COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
1ère Chambre C
ARRÊT
DU 18 OCTOBRE 2018
N° 2018/682
G. T.
Rôle N° RG 17/15196
N° Portalis DBVB-V-B7B-BBBFT
SASU RELAIS FNAC
C/
COMITÉ D'ÉTABLISSEMENT FNAC LA VALENTINE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître X...
Maître C...
DÉCISION DÉFÉRÉE À LA COUR :
Ordonnance rendue en la forme des référés par le président du tribunal de grande instance de Marseille en date du 06 juin 2017 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/01400.
APPELANTE :
SASU RELAIS FNAC,
dont le siège est [...]
représentée par Maître B... X... de la Y... B..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Maître Béatrice Z..., avocat au barreau de PARIS, plaidant
INTIMÉ :
COMITÉ D'ÉTABLISSEMENT FNAC LA VALENTINE,
dont le siège est [...] - route de la Sablière
[...]
représentée par Maître Séverine C..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Maître Elise A..., avocat au barreau de CAEN, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Geneviève TOUVIER, présidente, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
[...]
Madame Geneviève TOUVIER, présidente
Madame Sylvie PEREZ, conseillère
Madame Michèle CUTAJAR, conseillère
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Monsieur Serge LUCAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2018.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2018,
Signé par Madame Geneviève TOUVIER, présidente, et Monsieur Serge LUCAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*-*-*-*-*-*
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société RELAIS FNAC est une filiale de la société FNAC DARTY PARTICIPATIONS ET SERVICES. Elle regroupe aujourd'hui 51 magasins dans toute la France dont un [...] au centre commercial de La Valentine. Chacun des établissements est doté d'un comité d'établissement et d'un comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Au niveau central, il existe un comité central d'entreprise.
Lors de sa réunion du 27 janvier 2017, le comité d'établissement FNAC La Valentine a, en application des articles L.2325-35 et L.2327-15 du code du travail, décidé de se faire assister pour l'examen des comptes annuels clos au 31 décembre 2016 par un expert-comptable et désigné le cabinet d'expertise comptable ECO.
Contestant la prise en charge des honoraires du cabinet ECO et le principe même de l'expertise, la SASU RELAIS FNAC a fait assigner le comité d'établissement FNAC La Valentine en la forme des référés pour obtenir l'annulation de la délibération du 27janvier 2017. Par ordonnance en la forme des référés en date du 6 juin 2017, le délégataire du président du tribunal de grande instance de Marseille a rejeté la demande de la SASU RELAIS FNAC et a condamné celle-ci au paiement au comité d'établissement FNAC La Valentine de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La SASU RELAIS FNAC a interjeté appel de cette ordonnance le 3 août 2017.
Par dernières conclusions du 7 juin 2018, la SASU RELAIS FNAC demande à la cour :
- de la recevoir en ses demandes ;
- d'infirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
- d'annuler la délibération du comité d'établissement FNAC La Valentine du 27janvier 2017 relative à l'expertise confiée au Cabinet ECO et de dire qu'elle n'a pas à supporter les honoraires de ce cabinet ;
- de condamner le comité d'établissement FNAC La Valentine au paiement de la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par dernières conclusions du 9 août 2018, le comité d'établissement FNAC La Valentine sollicite :
- la confirmation de l'ordonnance déférée ;
- le débouté de la société RELAIS FNAC de toutes ses demandes ;
- qu'il soit dit qu'il pourra dans le cadre de la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise être assisté du Cabinet ECO dont les honoraires devront être supportés par la société RELAIS FNAC ;
- la condamnation de l'appelante au paiement de la somme de 3.500 € sur le fondementde l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens.
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 3 septembre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La délibération litigieuse a été prise en application de l'article L.2325-35 du code du travail qui donne pouvoir au comité d'entreprise de se faire assister d'un expert-comptable de son choix en vue de la consultation annuelle sur la situation économique et financière prévue par l'article L.2323-12 du même code.
La discussion porte sur la répartition des attributions entre comité d'établissement et comité central d'entreprise pour ce type de consultation périodique avec recours à un expert-comptable.
L'article L.2327-15 du code du travail dispose que le comité d'établissement a les mêmes attributions que le comité d'entreprise, dans la limite des pouvoirs confiés au chef d'établissement, et qu'il est consulté sur les mesures d'adaptation des projets décidés au niveau de l'entreprise spécifiques à l'établissement et qui relèvent de la compétence du chef d'établissement.
S'agissant du comité d'entreprise, l'article L.2327-2 du même code précise qu'il exerce les attributions économiques qui concernent la marche générale de l'entreprise et qui excèdent les pouvoirs des chefs d'établissement.
Aux termes de l'article L.2323-12 du code du travail, la consultation annuelle sur la situation économique et financière de l'entreprise porte également sur la politique de recherche et de développement technologique de l'entreprise, y compris l'utilisation du crédit d'impôt pour les dépenses de recherche et sur l'utilisation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi.
Il résulte de ces textes que le comité d'établissement ne peut solliciter un expert comptable que dans le cadre de la consultation annuelle prévue par l'article L.2325-35, à condition que le chef d'établissement dispose de pouvoirs suffisants en la matière, et non simplement pour analyser les comptes de l'établissement La Valentine en dehors d'un projet spécifique à l'établissement.
La société RELAIS FNAC justifie que la comptabilité et le budget de ses différents établissements sont établis au niveau central, que le chef d'établissement du magasin La Valentine a un pouvoir d'engagement financier limité à 2500 € et que les recrutements, quelle qu'en soit la nature, doivent être validés au niveau de l'entreprise. Le chef d'établissement n'a ainsi aucun pouvoir propre sur le plan économique, financier ou social, et n'exerce qu'une simple fonction d'encadrement sur site. Cette limitation de pouvoir est opposable au comité d'établissement qui ne peut dès lors avoir d'attributions consultatives en matière économique et financière au sens des articles L.2325-35 et L.2323-12 du code du travail. Et comme il n'est pas justifié d'une consultation du comité d'établissement La Valentine sur un projet spécifique, la délibération du 27 janvier 2017 désignant un expert-comptable doit être annulée pour excès de pouvoir du comité d'établissement, les honoraires de l'expert restant à la charge du comité d'établissement. L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée.
L'action de la société RELAIS FNAC étant fondée, il serait inéquitable de laisser à sa charge la totalité des frais, non compris dans les dépens, qu'elle a exposés dans le cadre de la procédure. Il convient de lui allouer à ce titre la somme de 1000 € qu'elle réclame.
Le comité d'établissement FNAC La Valentine sera en revanche débouté de sa demande sur ce même fondement et supportera les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Annule la délibération du comité d'établissement FNAC La Valentine en date du 27janvier 2017 désignant le cabinet d'expertise comptable ECO pour l'assister dans l'examen des comptes annuels clos le 31 décembre 2016 ;
Dit que les honoraires du cabinet ECO relatifs à l'exécution de la délibération susvisée seront à la charge du comité d'établissement FNAC La Valentine ;
Condamne le comité d'établissement FNAC La Valentine à payer à la SASU FNAC RELAIS la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile;
Rejette la demande du comite d'établissement FNAC La Valentine sur ce même fondement ;
Condamne le comité d'établissement FNAC la Valentine aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier,La présidente,