COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2018
A.D
N° 2018/
Rôle N° RG 16/23384 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7ZIH
Véronique X...
StéphaneY...
C/
Catherine Z...
Grosse délivrée
le :
à :
Me E...
Me Paul A...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 13 Novembre 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/07689.
APPELANTS
Madame Véronique X...
née le [...] à METZ
de nationalité Française,
demeurant [...]
représentée par Me E... de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Monsieur StéphaneY...
né le [...] à SAINT RAPHAEL (83700)
de nationalité Française,
demeurant [...]
représenté par Me E... de la SELAS CABINET POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
INTIME
Maître Catherine Z...,
notaire,
demeurant [...]
représenté par Me Paul A... de la B... , avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Assisté par Me François C... de la D... , avocat au barreau de DRAGUIGNAN, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 11 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame DAMPFHOFFER, Conseiller a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Madame Anne VIDAL, Présidente
Madame Anne DAMPFHOFFER, Conseiller
Madame Laetitia VIGNON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Patricia POGGI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2018.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2018,
Signé par Madame Anne VIDAL, Présidente et Madame Patricia POGGI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE :
Mme X... et M. Y... ont acheté, aux termes d'un acte authentique dressé par Me Z... le 13 décembre 2010, au prix de 110 000€, un terrain sur lequel il avait été préalablement obtenu, par le vendeur le 19 août 2009, un permis de construire, transféré à l'acheteur le 10 septembre 2010.
M. Y... avait par ailleurs formulé une demande pour un nouveau permis de construire, ainsi que, le 15 septembre 2010, une demande d'annulation du permis accordé au vendeur. La mairie a alors pris, le 16 novembre 2010, une décision d'annulation du permis de construire du 19 août 2009 et a accordé à M Y... le permis de construire qu'il avait sollicité. Cependant, à la date du 9 février 2011, la même commune a décidé du retrait dudit permis aux motifs que le terrain d'assiette était situé à 70 m de la rivière et que le projet de construction était soumis à un risque de nature à mettre en danger la sécurité des occupants.
M. Y... et Mme X... ont alors diligenté une procédure contre leur vendeur sur le fondement des vices du consentement et ont obtenu l'annulation de la vente ainsi que la restitution du prix par les vendeurs, outre diverses autres sommes, la cour amenée à statuer dans le cadre de ce litige considérant que les acheteurs voulaient acquérir un terrain à bâtir et que l'annulation du permis de construire avait eu pour effet d'interdire toute construction, le permis initialement accordé se voyant privé de toute conséquence pouvant bénéficier à son attributaire de sorte qu'il y avait eu erreur sur la substance de la chose vendue.
Faisant valoir que le permis qui leur avait été accordé le 16 novembre 2010 leur avait donc été retiré par décision de la mairie du 9 février 2011 au vu du risque d'inondation des lieux, M. Y... et Mme X... ont fait assigner le notaire en responsabilité en demandant sa condamnation à leur payer la somme de 110'000 € équivalant au prix du bien immobilier, la somme de 26'221,03 euros suite à la condamnation dont ils ont fait l'objet par la cour d'appel d'Aix-en-Provence, le montant des loyers qu'ils ont dû acquitter en même temps que le remboursement de leurs prêts, le montant des intérêts versés sur leurs prêts ainsi que diverses autres sommes correspondant aux frais engagés pour leur opération.
Par jugement contradictoire du 13 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Draguignan a rejeté la demande de sursis à statuer de Me Z..., a débouté Mme X... et M. Y... de leur action en responsabilité et de toute demande en paiement et les a condamnés à verser à Me Z... la somme de 1500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens, rejetant la demande d'exécution provisoire.
Par déclaration du 30 décembre 2016, M. Y... et Mme X... ont relevé appel de cette décision.
Ils ont conclu le 9 mai 2018 en demandant à la cour de :
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner Me Z... à leur payer la somme de 110'000 € correspondant au prix du bien vendu, et les sommes de 7101,79 euros, 16'119,24 euros et 3000 euros mises à la charge des vendeurs par l'arrêt de la cour du 12 juin 2014,
- condamner Me Z... à leur payer la somme de 10'000 € au titre des frais de justice dont ils ont dû faire l'avance dans le contentieux les opposant au vendeur, la somme de 77'819 € au titre de la perte des loyers qu'ils ont dû régler entre décembre 2011 et février 2018 concomitamment au paiement du prêt du Crédit Agricole, la somme de 1100 € mensuelle à titre d'indemnisation du nouveau loyer depuis juin 2018 jusqu'à l'obtention du versement des sommes, la somme de 33'264 € au titre du coût du crédit immobilier réglé depuis le mois de décembre 2010 jusqu'en janvier 2018, à parfaire au jour du jugement, la somme mensuelle de 172€ au titre de l'assurance du crédit à compter de décembre 2010 à décembre 2014 de 8256 € (sic), la somme mensuelle de 88 € de janvier 2015 à février 2018, soit 3256 €, la somme de 729 € au titre de l'amortissement du crédit in fine passé avec le Crédit Agricole à la suite de la procédure engagée et jusqu'à l'obtention des versements des sommes,
- condamner Me Z... à leur payer les sommes suivantes : 1500 € au titre du branchement au tout-à-l'égout, 1910,14€ au titre de l'acompte payé pour la cuisine, 1509,10 euros au titre du raccordement d'eau potable,
- condamner Me Z... à leur payer la somme de 26'165,88 euros au titre des frais engagés par la société PCA maisons et réclamée dans son assignation du 29 mars 2013 avec intérêts au taux contractuel de 12 % par an depuis le 18 janvier 2011 jusqu'à parfait paiement et capitalisation annuelle de ses intérêts, 50'000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive réclamée par la société PCA maisons, et la somme de 5000 € réclamée par cette même société par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Me Z... à leur payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris la contribution de 225 €.
Me Z... a pour sa part conclu, le 17 mars 2017, en demandant à la cour de :
- confirmer le jugement,
- dire que le notaire n'a pas commis de faute et rejeter les demandes des appelants,
- les condamner au paiement de la somme de 3000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mai 2018.
Motifs
Attendu que la recevabilité de l'appel n'est pas contestée ; que rien au dossier ne conduit la cour à le faire d'office.
Attendu que l'appel sera donc déclaré recevable.
Attendu qu' au soutien de leurs recours tendant à voir engager la responsabilité du notaire au titre de la violation de son obligation de conseil, les appelants exposent essentiellement que le notaire n'a pas pour seule mission de donner à la convention son caractère d'authenticité, mais qu'il doit également conseiller les parties, veiller à la validité et à l'efficacité des actes qu'il établit ; qu'à ce titre, lorsqu'il intervient sur la vente d'un terrain à construire, il doit se renseigner sur la possibilité de construire et mettre l'acheteur en garde sur les conséquences d'un éventuel refus d'autorisation de construire ; qu'en l'espèce, le notaire savait qu'il authentifiait un acte avant que le permis de construire ne soit purgé de tout recours et qu'il aurait dû insérer une clause résolutoire à l'acte pour le cas où l'autorisation administrative ainsi délivrée serait annulée.
Attendu que le notaire souligne notamment que les acheteurs avaient obtenu le transfert du permis de construire demandé par le vendeur, le 10 septembre 2010, et que ce permis définitif ne pouvait leur être retiré ; que c'est à leur initiative qu'une nouvelle demande de permis a été formulée et qu'ils ont donc sciemment pris le risque de remettre en cause l'autorisation de construire en se plaçant en dehors du champ contractuel du compromis; qu'il a dûment avisé les acheteurs, aux termes de mentions précises insérées à son acte, des risques d'annulation et de retrait du permis de construire et que ceux-ci l'ont cependant requis de passer l'acte.
Attendu que l'acte de vente dressée par Me Z... mentionne en ses pages 3 et 4 :
« Il est ici précisé par les vendeurs qu'ils ont sollicité et obtenu de la mairie de Taradeau un permis de construire délivré sous le numéro PC 0 83 134 09 K 00 13 en date du 19 août 2009, dont une copie demeurera ci annexée après mention.
M. Y... ... a sollicité et obtenu le transfert à son nom dudit permis en date du 10 septembre 2010. Copie dudit transfert de permis demeurera ci-annexé après mention.
M. Y... Stéphane a également sollicité et obtenu de la mairie ... un permis de construire sous le numéro PC 0 83 134 10 K 00 19 en date du 16 novembre 2010 dont une copie demeurera ci-annexée après mention.
Le notaire soussigné a spécialement attiré l'attention des acquéreurs sur le fait que le délai de recours des tiers n'est à ce jour pas expiré. Les acquéreurs reconnaissent en être parfaitement informés, vouloir en faire leur affaire personnelle et requièrent le notaire soussigné de procéder à la signature de l'acte le déchargeant en outre de toute responsabilité à cet égard.
L'acquéreur reconnaît que le notaire soussigné lui a donné connaissance d'un arrêt du Conseil d'État rendu le 6 octobre 2001, dit arrêt Ternon.
Pendant un délai de quatre mois, l'autorisation, en l'occurrence le permis de construire sus visé peut faire l'objet d'un retrait par l'administration l'ayant délivré alors même que le délai de recours des tiers serait expiré (deux mois et 15 jours : article L600 -3 du code de l'urbanisme).
L'acquéreur déclare persister dans son intention de passer la vente sans attendre l'expiration du délai de quatre mois, à ses seuls risques et périls et requiert le notaire de recevoir le présent acte.
L'acquéreur fera en conséquence son affaire personnelle de tout recours qui pourrait être intenté à son encontre, de tout retrait, et de manière générale de tous problèmes relatifs audit permis, le tout sans recours contre le vendeur et le notaire soussigné pour quelque cause que ce soit. »
Attendu que l'acte rappelait ainsi, précisément et dans des termes parfaitement clairs et documentés, le délai de recours pendant lequel l'autorisation administrative de construire que les acquéreurs avaient obtenue était susceptible de faire l'objet d'un retrait par l'administration, ceux-ci déclarant persister dans leur intention de passer la vente nonobstant ce délai et admettant de faire leur affaire personnelle de tout recours ou retrait et encore de tout problème relatif au permis.
Qu'il y était également joint une fiche explicite sur le risque d'inondation, la carte de la commune établissant les zones à risques, et qu'il était en outre donné connaissance à l'acheteur de l'arrêté préfectoral tout récent, du 8 septembre 2010, prescrivant l'élaboration d'un nouveau plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation.
Attendu que les acheteurs reconnaissaient d'ailleurs,en page 15 de l'acte, avoir reçu cette information , déclaraient connaître cette situation et s'interdire tout recours contre le vendeur, la copie dudit arrêté étant notée comme annexée après mention;
Attendu que dans ces conditions, il ne peut être reproché au notaire de ne pas avoir refusé d'établir l'acte tant que les délais de recours sur le permis de construire n'étaient pas expirés alors qu'en dehors de cas limités, notamment lorsque l'acte est contraire à la loi, le notaire ne peut refuser son concours pour dresser un acte lorsqu'il en est requis ;
Qu'il en est de même, vu les avertissements pertinents et sans équivoque qui ont été donnés aux acheteurs et vu leur demande, en dépit de cette information, de passer outre le délai de retrait de 4 mois, en ce qui concerne le grief tiré de ce que le notaire aurait dû attendre quelques semaines ainsi que le reproche tenant à un défaut de conseil quant à l'insertion d'une clause résolutoire dès lors qu'ainsi informés des risques encourus de cette possibilité de retrait les acheteurs ont manifesté leur volonté de passer l'acte en pleine connaissance de cause et que vu cette volonté, une telle clause aurait pu, au contraire, les conforter encore dans leur décision d'acheter, sans leur épargner ensuite une procédure mettant en oeuvre la résolution de la vente ;
Attendu, enfin, qu'il n'est pas établi qu'il ne leur ait pas été donné connaissance de la clause ci dessus reproduite ni qu'ils n'aient pas été en mesure d'en comprendre la portée, étant observé que le notaire avait pris le soin de leur envoyer, le 26 novembre, en vue de la signature, le projet d'acte accompagné du certificat d'urbanisme et du PPR de la commune.
Attendu, dans ces conditions, que M. Y... et Mme X..., auxquels incombe la charge de la preuve des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité civile du notaire, ne font pas la démonstration requise de l'existence d'une faute du notaire dans l'exécution de ses obligations, qui serait de nature à engager sa responsabilité et qu'ils seront déboutés de leurs demandes, le jugement étant, en conséquence, confirmé.
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,
Reçoit l'appel,
Déboute les appelants des fins de leur recours et confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant :
Condamne Mme X... et M. Y... in solidum à verser à Me Z... la somme de 1500€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples,
Condamne Mme X... et M. Y... in solidum à supporter les dépens et en ordonne la distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT