COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
8e Chambre A
ARRÊT DE JONCTION ET AU FOND
DU 29 NOVEMBRE 2018
N° 2018/451
Rôle N° RG 18/03843 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCBQG
JONCTION avec le RG 18/03858
[O] [D]
[Y] [D]
C/
[T] [P]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de toulon en date du 15 Janvier 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/01132.
APPELANTS
Monsieur [O] [D]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
Madame [Y] [D]
née le [Date naissance 2] 1941 à [Localité 2] (94),
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Myriam DUBURCQ de la SCP DONNET - DUBURCQ, avocat au barreau de GRASSE
INTIME
Monsieur [T] [P]
né le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 3], demeurant [Adresse 2]
non représenté
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 10 Octobre 2018 en audience publique devant la cour composée de :
M. Bernard MESSIAS, Président de chambre
Madame Catherine DURAND, Conseiller rapporteur
Madame Anne CHALBOS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2018.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2018,
Signé par M. Bernard MESSIAS, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Les époux [O] et [Y] [D] ont confié à la société AZ Concept la construction d'une piscine pour le prix de 227.200,89 €.
Se plaignant que l'ouvrage soit affecté de malfaçons et désordres ils ont obtenu le 6 aout 2012 la désignation d'un expert judiciaire.
Suite au dépôt du rapport d'expertise ils ont assigné la société AZ Concept le 29 février 2012 en paiement de la somme de 131.208 € en réparation des malfaçons et celle de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.
Par assemblée générale du 21 juillet 2013 la société AZ Concept a été dissoute, Monsieur [T] [P] étant désigné en qualité de liquidateur amiable.
Par jugement du 13 janvier 2014 le TGI de Toulon a condamné la société AZ Concept à payer aux époux [D] la somme de 131.208 € en réparation des malfaçons et celle de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, outre frais irrépétibles.
Sur appel de la société AZ Concept, représentée par son liquidateur amiable Monsieur [P], la Cour d'appel de céans, par arrêt du 16 juin 2016, a confirmé le jugement attaqué, y ajoutant une somme de 4.000 € en actualisation du préjudice subi.
Par jugement du 28 mars 2017 le tribunal de commerce de Toulon a prononcé la liquidation judiciaire de la société AZ Concept et désigné la SELU Christine Rioux en qualité de liquidateur judiciaire.
Les époux [D] ont assigné le 17 février 2017 Monsieur [P] au visa de l'article 1382 du code civil, en réparation de leur préjudice.
Ils lui reprochent d'avoir omis de prévoir une provision couvrant leur créance dont il avait connaissance dans les comptes de liquidation
Par jugement réputé contradictoire du 15 janvier 2018 le TGI de TOULON a :
Débouté les époux [O] et [Y] [D] de leur demande en dommages et intérêts à l'encontre de Monsieur [T] [P],
Dit qu'ils conserveront la charge de leurs frais irrépétibles,
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Débouté les époux [D] du surplus de leurs demandes,
Dit qu'ils conserveront la charge de leurs dépens.
Les premiers juges ont considéré qu'aucune faute n'était caractérisée à l'encontre de Monsieur [P] en sa qualité de liquidateur amiable, que les saisies pratiquées sur les comptes de la société AZ Concept alors en exercice étaient déjà demeurées vaines.
Par déclarations d'appel du 1er mars 2018 enrôlées sous les numéros 183843 et 183858 les époux [D] ont interjeté appel de cette décision
Par conclusions déposées et notifiées le 9 avril 2018 les appelants demandent à la Cour de :
Ordonner la jonction des deux instances,
Réformer le jugement attaqué,
Sur le fondement de l'article L 237-12 du code de commerce,
Constater que [T] [P] a commis des fautes dans le cadre de l'exercice de ses fonctions de liquidateur,
Constater qu'elles ont eu pour conséquence d'organiser l'insolvabilité de la société,
Sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
Dire que la responsabilité délictuelle de Monsieur [P] est engagée à ce titre,
Condamner personnellement Monsieur [P] au paiement de la somme de 131.208,67 € outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2012, soit à ce jour 8.893,93 € au total 140.130 €, de celle de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance allouée par le TGI, celle de 1.500 € au titre des frais irrépétibles alloués par le TGI de Toulon, 4.000 € préjudice de jouissance complémentaire alloué par la Cour d'appel et 3.000 € de frais irrépétibles alloués par la Cour d'appel, soit au total 148.602,60 € (SIC) ;
Condamner Monsieur [P] au paiement d'une somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Ils exposent que Monsieur [P] n'a pas mentionné la dissolution et la liquidation de la société pendant l'instance pendante devant le TGI et lui reprochent d'avoir sciemment omis d'inclure dans les comptes de la société la créance dont il avait connaissance, de la provisionner et d'effectuer l'ensemble des obligations à sa charge, d'avoir concomitamment à la dissolution amiable de la société AZ Concept constitué une société ayant une activité identique et détourné l'actif de la société AZ Concept au profit de cette nouvelle société.
Monsieur [P] a été assigné à personne par exploit du 27 avril 2018.
L'affaire a été fixée à l'audience du 10 octobre 2018 par avis du greffe en date du 20 avril 2016 en application de l'article 905-1 du code de procédure civile.
MOTIFS
Attendu que les deux appels étant dirigés contre la même décision il convient dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'ordonner la jonction des deux instances sous le seul et unique numéro 18/3843 ;
Attendu que Monsieur [P], assigné à personne, n'ayant pas constitué avocat, l'arrêt sera réputé contradictoire ;
Attendu que les époux [D] recherchent la responsabilité de Monsieur [P] en, liquidateur amiable de la société AZ Concept, sur le fondement de l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'ils rappellent qu'en vertu de l'article L 237-12 du code de commerce le liquidateur amiable est responsable tant à l'égard de la société, qu'à l'égard des tiers des conséquences dommageables des fautes par lui commises dans l'exercice de ses fonctions ;
Attendu que la liquidation amiable d'une société impose l'apurement intégral du passif, les créances litigieuses devant, jusqu'au terme des procédures en cours, être garanties par une provision et qu'en l'absence d'actif social suffisant pour répondre du montant des condamnations éventuellement prononcées contre la société, il appartient au liquidateur de différer la clôture de la liquidation et de solliciter, le cas échéant, l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société ;
Attendu que la dissolution de la société AZ Concept a été décidée le 21 juillet 2013, Monsieur [P] étant désigné en qualité de liquidateur amiable ;
Attendu que par arrêt confirmatif du 16 juin 2016, la société AZ Concept a été condamnée définitivement à régler aux époux [D] la somme de 131.208 € en réparation des malfaçons et celle de 14.000 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que les époux [D] soutiennent que Monsieur [P] n'a exécuté aucune de ses obligations de liquidateur amiable de 2013 à 2017, n'a pas prévu de provision pour assurer le paiement de leur créance, dont il ne pouvait ignorer l'existence, le rapport d'expertise judiciaire déposé le 27 avril 2011 étant clair sur son montant et eux-mêmes ayant saisi le TGI de Toulon le 29 février 2012 en paiement de la somme de 131.208 € en réparation des malfaçons et celle de 40.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance ;
Attendu qu'ils lui reprochent par ailleurs d'avoir créé concomitamment à la dissolution amiable de la société AZ Concept une société Les compagnons de la piscine ayant la même activité et d'avoir ainsi détourné l'actif de la société AZ Concept ;
Attendu cependant que le détournement d'actif allégué n'est pas démontré comme l'ont relevé justement les premiers juges, et les époux [D] admettent être dans l'impossibilité de le prouver ;
Attendu que demeurent donc les fautes commises par Monsieur [P] dans l'exécution de son mandat de liquidateur amiable notamment pour n'avoir pas provisionné la créance dans les comptes de la société dissoute le 21 juillet 2013 alors que le litige existait entre les parties depuis 2012 ;
Attendu que la liquidation judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société AZ Concept le 28 mars 2017 sur la demande des époux [D], les juges consulaires ayant constaté que la société était en état de cessation des paiements et dans l'impossibilité de proposer un plan de redressement ;
Attendu qu'il y a lieu de s'interroger sur le lien de causalité entre les fautes commises par le liquidateur amiable et le préjudice invoqué par les époux [D] consistant à ne pas pouvoir obtenir de la société AZ Concept le paiement de leurs créances ;
Attendu que les époux [D] versent aux débats des procés-verbaux de saisie conservatoire pour avoir paiement de la somme de 131.208,67 €, saisies effectuées le 28 février 2012 auprès de la Lyonnaise de Banque (tous les comptes clôturés en décembre 2011), la Caisse d'Epargne Côte d'Azur (compte créditeur de 2727 €), du Crédit Mutuel (compte débiteur de 11.146,48 €) et le 4 mars 2013 auprès de la BPCA (compte débiteur de 9673,75 €) ;
Attendu qu'antérieurement à la dissolution de la société AZ Concept, les tentatives de recouvrement de la créance opérées par les époux [D] à plusieurs reprises pendant une année sont demeurées vaines ;
Attendu ainsi que la société AZ Concept n'était déjà pas en mesure de régler la créance réclamée avec sa trésorerie disponible avant sa dissolution ;
Attendu qu'il s'en évince que l'absence de provisionnement de la créance des époux [D] dans les comptes de la société par le liquidateur amiable à compter du 21 juillet 2013 et les fautes commises dans la gestion de la liquidation amiable ne sont pas à l'origine de l'insolvabilité de la société AZ Concept ni du préjudice invoqué par les époux [D] ;
Attendu que les appelants sont par conséquent déboutés de leurs demandes de condamnation de Monsieur [P] au paiement de la somme de 131.208,67 €, outre intérêts au taux légal à compter du 29 février 2012, de celle de 10.000 € au titre du préjudice de jouissance allouée par le TGI, celle de 1.500 € au titre des frais irrépétibles alloués par le TGI de Toulon, de 4.000 € au titre du préjudice de jouissance complémentaire alloué par la Cour d'appel et celle de 3.000 € de frais irrépétibles alloués par la Cour d'appel ;
Attendu que le jugement attaqué est confirmé ;
Attendu qu'ils seront condamnés aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt réputé contradictoire et publiquement,
Ordonne la jonction des appels n° 18/3843 et 18/3858 sous le seul et unique numéro 18/3843,
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute les époux [O] et [Y] [D] de leurs demandes, fins et conclusions,
Laisse les entiers dépens à leur charge.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT