COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 20 SEPTEMBRE 2018
N°2018/ 663
Rôle N° RG 18/08048 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCNNE
Marc, Michel, C... Y...
C/
Mareva Jacqueline X... épouse Y...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Elie Z...
Me Séverine D...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge aux affaires familiales d'AIX-EN-PROVENCE en date du 12 Avril 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/05330.
APPELANT
Monsieur Marc, Michel, C... Y...
né le [...] à BESSAY SUR ALLIER (03), demeurant [...]
représenté par Me Elie Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
assisté de Me Sylvain A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame Mareva Jacqueline X... épouse Y...
née le [...] à SAINT ÉTIENNE (42)
de nationalité Française, demeurant [...]
comparante,
représentée par Me Séverine D..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juillet 2018, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, et Madame Carole MENDOZA, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Madame Marie-France B..., faisant fonction de Président
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller
Madame Carole MENDOZA, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Septembre 2018.
Signé par Madame Carole MENDOZA, Conseiller pour le président empêché et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Maréva X... et Marc Y... se sont mariés le 15 Janvier 2005 à Aix en Provence , sous le régime de la séparation de biens.
Aucun enfant n'est issu de cette union.
Le 21 Octobre 2016, Marc Y... a déposé une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence .
Le 21 Décembre 2016, les époux étaient convoqués à l'audience de tentative de conciliation prévue le 28 Février 2017.
Cette audience a été reportée à la date du 05 Septembre 2017.
Le 10 Août 2017, Marc Y... s'est désisté de l'instance introduite le 21 Octobre 2016.
Le 11 Août 2017, Marc Y... a déposé une requête en divorce devant les juridictions portugaises.
Le 19 Septembre 2017, Maréva X... a introduit une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence .
Les époux ont été convoqués à l'audience de tentative de conciliation du 15 Janvier 2018, renvoyée au 22 Mars 2018.
A cette audience, Marc Y... a soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance d'Aix en Provence .
Par ordonnance du 12 Avril 2018, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence a:
sur le fondement des articles 3, 14 et 15 du réglement européen du 27 Novembre 2003, écarté l'exception d'incompétence
dit que le tribunal de grande instance d'Aix en Provence est compétent pour connaître du litige
renvoyé les parties à l'audience de tentative de conciliation du 28 Mai 2018 à 9 heures.
Cette décision a été déférée à la Cour.
Par ordonnance du 17 Mai 2018, Marc Y... a été autorisé, sur le fondement de l'article 917 du code de procédure civile, à faire délivrer à Maréva X... une assignation à jour fixe, avant le 25 Mai 2018, pour l'audience du 03 Juillet 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 Juin 2018, Marc Y... demande à la Cour:
1°) A titre principal:
- de dire et juger que le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence est incompétent territorialement au profit des juridictions de Faro ( Portugal) déjà saisies
2°) A titre infiniment subsidiaire:
- de constater , sur le fondement de l'article 643 du code de procédure civile ,l'irrégularité de la procédure initiée par Maréva X... devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence
- constater, sur le fondement de l'article 1070 du code de procédure civile , que le juge aux affaires familiales d'Avignon se trouve compétent.
Il prétend au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
En ce qui concerne les éléments de faits:
Il soutient que, d'un commun accord, les parties vivent depuis le mois de Février 2016
au Portugal, pays dans lequel il a acheté, au mois d'Avril 2017 le bien immobilier qui constituait le domicile conjugal.
Il n'a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance d'Aix en Provence le 21 Octobre 2016, qu' à l'occasion d'un court séjour en France, et dans l'attente d'obtenir sa carte de résident portugais.
C'est donc de manière logique qu'il s'est par la suite désisté de sa demande et saisi, le 11 Août 2017, le tribunal de Faro d'une demande en divorce, ce que Maréva X... n'ignorait pas.
Les époux ont obtenu le statut de résidents portugais le 04 Novembre 2016.
Ce n'est que le 08 Décembre 2017 que Maréva X... a pris la décision de revenir vivre en France.
En droit:
Il soutient qu'aucun des critères de compétence prévus par l'article 3 du règlement européen
du 27 Novembre 2003 ne peut être retenu:
Dans sa requête en divorce , Maréva X... domicile Marc Y... au Portugal, et se domicilie [...] .
Elle ne démontre pas qu'elle a établi sa résidence habituelle en France au moins six mois avant le dépôt de sa requête.
Si la Cour consédère que l'épouse satisfait aux critères de compétence européens, il y a lieu de constater qu'il existe une litispendance avec le tribunal de Faro, également saisi de la procédure de divorce .
Par application de l'article 27 du règlement européen du 22 Décembre 2000 , la juridiction française doit se dessaisir au profit de la juridiction étrangère précédemment saisie.
L'article 2, paragraphe 1b du réglement de Bruxelles ne fixe la compétence de la juridiction française que de manière facultative.
A titre subsidiaire, la Cour constatera que les dispositions de l' article 643 du code de procédure civile , qui prévoit des délais de comparution augmentés à deux mois pour les personnes demeurant à l'étranger n'ont pas été respectés.
Elle constatera également , sur le fondement de l'article 1070 du code de procédure civile , que la compétence du juge aux affaires familiales d'Avignon devrait être retenue, puisque Marc Y... déclare une adresse chez sa fille, sur la commune de Peypin d'Aigues.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 02 Juillet 2018, Maréva X... demande à la Cour :
- d'écarter des débats les pièces numérotées 5,16,21,22 et 26 communiquées par l'appelant, rédigées en langue portuguaise et non traduit en langue française
- de confirmer purement et simplement la décision déférée et de condamner Marc Y... à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Elle dénonce d'abord l'inanité de l'argumentation de l'appelant, qui feint d'ignorer que les chefs de compétence qui fondent la compétence dans l'espace européen sont alternatifs et non hiérarchisés.
Ainsi le critère de compétence fondé sur la résidence habituelle du demandeur dans les six mois précédant l'introduction de la demande ne prime pas sur celui que l'appelant se garde bien d'évoquer, c'est-à-dire celui de la nationalité des deux époux.
L'époux demandeur a donc toute la liberté, nonobstant le lieu de résidence du défendeur, d'opter pour le tribunal de l' Etat membre de la nationalité commune.
Elle fait par ailleurs observé que Marc Y... opère volontairement une confusion entre la notion de domicile et de résidence au sens fiscal de ce terme.
En ce qui la concerne, elle affirme justifier, en tout état de cause, qu'elle a déclaré aux services administratifs portugais, qu'elle ne transferrait plus sa résidence au Portugal à compter du 24 Mars 2017.
Elle s'est toujours domiciliée [...].
S'agissant de la question de la litispendance, elle fait valoir qu'il convient de faire application de l'article 19 du règlement ' Bruxelles II Bis'.
Elle soutient, qu'à supposer valablement saisie la juridiction portugaise, au sens de l'article 16 du règlement, cette dernière, saisie 11 Août 2017 , ne peut que se dessaisir au profit de la juridiction française saisie depuis le 21 Octobre 2016.
Elle fait valoir que Marc Y..., qui ne démontre pas avoir établi sa résidence habituelle au Portugal, ne peut pas prétendre à se voir appliquer les dispositions de l'article 643 du code de procédure civile .
Au demeurant, elle a satisfait à toutes les diligences pour permettre la convocation régulière de Marc Y... devant le magistrat conciliateur .
Elle rappelle par ailleurs qu'il a bien été touché par l'assignation délivrée le 21 Décembre 2017 au domicile de sa compagne, à Bouc Bel Air.
Elle considère qu'en sollicitant maintenant, sur le fondement de l'article 1070 du code de procédure civile, de retenir la compétence du tribunal de grande instance d'Avignon, l'appelant fait preuve la plus mauvaise foi, puisqu'il ne cesse de se domicilier, selon son gré, à de multipes adresses.
La procédure a été clôturée le 03 Juillet 2018.
DISCUSSION
Sur les pièces numérotées 5,16,21,22 et 26 communiquées par Marc Y...:
Ces pièces , rédigées en langue portugaise, n'ont pas fait l'objet d'une traduction en langue française.
Elles seront donc écartées des débats.
Sur la compétence territoriale:
Pour déterminer la compétence territoriale, il convient de faire application de l'article 3 du réglement européen du 27 Novembre 2003 qui dispose que sont compétentes pour statuer sur les questions relatives au divorce , à la séparation de corps et à l'annulation du mariage des époux, les juridictions de l' Etat membre:
a) sur le territoire duquel se trouve:
- la résidence habituelle des époux, ou
- la dernière résidence habituelle des époux dans la mesure où l'un d'eux y réside encore, ou
-la résidence habituelle du défendeur, ou
- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins une année immédiatement avant l'introduction de la demande, ou
- la résidence habituelle du demandeur s'il y a résidé depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la deamnde et s'il est ressortissant de l'Etat membre en question, soit, dans le cas du Royaume Uni et de l'Irlande, s'il y a son son ' domicile';
b) de la nationalité des deux époux ou, dans le cas du Royaume Uni et de l'Irlande du ' domicile' commun.
Ces règles de compétence doivent être d'office mise en oeuvre, avant même d'appliquer les règles de compétences nationales internes, de sorte que le débat ne peut se nouer au regard des dispositions de l'article 1070 du code de procédure civile .
Aucun des critères de compétence édictés par le réglement européen ne revêt un caractère de primauté sur un autre , de sorte que Maréva X... est fondée à opter pour le tribunal de l'état membre de la nationalité commune des deux époux.
Sur la litispendance:
L'article 19 du règlement européen du 27 Novembre 2003 prévoit que lorsque des demandes en divorce , en séparation de corps ou en annulation du mariage sont formées entre les mêmes parties devant des juridictions d'Etats membres différents, la juridiction saisie en second lieu surseoit d'office à statuer jusqu'à ce que la compétence de la juridiction première saisie soit établie.
Lorque la compétence de la juridiction première saisie est établie, la juridiction saisie en second lieu se dessaisit en faveur de celle-ci.
En l'espèce, la chronologie de la procédure est la suivante:
Marc Y... a introduit une requête en divorce devant le juge français le 21 Décembre 2016.
Il s'est désisté de cette instance le 10 Août 2017.
Il n'est pas contesté qu'il a saisi le juge portugais d'une requête en divorce le 11 Août 2017.
Maréva X... a présenté une requête en divorce devant le juge français le 19 Septembre 2017.
Par conséquent, la requête en divorce présentée par Marc Y... devant les juridictions portugaises est bien antérieure à celle présentée par Maréva X... devant les juridictions françaises.
Cependant, l'article 16 du réglement européen du 27 Novembre 2003 dispose qu'une juridiction est réputée saisie:
a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur;
b) si l'acte est notifié ou signifié avant d'être déposé auprès de la juridiction, à la condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit déposé auprès de la juridiction.
En l'espèce, Marc Y... ne justifie pas de l'accomplissement des diligences édictées par ce texte.
Par conséquent, les juridictions porturgaises ne se trouvent pas saisies au sens du droit européen.
Sur la compétence du tribunal d'Aix en Provence :
Au moment où Marc Y... a déposé la requête en divorce ( 21 Octobre 2016) , il a déclaré être domicilié [...]
Par courrier du 25 Mars 2017, Marc Y... a indiqué à Maréva X... qu'il avait quitté le domicile [...], Portugal .
Il précisait également qu'il résidait dans un logement 'où il ne m'est pas permis de connaître mon adresse.
Ton conseil pourra saisir le mien si tus as du courrier à transmettre'
Au 19 Septembre 2017, date du dépôt par Maréva X... de la requête en divorce, Maréva X... qui a indiqué que le défendeur demeurait chez Madame Sophie Y..., Rue Basse, [...] ( 84 240) a cependant informé le greffe de ce que Marc Y... pouvait être convoqué ' Rua Das Cassias- Edificios Los Argos- Bloco 4AZ- 8125 466 Vilamoura (Portugal)'.
Maréva X... soutient , sans être démentie sur ce point par Marc Y..., que le greffe du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance d'Aix en Provence l'a informée de ce que Marc Y... ne résidait pas à cette adresse.
C'est donc de manière régulière que Maréva X... a communiqué la dernière adresse connue du défendeur, sis [...], [...] .
Par ailleurs, la Cour observe que dans ses dernières écritures déposées le 29 Juin 2018, Marc Y... indique - en contradiction avec son courrier du 25 Mars 2017- , être domicilié [...].
Par conséquent, au regard des incertitudes entourant le domicile de Marc Y..., l'article 42 du code de procédure civile, qui prévoit que si le défendeur n'a ni domicile ni résidence connus, le demandeur peut saisir la juridiction du lieu où il demeure, ou celle de son choix, s'il demeure à l'étranger, doit recevoir application.
Dès lors, le débat relatif à l'application des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile , n'a pas de raison d'être, étant d'ailleurs observé, que le premier juge a expressément mentionné que , lors de l'audience de tentative de conciliation, 'le défendeur était absent mais représenté par son conseil de qui soulevait in limine litis l'incompétence de la présente juridiction'.
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles de l'instance et les dépens:
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .
Marc Y..., qui succombe, assumera la charge des entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats hors la présence du public,
ECARTE des débats les pièces numérotées 5,16,21,22 et 26 communiquées par Marc Y....
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise.
DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Marc Y... aux entiers dépens.
LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