme d'un prime mensuelle et d'une prime annuelle.
Pour contester l'existence d'une inégalité de traitement, l'employeur verse aux débats une liste d'une cinquantaine de salariés ayant perçu une aide financière en affirmant qu'une aide est attribuée dans trois cas principaux (débauchage d'un collaborateur, changement de fonction, difficultés financières personnelles). Il soutient que M. X... ne se trouvait dans aucune de ces situations.
Toutefois, le salarié produit le bulletin de salaire correspondant au mois de mai 2014 d'un salarié embauché en 2010 qui, selon lui, ne respecte pas ces critères mais qui perçoit néanmoinsune 'prime d'objectif' de 400,00 euros avec un salaire brut de 4 357,18 euros.
Faute pour l'employeur de justifier, au-delà de Ses affirmations, des critères mis en place pour le versement de ces 'aides' ou 'primes', M. X... est bien fondé à se plaindre d'une différence de traitement injustifiée et à réclamer le paiement d'un rappel de salaire. Cependant, les exemples versés aux débats font apparaître que ces aides présentent un caractère dégressif et sont limitées dans le temps à une année pour un montant total de 6000,00 euros en moyenne. Le rappel de salaire sera en conséquence fixé à cette somme avec l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
La demande de dommages-intérêts sera rejetée, faute pour le salarié de rapporter la preuve d'un préjudice distinct qui lui aurait été causé par le manquement de l'employeur et qui ne serait pas réparé par l'octroi des intérêts de retard.
Sur les frais de téléphone
M. X... expose que, dans le cadre de son activité professionnelle, il est amené à utiliser un téléphone portable professionnel ainsi que son téléphone portable personnel sans qu'aucun des deux abonnements ne soit pris en charge par l'employeur.
Cependant, l'employeur justifie, par l'accord collectif du 24 mars 2015, conclu dans le cadre de la Négociation Annuelle Obligatoire, qu'il a été convenu d'une prise en charge d'un téléphone portable seulement pour les salariés domiciliés à plus de 100 kilomètres de leur agence, l'employeur expliquant que les salariés sont en mesure de passer leurs communications téléphoniques depuis le téléphone de leur bureau.
M. X... soutient qu'il ne disposait pas d'une ligne directe au sein de l'agence de Nice mais il n'est pas démontré qu'il n'était pas en mesure de passer ses communications avec un poste téléphonique au sein de l'agence.
Cette demande sera rejetée.
Sur le harcèlement moral
A ce titre, M. X... invoque les 'critiques' et 'brimades' dont il a fait l'objet et il fait référence aux attestations de M. C... et M. D.... Il invoque les faits visés au titre de la discrimination et notamment :
- la prise à partie par ses supérieurs hiérarchiques, à l'occasion de la réunion du 14 février 2012 où il lui a été demandé devant tous les collaborateurs ses codes personnels afin d'accéder à son espace personnel , où ses résultats ont fait l'objet d'un examen minutieux, où il a été dit en le désignant : 'nous allons nous débarrasser des éléments perturbateurs',
- la stigmatisation publique lors de la réunion du 16 septembre 2013,
- la mise en cause publique lors de la réunion des délégués du personnel du 10 décembre 2013 pour un refus de formation.
Il verse aux débats le certificat médical du médecin du travail estimant souhaitable qu'il soit placé en arrêt maladie et il justifie des arrêts de travail qui lui ont été prescrit à plusieurs reprises en 2014 et en 2015, de l'arrêt de travail qui a duré de novembre 2015 à mars 2016 suivi d'un mi-temps thérapeutique et de l'arrêt de travail débuté en octobre 2016. Le médecin psychiatre qui indique le suivre depuis 2012, atteste, le 27 mai 2014, avoir constaté une 'décompensation sévère dépressive et anxieuse'. Il indique que son état de santé a nécessité un ajustement de son traitement psychotrope et deux arrêts de travail consécutifs en raison de l'aggravation de son état de santé mental. Le salarié justifie que le contrôle effectué par les services de la caisse primaire d'assurance maladie a confirmé le bien fondé de l'arrêt. Il produit le certificat médical du psychiatre du 10 février 2017 faisant état de ce qu'il présente un épisode dépressif majeur nécessitant la poursuite de l'arrêt de travail et du traitement en cours.
L'employeur conteste l'existence d'un harcèlement moral en estimant que le salarié ne pourrait pas tirer argument de la situation temporaire de l'agence de Nice privée d'un directeur pendant une partie des années 2012 et 2013 mais il ne s'explique pas sur les mises en cause publiques de l'intéressé qui, au-delà de la situation globale de l'agence de Nice, le désignaient personnellement.
Il se prévaut d'une enquête du CHSCT selon laquelle seul M. X... se serait plaint d'une souffrance au travail et a mis en cause 'un état d'esprit' de certains collaborateurs de l'agence mais cette enquête ne permet pas d'exclure l'existence du harcèlement moral dénoncé.
Si l'employeur conteste, à juste titre, certains certificats médicaux dans lesquels le médecin présente, en dehors de ses prérogatives, un lien entre l'état de santé du salarié et ses conditions de travail, il n'en reste pas moins que la dégradation de l'état de santé psychique de M. X... est établie à compter de 2012 et que cette dégradation s'est accentuée au cours des années suivantes.
Faute pour l'employeur d'apporter des éléments de preuve permettant d'établir que les agissements dont M. X... justifie répondent à des considérations objectives étrangères à tout harcèlement moral, les prétentions du salarié au titre d'un harcèlement moral sont bien fondées.
Les dommages-intérêts qui ont été alloués au titre de la discrimination sont destinés à réparer les préjudices matériels et moraux résultant de la perte d'une partie de sa rémunération, de la privation de droits, du sentiment d'être mis à l'écart mais non l'atteinte à la dignité et à la santé du salarié résultant du harcèlement moral dont il a fait l'objet. Dès lors, le salarié est en droit de prétendre à une indemnisation réparant le harcèlement moral en plus de celle réparant la discrimination et, et ce, quand bien même ces deux préjudices ont la même origine.
Compte tenu des éléments d'appréciation versés aux débats, ce préjudice sera réparé en allouant à M. X... la somme de 10 000,00 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Les manquements de l'employeur à ses obligations constitués par la modification unilatérale du taux de commission, les faits de discrimination syndicale et les agissements de harcèlement moral présentent un caractère de gravité tel qu'ils justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à ce titre.
La résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié protégé devant produire les effets d'un licenciement nul, M. X... est en droit d'obtenir paiement des indemnités dues à ce titre.
Il ressort des bulletins de salaire que le salarié a perçu une rémunération mensuelle moyenne de 6 637,44 euros en 2016.
Etant en droit de prétendre à une indemnité compensatrice de préavis égale à 2 mois de salaire, l'employeur devra lui payer la somme de 13 274,88 euros à ce titre ainsi que celle de 1 327,48 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante.
M. X..., né [...], voit son contrat de travail rompu après plus de 26 ans d'ancienneté au service d'une entreprise employant au moins 11 salariés, à l'âge de 49 ans.
Compte tenu de son salaire mensuel brut (6 637,44 euros), il lui sera alloué, en application de l'article L 1235-3 du code du travail, la somme de 100 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
Aux termes de l'article 37 de la convention collective des entreprises de courtage
d'assurances, dont il n'est pas contesté qu'elle soit applicable, l'indemnité de licenciement se calcule selon les modalités suivantes :
'1.- 1ère tranche : de 18 mois à 3 ans d'ancienneté : 1 mois de salaire ;
- 2ème tranche : au-delà de 3 ans et jusqu'à 10 ans d'ancienneté : 25 % du salaire mensuel par année de présence ;
- 3ème tranche : au-delà de 10 ans et jusqu'à 20 ans d'ancienneté : 50 % du salaire mensuel par année de présence ;
- 4ème tranche : au-delà de 20 ans d'ancienneté : 75 % du salaire mensuel par année de présence.
2. Pour la dernière année, si elle est incomplète, le calcul sera fait pro rata temporis.
3. Le salaire mensuel de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement est égal à 1/12 du total des salaires bruts perçus par l'intéressé au cours des 12 derniers mois précédant la date de rupture du contrat de travail. Ce calcul devra également intégrer, le cas échéant, l'intéressement individuel contractuel ; il ne prendra pas en compte les primes exceptionnelles, les commissions et/ou gratifications de toutes natures.
4. L'indemnité de licenciement ne saurait au total dépasser une année de salaire calculée sur la base du salaire mensuel de référence, tel que défini au 3° ci-dessus'.
L'indemnité conventionnelle de licenciement doit donc être calculée de la manière suivante:
- 1ère tranche: 6 637,44 euros
- 2ème tranche: (0,25x6 637,44) x 7 ans = 11 615,52 euros
- 3ème tranche (0,50x6 637,44) x 10 ans = 33 187,20 euros
- 4ème tranche (0,75x6637,44) x 6 = 29 868,48 euros
L'employeur devra donc payer à ce titre au salarié la somme de 79 649,35 euros, égale à un an de salaire.
Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur
Lorsque la résiliation judiciaire du contrat de travail d'un salarié titulaire d'un mandat électif ou de représentation est prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur laquelle est égale aux salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection en cours.
En l'espèce, M. X... ayant été réélu délégué du personnel le 2 juin 2016, son mandat court jusqu'au 2 juin 2019 et la période de protection prend fin le 2 décembre 2019, soit dans 18 mois à la date du présent arrêt.
L'indemnité pour violation du statut protecteur à la charge de l'employeur doit donc être fixée à la somme de 6 637,44 x 18 = 119 473,92 euros.
Sur la demande au titre de l'indemnité de congés payés
M. X... s'appuie sur les mentions du bulletin de salaire du mois de mars 2017 pour réclamer le paiement d'une indemnité correspondant à son solde de congés payés porté pour 47 jours (11 jours de congés payés au titre du reliquat de l'année 2016, 30 jours au titre de l'année 2017 et 3,56 jours au titre de 2018) auquel s'ajoutent 1,65 jours au titre du Plan Epargne Congés.
Sur la base d'un montant de 266,221 euros par jour retenu par référence au calcul porté sur les bulletins de salaire, il réclame à ce titre la somme de 12 512,39 euros brut.
Ces sommes et ces calculs ne sont contestés ni dans leur principe ni dans leur montant. La créance n'étant pas autrement discutée, il y a lieu condamner la société GENERALI à payer à M. X... la somme de 12 512,39 euros brut.
Sur la demande au titre du cumul GBR
M. X... se réfère au bulletin de salaire de mars 2017 qui fait mention de la somme de 2 953,49 euros au titre du 'cumul GBR', à laquelle le salarié est en droit de prétendre.
Cette somme n'étant pas non plus discutée, il sera fait droit à la demande du salarié.
Sur l'article 700 du code de procédure civile
En application de l'article 700 du code de procédure civile, l'employeur doit payer à M. X..., en plus de la somme allouée en première instance sur le même fondement, la somme de 2 000,00 euros au titre des frais exposés par celui-ci et non compris dans les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SA GENERALI VIE à payer à M. Jean-Christophe X... la somme de 14 581,42 euros à titre de commissions ainsi que celle de 1 458,14 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante et celle de 3 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirmant le jugement pour le surplus et statuant à nouveau,
- Condamne la société GENERALI à payer à M. Jean-Christophe X... les sommes de:
* 10 000,00 euros (DIX MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour discrimination syndicale,
* 5 000,00 euros (CINQ MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour défaut d'entretiens annuels,
* 6 000,00 euros brut (SIX MILLE EUROS) à titre de rappel de primes dites 'aides financières',
* 600,00 euros brut (SIX CENT EUROS) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
* 10 000,00 euros (DIX MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
* 79 649,35 euros (SOIXANTE DIX NEUF MILLE SIX CENT QUARANTE-NEUF EUROS TRENTE CINQ CENTIMES) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 13 274,88 euros brut (TREIZE MILLE DEUX CENT SOIXANTE QUATORZE EUROS QUATRE VINGT HUIT CENTIMES) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 1 327,48 euros brut (MILLE TROIS CENT VINGT SEPT EUROS QUARANTE HUIT CENTIMES) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés correspondante,
* 12 512,39 euros brut (DOUZE MILLE CINQ CENT DOUZE EUROS TRENTE NEUF CENTIMES) au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
* 2 953,49 euros (DEUX MILLE NEUF CENT CINQUANTE TROIS EUROS QUARANTE NEUF CENTIMES) au titre du 'cumul GBR',
* 100 000,00 € (CENT MILLE EUROS) à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
* 119 473,92 euros (CENT DIX-NEUF MILLE QUATRE CENT SOIXANTE-TREIZE EUROS QUATRE VINGT DOUZE CENTIMES) à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur,
- Déboute M. Jean-Christophe X... de ses demandes au titre des frais de téléphone et des dommages-intérêts pour inégalité de traitement
Y ajoutant,
- Dit que la société GENERALI doit payer à M. Jean-Christophe X... la somme de 2 000,00 euros (DEUX MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit que la société GENERALI doit supporter les dépens de première instance et d'appel.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
F. H... J.L. B...