COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-4
(anciennement dénommée 6e Chambre D)
ARRÊT AU FOND
DU 16 JANVIER 2019
A.L G.
N° 2019/0017
Rôle N° 16/14758 -
N° Portalis DBVB-V-B7A-7CU4
[G] [F]
C/
[I] [V]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Line KONAN
Me [G] SUID-VANHEMELRYCK
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 18 Juillet 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 14/03023.
APPELANTE
Madame [G] [F]
née le [Date naissance 1] 1961 à [Localité 1] (94100)
de nationalité Française,
demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée par Me [G] SUID-VANHEMELRYCK, avocat au barreau de NICE, plaidant.
INTIME
Monsieur [I] [V]
né le [Date naissance 2] 1959 à Targu [Localité 2] (Roumanie),
demeurant [Adresse 2]
représenté et assisté par Me Line KONAN, avocat au barreau de GRASSE, plaidant.
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 31 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme Annaick LE GOFF, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre
Mme Annie RENOU, Conseiller
Mme Annaick LE GOFF, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Dominique COSTE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2019,
Signé par M. Jean-Baptiste COLOMBANI, Premier président de chambre et Mme Dominique COSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M. [I] [V] et Mme [G] [F] se sont mariés le [Date mariage 1] 1992 à [Localité 3] 18ème sans contrat préalable.
Aux termes d'un jugement en date du 14 octobre 2008, le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Grasse a prononcé le divorce des époux [V]-[F] par consentement mutuel et homologué leur convention définitive prévoyant :
- l'attribution en pleine propriété du domicile conjugal à Mme [G] [F] aux termes d'un acte notarié de liquidation du régime matrimonial reçu le 20 juin 2008 par maître [P], notaire à [Localité 4], homologué,
- une prestation compensatoire de 112.050 € au profit de Mme [G] [F] à charge de M. [I] [V] au titre de sa part dans le bien immobilier, s'élevant à 187.050 €, soit un solde dû à M. [I] [V] de 75.000 € payable dans les 5 ans à compter du prononcé du divorce.
Le 25 février 2014, M. [V] a fait signifier à Mme [F] un commandement d'avoir à lui payer, dans le délai d'un mois, la somme de 75.000 €, en vertu de l'acte liquidatif notarié. Par acte d'huissier en date du 25 mars 2014, Mme [F] a fait opposition à ce commandement de payer et en même temps sommation à son ex époux :
- d'avoir à lui rembourser la somme de vingt-cinq mille euros (25.000 €), provenant d'un don manuel de sa grand-mère, placé dans le partnership-fund commun, alors sous l'enseigne de Vimanas LTD, géré exclusivement par son ex-époux à la Jyske Bank,
- d'avoir à lui payer, personnellement, à titre de responsabilité civile, la somme provisionnelle de quatre-vingt dix mille euros (90.000 €) en indemnité compensatoire de remboursement de la moitié des avoirs dudit fonds, sous réserve de parfaire et d'intégrer les intérêts,
- d'avoir à lui racheter ses droits sur ledit fonds pour une somme ne pouvant être inférieure à quatre-vingt mille euros (80.000 €), sous réserve d'en diminuer la hauteur par compensation et d'en fixer, éventuellement, le parfait quantum par expertise à défaut d'accord entre les parties.
Par acte en date du 25 avril 2014, M. [V] a fait opposition à cette sommation, au motif que l'acte de liquidation de la communauté avait déterminé, en fonction de l'accord intervenu entre les époux, qu'il n'y avait pas d'autre masse active ou passive dans le patrimoine commun que les éléments visés dans l'acte notarié lui-même. La page 10 de cet acte contenait, en outre, renonciation à toute action en justice.
Suivant acte d'huissier délivré le 23 mai 2014, Mme [G] [F] a fait assigner M. [I] [V] aux fins de voir ordonner que celui-ci rende compte de la gestion des avoirs offshore Vimanas et de tous avoirs à la Jyske Bank communs par production des comptes et relevés de comptes, faire cesser l'indivision existant entre eux sur les comptes et condamner son ex-époux à lui payer diverses sommes. En réponse, M. [I] [V] concluait, à titre principal, à l'irrecevabilité et à la nullité de l'assignation et, à titre subsidiaire, au débouté de Mme [G] [F].
Par jugement en date du 18 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Grasse a :
- déclaré l'action de Mme [G] [F] irrecevable,
- débouté Mme [G] [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [I] [V] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [G] [F] aux entiers dépens, dont distraction au profit des avocats de la cause.
Aux fins de déclarer irrecevable l'action en partage de Mme [G] [F], Le premier juge a considéré qu'elle ne justifiait par aucune pièce d'une quelconque démarche amiable.
Par déclaration reçue au greffe le 9 août 2016, Mme [G] [F] a interjeté appel de ce jugement.
Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 février 2017, Mme [G] [F] demande à la cour, en application des dispositions des articles 10, 815, 892, 1993 et suivants, 1873-6 et suivants du code civil, 11 et 142 du code de procédure civile, de :
- recevoir son appel et réformer le jugement,
- ordonner à M. [I] [V] de rendre compte de la gestion des avoirs offshore Vimanas et de tous avoirs à la Jyske Bank communs par production des comptes et relevés du fonds Vimanas LTD et des comptes ouverts à la Jyske Bank par des relevés se suivant sur les cinq dernières années,
- admettre les commandements d'huissier comme constitutifs des formalités de l'article 1360 du code de procédure civile,
- constater que les deux ex-époux restent dans les liens d'une indivision concernant des avoirs dans la banque Jyske Bank,
- constater qu'avant le divorce l'état des comptes offshore présentait un solde positif d'un million quatre cent quarante et un mille deux cent cinquante-six euros (1.441.256 €),
- faire cesser l'indivision en partageant ses valeurs liquidées en deux, soit en brut, avant intérêts et accroissement, la somme de 720.628 € pour chacun,
- condamner, en conséquence, M. [I] [V] en faveur de Mme [G] [F] à lui rembourser la somme de vingt-cinq mille euros (25.000 €), provenant d'un don manuel de sa grand-mère, placée dans le partnership-fund commun, sous l'enseigne de Vimanas LTD, outre les intérêts,
- le condamner à lui payer, personnellement, à titre de responsabilité civile, la somme provisionnelle de 720.628 € en indemnité compensatoire de remboursement de la moitié des avoirs dudit fonds, sous réserve de parfaire et d'intégrer les intérêts,
- le condamner à lui racheter ses droits sur ledit fonds pour une somme ne pouvant être inférieure à quatre-vingt mille euros (80 000 €), sous réserve d'en diminuer la hauteur par compensation,
- condamner M. [I] [V] en faveur de Mme [G] [F] à la somme de 30.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, comprenant les frais de traduction, distraits sur son affirmation au profit de Maître [G] SUID.
A titre liminaire, Mme [G] [F] soutient que son assignation est conforme aux exigences de l'article 1360 du code de procédure civile dans la mesure où la jurisprudence permet désormais de tenir les commandements préalables à l'assignation comme valant tentative de partage amiable. Elle considère que le tribunal a déduit à tort de ce qu'elle n'avait pas mentionné ses prétentions sur les comptes offshore à hauteur de 720.628 € dans son commandement, que l'article 1360 du code de procédure civile n'avait pas été respecté.
Elle s'appuie sur un arrêt rendu le 28 janvier 2015 par la 1ère chambre civile de la Cour de cassation pour voir considérer que l'acte qu'elle a fait délivrer par voie d'huissier le 25 mars 2014 valait amplement démarches amiables préalables dans la mesure où :
- l'assignation en elle-même comportait un état du patrimoine qu'elle prétend rester à partager,
- elle n'avait pas à fournir l'exacte valeur des titres prétendus à partager,
- l'arrêt du 28 janvier 2015 fait clairement état du fait que l'omission dans l'assignation en partage de tout ou partie des mentions de l'article 1360 du code de procédure civile est régularisable jusqu'à ce que le juge statue,
- l'on ne peut douter du sérieux de sa démarche amiable.
Sur le fond, Mme [G] [F] invoque les dispositions de l'article 892 du code civil aux termes desquelles la simple omission d'un bien indivis doit donner lieu à un partage complémentaire portant sur ce bien.
Les actifs communs de la banque offshore Jyske Bank n'ayant fait l'objet d'aucune énumération ou prise en compte dans l'acte notarié de partage, soit il faudrait considérer l'existence d'une indivision hors partage, soit il faudrait aborder le thème de la rescision dans le cadre du partage judiciairement homologué.
Par ailleurs, il revenait à l'époux, en sa qualité de mandataire commun, de rendre compte des placements en cause, en vertu des articles 1993 et suivants du code civil, sous peine de paiement de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1992 du code civil. A défaut de production par M. [V] des relevés bancaires de 1993 à ce jour, il conviendra d'adjuger purement et simplement à Mme [F] ses demandes telles que formulées dans son commandement et réitérées dans le dispositif.
Suivant dernières conclusions signifiées par voie électronique le 27 février 2017, M. [I] [V] demande à la cour de :
- confirmer le jugement du 18 juillet 2016 en ce qu'il a déclaré l'action de Mme [F] irrecevable,
- débouter Mme [F] de l'intégralité de ses demandes,
- la condamner à verser à M. [V] la somme de 8.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. [I] [V] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le commandement délivré par Mme [F] à M. [V], le 25 mars 2014, ne constituait pas une démarche amiable préalable puisqu'il omettait de faire état de l'une de ses prétentions essentielles et principales, portant sur la moitié du compte offshore à hauteur de 720.628 €, qui n'a été formalisée qu'au moment de la délivrance de l'assignation, le 23 mai 2014.
Par ailleurs, M. [V] soulève la nullité de l'acte introductif d'instance en date du 23 mai 2014. L'assignation délivrée le 23 mai 2014 n'aurait respecté ni les dispositions de l'article 648 paragraphe 4 du code de procédure civile en ne mentionnant pas le domicile réel du défendeur, ni la procédure de délivrance des actes extrajudiciaires à l'étranger des articles 683 et suivants du même code, alors qu'il est de nationalité roumaine, résidant en Roumanie.
Subsidiairement sur le fond, M. [V] entend faire les remarques suivantes :
- Mme [F] demande à la cour de constater qu'avant le divorce, l'état des comptes offshore présentait un solde positif d'un million quatre cent quarante et un mille deux cent cinquante-six euros, sans qu'elle ne communique aucune pièce permettant de le constater ;
- les pièces adverses n° 6 et 9 ne comportent aucun nom, aucune en-tête, de sorte qu'on ignore de quel organisme il s'agit ;
- Mme [F] croit pouvoir s'appuyer sur la présomption de communauté de l'article 1402 du code civil alors qu'aucune pièce produite ne permet de dire que les fonds revendiqués appartenaient à la communauté.
M. [V] rappelle que si Mme [F] entend obtenir un partage complémentaire, il lui appartient de rapporter la preuve de l'existence d'autres biens, omis dans l'acte liquidatif.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 octobre 2018.
Sur ce,
En application des dispositions de l'article 1360 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
Seule l'absence de démonstration par Mme [F] des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable a été visée par le premier juge au titre de l'irrecevabilité retenue.
N'est en revanche nullement remis en question le respect des deux autres conditions de recevabilité, en particulier celle relative au descriptif sommaire du patrimoine à partager.
Pour justifier de ses démarches amiables, Mme [F] produit la sommation reconventionnelle de payer et d'acquérir des titres, délivrée à M. [V] le 25 mars 2014, libellée en ces termes:
'- D'avoir à rembourser personnellement à ma requérante la somme de vingt cinq mille euros (25.000 €), en lui rappelant qu'il ne saurait ignorer avoir pris ladite somme provenant d'un don manuel de la grand-mère de ma requérante pour la placer dans le partner-ship-fund commun, alors sous l'enseigne de VIMANAS Ltd géré exclusivement par le requis à la JYSKE BANK,
- D'avoir à lui payer, personnellement, à titre de responsabilité civile, la somme provisionnelle de quatre-vingt-dix mille euros (90.000 €) en indemnité compensatoire de remboursement de la moitié des avoirs dudit fonds, sous réserve de parfaire et d'intégrer les intérêts ;
- D'avoir à lui racheter ses droits sur ledit fonds pour une somme ne pouvant être inférieure à quatre vingt mille euros (80.000 €), sous réserve d'en diminuer la hauteur par compensation et d'en fixer, éventuellement, le parfait quantum par expertise d'accord entre les parties ;
Précisant que tout paiement pourrait être effectué entre mes mains, en mon étude ;
Indiquant au requis que faute de s'exécuter, ou d'avoir acquiescé, dans le mois de la présente, il pourrait y être contraint par toutes voies de droit ;'
Or, comme relevé par le premier juge, non seulement cette sommation ne fait pas état de la demande principale de Mme [F] portant sur le compte offshore présentant un solde créditeur de 1.441.256 €, ce qui ne permet pas de rendre compte ni de l'étendue, ni du véritable objet de la demande, mais surtout, cet acte ne constitue nullement une proposition de partage amiable dans la mesure où il fait injonction, sous peine de poursuites, à M. [V] d'avoir à payer diverses sommes sur des fondements qui ne relèvent pas de l'action en partage. Sont en effet successivement invoqués le remboursement, et non le versement à titre de récompense, d'une somme de 25.000 € investie dans un fonds de placement commun, le paiement de la somme de 90.000 € à titre d'indenmnité sur le fondement de la responsabilité civile, outre une sommation d'avoir à lui racheter ses droits sur ledit fonds à hauteur de 80.000€.
Tant l'étendue que la nature des demandes développées dans le cadre de cette sommation, constituant qui plus est injonction de payer certaines sommes et non proposition de partage amiable, ne sauraient satisfaire aux exigences de l'article 1360 du code de procédure civile.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité commande en l'espèce de condamner Mme [F] à payer à M. [V] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Par ces motifs,
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Grasse le 18 juillet 2016.
Condamne Mme [G] [F] à payer à M. [I] [V] la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) au titre des frais irrépétibles d'appel.
La condamne aux entiers dépens de l'instance.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT