COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2018
lb
N° 2018/ 793
N° RG 16/15831 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7FOM
[R] [T]
[B] [N]
C/
SCI B.SI
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Marie-Anne COLLING
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal d'Instance de MARTIGUES en date du 19 Juillet 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 11/14158.
APPELANTS
Monsieur [R] [H] [T]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Marie-Anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
Madame [B] [K] [N]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Marie-Anne COLLING de la SELARL LSCM & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, plaidant
INTIMEE
SCI B.SI prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Thomas TAILLEPIED, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc BRIAND, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2018
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. [R] [T] et Mme [B] [N] d'une part et la SCI B.SI d'autre part sont respectivement propriétaires des parcelles cadastrées AL [Cadastre 1] et AL [Cadastre 1] situées [Adresse 3]. Par acte d'huissier du 6 février 2014, les premiers ont fait assigner la seconde en bornage devant le tribunal d'instance de Martigues qui, par jugement avant dire droit du 2 janvier 2015, a commis M. [C] [Q] en qualité d'expert.
Par jugement contradictoire au fond du 19 juillet 2016, la juridiction d'instance a :
' rejeté les notes en délibéré rédigées par les parties ;
' rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SCI B.SI ;
' déclaré recevable l'action de M. [R] [T] et Mme [B] [N] ;
' fixé les limites de propriétés des parcelles AL [Cadastre 1] et AL [Cadastre 1] conformément à la ligne définie par les sommets 10,11, 12,13, 14,15 et 16 du plan figurant en annexe du rapport de l'expert [Q];
' ordonné en conséquence l'implantation des bornes conformément à cette ligne ;
' dit que les bornes seront plantées et verbalisées par les soins de l'expert géomètre qui dressera procès-verbal de cette opération et qu'il sera statué sur son homologation en cas de contestation;
' fixé la provision due par la SCI B.SI à la somme de 1000 € à valoir sur la rémunération de l'expert ;
' dit que les frais de bornage seront partagés par moitié entre les parties ;
' ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
' condamné M. [R] [T] et Mme [B] [N] aux dépens de l'instance comprenant les frais d'expertise.
M. [R] [T] et Mme [B] [N] ont régulièrement relevé appel de cette décision le 29 août 2016 et demandent à la cour selon conclusions signifiées par voie électronique le 23 janvier 2018 de:
vu l'article 2270 du code civil,
' infirmer le jugement déféré et ordonner le bornage des parcelles selon la ligne 2,8 et 5 du plan de l'expert judiciaire ;
' débouter la SCI B.SI de l'ensemble de ses écritures reconventionnelles ;
' la condamner aux dépens incluant les frais d'expertise et au paiement d'une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de leur appel, M. [R] [T] et Mme [B] [N] font valoir principalement que les parcelles dont s'agit sont situées dans un lotissement, qu'ils ne revendiquent aucun droit de propriété mais entendent seulement faire application de leur titre dans les lieux et qu'ainsi leur action est recevable ; au fond ils soutiennent que le tribunal a fait une mauvaise application de l'article 2270 du Code civil sur la prescription.
La SCI B.SI sollicite en réplique selon conclusions signifiées par voie électronique le 24 août 2018 :
vu les articles 544 et 545, 646 et 1134, 2261 du code civil,
vu l'article R-211-4 du code de l'organisation judiciaire,
' infirmer le jugement déféré et à titre principal déclarer le tribunal d'instance incompétent ;
' condamner M. [R] [T] et Mme [B] [N] à rembourser à la SCI B.SI les frais d'expertise engagés ;
' à titre subsidiaire, constater que la limite des parcelles a été fixée en 1959 dans un acte publié à la conservation des hypothèques ;
' dire que le mur séparant les parcelles est un mur mitoyen au sens de l'article 653 du Code civil;
' en conséquence déclarer la demande en bornage irrecevable et condamner M. [R] [T] et Mme [B] [N] à rembourser les frais d'expertise judiciaire engagés ;
' à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement entrepris et réformer sur les frais d'expertise judiciaire et de bornage en condamnant les appelants à en supporter la charge intégrale ;
' en tout état de cause, condamner M. [R] [T] et Mme [B] [N] aux dépens et au paiement d'une indemnité de 4500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée soutient principalement que l'expert a mis en évidence une contrariété entre les plans et titres de propriété des appelants qui revendiquent en réalité une bande de terre de 97 m² alors qu'un plan des lieux a été dressé le 24 octobre 1959 par le géomètre expert [M] et que les parcelles ont été bornées en exécution de ce plan, que de même un bornage a été effectué le 14 décembre 1940, que les appelants revendiquent d'ailleurs la limite arrêtée dans ce dernier plan
et qu'ainsi leur action est irrecevable ; la SCI soutient au fond à titre infiniment subsidiaire que la limite divisoire entre les parcelles doit être déterminée en fonction de la possession.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 20 avril 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande incidente de la SCI B.SI en radiation de l'appel au visa de l'article 526 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 10 septembre 2018.
MOTIFS de la DECISION
Sur la procédure :
Il est constant qu'un litige oppose les parties sur la limite séparative de leurs parcelles contiguës auquel M. [R] [T] et Mme [B] [N] ont entendu mettre fin en assignant la SCI intimée en bornage sur le fondement de l'article 646 du code civil ; la lecture de leurs conclusions tant de première instance que d'appel et du rapport d'expertise montre également que sa solution a été recherchée par l'application des titres de propriété dans les lieux.
Cette application suppose l'analyse de ces titres ainsi que de leur antériorité et une confrontation avec les contenances qu'ils comportent et les surfaces détenues ou occupées ; ces opérations ne dégénèrent pas pour autant en une revendication de propriété sauf à priver de tout effet l'action autonome de l'article 646 précité et force est de constater avec le premier juge qu'en l'espèce aucun des titres produits aux débats n'est contesté dans son principe, sa validité ou son effet translatif.
C'est donc à bon droit que le premier juge, par des motifs appropriés que la cour adopte, a retenu sa compétence matérielle.
C'est également par de justes motifs qu'il a déclaré l'action recevable en l'absence de bornage antérieur ; en effet, l'expert judiciaire n'a pas retrouvé la trace de bornes anciennes dans les lieux; de même, le plan du lotissement Aguillon créé en 1938 et le plan de la propriété de M. [G] [D] réalisé le 24 octobre 1959 par le géomètre [M] ne sauraient être constitutifs d'un bornage certain et mené à son terme.
Au fond :
Pour rechercher la limite devenue incertaine de propriétés à borner, il convient d'interroger les titres des parties, en les interprétant pour en faire ou pour en refuser l'application aux lieux litigieux ; il faut tenir compte également de la possession actuelle et des traces des anciennes délimitations, consulter les papiers, livres, documents d'arpentage, le cadastre et tous documents utiles, les parties étant elles-même libres d'apporter les preuves qu'elles estiment utiles pour déterminer la limite de leur propriété respective.
Il ressort de l'examen des titres figurant à leurs dossiers et des recherches et constatations de l'expert judiciaire que les fonds de M. [R] [T] et Mme [B] [N] et de la SCI B.SI ont une origine commune, soit les lots n° 9 et 10 du lotissement Aguillon propriété de Mme [D] devenus parcelles AL [Cadastre 1] et AL [Cadastre 1] vendues en 2012 et 2013 par cette dernière, que ces deux parcelles se sont agrandies à l'est au fil du temps, que le plan de vente du géomètre [M] précité de1959 révèle des différences de 5 à 48 centimètres sur les quatre côtés de la parcelle [D] et qu'une erreur figure au plan cadastral sur la représentation des deux garages.
La limite 2-8-5 revendiquée par les appelants ne peut donc être retenue au regard de ces éléments.
En revanche, il est acquis qu'un mur ancien de plus de 2 mètres de hauteur édifié entre les deux garages sépare les propriétés, que le garage aménagé sur le fonds de la SCI B.SI est loué ainsi que son accès à la voie publique par Mme [H] sans interruption depuis 1982, que deux locataires antérieurs s'y sont succédé depuis 1978 et que M. [R] [T] et Mme [B] [N] n'ont eux-mêmes acquis une parcelle ne comportant qu'un seul garage.
Ils ne sont donc pas fondés à contester cette possession trentenaire au seul motif d'une antériorité commune des titres de propriété alors que le détenteur peut prescrire en dehors ou au-delà de son titre ainsi que l'a rappelé le tribunal.
La délimitation qu'il a arrêtée est ainsi confirmée ainsi que sa mise en 'uvre à frais communs.
***
Il n'apparaît pas inéquitable, dans un souci d'apaisement s'agissant d'un litige opposant des voisins, de laisser à chacun d'eux la charge de ses frais non taxables. En revanche, M. [R] [T] et Mme [B] [N] qui succombent dans leur recours assumeront la charge des dépens conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que M. [R] [T] et Mme [B] [N] assumeront la charge des dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT