COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
3e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 08 NOVEMBRE 2018
N° 2018/324
N° RG 18/02476 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BB6AO
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF -
C/
Frédéric X...
Gérard Y...
Société d'Economie Mixte SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DU VAL D'ALLOS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph Z...
Me Layla A...
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 25 Janvier 2018 enregistrée au répertoire général sous le n° 17/00146.
APPELANTE
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS - MAF, demeurant [...]
représentée par Me Joseph Z... de la SCP Z... E... Z... JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Jean-Louis B..., avocat au barreau de NICE substitué par Me Benjamin C..., avocat au barreau de NICE
INTIMES
Maître Frédéric X..., demeurant [...]
représenté par Me Layla A... de la SCP CABINET BUVAT-A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Laurent D..., avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Monsieur Gérard Y...,
signification de la DA, d'avis de fixation et des conclusions le 28 février 2018 (PV Difficultés) à la requête de la MAF, demeurant [...]
défaillant
Société d'Economie Mixte SOCIETE DE DEVELOPPEMENT DU VAL D'ALLOS, demeurant [...]
représentée par Me Layla A... de la SCP CABINET BUVAT-A..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Laurent D..., avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 20 Septembre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Florence TANGUY, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Président
Mme Béatrice MARS, Conseiller
Mme Florence TANGUY, Conseiller rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018.
ARRÊT
Défaut,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 08 Novembre 2018,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Président et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société pour l'Aménagement de la Foux d'Allos (dénommé SAFA) aux droits de laquelle vient la société SVDA, a fait construire un immeuble dénommé résidence L'Aiguille et a vendu les appartements en l'état futur d'achèvement.
Elle a été condamnée à réparer les désordres affectant l'immeuble par un premier jugement du 16 novembre 1994 et par un second jugement du 14 janvier 1998.
Par un unique arrêt du 25 mars 1999, cette cour, a confirmé les deux jugements sauf en ce qui concerne, dans le second jugement, la responsabilité de l'architecte, M. Gérard Y..., qu'elle a condamné à relever et garantir la SAFA des condamnations prononcées contre elle concernant la toiture en déclarant la prescription décennale non acquise pour ces désordres.
Sur pourvoi de la société SDVA, la Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt sur la seule question de la prescription pour les désordres autres que ceux affectant la toiture et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Montpellier qui a déclaré la prescription acquise pour ces désordres, l'arrêt du 25 mars 1999 étant donc irrévocable sur les condamnations prononcées au titre des désordres en toiture. Et en application de ces décisions, la société SDVA devait payer au syndicat des copropriétaires la somme de 232 764,94 euros outre intérêts et accessoires et M. Y... devait relever et garantir la société SDVA de ces condamnations.
La SEFA, anciennement SAFA, devenue SDVA, a été mise en redressement judiciaire par jugement du 17 octobre 2001, et le syndicat des copropriétaires a déclaré sa créance à titre chirographaire, laquelle a été retenue à hauteur de la somme totale de 302 641,64 euros par ordonnance du juge commissaire du 21 février 2007. Par la suite, un plan de redressement de la SDVA a été homologué par jugement du tribunal de grande instance de Digne du 6 novembre 2002.
Par ordonnance de référé du 19 décembre 2013, sur assignation du 7 septembre 2012, le juge des référés de Digne-Les-Bains a condamné solidairement M. Y... et son assureur à payer à la société SDVA la somme de 144 827,62 euros.
La société SDVA qui a été placée à nouveau en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Manosque du 4 décembre 2012, maître X... ayant été désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan, a été autorisée par plusieurs jugements du tribunal de commerce à opérer des paiements partiels de sa dette au syndicat des copropriétaires, notamment par des cessions d'actifs.
La société SDVA et Maître X... ont assigné, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, M. Y... et la MAF, devant le juge des référés de Digne-Les-Bains, en paiement de la somme de 85 375,55 euros, portée à 149 406,68 euros à l'audience.
Par ordonnance du 25 janvier 2018, le juge des référés a :
- rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par M. Y... et la MAF ;
- rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. Y... et la MAF ;
- condamné M. Y... in solidum avec son assureur la MAF à payer à la société SDVA la somme provisionnelle de 149 406,68 euros ;
- rejeté les demandes présentées sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. Y... in solidum avec son assureur la MAF aux dépens.
Il a rejeté l'exception de procédure tirée de l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution en considérant que le litige ne portait pas sur le titre exécutoire ni sur une difficulté d'exécution.
Il a également rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription en jugeant que la prescription applicable était celle de l'exécution de l'arrêt de condamnation, soit 10 ans.
Il a condamné la société SDVA au paiement des sommes restant dues en vertu du jugement du 25 mars 1999 après déduction de la condamnation prononcée par le juge des référés par ordonnance du 19 décembre 2013 et des sommes déjà payées.
Par déclaration du 13 février 2018, la MAF a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions remises au greffe le 20 février 2018, et auxquelles il y a lieu de se référer, elle demande à la cour :
- vu les articles L 213-6 et suivants du code de l'organisation judiciaire,
- vu l'article 2224 du code civil,
- vu l'article L.110-4 du code de commerce,
- vu l'article 809 du code de procédure civile,
- à titre liminaire,
- constatant que seul le juge de l'exécution est compétent, de dire et juger en conséquence que le juge des référés est incompétent et de réformer de ce chef l'ordonnance de référé entreprise,
- au principal,
- constatant que l'action de la SDVA et de M. X... est prescrite, de débouter la société SDVA et maître X... de toutes leurs prétentions et de réformer l'ordonnance de référé querellée,
- à titre subsidiaire,
- constatant que les intimées n'ont pas justifié la nature des sommes réclamées à l'architecte comme s'inscrivant bien dans le principal dû par le garant,
- constatant en revanche que les intimés ont reconnu dans leurs écritures qu'une part non négligeable de la somme réclamée était constituée de frais, de pénalités et d'intérêts leur incombant, - se contentant pour toute justification de se retrancher derrière une phrase de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-En-Provence du 25 mars 1999 qui n'a certainement pas la signification qu'elles entendent lui donner,
- constatant ainsi qu'il résulte des écritures et affirmations des intimées qu'une part très importante de sommes réclamées est constituée par des pénalités et des intérêts consécutifs à leur carence dans le règlement des sommes dues au syndicat de copropriété,
- de dire et juger qu'il existe ainsi une contestation sérieuse quant au montant de la créance réclamée, et de ce chef également, de réformer l'ordonnance querellée,
- de condamner solidairement la société SDVA et maître X... au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle conclut à la compétence exclusive du juge de l'exécution au motif que le litige porterait sur l'exécution d'une décision de justice.
Elle invoque la prescription de la demande en application des articles 2224 du code civil et de l'article L.110-4 du code de commerce.
A titre subsidiaire, elle conclut au rejet de la demande en raison de contestations sérieuses. Elle prétend à ce titre ne pas être redevable des pénalités et intérêts qu'elle attribue à la carence du débiteur principal, la société SDVA, et dont elle estime que seule la SDVA responsable du retard dans le paiement, doit répondre.
Dans leurs dernières conclusions remises au greffe le 26 mars 2018, et auxquelles il convient de se référer, M. X... et la société SDVA demandent à la cour :
- vu l'article 2222 du code civil, l'article L 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, l'article 809 du code de procédure civile,
- vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Digne le 16 novembre 1994,
- vu le jugement rendu par 1e tribunal de grande instance de Digne le 14 janvier 1998,
- vu l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 25 mars 1999,
- vu l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 26 juin 2002,
- vu l'ordonnance du juge commissaire du tribunal de grande instance de Digne, du 21 février 2007 fixant la créance du syndicat de copropriété L'Aiguille,
- vu les justificatifs de paiement de la somme de 8537,56 euros,
- vu les justificatifs de paiement de la somme de 25 612,67 euros,
- vu les justificatifs de paiement de la somme de 85 375,55 euros,
- vu les justificatifs de paiement de la somme de 29 881,45 euros,
- de rejeter l'exception d'incompétence ratione materiae soulevée par la MAF,
- de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la MAF,
- de confirmer la décision rendue par le juge des référés le 25 janvier 2018 en ce qu'elle a condamné solidairement M. Y... et la MAF au titre de l'action directe de la SDVA contre l'assureur de M. Y... au paiement de 149 406,68 euros,
- de condamner M. Y... et la MAF au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle conclut à la compétence du juge des référés au motif que le litige n'est pas lié à des difficultés relative au titre exécutoire ou à une exécution forcée. Elle s'oppose à la fin de non-recevoir tirée de la prescription au motif que la prescription applicable serait celle qui s'applique à l'exécution des titres exécutoires.
Elle fait valoir que l'arrêt de cour d'appel de 1999 ne limite pas la condamnation de M. Y... aux sommes principales dues par la société SDVA.
L'huissier de justice qui a tenté de signifier la déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant à M. Y... a dressé un procès-verbal de difficulté faisant état du décès de M. Y....
MOTIFS :
La société SDVA, qui a payé au syndicat des copropriétaires partie des condamnations, agit contre l'architecte au fin de la condamnation de celui-ci à la relever et garantir et contre l'assureur de l'architecte, la MAF.
La MAF conclut à l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution au motif que la demande porterait sur l'exécution d'une décision de justice.
Il convient en premier lieu de constater que M. Y... est décédé, les demandes formées par la société SDVA et maître X... contre lui étant dès lors irrecevables.
La MAF quant à elle n'était pas partie à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 25 mars 1999 et aucune décision postérieure ne la condamne à relever et garantir la société SDVA des condamnations prononcées contre elle. La MAF ne peut donc prétendre que la demande de la société SDVA et de maître X... est liée à l'exécution d'une décision de justice et leur exception d'incompétence sera donc rejetée.
La MAF invoque en second lieu la prescription de l'action en application de l'article 2224 du code civil et de l'article L.110-1 du code de commerce.
La société SDVA et maître X... ne peuvent arguer d'une interversion de la prescription portant le délai de prescription à 10 ans puisqu'il n'existe aucune décision judiciaire de condamnation contre la MAF. Le délai de prescription de cinq ans de l'article L.110-1 du code de commerce a commencé à courir au plus tard à compter de l'admission de la créance du syndicat des copropriétaires au passif de la société SDVA, soit le 21 février 2007. Or aucune action n'a été introduite contre la MAF avant l'instance en référé introduite par assignation du 7 septembre 2012. C'est donc à juste titre que la MAF oppose à la SDVA et maître X... la forclusion de leur demande.
Aucune considération d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la MAF.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré,
INFIRME l'ordonnance de référé déférée sauf en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par M. Y... et la MAF ;
Statuant à nouveau ;
DECLARE irrecevables les demandes formées contre M. Y... ;
DIT que les demandes formées par la société SDVA et maître X... contre la MAF sont prescrites et en conséquences les déclare irrecevables ;
DIT N'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société SDVA et maître X... aux dépens de première instance et d'appel et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement contre eux conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE