COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 11 SEPTEMBRE 2018
A.V
N° 2018/
Rôle N° RG 16/18077
Frédéric Gérard R... Y...
Marie Pierre S... X... épouse Y...
C/
Xavier Z...
A...
SCP T... - U... - B...
Grosse délivrée
le :
à :Me C...
Me D...
Me E...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 12 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 13/02874.
APPELANTS
Monsieur Frédéric Gérard R... Y...
né le [...] à TOULOUSE (31000)
de nationalité Française, demeurant [...]
représenté par Me Julie C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté par Me Audrey F..., avocat au barreau d'AVIGNON, plaidant et Me Valery G..., avocat au barreau d'AVIGNON, plaidant
Madame Marie Pierre S... X... épouse Y...
née le [...] à TOULOUSE (31000)
de nationalité Française, demeurant [...]
représentée par Me Julie C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Audrey F..., avocat au barreau d'AVIGNON, plaidant et Me Valery G..., avocat au barreau d'AVIGNON, plaidant
INTIMES
Maître Xavier Z...
,demeurant [...]
représenté par Me Paul D... de la H... , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté par par Me Thierry I... de la J... , avocat au barreau de PARIS, plaidant
A... , demeurant [...]
représentée par Me Paul D... de la H... , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assistée par Me Thierry I... de la J... , avocat au barreau de PARIS,plaidant ,
SCP T... - U... - B...,
dont le siège social est [...]
représentée par Me Philippe E... de la K... , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée par Me Nicolas L..., avocat au barreau de TOULOUSE substitué par Me Talissa M..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame N..., Président a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Anne N..., Présidente
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Madame Danielle DEMONT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2018.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Septembre 2018,
Signé par Madame Anne N..., Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Suivant acte en date du 29 mars 2013, M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y..., acquéreurs de lots de copropriété dans un ensemble immobilier dénommé V... à [...], dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nice Me Xavier Z... et la SCP W... , notaires à Nice (06), rédacteurs de l'acte, ainsi que la O... , notaires à Toulouse (31), en qualité de rédacteurs de la procuration, pour les voir dire responsables, à raison des manquements à leur devoir de conseil et d'efficacité, des préjudices résultant du fait que les immeubles n'ont pas été achevés, la SARL FINANCIERE BARBATRE, venderesse, n'ayant jamais fini les travaux et ayant été mise en liquidation judiciaire le 1er avril 2008.
Par jugement contradictoire en date du 12 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Nice a :
- jugé que Me Xavier Z... n'a commis, lors de la rédaction de l'acte de vente en VEFA relatif à l'acquisition par le demandeur d'un ou plusieurs lots dans l'ensemble immobilier dénommé V... à [...], aucune faute de nature à engager sa responsabilité ni celle de la SCP DOMENGE-PUJOL- THURET-ALPINI-BUCCERZ... -Q... dont il est un associé,
- jugé que la O... n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en qualité de rédacteur de la procuration du 26 octobre 2004,
- débouté M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre de Me Xavier Z... et de la SCP DOMENGE-PUJOL- THURET-ALPINI-BUCCERZ... -Q... , titulaire d'un office notarial à Nice, et de la O... ,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... aux dépens.
Il a retenu que le choix entre la garantie extrinsèque et la garantie intrinsèque d'achèvement appartient au seul promoteur vendeur, sans que le notaire puisse s'immiscer dans sa décision, son rôle consistant à vérifier que les conditions de la garantie intrinsèque choisie sont bien remplies, ce qui était le cas en l'espèce, au regard de l'absence d'inscription de privilège ou d'hypothèque sur les biens et droits vendus et de l'attestation de l'architecte, le cabinet 2AD Ingenierie, attestant que le bâtiment vendu était hors d'eau, le notaire ne pouvant supposer que la garantie fournie ne serait pas utilement mise en oeuvre et n'ayant pas à se déplacer sur les lieux pour vérifier personnellement l'état d'avancement des travaux. Il a ajouté que l'acquéreur avait été averti de la teneur des garanties souscrites au paragraphe Garantie d'achèvement inséré dans l'acte et que le calendrier des futures échéances de paiement était conforme aux dispositions légales et réglementaires.
M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... ont interjeté appel total de cette décision suivant déclaration en date du 7 octobre 2016.
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M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y..., suivant conclusions récapitulatives notifiées le 7 mai 2018, demandent à la cour de :
- déclarer l'appel recevable et bien fondé,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice,
- dire que la O... , Me Xavier Z... et la SCP W... ont commis une faute grave dans le cadre de leurs obligations de conseil et d'efficacité et qu'ils ont engagé leur responsabilité,
- condamner solidairement la O... , Me Xavier Z... et la SCP W... à payer à M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices matériels et financiers,
- les condamner solidairement à payer à M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... la somme de 30000 euros au titre du préjudice moral,
- les condamner solidairement à payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
Ils rappellent que le projet consistait en la transformation d'un bâtiment existant en résidence hôtelière dont l'exploitation serait confiée à la SA Résidence des Ducs de Chevreuse, la livraison étant prévue pour le 4ème trimestre 2004 et l'appartement devant être mis en location en exécution d'un contrat de bail commercial ; qu'ils se sont lourdement endettés pour faire cette acquisition ; que l'immeuble n'a pas été livré tel que prévu, mais qu'ils ont dû libérer 100% du prix au regard des attestations délivrées par le cabinet 2AD Ingenierie qui ne correspondaient pas à l'état réel d'avancement des travaux et que les travaux n'ont jamais été achevés, la SARL FINANCIERE BARBATRE ayant été placée en liquidation judiciaire le 1er avril 2008, de sorte que le chantier s'est trouvé à l'abandon.
Ils soutiennent les moyens et arguments suivants :
* l'immeuble devait subir une rénovation lourde, de sorte que le régime le mieux adapté était la vente en état futur de rénovation, mais que le notaire a choisi celui de la vente en l'état futur d'achèvement ;
* l'acte comporte une garantie intrinsèque d'achèvement, mais celle-ci n'est d'aucune utilité et le préjudice ne se serait pas réalisé si le notaire avait choisi la garantie extrinsèque, alors qu'il était recommandé aux notaires, à la date de la vente, d'exiger des professionnels une garantie extrinsèque ;
* l'acheteur doit reconnaître, dans l'acte, avoir été averti de la teneur des garanties souscrites; en tout état de cause, le notaire doit à tout le moins attirer l'attention de l'acquéreur de manière formelle, de manière complète et circonstanciée, sur le risque de non-achèvement pouvant résulter de la garantie intrinsèque et à défaut fait perdre à celui-ci une chance de renoncer à son acquisition ;
* le notaire a accepté des attestations qui doivent être considérées comme non satisfaisantes, provenant d'un soi-disant architecte (l'attestation du 16 juin 2003 étant rédigée par M. P... qui n'est pas architecte), sommaires et non étayées, alors qu'en réalité les travaux n'étaient pas avancés comme prévu ;
* le notaire n'a pas vérifié la concordance des documents justificatifs, outre qu'il n'a pas pris la précaution de vérifier lui-même ou de mandater un sachant pour faire une vérification effective; en effet, dans les annexes à l'acte figurent, outre l'attestation de mise hors d'eau datée du 16 juin 2003, une déclaration de travaux comprenant la réfection totale de la toiture, ce qui aurait dû éveiller les soupçons du notaire ; le notaire était également informé que la toiture d'angle devait être reprise ; le contrat de réservation fait état d'une rénovation lourde, ce qui aurait dû alerter le notaire ;
* le notaire doit vérifier que la garantie intrinsèque pourra utilement être mise en oeuvre, or les éléments qui lui étaient fournis démontraient que cette garantie n'existait pas.
Ils ajoutent que le notaire rédacteur de l'ensemble des actes de vente connaissait le projet dans son ensemble, qu'il savait que l'immeuble n'était pas dans son intégralité hors d'eau et que, si une toiture existait en 2003, une rénovation lourde devait être entreprise, les toitures de l'ensemble immobilier devant être rénovées ; que la Cour de cassation n'a pas opéré de revirement en janvier 2017 mais reconnu l'appréciation souveraine des juges du fond qui dépend des éléments de la cause ; qu'un arrêt de la cour d'appel de Paris de 2016 conclut à la responsabilité des notaires en soulignant notamment la discordance entre l'attestation hors d'eau du 16 juin 2003 et la déclaration d'ouverture de chantier du 28 août 2003 dont le notaire avait connaissance et en considérant que l'état de l'existant avant travaux ne pouvait équivaloir au stade 'hors d'eau' des travaux de rénovation ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a statué dans le même sens.
Ils réclament l'indemnisation de leur préjudice en indiquant qu'ils subissent une perte de chance de renoncer à l'acquisition par crainte de voir l'immeuble inachevé ; que le préjudice matériel et financier est considérable et qu'il s'y ajoute un préjudice moral en raison des contrariétés de tous ordres subies.
Me Xavier Z... et la SCP W... , en l'état de leurs dernières conclusions notifiées le 28 mai 2018, demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nice,
- dire M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... tant irrecevables que mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre des notaires concluants,
- les en débouter purement et simplement,
- les condamner au paiement de la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Ils font valoir l'argumentation suivante :
- sur la faute :
* il ne peut être reproché au notaire de n'avoir pas soumis la vente au régime de la vente à rénover qui relève des dispositions de la loi du 13 juillet 2006, postérieure à l'acte en cause,
* le choix de la garantie extrinsèque ou intrinsèque relève du vendeur et non du notaire, sachant que la garantie extrinsèque a un coût important qui est répercuté sur l'acquéreur et que la loi a prévu les deux formes de garantie, le notaire devant seulement vérifier que les conditions d'application de l'une ou de l'autre sont remplies, sans qu'il lui soit fait obligation de mentionner dans l'acte que l'acquéreur reconnaît être averti de la teneur desdites garanties, obligation attachée à la seule garantie prévue par l'article R 261-18 b,
* Me Xavier Z... s'est fondé sur l'attestation du cabinet 2AD Ingenierie indiquant que l'immeuble était hors d'eau et n'était pas tenu de procéder à une vérification sur place, tant pour des raisons d'ordre technique que pour des raisons d'ordre juridique, les attestations étant faites par un homme de l'art sous sa responsabilité,
* les attestations fournies émanaient de l'architecte de l'opération (M. P... étant également architecte) et ont été adressées au notaire dans le seul but de procéder au déblocage progressif des fonds selon le tableau prévu par l'article R 261-14 du code de la construction et de l'habitation,
* depuis l'arrêt du 11 mars 2014 invoqué par l'appelant retenant que le notaire aurait dû avoir des soupçons sur l'attestation d'état hors d'eau de l'immeuble en raison de la discordance des documents, la Cour de cassation est revenue sur sa position, dans un arrêt du 25 janvier 2017, en retenant qu'il n'était pas anormal que les bâtiments qui étaient dotés de leur toiture aient été déclarés hors d'eau et qu'il n'existait pas d'élément discordant susceptible de faire naître un soupçon dans l'esprit du notaire, notamment au regard de la déclaration des travaux et du contrat de réservation,
* le permis de construire et la note de présentation du programme ne font pas état d'une rénovation de la toiture des bâtiments, sauf pour le bâtiment H,
* le notaire n'a jamais prétendu que l'attestation correspondait à un stade d'achèvement des travaux, ceux-ci n'ayant pas commencé, mais à l'état de l'existant avant rénovation, et la cour ne peut raisonner comme s'il s'agissait d'une VEFA classique en se fondant sur un stade d'avancement des travaux,
* la garantie intrinsèque est inhérente au programme et la condition que l'ensemble soit hors d'eau permet de garantir que la commercialisation des biens servira uniquement au financement des travaux de second oeuvre ; en outre l'autofinancement du programme était d'autant plus assuré que 95% des lots étaient vendus ;
- sur le préjudice :
* la restitution du prix de vente ne peut incomber au notaire,
* les investisseurs ont perçu des loyers, ont récupéré la TVA et défiscalisé et conservent les biens immobiliers.
La O... , aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 mars 2017, demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nice,
- débouter en conséquence M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... de leurs demandes dirigées contre la O... en ce que les éléments constitutifs de la responsabilité civile professionnelle de la société notariale concluante ne sont pas réunis,
- lescondamner solidiairement à lui payer la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que Me B... a seulement été requis pour authentifier la procuration consentie par les époux Y... et qu'il avait juste à assurer la pleine et entière sécurité juridique de cet acte, ce qui a été fait, la procuration ne souffrant aucune espèce de critique. Elle ajoute que le jugement a parfaitement retenu qu'au jour de la vente le régime de la VEFA proposait le choix d'une garantie et que les vérifications de ce que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies avaient été faites, aucun manquement ne pouvant être reproché au notaire au titre de l'obligation d'information et de conseil. Elle indique que l'attestation d'état hors d'eau de l'immeuble émanait d'une société ayant pour objet social les études, l'ingénierie et la maîtrise d'oeuvre en matière immobilière et que la vérification de la cohérence documentaire ne peut être opposée à la O... qui ne disposait d'aucun élément de nature à laisser penser que le stade d'avancement des travaux annoncé ne correspondait pas à la réalité.
Elle conteste tout préjudice en lien de causalité, soulignant que le lot 70 acquis par M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... était situé dans le bâtiment G qui était effectivement clos et couvert et que les appelants ne justifient pas avoir payé la totalité du prix, qu'ils n'ont pas exercé d'action en résolution et qu'en tout état de cause le notaire n'a pas perçu le prix, ce qui les prive de la possibilité de réclamer une indemnité à hauteur du prix d'acquisition. Elle ajoute que les appelants ne peuvent non plus demander l'indemnisation d'une perte de loyers alors que, précisément, si la vente n'avait pas été instrumentée, ils n'auraient pu prétendre à aucun loyer.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 29 mai 2018.
MOTIFS DE LA DECISION :
Attendu qu'il est constant que M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y..., représentés à l'acte en vertu d'une procuration reçue par Me B..., ont fait l'acquisition, suivant acte authentique reçu le 16 novembre 2004 par Me Xavier Z..., notaire à Nice (06), dans le cadre d'une vente en l'état futur d'achèvement, du lot de copropriété suivant dans un ensemble immobilier sis lieudit 'V...' à Grisy Suisnes (Seine et Marne) vendu par la Sarl Financière BARBATRE :
- lot 70 consistant dans un appartement duplex de 43,49 m² au 1er étage du bâtiment G moyennant le prix de 242996 euros TTC ;
Que la Sarl Financière BARBATRE avait pour projet de transformer les communs et dépendances d'un château du XVI ème siècle (lui-même en cours de rénovation et de transformation en appartements) en 84 appartements destinés à la location en meublé dans le cadre d'un contrat de bail commercial passé par les acquéreurs avec la SA Résidence des Ducs de Chevreuse ;
Que les acquéreurs avaient préalablement à l'acte authentique signé un contrat de réservation indiquant que les bâtiments devaient être transformés en immeuble à usage de résidence hôtelière à la suite de la réalisation de travaux de rénovation lourde ayant fait l'objet d'un permis de construire et consistant en : niveaux, cloisonnements, façades, aménagements intérieurs, conformément à une notice descriptive ;
Que l'acte authentique de vente indique que :
- compte tenu de l'état d'avancement des travaux 'hors d'eau', la partie exigible du prix est de 60%, le solde devant être payé selon l'échelonnement suivant : 20% à la mise hors d'air, 10% aux travaux de carrelage, 5% à l'achèvement des travaux de rénovation et 5% à la mise à disposition des locaux,
- le délai de livraison des locaux est prévu pour le 4ème trimestre 2004, soit au plus tard le 31 décembre 2004, sauf survenance d'un cas de force majeure,
- le vendeur constitue une garantie d'achèvement intrinsèque au sens des articles L 261-11 d) et R 261-18a) du code de la construction et de l'habitation en l'état d'une attestation délivrée par le cabinet 2AD Ingenierie le 16 juin 2003 attestant de l'état hors d'eau de l'immeuble et de l'absence d'inscription de privilège ou d'hypothèque sur l'immeuble ;
Attendu que les locaux n'ont pas été livrés par la Sarl Financière BARBATRE qui a fait l'objet d'une procèdure de redressement judiciaire puis d'un jugement de liquidation judiciaire le 1er avril 2008 ;
Que les acquéreurs produisent un constat d'huissier en date du 8 septembre 2011 dont il ressort que le chantier est à l'abandon, que les travaux ne sont pas achevés et que l'ensemble est fortement dégradé en raison de l'humidité et des eaux de pluie qui se déversent dans les bâtiments, certains étant privés de toiture et de fenêtres ;
Qu'ils considèrent qu'ils n'ont pu bénéficier de la garantie d'achèvement en raison de sa totale inefficacité et mettent en cause la responsabilité des notaires intervenus dans la rédaction des actes et des procurations ;
Attendu que c'est en vain que les acquéreurs prétendent que Me Xavier Z... aurait commis une faute en choisissant de soumettre la vente au régime de la vente en l'état futur d'achèvement au motif que celui-ci ne serait pas adapté à la vente d'un immeuble objet d'une rénovation lourde ; qu'en effet, les contrats de vente sont antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n°2006-872 dite 'Engagement National pour le Logement' du 13 juillet 2006 qui a créé le régime spécifique de la vente d'immeuble à rénover dont le décret d'application n'est intervenu que le 16 décembre 2008; qu'à la date des actes de vente passés par Me Xavier Z..., seul le régime de la vente en l'état futur d'achèvement était protecteur des intérêts des acquéreurs, même s'il n'était pas précisément adapté aux particularités de la vente avec rénovation lourde ;
Que c'est également vainement que les acquéreurs font le reproche au notaire d'avoir 'choisi' la garantie intrinsèque, alors que la garantie extrinsèque serait plus protectrice des intérêts de l'acheteur ; qu'en effet, le tribunal a justement rappelé que le choix entre ces deux garanties relève du seul promoteur vendeur, sans que le notaire rédacteur puisse s'immiscer dans un tel choix ; que la garantie intrinsèque est une option ouverte par la loi au vendeur et que, si elle ne présente pas la même sûreté que la garantie extrinsèque, elle n'en est pas moins licite ; qu'il incombe seulement au notaire, dans le cadre de cette option, de vérifier que les conditions légales et réglementaires de cette garantie sont remplies pour que celle-ci soit utile et efficace;
Attendu que les acquéreurs font ensuite grief au notaire de ne pas avoir rempli son devoir de conseil et d'information en ne les informant pas de la teneur de la garantie intrinsèque et de ses risques et en n'insérant pas dans l'acte une mention établissant que l'acheteur reconnaît avoir été averti de la teneur des garanties souscrites ; mais que si l'article R 261-20 du code de la construction et de l'habitation prévoit expressément que le contrat de vente doit préciser 'que l'acheteur reconnaît être averti de la teneur desdites garanties', ces dispositions ne sont applicables que pour la garantie prévue par l'article R 261-18 b) ; qu'en l'espèce, la garantie intrinsèque répondait au a) de l'article R 261-18 dans sa rédaction applicable au litige, à savoir la situation d'un immeuble mis hors d'eau et non grevé de privilège ou hypothèque, et non au b) correspondant à la situation d'un immeuble dont les fondations sont achevées et dont le financement répond à des conditions impératives ;
Attendu que les acquéreurs reprochent pour l'essentiel au notaire d'avoir manqué à son obligation d'efficacité de l'acte en ayant inscrit dans l'acte une garantie privée de tout effet ; qu'ils fondent leurs reproches sur deux points : d'une part, l'absence de vérification de l'attestation du 16 juin 2003 délivrée par le cabinet 2AD Ingénierie, d'autre part la prise en compte d'un état hors d'eau permettant un déblocage des fonds à 70% alors que les travaux n'avaient pas encore commencé ;
Attendu qu'il doit être retenu que le notaire a une obligation d'investigation qui relève de son obligation d'efficacité et s'inscrit dans la logique de sécurité juridique des actes qu'il reçoit et que sa responsabilité est engagée s'il n'a pas usé de la possibilité d'empêcher que l'acte qu'il instrumente ne soit privé d'effet ; qu'il n'a pas à se déplacer sur les lieux pour vérifier la situation matérielle de l'immeuble mais qu'il doit procéder à des vérifications complémentaires lorsqu'il a des raisons de mettre en doute, en raison de circonstances objectives, les déclarations faites par les parties ou des sachants dans l'acte authentique ; qu'il en est ainsi lorsque ces déclarations sont en contradiction avec les documents dont il dispose, le notaire étant en effet tenu de procéder à une vérification documentaire au vu des pièces annexées à l'acte ; qu'il convient donc de rechercher s'il existait des éléments objectifs, parmi les pièces dont Me Xavier Z... disposait lors de la rédaction des actes de vente, qui auraient dû l'amener à mettre en doute l'attestation du 16 juin 2003 sur l'état hors d'eau de l'immeuble ;
Qu'il importe peu que cette attestation ait été signée par la SAS 2AD Ingenirie, et non par le cabinet 2AD Architecture, dès lors qu'il apparait que cette société, ayant le même siège social que le cabinet d'architecture 2AD Architecture, avait une activité de maître d'oeuvre et architecte et que la constatation de l'état d'avancement des travaux a donc été certifiée par un homme de l'art;
Que l'attestation n'avait pas à être plus précise ou plus circonstanciée ;
Que, certes, il pouvait apparaître une contradiction entre cette attestation du 16 juin 2003 et la déclaration d'ouverture du chantier du 28 août 2003 en ce qu'à la date de sa délivrance, les travaux de rénovation n'avaient pas encore commencé ; mais qu'il n'était pas nécessairement exclu qu'un bâtiment existant, objet d'une opération de rénovation, puisse faire l'objet d'une situation 'hors d'eau' avant l'ouverture du chantier, dès lors que les travaux de rénovation en question ne portaient pas sur la toiture existante ; que la seule antériorité de l'attestation de 'mise hors d'eau' à la déclaration d'ouverture du chantier n'était ni juridiquement exclue ni matériellement suspecte et ne constituait pas, en soi, un indice suffisant pour éveiller chez le notaire des soupçons sur la véracité de l'attestation délivrée par un homme de l'art ;
Que le notaire disposait à son dossier du permis de construire en date du 25 octobre 2001 lequel ne faisait aucun état de travaux de toiture et que la note de présentation du permis indiquait :
'Il n'est prévu aucune extension des bâtiments existants actuellement sur le site. L'ensemble du programme s'intègre dans les volumes des bâtiments existants et conservés. Les façades sont l'objet d'adaptation ou de créations d'ouvertures nécessaires à l'éclairement des locaux aménagés dans ces volumes. Les deux seules adaptations des volumes existants concernent la reprise de la toiture d'angle des bâtiments A et G pour créer un raccordement harmonieux des deux volumes de toitures et habiller des pignons existants. La reprise sur le bâtiment H en toiture à 4 pentes de 35° en place de la toiture à 2 pentes et pignons de 20% existant pour permettre sa couverture en tuile plate à petit moule.',
de sorte qu'il apparaît que le remplacement des toitures n'était pas prévu, sauf pour le bâtiment H qui n'est pas concerné par la demande, la seule reprise de l'angle de la toiture des bâtiments A et G sur un plan purement esthétique n'altérant pas leur état 'hors d'eau' ;
Que le contrat de réservation faisait état des travaux de rénovation suivants : 'niveaux, cloisonnements, façades, aménagements intérieurs', à l'exclusion de travaux de toiture et que la mention selon laquelle le réservant entend se réserver la possibilité d'apporter des compléments et modifications à la consistance de l'immeuble et aux caractéristiques des travaux à effectuer ne permet pas de considérer que des travaux aussi conséquents que la reprise des toitures pouvaient être envisagés ;
Que les photos des bâtiments de l'ensemble V... figurant sur la plaquette commerciale de la Sarl Financière BARBATRE présentant l'existant avant travaux font apparaître que ceux-ci sont munis d'une toiture dont rien ne permet de supposer qu'elle devrait faire l'objet d'une réfection et que les constatations, très sommaires, faites par l'huissier en 2011, soit plus de huit années après l'attestation, sur un chantier à l'abandon, ne permettent pas de remettre en cause l'existence des toitures sur le bâtiment concerné par la présente vente ;
Que dès lors, il n'existait pas d'éléments contradictoires ou discordants justifiant que le notaire ait quelque soupçon sur la véracité de l'attestation du 16 juin 2003 et sur la réalité du caractère 'hors d'eau' des bâtiments dans lesquels les lots étaient vendus ; qu'en insérant dans son acte une clause de garantie intrinsèque pour laquelle il disposait d'une attestation de 'mise hors d'eau' et d'un certificat des hypothèques attestant de l'absence de privilège, hypothèque ou gage sur l'immeuble, conditions posées par l'article R 261-18 a) et en mettant en place un échéancier de paiements correspondant aux prévisions de l'article R 261-14 du code de la construction et de l'habitation, le notaire, qui ne pouvait soupçonner que cette garantie serait inefficace, n'a commis aucune faute;
Que le jugement qui a débouté les demandeurs de toutes leurs prétentions contre Me Xavier Z... et la SCP DOMENGE-PUJOL- THURET-ALPINI-BUCCERZ... -Q... sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu qu'aucune faute ne peut être retenue contre le notaire ayant reçu la procuration, celui-ci n'ayant en aucune façon participé au montage juridique de l'opération immobilière et ne pouvant en tout état de cause être tenu des conséquences de l'inefficacité de la garantie intrinsèque donnée par le vendeur alors que le notaire rédacteur est mis hors de cause ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement
et en dernier ressort,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nice déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne M. Frédéric Y... et Mme Marie X... épouse Y... in solidum à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, les sommes suivantes:
- à Me Xavier Z... et la SCP DOMENGE-PUJOL- THURET-ALPINI-BUCCERZ... -Q... ensemble une somme de 1 000 euros,
- à la O... une somme de 1 000 euros ;
Les condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT