COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
9e Chambre A
ARRÊT AU FOND
DU 16 NOVEMBRE 2018
N°2018/476
Rôle N° RG 16/07978 -
N° Portalis DBVB-V-B7A-6Q3U
SA LABORATOIRES M&L
C/
Hélène X... épouse Y...
Copie exécutoire délivrée le :
16 NOVEMBRE 2018
à :
Me Frédéric Z..., avocat au barreau de PARIS
Me Danièlle G..., avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS - section E - en date du 18 Avril 2016, enregistré au répertoire général sous le n° 14/209.
APPELANTE
SA LABORATOIRES M&L représentée par son président Mr Domenico TREZIO, demeurant [...]
représentée par Me Frédéric Z..., avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
Madame Hélène X... épouse Y..., demeurant [...]
représentée par Me Danièlle G..., avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Nathalie FRENOY, Conseiller
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2018.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2018
Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Hélène X... épouse Y... a été engagée par la société L'OCCITANE, ensuite dénommée LABORATOIRES M &L, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 septembre 2006 en qualité de responsable des conformités réglementaires, statut cadre, coefficient 400 de la convention collective nationale des industries chimiques.
Elle a bénéficié en cours de relation de travail de diverses augmentations de salaire.
Elle dit avoir constaté un changement dans ses relations avec sa hiérarchie à l'arrivée de Madame H..., directeur général R&D Groupe et a contesté son évaluation en juin 2013.
Elle affirme avoir été convoquée le 4 décembre 2013 à un entretien au cours duquel l'employeur a souhaité mettre un terme à leur collaboration, lui a proposé une rupture conventionnelle et l' a dispensée d'activité dans l'attente de sa décision. Elle a refusé, a été convoquée à un entretien préalable et a été licenciée par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 janvier 2014 pour faute grave.
Contestant son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains qui,
par jugement du 18 avril 2016, a
-dit que le licenciement n'était pas fondé sur une cause grave,
-condamné la société LABORATOIRES M&L à lui payer les sommes de
*16 402,40 € à titre d'indemnité de licenciement,
*1 015,07 € à titre d'indemnité de participation sur 2014,
*16 775 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
*1 677,50 € au titre des congés payés y afférents,
*1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné la société LABORATOIRES M&L aux dépens,
-dit n'y avoir lieu de prononcer l'exécution provisoire,
-débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le 28 avril 2016, la société LABORATOIRES M&L a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Dans ses conclusions soutenues oralement, la société appelante demande à la cour de:
-infirmer le jugement en ce qu'il a estimé que le licenciement reposait sur un motif réel et sérieux,
-constater le bien-fondé du licenciement pour faute grave,
-débouter Madame X... de l'ensemble de ses demandes,
-condamner l'intimée à lui restituer les sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement avec intérêts de droit à compter du paiement,
-condamner Madame X... à lui verser 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, -condamner Madame X... aux dépens.
Aux termes de ses écritures développées à l'audience, Madame X..., intimée, demande que la cour :
-dise l'appel incident recevable,
-infirme le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et vexatoire ainsi que de sa demande subsidiaire d'indemnité pour irrégularité de procédure,
-dise que le licenciement est entaché d'un vice de fond pour non-respect des dispositions relatives à l'entretien préalable mais encore pour avoir été prononcé verbalement avant toute notification écrite dans les délais légaux,
-dise que le motif du licenciement n'est pas justifié, que l'employeur ne rapporte pas la preuve d'un harcèlement moral que Madame X... aurait exercé sur ses collaborateurs, que les faits évoqués et non justifiés ne sont pas des fautes et sont anciens,
-confirme le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement n'était pas fondé sur une faute grave,
-l'infirme en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse alors qu'il relève dans son corps l'absence de justification et la prescription des faits,
-dise que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse,
-condamne la société LABORATOIRES M&L à lui payer
*67100 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
*5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct résultant des circonstances vexatoires de la rupture du contrat de travail,
*ou subsidiairement, 5 591 € au titre du non-respect de la procédure de licenciement,
-confirme le jugement pour le surplus,
-déboute la société LABORATOIRES M&L de l'ensemble de ses demandes,
-condamne la société LABORATOIRES M&L à lui payer 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
-condamne la société LABORATOIRES M&L aux dépens.
Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l'audience.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur le licenciement verbal :
La société LABORATOIRES M&L conteste tout licenciement verbal notifié avant la lettre de licenciement envoyée le 15 janvier 2014. Elle rappelle que la salariée ne rapporte pas la preuve d'un tel congédiement verbal mais met en avant un échange de courriels de salariés s'interrogeant sur l'absence de Madame X....
L'intimée considère que la décision de la licencier était acquise dès avant sa notification et même dès avant l'entretien préalable puisqu'elle a été autorisée à ne pas reprendre son poste jusqu'au 10 décembre puis jusqu'à l'issue de la procédure de licenciement, que tous les points hebdomadaires fixés sur son agenda numérique ont été supprimés, que son compte intranet a été désactivé, que dans un courriel du 20 décembre 2013 Marina A... ( employée de la société à Paris ) lui indique «j'ai cru apprendre que tu avais quitté le groupe '», que dans un courriel du 8 janvier 2014 Céline B... (employée du groupe à Paris) lui dit «j'ai appris à mon retour de congé que tu n'étais plus là. Peu m'importe la ou les raisons je voulais juste te faire part de mon soutien et te dire que j'espère que la situation va s'arranger».
Aux termes de l'article L 1232-6 du code du travail, l'employeur qui décide de licencier un salarié doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.
Un licenciement verbal suppose qu'une décision irrévocable de rupture définitive du lien contractuel ait été prise par l'employeur.
Or, les courriels invoqués ne sauraient être pris comme reflétant l'information certaine d'un licenciement décidé à l'encontre de Madame X..., Madame A... étant interrogative dans son message et Madame B..., très floue dans ses propos, avouant elle-même son ignorance de la situation exacte, laquelle n'était pas pour elle définitive puisqu'elle l'estimait susceptible de «s'arranger».
Par ailleurs, la salariée produit diverses captures d'écran de son agenda BlackBerry notamment ; cependant, en l'absence de tout élément objectif permettant de corroborer les indications apposées sur ces captures d'écran et d'authentifier ces dernières, elles ne sauraient démontrer la désactivation du compte intranet de l'intéressée.
Quant à la suppression des points hebdomadaires fixés sur son agenda numérique, pour le cas où elle serait démontrée, elle serait la conséquence logique de l'autorisation d'absence donnée le 4 décembre 2013 jusqu'au 9 décembre suivant, puis de la dispense d'activité accompagnant la convocation à entretien préalable en date du 10 décembre 2013 et ce, pour la durée de la procédure de licenciement.
Ces différents éléments ne sauraient donc être considérés comme reflétant une décision de rupture d'ores et déjà prise par la société LABORATOIRES M&L, avant la notification par la lettre de licenciement.
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement adressée le 15 janvier 2014 à Hélène X... indique :
«Vous étiez en charge du management d'une équipe de plusieurs personnes.
Assez rapidement, il est apparu que vous rencontriez des difficultés de management des personnes placées sous votre autorité.
Nous avons décidé avec votre accord que vous bénéficieriez d'un accompagnement managérial continu via Monsieur Jean-Louis C... et de formation adaptée à votre métier et en particulier en coaching managérial pour faciliter, améliorer l'exercice de vos responsabilités au titre de vos fonctions de direction.
Vous avez ainsi bénéficié de coaching :
-du 10/06/2009 au 10/06/2009 ( 4 heures)
-du 06/07/2009 au 06/07/2009 (1 heure)
-du 01/09/2009 au 01/01/2009 (1 heure)
-du 21/10/2009 au 21/10 2009 (1 heure)
-du 18/01/2010 au 18/01/2010 ( 1 heure)
-du 21/06/2010 au 21/06/2010 (1 heure)
-du 06/04/2010 au 09/04/2010 (8 heures)
-du 07/11/2012 au 05/04/2013 (20 heures)
Au cours de l'année dernière, à la suite d'incidents de management vous ayant opposé à vos collaborateurs, vous avez bénéficié, à nouveau, de formation en coaching interne, mais aussi de nombreux entretiens avec moi-même en 2012, avec Jean-Louis C... de manière continue et avec Bénédicte H... ponctuellement en 2013 destinés à vous permettre de mieux organiser vos relations de travail avec vos subordonnés.
Nous pensions que ces actions d'accompagnement vous permettraient d'appréhender au mieux vos obligations relationnelles de manager.
Fin octobre dernier, il a été porté à notre connaissance des accusations extrêmement graves d'actes de harcèlement moral dont vous auriez été l'auteur à l'encontre de plusieurs membres du personnel placés sous votre autorité.
À la suite d'une enquête interne, il s'est avéré et il est apparu que vos collaborateurs ou anciens collaborateurs, étaient en état de souffrance à la suite de vos agissements, répétés :
-attitude blessante, dénigrante, humiliante
-vocabulaire offensant,
-agressivité et volonté d'humilier vos interlocuteurs et de les rabaisser
Pour illustrer cela nous rapportons ici les propos et attitudes que vous avez pu avoir au cours du temps
«t'es nulle», «t'es une perte de temps», geste du « canard » pour signaler à vos collaborateurs de se taire, «tu es sûr que tu n'es pas sous cachets », « tu n'as pas été fini à la naissance », « je t'ai assez vu pour la semaine», dénigrement et critiques incessantes par mail ou à l'oral, en tête à tête ou devant d'autres personnes, en réaction soit au travail fourni, soit aux réponses apportées aux clients internes.
Malgré notre démarche d'accompagnement par laquelle nous nous sommes continuellement positionnés à votre égard en soutien pour la bonne acquisition de vos compétences managériales en cohérence avec nos politiques RH et valeurs d'entreprise, votre attitude inadmissible semble avoir été constante et volontaire de votre part.
Lors de l'entretien préalable, après avoir écouté mes longues explications et exemples donnés, vous m'avez indiqué très sobrement et sans plus de réactions que vous contestiez les accusations de souffrance, de mal-être et de harcèlement moral que nous vous reprochions sans être capable d'expliquer les raisons pour lesquelles plusieurs membres du personnel avaient confirmé l'existence de ce comportement condamnable.
Vous avez préféré en revanche poser des questions relatives à votre DIF et vos Stocks Options.
Par lettre en date du 10 décembre 2013, j'ai été contraint de vous convoquer un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement et vous dispenser de vous présenter à votre poste.
Vos explications n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits.
Le type de management que vous avez entendu mettre en place est totalement contraire aux valeurs et à l'esprit qui anime les rapports entre la direction et le personnel depuis la création de notre société.
Il n'est pas admissible que sous couvert d'obtenir des résultats, vos rapports hiérarchiques soient exclusivement fondés sur des rapports conflictuels mettant en danger la santé de vos collaborateurs.
Je vous notifie donc votre licenciement pour faute grave à compter de la première présentation de la présente lettre. »
La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise; il appartient à l'employeur d'en rapporter la preuve.
La société LABORATOIRES M&L fait valoir qu'étant soumise à une obligation de sécurité de résultat en matière de santé et de sécurité au travail et responsable des agissements de harcèlement moral commis par toute personne exerçant une simple autorité de fait sur les salariés, elle se devait de faire échapper une partie des salariés soumis aux comportements agressifs et irrespectueux de Madame X... qui, malgré les mesures mises en place, n'a pas modifié son comportement et faisait subir dénigrements et humiliations à ses collaboratrices lesquelles refusant de se trouver seules avec elle, ont déposé une plainte écrite.
Pour démontrer la réalité, la gravité des faits reprochés à Hélène X... et leur imputabilité à cette dernière, la société LABORATOIRES M&L produit un courriel d'Élodie D... en date du 19 décembre 2013 listant des sessions de coaching, des échanges de courriels entre Jean-Louis C... et Caroline E..., conseil en management, relativement à des coachings pour Hélène X..., un courriel du 13 décembre 2012 de Jean-Louis C... indiquant «notre réunion fonctionnement du service n°2 a été très positive. Après mon intro, Hélène a expliqué combien cela avait été dur pour elle, qu'elle n'avait jamais pensé un instant arriver à une situation telle' Cela a été bien perçu. Il reste encore des points à améliorer mais tout le monde a apprécié les efforts », celui en réponse de Caroline E..., conseil en management, indiquant « je suis contente qu'Hélène ait pu un peu livrer de ses ressentis, le chemin va être long, mais l'envie de se sentir mieux avec les équipes et d'améliorer l'efficacité collective, avec quelques conseils, elle va probablement passer des caps progressivement' Une bonne séance de travail en tous cas mardi matin toutes les deux», des extraits d'évaluation (30 mai 2011 : «Management toujours délicat de la Responsable Réglementaire dont le tempérament ombrageux ne doit pas faire oublier les qualités mais ce pôle, qui est difficile, est en bonne voie », « le manque d'empathie et un relatif mépris d'Hélène à l'égard des tiers rendent parfois très inconfortable ma position de «médiateur » entre les différents services (Développement, Prospective, Marketing, Gestion demande) et Réglementaire », un courriel du 22 février 2013 d'Hélène X... reprenant les éléments d'un entretien avec Bénédicte H... «il m'a été mentionné que des critiques à mon égard, récemment (dans les trois derniers mois) auraient été formulés par mon équipe (via les cadres et les non-cadres), notamment via le CE, mes demandes de précision sur ce sujet (contexte/personnes/timing) sont restées sans réponse claire», un courriel de Jean-Louis C... lui indiquant «qu'elles attendent en priorité plus de respect, dans les mots et dans les actes» ,«qu'en parallèle tu te montres plus à l'écoute, plus ouverte à leurs questions. Elles doivent pouvoir venir te trouver » «sans que cela les angoisse (peur de se prendre une réflexion déplacée)», le message de réponse de l'intimée en date du 3 octobre 2012 ( sic) «si je dis « chut» à Morgane qd elle s'engage sur un point qu'on arrivera pas respecter, c'est sur ce que c'est pas la bonne méthode de ma part, mais je veux bien un « truc » de ta part ds ce type de situation ».
La société LABORATOIRES M&L verse également au débat le courriel de Jean-Louis C... en date du 27 février 2013 indiquant «les faiblesses managériales identifiées depuis longtemps, malheureusement persistent, malgré le coaching individuel dont l'entreprise te fait bénéficier depuis plusieurs mois. En effet, nous avons eu directement et indirectement des retours inquiétants de personnes de ton équipe, en situation d'inconfort, voire de souffrance et qui nous ont clairement demandé de pouvoir garder l'anonymat par crainte. Ton équipe souffre en particulier de ton peu de disponibilité pour les écouter, les aider, les accompagner dans leur travail (points peu fréquents, focalisés sur tes questions et non les leurs'). Elles manquent généralement de contexte que lorsque tu leur fais des demandes spécifiques et ne savent donc pas pourquoi elles travaillent, à quoi cela sert et ce que devient le travail effectué (exemple le plus récent Amande USA). Elles souffrent d'un manque de distinction entre l'urgent et important [...] Il est important que tu comprennes que ton développement futur dans l'entreprise, qui s'appuie sur des basses techniques solides, est désormais aussi dépendant de ta capacité à gérer, animer et fédérer une équipe » «comme nous te l'avons mentionné à plusieurs reprises, nous croyons en tes capacités à réussir ce changement personnel, nous continuons à investir dans ton coaching individuel avec Madame E... et nous te consacrons le temps nécessaire pour t'accompagner en tant que supérieurs hiérarchiques, dans ce projet », un compte rendu de Bénédicte H... du 17 octobre 2013 «je trouve vraiment très regrettable que la situation avec Audrey ait dégénéré au point qu'elle ne puisse plus supporter un point individuel avec Hélène sans la présence d'une tierce personne».
La société LABORATOIRES M&L produit en outre l'attestation de Nicole GAOUDITZ, faisant état de changement de ses conditions de travail à l'arrivée d'Hélène X..., la faisant douter de ses capacités, contrainte de la mettre en copie de chacun de ces courriels, subissant ses commentaires négatifs et ses humiliations « j'étais terrorisée », « suite à cette douloureuse expérience, deux années ont été nécessaires pour remonter la pente et reprendre confiance en moi», celle de Virginie D..., parlant du comportement «dysfonctionnel d'Hélène X... sur ses collègues et sur le service en général », «elle disait «T'es nulle », « t'es une perte de temps » vis-à-vis notamment d'Audrey F...», évoquant des collègues fondant en larmes, ayant « le sentiment d'être dévalorisées, rabaissées par Hélène, ne n'avoir pas droit au chapitre parce que trop « juniors », racontant qu'elles avaient fait part de leur désarroi au directeur scientifique, avaient fait face au déni de l'intimée qui avait subi des séances de coaching, celle d'Audrey F... évoquant des «scènes dégradantes envers d'autres personnes comme « tu es sûre que tu n'es pas sous cachets», «Tu n'as pas été fini à la naissance », «il y avait et il y a eu pendant longtemps le mouvement avec les doigts qui veut dire faire « tais- moi » qui apparaissait constamment», «chaque sujet était difficile à aborder tant il fallait se défendre et le changement d'avis ou d'humeur était fréquent. Lorsque je demandais des exemples du détail pour comprendre, j'avais droit à soit un ordre « sort de mon bureau » avec l'intonation « je t'ai assez vu pour la semaine », soit un surnom qui remettait en doute mes compétences, ma compréhension sur les sujets, le fait que je n'avais pas compris la communication et que cela était uniquement de ma faute », l'attestation de Claire I... faisant état d'«agissements [ qui ]ont eu pour conséquence des sentiments de mal-être (pleurs à domicile et sur le lieu de travail, plus l'envie de venir travailler le matin) et de stress important au travail allant jusqu'à impacter la vie privée », rappelant les «phrases non professionnelles (« c'est vraiment une perte de temps »), vocabulaire, paroles blessantes, utilisation de fausses informations pour essayer de monter les différentes personnes de l'équipe les unes contre les autres », le témoignage de Morgane DUCHEMIN faisant part de ce que « au cours de ces années, les conditions normales se sont dégradées notamment au travers de remarques désobligeantes, parfois dénigrantes (tant personnelles que professionnelles) ainsi que des gestes associés (signe de « se taire » par exemple)», différentes documentations sur les comportements hostiles dans le travail, l'accord du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail notamment.
Il n'est pas justifié par la société LABORATOIRES M&L du compte rendu de l'enquête diligentée sur le harcèlement moral subi par plusieurs personnes au sein du service.
Le compte rendu de Bénédicte H... du 17 octobre 2013 indiquant «je trouve vraiment très regrettable que la situation avec Audrey ait dégénéré au point qu'elle ne puisse plus supporter un point individuel avec Hélène sans la présence d'une tierce personne» n'est corroboré par aucun élément permettant d'objectiver l'imputabilité de cette situation à l'appelante.
Les autres éléments versés aux débats par ailleurs sont trop anciens (retranscrivant «les propos et attitudes que vous avez pu avoir au cours du temps») et en tout état de cause supérieurs à deux mois, ou non circonstanciés ou controversés et trop imprécis pour suffire à retenir à l'encontre de l'intimée le grief de harcèlement moral invoqué dans la lettre de licenciement, d'autant qu'aucune mise à pied à titre conservatoire au sens strict n'a été jugée utile par l'employeur.
Par ailleurs, le grief qui est également fait à la salariée tenant à son incapacité à gérer, fédérer et animer son équipe selon les valeurs de l'entreprise, même malgré de multiples préconisations de ses supérieurs hiérarchiques, ne saurait revêtir le caractère disciplinaire visé dans la lettre de licenciement.
Il convient donc de constater que la faute grave n'est pas démontrée, de dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains qui a rejeté la demande de dommages-intérêts, de le confirmer en ce qu'il a condamné la société LABORATOIRES M&L à verser à Madame X... diverses sommes au titre des indemnités de licenciement, compensatrices de préavis et de congés payés y afférents - dont les montants ne sont pas valablement contestés-.
Tenant compte de l'âge de la salariée (36 ans) au moment de la rupture, de son ancienneté (7 ans et 4 mois), de son salaire moyen mensuel brut (soit 5 467,46 €), de la promesse d'embauche dont elle a bénéficié en mars 2014, il y a lieu de condamner l'appelante à lui payer 35 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La demande de la société LABORATOIRES M&L tendant à la restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement de première instance doit donc être rejetée.
Sur le caractère brutal et vexatoire du licenciement :
La société LABORATOIRES M&L conteste tout caractère vexatoire du licenciement et soutient qu'aucun préjudice n'est en tout état de cause démontré par la salariée.
Madame X... fait valoir qu'elle a d'abord été dispensée d'activité dès le 4 décembre, que ses rendez-vous ont été supprimés, que son compte intranet a été bloqué, qu'elle a été licenciée pour un prétendu harcèlement moral qui n'a pas été démontré alors qu'elle a toujours eu des évaluations saluant son mérite et a bénéficié de nombreuses augmentations et primes, que son licenciement a été prémédité de longue date et a été brutal.
Les circonstances entourant la rupture ne sont pas démontrées comme vexatoires dans la mesure où la dispense d'activité a été initialement acceptée par la salariée et a été en tout état de cause, dans toute sa durée, rémunérée. Le licenciement ne saurait par ailleurs être considéré comme brutal, les étapes de la procédure ayant été respectées et la salariée et ayant été alertée à maintes reprises, depuis de longs mois, sur la priorité donnée à la modification de son comportement managérial.
Au surplus, Madame X... ne donne aucun élément permettant de caractériser la nature et l'étendue du préjudice qu'elle ne fait qu'alléguer, sans le démontrer.
La demande d'indemnisation à ce titre doit donc être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.
Sur l'intéressement :
La salariée, invoquant l'article 14. 4 de l'avenant n° 3 de la convention collective applicable, constate qu'à défaut d'être informée des éléments permettant de calculer son intéressement prorata temporis pour l'année 2014, elle a droit à des dommages-intérêts calculés sur la base des sommes perçues en 2013 et conclut à la confirmation du jugement entrepris de ce chef.
Cette disposition du jugement qui a condamné la société LABORATOIRES M&L à lui verser 1015,07 € à ce titre n'est pas valablement contestée par l'appelante et doit donc être confirmée, cette condamnation étant conforme aux droits de la salariée.
Sur les intérêts :
Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du Code civil, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances salariales (rappel de salaires, indemnités de licenciement, compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis) à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation (soit le 13 août 2014), à compter du jugement de première instance sur les créances indemnitaires confirmées et à compter du présent arrêt pour le surplus.
Sur les frais irrépétibles et les dépens:
L'équité commande de confirmer le jugement de première instance relativement aux frais irrépétibles, de faire application de l'article 700 du code de procédure civile également en cause d'appel et d'allouer à ce titre la somme de 1 500 € à l'intimée.
L'employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Confirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives au débouté de la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Dit le licenciement d'Hélène X... épouse Y... par la société LABORATOIRES M&L dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Condamne la société LABORATOIRES M&L à payer à Hélène X... épouse Y... les sommes de
- 35 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, sont dus à compter du 13 août 2014 pour les créances salariales, à compter du 18 avril 2016 pour les créances indemnitaires confirmées et à compter du présent arrêt pour le surplus,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne la société LABORATOIRES M&L aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Ghislaine POIRINE faisant fonction