COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
10e Chambre
ARRÊT AU FOND
DU 20 SEPTEMBRE 2018
N° 2018/ 355
Rôle N° 17/08352
Michèle X...
C/
Marie-Pierre Y...
Société HÔPITAL EUROPEEN
Société HÔPITAL AMBROISE PARE
Société CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DES BOUCHES DU RHÔNE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Farid Z...
SCP A...
Me Charlotte B...
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de MARSEILLE en date du 09 Mars 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/10828.
APPELANTE
Madame Michèle X...
assurée sociale [...]
née le [...] à MARSEILLE - de nationalité Française,
demeurant [...]
représentée par Me Farid Z... J..., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
Madame Marie-Pierre Y...
demeurant [...] - [...]
représentée par Me Jérôme A... de la SCP A... I...-A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Véronique C..., avocat au barreau de NICE substitué par Me D... bruno HUA, avocat au barreau de MARSEILLE
HÔPITAL EUROPEEN,
dont le siège social est [...] - [...]
représentée par Me Charlotte B..., avocat au barreau de MARSEILLE, substitué par Me Arnaud E..., avocat au barreau de MARSEILLE
Fondation HÔPITAL AMBROISE PARE, demeurant [...]
représentée par Me Charlotte B..., avocat au barreau de MARSEILLE
substitué par Me Arnaud E..., avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE -
dont le siège social est [...]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 19 Juin 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Olivier GOURSAUD, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Monsieur Olivier GOURSAUD, Président
Madame Françoise GILLY-ESCOFFIER, Conseiller
Madame Anne VELLA, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvaine MENGUY.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018,
Signé par Monsieur Olivier GOURSAUD, Président et Madame Sylvaine MENGUY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 4 mai 2011, Mme Michèle X... épouse F... a subi à l'hôpital Européen une coloscopie réalisée par le docteur Marie-Pierre Y..., gastro-entérologue, intervention qu'elle lui avait conseillée après la découverte chez son père d'un cancer du colon.
Les suites de cet acte ont été marquées par des douleurs, de la fièvre et des malaises qui ont conduit à l'hospitalisation de Mme F... le 8 mai 2011 où un scanner a révélé l'existence d'un abcès simoïdien avec perforation du colon.
Le 12 mai 2011, Mme F... a bénéficié d'une intervention chirurgicale aux fins de recto colectomie gauche avec évacuation d'une collection au niveau du méso-sigmoïde.
Mme F... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes Côte d'Azur.
Cette commission a ordonné une mesure d'expertise réalisée par le professeur G..., chirurgien, et le docteur H..., psychiatre, lesquels ont établi un rapport le 27 décembre 2014.
Par décision en date du 26 mars 2015, la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes Côte d'Azur s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande de Mme F... au regard des seuils de gravité exigés par la loi.
Suivant exploit du 14 septembre 2015, Mme Michèle X... épouse F... a fait assigner le docteur Marie-Pierre Y... et l'hôpital Européen devant le tribunal de grande instance de Marseille en indemnisation de son préjudice, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.
La fondation hôpital Ambroise Paré est intervenue volontairement à l'instance.
Par jugement en date du 9 mars 2017 auquel il est expressément référé pour un exposé plus complet des faits et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de Marseille a :
- déclaré hors de cause l'hôpital Européen et reçu la fondation hôpital Ambroise Paré en son intervention volontaire,
- débouté Michèle F... de ses demandes à l'encontre de la fondation hôpital Ambroise Paré,
- débouté Michèle F... de sa demande de contre-expertise,
- dit que Marie-Pierre Y... a manqué à son devoir d'information envers Michèle F...,
- condamné Marie-Pierre Y... à payer à Michèle F... la somme de 15.246,49 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,
- débouté Michèle F... du surplus de ses demandes,
- condamné Marie-Pierre Y... aux dépens,
- condamné Marie-Pierre Y... à payer à Michèle F... la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la fondation hôpital Ambroise Paré et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône de leur demande d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration en date du 29 avril 2017, Mme F... a interjeté appel de la décision.
Aux termes de ses conclusions en date du 17 juillet 2017, Mme F... demande à la cour de:
- la recevoir en son appel et le dire bien fondé,
ce faisant,
sur le défaut d'information et la violation du consentement,
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a consacré le défaut d'information et la violation du consentement,
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a limité le droit à réparation de la victime à hauteur de 25%,
- condamner le docteur Y... au paiement de la somme de 30.000 € en réparation du préjudice lié à la violation du consentement et du défaut d'information, et caractérisé par la perte de chance d'éviter l'intervention ainsi que le préjudice autonome de défaut d'information.
sur la faute médicale de perforation colique,
- infirmer la décision déférée en ce qu'elle a écarté la faute médicale commise par le docteur Y...,
- dire que la perforation du colon est une faute médicale de nature à engager la responsabilité du docteur Y...,
- condamner le docteur Y... à réparer son entier préjudice,
- ordonner une expertise,
- désigner tel expert qu'il plaira avec mission habituelle,
- fixer le délai dans lequel le rapport sera déposé,
- dire que l'expert pourra s'adjoindre l'avis de tel sapiteur,
- condamner le docteur Y... au paiement de la somme de 60.000 € à titre de provision à valoir sur la réparation définitive du préjudice,
- condamner le docteur Y... au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance,
- condamner le docteur Y... aux entiers dépens de première instance avec distraction au profit de maître Farid Z... pour ceux dont il a fait l'avance,
- condamner le docteur Y... au paiement de la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel,
- condamner le docteur Y... aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de maître Farid Z... pour ceux dont il a fait l'avance.
Mme F... fait valoir que :
- la perforation colique dont elle a fait l'objet ne s'analyse pas comme un accident médical non fautif mais comme une faute de maladresse engageant la responsabilité du docteur Y...,
- en effet, seule une prédisposition du patient liée notamment à l'existence d'une anomalie antérieure peut exonérer le médecin de sa faute,
- or en l'espèce, elle ne présentait aucun antécédent d'anomalie du colon ainsi qu'il ressort de l'avis de l'expert, notamment pas de diverticules ni d'antécédent de colopathie,
- elle n'a par ailleurs jamais été informée des risques encourus et n'a pas été en mesure de donner valablement son consentement et la décision doit être confirmée sur ce point,
- le tribunal a toutefois mal apprécié les conséquences liées à ce défaut d'information en limitant son droit à réparation à 25 %,
- la coloscopie n'était pas nécessaire eu égard à l'âge de la patiente et ce défaut d'information lui cause un grave préjudice en ce que le risque s'est réalisé,
- elle est donc fondée à solliciter une indemnité de 30.000 € couvrant d'une part la perte de chance de refuser l'intervention si une information avait été demandée, soit 10.000 €, et d'autre part, le préjudice autonome né de la violation du consentement pour défaut d'information, soit 20.000 €,
- l'expert ne caractérise pas l'importance de ses préjudices qui ont été partiellement évalués et elle est fondée à solliciter une expertise judiciaire, l'expertise basée sur une mission CCI n'étant pas compatible avec l'expertise de droit commun, ainsi qu'une provision de 60.000 €.
Dans ses conclusions en date du 15 décembre 2017, le docteur Marie-Pierre Y... demande à la cour de :
- la recevoir en ses écritures, les disant bien fondées,
- la recevoir en son appel incident,
à titre liminaire,
- sur la demande de contre-expertise,
- dire et juger que Mme F... n'est pas fondée a solliciter une contre-expertise,
en conséquence,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de contre-expertise de Mme F...,
sur la qualification de la complication à type de perforation colique,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié la perforation colique d'aléa thérapeutique et écarté tout manquement du docteur Y... à ce titre,
à titre principal,
- réformer le jugement en ce qu'il a retenu un défaut d'information qui lui soit imputable,
- débouter Mme F... de l'intégralité de ses demandes financières formulées à son encontre, en ce compris la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
à titre reconventionnel,
- condamner Mme F... à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme F... aux entiers dépens,
à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a retenu un défaut d'information qui lui soit imputable,
- réformer le jugement en ce qu'il a retenu une perte de chance liée au défaut d'information retenu,
- dire et juger que seul un préjudice autonome pourrait être alloué à Mme F...,
- dire et juger que le préjudice moral autonome ne saurait dépasser la somme de 2.000 €,
- débouter Mme F... de ses autres demandes indemnitaires,
- ramener les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
- statuer ce que de droit sur les dépens,
à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a retenu une perte de chance liée au défaut d'information,
- réformer le jugement en ce qu'il a évalué le taux de perte de chance à 25 %,
- dire et juger que la perte de chance doit être fixée à 10 %,
- dire et juger que les préjudices doivent être évalués de la manière suivante :
- déficit fonctionnel temporaire : 2.575,98 €
- souffrances endurées: 10.000,00 €
- préjudice esthétique temporaire : 5.000,00 €
- déficit fonctionnel permanent : 19.500,00 €
- préjudice esthétique permanent : 4.000,00 €
- procéder à un abattement de 90 % sur l'intégralité des sommes allouées eu égard au taux de perte de chance à retenir,
- dire et juger que le préjudice moral autonome ne saurait dépasser la somme de 2.000 €,
- ramener la somme sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,
- dire et juger qu'aucune somme ne saurait être allouée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes Alpes qui n'a pas constitué avocat et qui est donc défaillante,
à titre subsidiaire,
- dire et juger que seule la somme de 17.175,81 € est imputable à l'intervention litigieuse, et qu'un abattement de 10 % devra lui être appliquée,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Le docteur Marie-Pierre Y... fait valoir que :
- le rapport des co-experts CCI rendu le 21 février 2014 ne souffre d'aucune critique et Mme F... n'apporte aucun élément propre à contredire les conclusions expertales,
- elle n'apporte non plus aucun élément de nature à contredire la qualification d'aléa thérapeutique retenue par les co-experts et la perforation colique qu'elle a présentée doit être qualifiée comme telle, de sorte qu'elle n'est pas de nature à engager sa responsabilité,
- les perforations coliques présentées au décours d'une coloscopie constituent des aléas thérapeutiques conformément à la littérature scientifique qui décrit ce risque comme un complication connue et inhérente à ce type d'examen,
- l'examen a été réalisé conformément aux règles de l'art et aucune faute ne peut lui être reprochée,
- elle a rempli son obligation d'information à l'égard de Mme F..., en l'informant de façon complète, notamment du risque de perforation colique, oralement et en lui remettant une fiche d'information spécifique à la coloscopie éditée par la SNFGE sur laquelle est mentionné le risque de perforation,
- à titre subsidiaire, il convient de considérer que Mme F... ne se serait pas soustraite à la coloscopie eu égard aux antécédents de cancer du colon de son père et qu'il n'existe pas de perte de chance lié au défaut d'inforrnation,
- même mieux informée du risque rare de perforation, il est peu probable que Mme F... ait refusé la coloscopie.
Aux termes de leurs conclusions en date du 22 décembre 2017, l'hôpital Européen et la fondation hôpital Ambroise Paré demandent à la cour de :
- confirmer le jugement du 9 mars 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Marseille en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause de l'hôpital Européen, en ce qu'il a déclaré bien fondé l'intervention volontaire de la fondation hôpital Ambroise Paré et en ce qu'il a débouté Mme F... de ses demandes dirigées à l'encontre de la fondation hôpital Ambroise Paré,
en conséquence,
- prononcer la mise hors de cause de l'hôpital Européen,
- donner acte à la fondation hôpital Ambroise Paré de son intervention volontaire, et la déclarer recevable et bien fondée,
- débouter Mme F... de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la fondation hôpital Ambroise Paré qui devra être mis hors de cause,
- débouter Mme F... de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes irrecevable en ses demandes,
- dire et juger qu'aucune somme ne saurait être allouée à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes par la fondation hôpital Ambroise Paré,
- débouter la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes du surplus de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la fondation hôpital Ambroise Paré,
- condamner Mme F... à payer à la fondation hôpital Ambroise Paré la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Charlotte B... qui y a pourvu.
Par exploit du 19 juillet 2017 remise à personne habilitée, Mme F... a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.
La caisse primaire d'assurance maladie n'a pas constitué avocat.
Il convient de statuer à son égard par décision réputée contradictoire.
Par courrier en date du 29 novembre 2017, cet organisme a fourni un décompte des prestations versées pour le compte de Mme F..., soit la somme de 167.012,79 € correspondant au montant des frais d'hospitalisation, médicaux, pharmaceutiques et d'appareillage, à celui des indemnités journalières et au montant du capital invalidité versé à Mme F....
L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2018 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 19 juin 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les dispositions du jugement par lesquelles l'hôpital Européen a été mis hors de cause, la fondation hôpital Ambroise Paré reçue en son intervention volontaire et Mme F... déboutée de ses demandes à l'encontre de la fondation hôpital Ambroise Paré sont confirmées, ces dispositions n'étant pas remises en cause.
1° sur la responsabilité du docteur Y... :
Mme F... invoque tout à la fois une faute médicale imputable au docteur Y... en raison de la perforation du colon à l'occasion de la coloscopie pratiquée par cette dernière et d'un manquement à son obligation d'information.
- sur la faute de technique médicale :
L'article L 1142-1-I du code de la santé publique dispose que les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'acte de prévention, de diagnostic et de soins qu'en cas de faute.
Les experts ont relevé que Mme F... avait présenté une complication d'une endoscopie digestive colique sous la forme d'une perforation colique ayant entraîné un abcès péricolique justifiant une chirurgie d'exérèse colique 7 jours après l'endoscopie.
Les suites ont été marquées de façon inhabituelle d'une diarrhée très persistante et d'une hypocontinence, rapportée par la patiente comme particulièrement invalidante et l'ayant, selon elle, plongée dans un syndrome anxio-dépressif conduisant à un arrêt de travail prolongé et à une invalidité professionnelle.
L'expert retient que a perforation colique est de façon incontestable en rapport avec l'endoscopie.
Le professeur G... indique que :
- la réalisation d'une coloscopie pouvait tout à fait être préconisée, compte tenu de la survenance chez le père de la patiente d'un cancer colo rectal survenu à l'âge de 77 ans même si elle n'était pas formelle,
- les soins ont été dispensés dans les règles de l'art et aucune faute médicale ou de soins n'a été commise,
- il s'agit d'un accident médical et le pourcentage de perforation endoscopique pour une coloscopie diagnostique est rapportée entre 0,04 % et 0,9 %.
Ces conclusions conduisent a priori à retenir l'absence de faute technique imputable au docteur Y... et il appartient à l'appelante qui soutient le contraire d'établir l'existence de cette faute qui ne saurait être présumée au seul motif qu'il n'existait pas d'anomalie antérieure du colon.
Il convient de rappeler en effet que le risque de perforation est répertorié comme une complication rare mais connue des gastro-entérologues pouvant survenir malgré la prise de toutes les précautions et aucun élément en l'espèce ne permet à la cour de constater que tous les moyens pour éviter cette complication n'ont pas été pris par le docteur Y....
En définitive, seule l'existence d'une maladresse imputable à ce médecin pourrait permettre de retenir sa responsabilité, maladresse qui n'est pas démontrée alors qu'en réponse à un dire, l'expert affirme (page 45) que si la perforation est bien en rapport avec le geste endoscopique, les lésions qui en résultent ne relèvent pas de la maladresse.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il n'a retenu aucun manquement fautif à l'encontre du docteur Y... dans la réalisation même de la coloscopie.
- sur le manquement au devoir d'information :
La preuve de ce qu'une information complète et loyale a été donnée au patient incombe au professionnel.
Le docteur Y... produit un document intitulé 'consentement aux soins' signé par Mme F... qui mentionne qu'elle a reçue toute l'information souhaitée au sujet notamment des risques éventuels, y compris les risques exceptionnels.
La cour relève toutefois que ce document rédigé en termes très généraux n'apporte aucune précision sur les risques spécifiques encourus lors de la réalisation d'une coloscopie, notamment le risque de perforation du colon qui est considéré par l'expert comme un risque prédominant de l'intervention de coloscopie.
L'expert mentionne que la traçabilité d'information du risque de perforation n'est pas spécifiquement réalisée, qu'une attestation de consentement aux soins a été signée par Mme F... le matin de l'endoscopie mais qu'on ne peut pas considérer que la victime ait été pleinement informée des risques encourus et que malgré une demande, le docteur Y... n'a pas remis le document d'information qu'elle remet de façon systématique aux patients devant justifier d'une coloscopie.
En effet, ce document édité par la société nationale française de gastro-entérologie intitulé 'informations médicales avant réalisation d'une coloscopie' évoque de manière claire et détaillée les complications pouvant survenir pendant ou après l'examen et notamment la perforation des parois du colon avec la précision que cette perforation peut survenir lors d'une coloscopie diagnostique simple.
Or, le docteur Y... qui produit aux débats un document type identique à celui qu'elle déclare remettre systématiquement à ses patients, ne verse aux débats aucun imprimé comportant mention de l'identité de Mme F... et sa signature et de ce fait échoue à démontrer qu'elle a effectivement donné cette information à sa patiente, cette preuve ne pouvant être déduite de ce que celle-ci aurait déclaré à l'expert ne pas se souvenir exactement des informations qui lui ont été données.
Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a retenu que le docteur Y... avait manqué à son obligation d'information envers Mme F... en ce qui concerne le risque de perforation du colon.
2° sur la réparation du préjudice de Mme F... :
Mme F... sollicite tout à la fois l'allocation d'une provision de 60.000 € à valoir sur la réparation définitive de son préjudice résultant de la perforation du colon et d'une somme de 30.000 € en réparation lié à la violation du consentement et du défaut d'information, et caractérisé par la perte de chance d'éviter l'intervention (10.000 €) ainsi que le préjudice autonome de défaut d'information (20.000 €).
En réalité, Mme F... ne peut se prévaloir que de deux préjudices, d'une part celui tiré de la perte de chance d'éviter le dommage en évitant l'intervention, dommage qui correspond alors à une fraction des différents chefs de préjudice subis, déterminée en mesurant la chance perdue, et d'autre part la réparation du préjudice moral d'impréparation.
Elle ne saurait exiger une double indenmisation, en sollicitant dans le même temps l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice et de façon distincte et autonome, la réparation du préjudice découlant d'une perte de chance d'éviter le dommage alors qu'il s'agit en réalité d'un seul et même préjudice qui ne peut s'évaluer en l'espèce, que par application d'un taux de perte de chance dés lors qu'il n'est pas établi, si Mme F... avait été complètement informée des risques encourus, qu'elle aurait renoncé à la coloscopie.
- sur la perte de chance d'éviter le dommage :
Le professeur G... relève que l'indication de coloscopie n'étant pas formelle, il peut être considéré que la patiente aurait pu se soustraire à l'acte effectué si elle avait reçu une information complète sur les risques encourus.
Compte tenu toutefois du trés faible pourcentage de risque de de perforation endoscopique pour une coloscopie diagnostique, entre 0,04 % et 0,9 % selon le rapport, mais tenant compte aussi de ce que l'état de santé de Mme F... ne nécessitait pas spécialement la mise en oeuvre d'un tel examen qui était essentiellement justifié par les antécédents familiaux, en l'espèce la découverte d'un cancer du colon chez son père à l'âge de 77 ans, il peut être admis, comme l'a retenu le premier juge, si elle avait été parfaitement informée que l'acte n'était pas strictement nécessaire et que d'autre part, il pouvait entrainer des conséquences assez lourdes, avec cependant un faible pourcentage de risque, qu'elle aurait peut-être renoncé à la réalisation de la coloscopie.
Il s'ensuit donc une perte de chance d'éviter l'intervention qui a été justement évaluée par le premier juge à 25 %.
Le rapport d'expertise retient que :
- Mme F... a présenté dans les suites de la coloscopie, une perforation colique ayant justifié une prise en charge chirurgicale différée et que la chirurgie est bien en relation directe avec l'accident,
- des troubles digestifs intestinaux (diarrhées) associées à des troubles de la continence anale (urgences défécatoires) ont succédé à la chirurgie digestive mais que cette incontinence pourrait être en rapport avec un traumatisme sphinctérien obstétrical démasqué par des diarhées et n'est pas en rapport direct, dans l'état actuel de la connaissance du dossier, avec la chirurgie réalisée et donc en rapport avec l'accident endoscopique,
- selon l'avis du professeur H..., co-expert, l'évaluation psychiatrique ne rattache pas l'état dépressif de façon directe, unique et certaine à l'événement initial contesté, même si ces séquelles psychiatriques sont consécutives mais que par contre cette évaluation retient des séquelles psychosomatiques,
- l'arrêt de travail prescrit à compter du 2 juillet 2012 n'apparaît pas imputable de façon directe et certaine à l'événement contesté.
Les conséquences médico-légales sont définies comme suit :
- déficit fonctionnel temporaire total du 8 mai 2011 au 21 mai 2011,
- déficit fonctionnel temporaire partiel à 30 % du 22 mai 2011 au 31 octobre 2011,
- déficit fonctionnel temporaire partiel à 20 % du 1er novembre 2011 au 1er juillet 2012,
- souffrances endurées 4/7,
- préjudice esthétique temporaire 3,5/7,
- arrêt temporaire des activités professionnelles imputable à 100 % du 8 mai au 31 octobre 2011,
- date de la consolidation 1er juillet 2012,
- déficit fonctionnel permanent 13 %,
- préjudice esthétique permanent 2,5/7,
- préjudice d'agrément (gêne esthétique au cours des activités de baignade).
Mme F... sollicite une expertise judiciaire au motif qu'une expertise basée sur une mission de la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux Provence-Alpes Côte d'Azur ne serait pas compatible avec une expertise de droit commun, que le rapport du professeur G... s'inscrirait dans un cadre amiable, que les postes de préjudices ne seraient pas définis de la même manière qu'en droit commun et que l'expert aurait omis de nombreux postes de préjudices.
La cour relève toutefois que l'expertise ordonnée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux l'a été au contradictoire des parties et en présence de leurs médecins conseils, qu'un pré-rapport a été établi et adressé aux parties qui ont pu déposer des dires, qu'elle a donc la valeur d'une expertise contradictoire au même titre qu'une expertise judiciaire, que la mission confiée au professeur G... relative à la liquidation du préjudice est complète et en tout point conforme à une mission Dintilhac, que les opérations d'expertise ont été réalisées par un praticien reconnu, spécialisé en chirurgie digestive et par un expert psychiatre, non moins reconnu, en raison des répercussions de l'accident sur l'état psychologique de Mme F..., que les experts ont disposé de tous les éléments médicaux nécessaires à l'accomplissement de leur mission, que leur rapport est détaillé, clair et argumenté, qu'ils se sont interrogés sur l'existence d'un préjudice professionnel, que l'appelante ne verse aux débats aucun élément médical de nature à remettre en cause leurs conclusions et qu'enfin, comme l'a justement retenu le premier juge, le seul désaccord de la victime sur les dites conclusions ne saurait suffire à justifier une demande de contre-expertise.
L'ensemble de ces raisons conduit la cour à confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nouvelle expertise sollicitée par Mme F....
Il convient de relever que Mme F... ne chiffre pas l'étendue de son préjudice poste par poste se contentant de réclamer une somme globale de 10.000 € au titre de la perte de chance d'éviter l'intervention et une provision de 60.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice alors, ainsi qu'il a été relevé supra, qu'il s'agit en réalité d'un seul et même dommage qui correspond à une fraction de son préjudice.
La cour constate qu'en détaillant poste par poste le préjudice de Mme F..., le jugement a statué ultra petita et doit être réformé de ce chef.
Au regard des demandes de Mme F..., la cour relève qu'elle n'est saisie que d'une demande de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices.
Compte tenu des conséquences médico-légales rappelées ci-dessus, la cour alloue à Mme F... une provision de 11.000 €.
- sur l'indemnisation du préjudice moral autonome :
Il résulte des articles 16, 16-3 alinéa 2ème du code civil qui posent les principes du respect de la dignité d'une personne humaine et de l'intégrité du corps humain et 1240 du même code que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitement ou actions de prévention proposée, des risques inhérents à ceux-ci et que son consentement doit être recueilli par le praticien, hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir et que le non respect du devoir d'information qui en découle cause à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral, détaché des atteintes corporelles, résultant d'un défaut de préparation psychologique aux risques encourus et du ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle, qui ne peut être laissé sans réparation.
Ce préjudice est cumulable avec celui de perte de chance de renoncer à l'acte médical, s'agissant de deux préjudices de nature et d'objet distincts.
Mme F... est donc fondée à solliciter aussi l'indemnisation de son préjudice moral découlant de l'absence d'information, préjudice qui a justement été indemnisé par l'allocation d'une somme de 4.000 €.
3° sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La cour estime par contre que l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties en cause d'appel.
Les dépens de la procédure d'appel sont mis à la charge du docteur Y....
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a alloué à Mme F... une somme de 11.246,49€ au titre de son préjudice de perte de chance,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Constate que Mme F... ne chiffre pas l'étendue de son préjudice et réclame une provision.
Condamne le docteur Marie-Pierre Y... à payer à Mme Michèle X... épouse F... la somme de ONZE MILLE EUROS (11.000 €) à titre de provision à valoir sur la réparation définitive de son préjudice .
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Déclare le présent arrêt opposable à la caisse primaire d'assurance maladie.
Condamne le docteur Y... aux dépens de l'instance d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT