COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
6e chambre B
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2018
N° 2018/444
Rôle N° RG 18/09793
N° Portalis DBVB-V-B7C-BCS45
Thomas X...
C/
Noëlla Y...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Alexandra Z...
Me Isabelle A...
MINISTERE PUBLIC
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de grande instance de Nice en date du 26 avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00757.
APPELANT
Monsieur Thomas X...
né le [...] à BELGIQUE
de nationalité belge,
demeurant [...]
représenté par Me Alexandra Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
Madame Noëlla Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2018/008793 du 06/09/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [...] à KINSHASA (CONGO)
de nationalité française,
demeurant [...]
représentée par Me Isabelle A..., avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 octobre 2018 en chambre du conseil. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, président
M. Benoît PERSYN, conseiller
Mme Evelyne GUYON, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Madame Jessica FREITAS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2018.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 octobre 2018.
Signé par Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, président et Madame Jessica FREITAS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur Thomas X..., de nationalité belge et Madame Noélla Y..., de nationalité belge, ont vécu, en Belgique, pendant plusieurs années, entre 2001 et 2006. De cette union sont issus deux enfants :
- Tomiya POUSPERGER, née le [...] à Ucle (Belgique), de nationalité belge,
- Ethan-B... X..., né le [...] à Ucle (Belgique) , de nationalité belge.
A la suite de leur séparation M. X... et Mme Y... ont fait appel à la justice
à de multiples reprises afin d'organiser les modalités de l'autorité parentale.
Le 15 mars 2011, la cour d'appel de Bruxelles, réformant le jugement du 11 juin 2009 en considération notamment d'un rapport d'expertise pédopsychiatrique ordonné sur jugement interlocutoire du 5 mars 2010. Par cet arrêt, la cour d'appel de Bruxelles a fixé la résidence principale des enfants chez M. X... au Congo et attribué un droit de visite et d'hébergement à la mére en alternance en Belgique et au Congo en fonction des vacances scolaires. Cet arrêt a organisé la répartition des frais entre les parents et a condamné Mme Y... à verser à M. X... la somme de 200 euros par mois et par enfant au titre de la contribution à leur entretien et à l'éducation.
Les enfants résident de manière constante chez leur père à compter de cette décision.
Suite à cet arrêt, Mme Y... a saisi à deux reprises le tribunal de première instance de Bruxelles au cours de l'année 2011 afin de voir fixer la résidence principale des enfants en Belgique. Par jugements des 14 juillet 2011 et 6 octobre 2011, ces demandes ont été rejetées.
Mme Y... a également saisi les juridictions congolaises. Par jugement du 17 décembre 2011, le tribunal pour enfants de Kinshasa a confié la garde des enfants à Mme Y..., et accordé un droit de visite à M. X....
Le 27 février 2012, l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 15 mars 2011 a été rendu exécutoire en République démocratique du Congo par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Kinshasa.
Par jugement du 25 avril 2012, le tribunal de paix de Kinshasa a reconnu Mme Y... coupable d'usage de faux dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement de tribunal pour enfants de Kinshasa du 17 décembre 2011, pour avoir produit un faux acte de mariage entre
elle même et M. X....
Par arrêt en date du 5 avril 2018 le tribunal pour enfants de Kinshasa statuant en appel, a reçu l'appel de M. X... et a infirmé le jugement du 17 décembre 2011 du tribunal pour enfants de Kinshasa dans toutes ses dispositions pour violation des articles 117 et 118 du code de l'organisation et de la compétence judiciaire et violation de la règle non bis in idem, le juge belge saisi au degré d'appel ayant rendu une décision exécutée en République Démocratique du Congo et ayant acquis de force jugée.
Arguant s'être rendue compte que ses enfants portaient les stigmates de violences lorsqu'elle les a récupérés à Bruxelles le 23 décembre 2017 dans le cadre de son droit de visite et d'hébergement, Mme Y... n'a pas remis les enfants à leur père à l'issue de ce droit de visite et d'hébergement et les a emmenés à Nice avec elle.
