COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre D
ARRÊT D'IRRECEVABILITE
SUR RECOURS EN REVISION
DU 29 AOUT 2018
E.D.
N°2018/161
Rôle N° RG 17/13377 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BA4LH
C... X...
C/
D...
Murat X...
Grosse délivrée
le :
à :
Me Fabien Y...
SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES
Recours en révision tendant à la rétractation de l'arrêt rendu par la 1ère chambre B de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE le 06 Septembre 2012 enregistré au répertoire général sous le n° 11/11000.
DEMANDERESSE SUR RECOURS EN REVISION
Mademoiselle C... X...
née le [...] à ISTANBUL (TURQUIE)
demeurant [...]
représentée par Me Agnès E... de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Pascal Z..., avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
DEFENDEURS SUR RECOURS EN REVISION
Madame D... veuve de Monsieur F... X...
née le [...] à LICE (TURQUIE),
demeurant [...]
représentée et assistée par Me Fabien Y... de l'ASSOCIATION GASPARRI-LOMBARD-Y...-SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
Monsieur Murat X...
né le [...] à ISTANBUL (TURQUIE),
d emeurant [...]
représenté et assisté par Me Fabien Y... de l'ASSOCIATION GASPARRI-LOMBARD-Y...-SOULAS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2018 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Joël MOCAER, Président, et Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée, chargés du rapport.
Mme Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Monsieur Joël MOCAER, Président
Madame Monique RICHARD, Conseiller
Madame Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Août 2018.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Août 2018.
Signé par Madame Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée pour le Président empêché et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur F... X... est décédé le [...], laissant pour lui succéder sa veuve Madame D... et ses deux enfants, Madame C... X... et Monsieur Murat X....
Suite à des difficultés dans le règlement de la succession, une procédure de liquidation-partage judiciaire a été intentée.
Par un arrêt définitif du 6 septembre 2012, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a ordonné les opérations de compte liquidation et partage de la succession litigieuse. Elle a notamment ordonné à ce que soit procédé à l'attribution préférencielle d'un local commercial situé à Marseille, compris dans l'actif successoral, à Madame A... et à Monsieur Murat X... ainsi que d'un fonds de commerce exploité dans ce local par les mêmes personnes.
Or lors de la réalisation des opérations mentionnées, le notaire commis a découvert en consultant l'état hypothécaire que ce bien immobilier avait fait l'objet d'une ordonnance d'expropriation pour cause d'utilité publique, rendu le 4 juillet 2011 et publié en 2015. De plus le montant de l'indemnité proposé par l'expropriant s'est avéré être très largement supérieur à la valeur du bien immobilier telle qu'elle a été rapportée à la déclaration de la succession.
Par acte du 11 juillet 2017 Madame C... X... a formé une demande de révision à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Elle demande par ses dernières écritures en date du 23 mai 2018 de :
- la recevoir en sa demande de révision.
- dire et juger qu'elle a eu connaissance de l'ordonnance d'expropriation du 4 juillet 2011 lors du rendez-vous chez Maitre B... le 18 mai 2017.
En conséquence,
- rétracter parte in qua l'arrêt rendu le 6 septembre 2012 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Statuant à nouveau,
- Dire et juger que l'attribution préférentielle de l'immeuble situé sur la commune de Marseille [...], et du fonds de commerce d'alimentation générale situé à la même adresse, au bénéfice de Madame A... et de Monsieur Murat X... sous réserve du paiement d'une soulte, ne peut être prononcée dès lors que ledit bien a fait l'objet d'une ordonnance d'expropriation valant transfert de propriété au bénéfice de la ville de Marseille
- Dire et juger que ce bien ne peut faire l'objet d'un partage pour être la propriété de la ville de Marseille
- Dire et juger que l'actif successoral sera augmenté de la somme 264.950 € correspondant à l'indemnité préalable d'expropriation versée par la ville de Marseille.
- Subsidiairement, en l'état de la procédure en cours concernant le montant de l'indemnité, dire et juger que cette indemnité quelle qu'en soit le montant sera réintégrée à l'actif successoral
- Dire et juger que les consorts A... et X... se sont rendus coupables de recel successoral.
- Dire et juger en conséquence que ces derniers seront privés de leurs droits sur la somme correspondant à l'indemnité d'expropriation versée par la ville de Marseille.
- Débouter Monsieur Murat X... et Madame A... de leurs demandes
-Les condamner au paiement de la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle fait valoir que:
Sur la recevabilité de la demande en révision :
-la procédure d'expropriation a été sciemment dissimulée à la cour par Monsieur Murat X... et Madame A.... Cette dissimulation a été déterminante pour l'appréciation de la cour. Elle apporte comme preuve le fait que les défendeurs ne peuvent se prévaloir de leur ignorance sur l'existence de la procédure d'expropriation antérieurement à l'arrêt objet de la demande en révision.
-L'ordonnance d'expropriation du 4 juillet 2011 leur aurait été en effet régulièrement signifiée. Ces derniers auraient échangé avec les interlocuteurs de la ville de Marseille lors de l'établissement de l'indemnité d'expropriation comme l'atteste un courrier recommandé avec avis de réception en date du 5 juillet 2012. Les négociations avec l'expropriant sur le montant de l'indemnité se sont d'ailleurs poursuivies jusqu'en septembre 2013, où un courrier en date du 10 septembre atteste de leur refus du montant de 264.950 € proposé par l'administration. Courrier dans lequel ils se présentent comme : ' venant aux droits de Monsieur F... X...'.
-Il en ressort pour la concluante que les défendeurs ont obtenu par fraude l'arrêt attaqué, ou du moins qu'il est possible d'établir qu'ils sont auteurs d'une dissimulation volontaire ayant emporté la conviction de la cour. Celle-ci n'aurait en effet pas pu ordonner le réglement de la succession en faisant figurer à l'actif l'immeuble litigieux, ni en prononcer l'attribution préférentielle. Partant, les conditions de l'article 595 du code de procédure civile doivent être considérées comme satisfaites.
Sur la demande de rapport à l'actif successoral et la demande de condamnation au titre du recel successoral :
-les éléments apportés pour démontrer la recevabilité de la demande en révision permettent d'établir la réalité des éléments constitutifs du recel. En tout état de cause, le partage tel qu'il a été ordonné est nécessairement erroné et doit être rectifié dans la mesure où le bien immobilier litigieux ne peux figurer à l'actif successoral. Il est donc impossible d'en prononcer l'attribution préférentielle et il est indispensable d'y substituer le montant de l'indemnité d'expropriation.
Les défendeurs demandent par leurs dernières conclusions en date du 24 avril 2018 de :
- Déclarer le recours en révision irrecevable et mal fondé
- Condamner Madame C... X... au paiement de la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Ils soutiennent que :
Sur la recevabilité de la demande :
- la demanderesse n'apporte nullement la preuve que les conditions imposées par l'article 595 du code de procédure civile sont réunies. Il est en effet avancé en premier lieu que les faits allégués ne permettent nullement de démontrer une fraude qui leur serait imputable. La notion de fraude nécessite en effet l'accomplissement d'actes positifs ce qui n'est pas le cas en l'espèce. -elle échoue à rapporter la preuve que les concluants avaient eu connaissance de la procédure d'expropriation avant le prononcé de l'ordonnance de clôture de la procédure de l'arrêt objet de la demande en révision, soit le 30 mai 2012. Or tout élément dont les défendeurs auraient eu connaissance après cette date n'aurait pas pu être versé aux débats, l'instruction étant close.
-la procédure d'expropriation était dirigée contre le défunt et l'ordonnance d'expropriation n'a jamais été notifiée aux défendeurs.
Sur le recel successoral :
-il n'existe aucune démonstration de l'intention frauduleuse. Il ne peut leur être reproché d'avoir voulu rompre l'égalité du partage dans la mesure où aucune décision du juge de l'expropriation n'est venue fixer le montant de l'indemnité. Les défendeurs ne pouvant connaître alors le montant de l'indemnité, ils ne pouvaient réellement chercher à rompre l'égalité du partage à leur faveur.
Par ses conclusions du 28 mai 2018, le ministère public déclare :
- Relever que les conditions de forme de la demande de révision sont respectées.
- S'en remettre à la cour sur le fond.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 mai 2018
***
Sur ce,
Sur la recevabilité du recours en révision
Il relève des éléments de dossier que les conditions posées par les articles 594, 597, 598, et 600 du code de procédure civile sont réunies. Seules font débat les conditions de l'article 595 du même code qui dispose: «Le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes :
1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ;
2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie ;
3. S'il a été jugé sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses depuis le jugement;
4. S'il a été jugé sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux depuis le jugement.
Dans tous ces cas, le recours n'est recevable que si son auteur n'a pu, sans faute de sa part, faire valoir la cause qu'il invoque avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.»
En l'espèce, il est reproché aux défendeurs d'avoir eu connaissance de la procédure d'expropriation et de ne pas en avoir informé la juridiction statuant sur le partage judiciaire de la succession. Si tel était le cas, l'arrêt ayant ordonné le partage de la succession et l'attribution préférentielle du bien exproprié aurait été obtenu dans les conditions décrites au 2 de l'article 595 du code de procédure civile.
En effet, dans cette hypothèse, l'élément dissimulé par les parties aurait conduit le juge à ne pas ordonner l'attribution préférentielle du bien exproprié.
Si la demanderesse estime que les défendeurs ne pouvaient ignorer l'existence de la procédure d'expropriation, ces derniers s'en défendent arguant que la procédure n'était pas dirigée contre eux et qu'ils n'en ont eu connaissance que postérieurement à l'ordonnance de clôture de l'arrêt ayant ordonné la liquidation et le partage de la succession. Ils n'étaient par conséquent pas obligés de communiquer les informations litigieuses.
Faute de démontrer que l'ordonnance d'expropriation a été signifiée aux défendeurs, l'argumentation de la demanderesse repose sur le fait que les défendeurs ont vraisemblablement négocié avec l'expropriant le montant des indemnités d'expropriation, d'éviction et de remploi à une date antérieure à la mise à disposition de l'arrêt ordonnant le partage.
Certes, il est vraisemblable que l'administration ait cherché à négocier avec les expropriés rapidement après la délivrance de l'ordonnance d'expropriation et antérieurement à la clôture de l'instruction devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, cependant, aucune pièce fournie par la demanderesse ne permet d'établir avec certitude que les défendeurs avaient connaissance de la procédure d'expropriation antérieurement à la clôture de l'instruction. Elle échoue donc à en rapporter la preuve.
Si l'information dont le juge a été privé aurait été sans conteste déterminante, il n'est pas démontré que les parties aient eu connaissance et volontairement dissimulé l'information litigieuse.
Par conséquent le recours en révision sera considéré comme irrecevable. Il n'y aura donc pas lieu de statuer sur le fond.
Sur les demandes accessoires:
Madame C... X..., succombant en sa demande sera condamnée à verser aux défendeurs la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Dit que Madame C... X... est irrecevable en son recours en révision.
La condamne à verser aux défendeurs la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande, fin ou prétention.
La condamne aux entiers dépens.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
Emilie DEVARS, Vice-Présidente placée