Par requête enregistrée au greffe du tribunal de grande instance de Nice le 16 février 2018, Mme Y... a sollicité sur le fondement des articles 515-9 et suivants le bénéfice d'une ordonnance de protection pour les deux enfants.
Par ordonnance en date du 26 avril 2018, dont appel, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nice a :
- dit être internationalement compétent pour avoir à connaitre de la demande formée par Mme Y... ;
- dit que la loi française doit s'appliquer compte tenu de l'urgence ; accordé le bénéfice de l'ordonnance de protection sollicitée ;
- débouté Mme Y... de sa demande tendant à obtenir l'exercice exclusif de l'autorité parentale sur ses deux enfants,
- rappelé en tant que de besoins que l'autorité parentale s'exerce conjointement ;
- fixé la résidence habituelle des enfants Tomiya et Ethan-B... chez la mère,
- débouté Mme Y... de sa demande tendant à obtenir le droit de dissimuler son domicile,
- instauré un droit de visite médiatisé pendant un délai de six mois au bénéfice du père,
- désigné pour ce faire 1'UDAF, lieu neutre, pour organiser ce droit de visite.
Le magistrat a considéré qu'il existait des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable la commission des faits de violence allégués et des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblable et actuel le danger auquel les enfants Tomiya et Ethan-B... X... sont exposés, nécessitant d'ordonner des mesures de nature à les protéger. L'ordonnance précise qu'il est établi que les enfants se trouvent a Nice avec leur mére depuis le mois de janvier 2018 et souhaitent résider avec cette dernière. La décision précise que compte tenu du contexte de vraisemblance de violences au domicile du pére, et des sentiments exprimés par les enfants tant lors de leur examen médical que lors de leurs auditions, il convient de fixer la résidence habituelle des enfants chez leur mère.
Toutefois, le juge relève que depuis son arrivée à Nice, Mme Y... a changé deux fois d'adresse et n'apporte pas d'élément relativement à ses conditions de vie et capacité d'hébergement. Par ailleurs, le juge constate qu'elle a fait preuve d'une relative instabilité auparavant et a ordonné en conséquence une enquête sociale
M. X... a interjeté appel de cette décision le 26 avril 2018.
Sur saisine de M. X..., le tribunal pour enfants de Kinshasa a, par décision exécutoire dès notification, du 5 juillet 2018 :
- dit la requête de M. X... recevable et fondée,
- confirmé que la résidence principale des enfants est fixée chez M. X...,
- constaté qu'il y a des éléments nouveaux présentés sous forme de violences physiques et psychologiques faites aux enfants Tomiya et Ethan B... au Congo chez leur père,
- dit que l'audition des enfants Tomiya et Ethan B... par devant le tribunal s'avère indispensable,
- ordonné que les enfants Tomiya et Ethan B... X... soient retournés au Congo pour les présenter devant leur juge naturel afin de statuer au fond sur les nouveaux éléments.
Cette décision a été signifiée à Mme Y... le 9 juillet 2018, qui doit être convoquée aux audiences ultérieures en vue de statuer sur le fond de l'hébergement des enfants.
Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 3 juillet 2018, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, M. X... demande à la cour de :
- réformer l'ordonnance prononcée le 26 avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Nice,
- à titre principal, juger que le Tribunal de Grande Instance de Nice n'était pas compétent territorialement pour connaitre du litige en application des articles 8 du Règlement Bruxelles II bis,
- à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que le Tribunal de Grande Instance était compétent uniquement sur la base de l'article 20 du règlement Bruxelles II bis, juger que le droit applicable est le droit congolais en l'espèce et par impossible, que le droit français était applicable,
- en conséquence, en vertu de l'article 20 de Bruxelles II bis, et compte tenu de la décision congolaise du 5 juillet 2018 :
- reconnaître le déplacement illicite des enfants par Mme Y... en France ;
- ordonner le retour des enfants en Belgique, chez leur grand-mère paternelle où M. X... pourra les récupérer pour les héberger de manière principale à Kinshasa conformément à l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 15 mars 2011 et de la décision
de la Cour d'appel de Kinshasa du 3 avril 2018 et maintenant de la décision du Tribunal pour enfants de Kinshasa du 5 juillet 2018,
et ce, dans les 48h du prononcé du jugement à intervenir sous peine d'une astreinte de 500€ par jour de retard;
- à titre subsidiaire, si les enfants devaient rester auprès de leur mère, fixer un droit d'hébergement accessoire de M. X... à Kinshasa durant toutes les vacances scolaires du premier jour suivant la fin de l'école jusqu'à la veille du demier jour des vacances à 18h et, à tout le moins, à Nice ou en Belgique ou tout autre endroit renseigné par M. X... dans un logement qu'il louera ou chez sa mère en Belgique à Uccle;
- à titre infiniment subsidiaire, si les rencontres via l"UDAF devaient être maintenues, entendre réduire la durée des mesures de protection ordonnées par le premier juge et réduire cette période à 3 mois à compter de la notification de l'ordonnance du 26 avril 2018 et dire que les sorties les plus larges possibles, et en-dehors du centre, éventuellement avec nuitées pour quelques jours en fonction des possibilités du concluant et à convenir avec l'UDAF, seront autorisées dès le prononcé de l'arrêt à intervenir ;
- acter l'accord de M. X... de payer une contribution alimentaire de 150 € par mois par enfant si l'hébergement principal des enfants devait rester confié à leur mère provisoirement, le temps qu'une décision congolaise intervienne pour les aliments sur le fond;
- confirmer la décision quant à l'autorité parentale conjointe,
- confirmer la décision en ce qu'elle a débouté Mme Y... de sa demande à dissimuler son adresse,
- confirmer la décision entreprise quant à la mesure d'enquête sociale,
- si le déplacement illicite est reconnu par la cour, condamner Mme Y... au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive d'un montant de 5.000 €,
- condamner Madame Y... au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. X... fait en effet notamment valoir que :
- il conteste in limine litis la compétence des juridictions françaises et l'application du droit français,
- l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 11 mars 2011 est la seule décision définitive ayant force exécutoire entre les parties; qu'elle a bénéficié de l'exéquatur de la cour d'appel de Kinshasa dans son arrêt du 5 avril 2018,
- le Congo n'est pas partie à la convention de la Hayedu 25 octobre 1980 et il ne peut mener une procédure de retour des enfants, mais Mme Y... s'est bien rendue coupable d'un enlèvement international d'enfant; que l'article 10 du règlement précité II bis prévoit qu'en cas de déplacement ou de non-retour illicite d'un enfant, les juridictions de l'Etat membre où l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicite conservent leur compétence, sauf réalisation de conditions de durée et d'accord du parent gardien qui ne sont pas acquises en l'espèce; qu'en l'espèce les enfants avaient leur résidence au Congo depuis 7 ans et Mme Y... s'est rendue coupable d'une voie de fait; que le tribunal français n'était donc pas compétent, ce qu'il a d'ailleurs reconnu,
- Mme Y... ne peut valablement se prévaloir des dispositions de l'article 20 du Règlement II bis prévoyant qu'en cas d'urgence, les juridictions d'un Etat membre peuvent prendre des mesures provisoires ou conservatoires en cas d'urgence, même si les juridictions d'un autre Etat membre sont compétentes sur le fond; que l'urgence n'était pas caractérisée en l'espèce, faute de preuve des violences; que les mesures ne peuvent être que temporaires alors que Mme Y... a saisi le juge français au fond,
- si la cour estimait que le juge français est compétent sur le fond, que le droit congolais est applicable en vertu des articles 16 et 20 de la convention de La Haye du 19 octobre 1996; que le tribunal congolais a ordonné dans sa décision du 5 juillet 2018 le retour des enfants à Kinshasa,
- si la cour estimait le droit français applicable, M. X... sollicite un droit d'hébergement à Kinshasa pendant les vacances scolaires et subsidiairement, un raccourcissement de la durée des rencontres en espace-rencontre,
- les enfants ont connu trois lieux de vie en six mois à Nice sans que leurs conditions de vie puissent être objectivées par le père; que leurs résultats scolaires sont catastrophiques, témoignant du laisser-aller de la mère à leur égard;
- il conteste toute violence à l'égard de ses enfants; que Mme Y... n'apporte aucune preuve à cet égard; que la mère instrumentalise ses enfants à l'encontre du père; que les retrouvailles entre le père et les enfants fin juin 2018 par l'entremise de l'UDAF ont été chaleureuses; que les enfants n'aiment pas leur séjour à Nice et se renferment sur eux-mêmes,
- seules les juridictions congolaises sont compétentes en matière d'aliments en vertu des dispositions de l'article 3 du protocole de La Haye du 23 novembre 1997; que pour faire bref débat, M.X... donne son accord pour régler une contribution à titre provisoire.
Dans le dernier état de ses conclusions, enregistrées le 19 septembre 2018, et auxquelles il est expressément fait renvoi pour un exposé plus ample de ses moyens et prétentions, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, Mme Y... demande à la cour de :
- à titre principal, confirmer l'ordonnance de protection rendue par le Juge aux affaires familiales près le Tribunal de grande instance de Nice en date du 26 avril 2018 et débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- à titre subsidiaire, ordonner l'exercice exclusif de l'autorité parentale au profit de la mère,
- confirmer la résidence habituelle des enfants au domicile de la mère,
- confirmer l'exercice du droit de visite du père en lieu neutre,
- confirmer la fixation d'une part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants à hauteur de 150,00 euros par mois et par enfant, soit la somme totale de 300 €,
- statuer ce que de droit sur les dépens, comme en matière d'aide juridictionnelle.
Mme Y... fait en effet notamment valoir que :
- si la résidence des enfants se trouvait au Congo, il ressort de l'article 20 du règlement n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis, qu'en cas d'urgence les dispositions de ce règlement n'empêchent pas les juridictions d'un Etat membre de prendre des mesures provisoires ou conservatoires relatives aux personnes ou aux biens présents dans cet Etat prévues par la loi de cet Etat membre, même si en vertu du présent règlement une juridiction d'un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond; que trois conditions cumulatives doivent être réunies pour qu'une juridiction puisse se déclarer compétente en application de ce texte, à savoir :
- les mesures à prendre doivent être urgentes,
- les mesures à prendre doivent être relatives aux personnes ou aux biens présents dans l'Etat
membre où siège la juridiction, .
- les mesures à prendre doivent être de nature provisoire,
- Mme Y... a été alertée par ses enfants et par un tiers des violences commises par M. X... sur les enfants à la fin de l'année 2017; qu'elle a pris de ce fait la décision de ne pas remettre les enfants à leur père le 7 janvier 2018 et les amener avec elle à Nice; que le premier juge a estimé que l'ensemble de ces éléments caractérisaient la nécessité de statuer en urgence, de sorte que la juridiction se trouvait compétente internationalement pour statuer sur lesdites mesures provisoires conformément à la loi française,
- elle justifie d'un dépôt de plainte du 15 décembre 2017, ainsi que d'une audition par la police bruxelloise en date du 24 décembre 2017, les enfants ayant eux-mêmes été auditionnés; qu'elle se base sur les SMS et photographies que ses enfants lui ont rapportés et sur l'attestation de l'ex-concubine de M. X..., Madame C...; qu'Ethan B... aurait été frappé avec une ceinture et giflé par sa belle-mère; que la photographie du visage d'Ethan B... laisse apparaître un hématome, ainsi que des traces s'apparentant à des griffures; que l'enfant a confirmé auprès du magistrat les violences qu'il a pu subir; que l'examen physique des enfants par les services hospitaliers belges constate la présence d'hématomes et de contusions sur le corps d'Ethan B...; que les enfants ont peur des représailles de leur père au vu des déclarations qu'ils ont pu faire; que les déplacements de M. X... en France sont relativement aisées dans la mesure où celui-ci travaille pour une agence de voyage lui permettant d'obtenir des prix dans le cadre de ses déplacements,
- Mme Y... a souhaité obtenir un exercice exclusif de l'autorité parentale du fait de l'absence de communication entre les parents et des faits qui sont reprochés au père,
- il ressort des déclarations des enfants que ceux-ci souhaitent désormais vivre chez leur mèreet notamment au vu des faits de violence invoqués; que les enfants sont scolarisés dans des établissements niçois et notamment Ethan B...; que les bulletins trimestriels produits aux débats permettent d'indiquer que les enfants se sont rapidement adaptés; qu'il serait contraire à l'équilibre de ces enfants de prévoir une résidence au domicile du père, ce dernier risquant de les faire déménager et à les scolariser dans un nouvel endroit; que la proposition de M. X... de reprendre une vie à Kinshasa en tenant pas compte des demandes de Tomiya et d'Ethan B... d'évoluer désormais dans un cadre de vie européen revient à nier la crise qui les a opposés et à son importance;
- il semble opportun, dans la présente espèce, de pouvoir continuer à prévoir une remise des enfants dans un lieu neutre avec éventuellement un droit de sortie qui pourra être proposé par le lieu neutre désigné;
- sur la part contributive à l'entretien et à l'éducation des enfants, Mme Y... sollicite le maintien de la décision du premier juge de fixer une contribution de 150,00 euros par mois et par enfant, soit la somme totale de 300 €.
Les enfants mineurs, capables de discernement, ont été entendus conformément aux dispositions de l'article 388-1 du code civil. Ethan-B... exprime le souhait de retourner chez son père à Kinshasa, tandis que Tomyia souhaite rester à Nice avec sa mère.
Par conclusions du 10 septembre 2018, le ministère public demande à la cour de:
-constater que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer au fond en matière
de responsabilité parentale en application de l'article 8 du règlement (CE) n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003,
- constater le caractère illicite du déplacement des enfants sur le territoire français en application
des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, 2, ll), et de Particle 11, § 1, du règ1ement(CE) n° 2201/2003
du Conseil du 27 novembre 2003 et en conséquence ordonner le retour des enfants dans leur résidence habituelle chez leur père à Kinshasa,
- inviter les parties à saisir les juridictions belges en application de Particle 15 du règlement (CE)
n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003.
Le ministère public fait valoir que:
- en droit, selon l'article 8 du réglement n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles Il bis, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet Etat membre au moment où la juridiction est saisie; que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a fourni aux juges nationaux des critères d'ordre quantitatif (durée, présence occasionnelle ou temporaire...) et d'ordre qualitatif (raisons ou conditions du séjour, du déménagement, conditions de scolarisation...) méthode dite du faisceau d'indices; que dans son arrêt du 2 avril 2009 (A, C-523/07), la CJUE a défini la résidence habituelle de l'enfant comme le 'le lieu qui traduit une certaine intégration de l'enfant dans un environnement social et familial. A cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d'un État membre et du déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l'enfant le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapportsfamiliaux et sociaux entretenus par l'enfant dans ledit État'; qu'elle distingue ainsi présence de l'enfant et résidence habituelle de l'enfant; que les enfants ont résidé pendant prés de sept ans au Congo avec leur pére en vertu d'une décision de justice et seulement trois mois avec leur mére à Nice; que le juge aux affaires familiales a constaté que la résidence habituelle des enfants se trouve au Congo et non en France, de sorte que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer en matière de responsabilité parentale en application de l'article 8 précité,
- les mesures prises par le juge aux affaires familiales ont pour fondement l'article 20 du reglement n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis qui permet de prendre des mesures provisoires ou conservatoires;
- au sens des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, 2, ll), et 11, § 1, du réglement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, est illicite tout déplacement d'un enfant fait en violation d'un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ; qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêts des 2 avril 2009, A, C-523/07, 22 décembre 2010, Mercredi, C-497/l0 PPU, et 9 octobre 2014, C, C-376/14 PPU) que la résidence habituelle de l'enfant doit être établie en considération de facteurs susceptibles de faire apparaître que la présence physique de l'enfant dans un État membre n'a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et qu'elle correspond au lieu qui traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial ; qu'à cette fin, doivent notamment être pris en considération non seulement la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d'un État et du déménagement de la famille dans cet État, la nationalité de l'enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l'enfant dans ledit État, mais également l'intention des parents ou de l'un des deux de s'établir avec l'enfant dans un autre État, exprimée par certaines mesures tangibles telles que l'acquisition ou la location d'un logement dans cet État ; qu'en l'espèce les éléments de faits établissent que les enfants sont arrivés à Bruxelles le 23 décembre 2017 dans le cadre de son droit de visite et d'hébergernent chez leur mère, qui a pris la décision de ne pas remettre les enfants à leur père le 7 janvier 2018 et de les emmener à Nice avec elle, sans saisir préalablement ni le juge congolais, ni le juge belge; que depuis le mois de janvier 2018 Mme Y... a changé deux fois d'adresse et n'apporte pas d'éléments relativement à ses conditions de vie et capacités d'hébergement , motif pour lequel le juge aux affaires familiales a ordonné une enquête sociale; que la cour constatera donc le caractère illicite du déplacement et ordonnera leur retour dans leur résidence habituelle,
- la cour est en l'état en septembre 2018 de ces mesures provisoires décidées par le juge aux affaires familiales de Nice et en même temps de la constatation par application du réglement n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles Il bis de l'incompétence des juridictions françaises pour statuer au fond et du caractère illicite du déplacement des enfants en France; qu'en conséquence le ministère public suggère à la cour d'appliquer l'article 15 du règlement n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis; qu'il pourrait être renvoyé à l'initiative des parties de saisir 'la juridiction mieux placée pour connaître de l'affaire' soit en l'espèce les juridictions belges les enfants ayant un lien particulier avec cet État membre, puisque ils sont ressortissants de cet État membre, et que leur mère, l'un des titulaires de la responsabilité parentale a sa résidence habituelle dans cet État membre, et que de surcroit le litige porte sur un contentieux qui a été définitivement tranché entre les parties par l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bruxelles du 15 mars 2011, rendu exécutoire en République démocratique du Congo par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Kinshasa en date du 27 février 2012.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
EN LA FORME
L'ordonnance frappée d'appel a été rendue le 26 avril 2018. M. X... en a interjeté appel par déclaration déposée le 12 juin 2018.
Aucun élément ne permet de critiquer la régularité de l'appel, qui n'est par ailleurs pas contestée. L'appel sera en conséquence déclaré recevable.
AU FOND
L'article 8 du réglement n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles Il bis, les juridictions d'un Etat membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet Etat membre au moment où la juridiction est saisie.
En l'espèce les éléments de fait établissent que les enfants sont arrivés à Bruxelles le 23 décembre 2017 chez leur mère dans le cadre de son droit de visite et d'hébergement. Celle-ci a pris la décision de ne pas remettre les enfants à leur père le 7 janvier 2018 et de les emmener à Nice avec elle, sans saisir préalablement ni le juge congolais, ni le juge belge. Les enfants ont résidé pendant prés de sept ans au Congo avec leur père en vertu d'une décision de justice et seulement neuf mois avec leur mère à Nice. Le juge aux affaires familiales a constaté que la résidence habituelle des enfants se trouve au Congo et non en France, de sorte que les juridictions françaises ne sont pas compétentes pour statuer en matière de responsabilité parentale en application de l'article 8 précité.
Cependant, les mesures prises par le juge aux affaires familiales ont pour fondement l'article 20 du règlement n°2201/ 2003 du Conseil du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis qui permet de prendre des mesures provisoires ou conservatoires, même si une juridiction d'un autre Etat membre est compétente pour connaître du fond. Les trois conditions cumulatives devant être réunies pour qu'une juridiction puisse se déclarer compétente en application de ce texte, à savoir que les mesures à prendre doivent être urgentes, relatives aux personnes ou aux biens présents dans l'Etat membre où siège la juridiction, et de nature provisoire, étaient réunies au jour de l'ordonnance querellée. Il en résulte que c'est à juste titre que l'ordonnance du 26 avril 2018 a pu être rendue.
Cependant est intervenue dans l'intervalle, sur saisine de M. X..., la décision exécutoire dès notification rendue le 5 juillet 2018 par le tribunal pour enfants de Kinshasa qui a :
- dit la requête de M. X... recevable et fondée,
- confirmé que la résidence principale des enfants est fixée chez M. X...,
- constaté qu'il y a des éléments nouveaux présentés sous forme de violences physiques et psychologiques faites aux enfants Tomiya et Ethan B... au Congo chez leur père,
- dit que l'audition des enfants Tomiya et Ethan B... par devant le tribunal s'avère indispensable,
- ordonné que les enfants Tomiya et Ethan B... X... soient retournés au Congo pour les présenter devant leur juge naturel afin de statuer au fond sur les nouveaux éléments.
Cette décision a été signifiée à Mme Y... le 9 juillet 2018.
En l'état de cette décision exécutoire, rendue par le juge compétent, l'ordonnance querellée n'a plus lieu d'être, et il convient de faire droit à la demande principale de l'appelant d'ordonner le retour immédiat des enfants Tomyia et Ethan-B..., sous peine d'astreinte, conformément à la demande de M. X....
Au sens des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, 2, ll), et 11, § 1, du réglement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003, est illicite tout déplacement d'un enfant fait en violation d'un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement.
En l'occurrence, c'est effectivement de manière illicite que, au mépris de la décision alors applicable, à savoir l'arrêt de la cour d'appel de Bruxelles en date du 15 mars 2011, rendu exécutoire en République Démocratique du Congo par l'ordonnance du 27 février 2012 du président du tribunal de grande instance de Kinshasa, Mme Y... a violé les dispositions gouvernant l'exercice de son droit de visite et d'hébergement et n'a pas veillé au retour au Congo des deux enfants communs le 7 janvier 2018 pour les emmener en France, à l'insu du père. En particulier, sa mauvaise foi est avérée puisqu'elle n'a pas saisi préalablement ni le juge congolais, ni le juge belge, alors que, de son propre aveu, elle était au courant des problèmes de violences alléguées à l'égard des enfants dès avant leur arrivée en décembre 2017, et qu'elle les aurait immédiatement constatées à leur arrivée. Dès lors, elle a fait preuve de résistance abusive en contraignant M. X... à diligenter la présente procédure. Il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts formulée par l'appelant selon les modalités fixées ci-dessous.
Par voie de conséquence, Mme Y... sera déboutée de l'ensemble de ses chefs de demande.
Sur les demandes accessoires
Mme Y..., qui succombe, supportera la charge des dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... l'intégralité des sommes engagées pour l'instance d'appel et non comprises dans les dépens; il sera fait droit à sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile selon les modalités indiquées au dispositif ci-dessous.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant en chambre du conseil, contradictoirement, après débats non publics,
Confirme la décision entreprise en ses dispositions relatives à l'autorité parentale conjointe, à l'enquête sociale et au rejet de la demande de dissimuler l'adresse de Mme Noëlla Y..., l'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et par disposition nouvelle,
Dit que le droit de la République démocratique du Congo est applicable à l'espèce,
Vu le jugement rendu le 5 juillet 2018 par le tribunal pour enfants de Kinshasa, ordonne le retour des enfants Tomyia et Ethan B... X..., aux frais de Mme Noëlla Y..., en Belgique, chez leur grand-mère paternelle où M. Thomas X... pour aller récupérer afin les ramener à Kinshasa, et ce, sous quarante-huit heures à compter de la notification du présent arrêt, sous peine d'une astreinte provisoire de cent euros (100 €) par jour de retard, à courir sur une période maximale de soixante jours, à défaut de quoi l'astreinte pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée,
Y ajoutant,
Déboute Mme Noëlla Y... de l'ensemble de ses chefs de demande,
Condamne Mme Noëlla Y... à verser à M. Thomas X... la somme de trois mille euros (3.000 €) à titre de dommages et intérêts pour le déplacement illicite des enfants communs,
Condamne Mme Noëlla Y... aux dépens de première instance et d'appel,
Condamne Mme Noëlla Y... à payer à M. Thomas X... la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT