COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-4
(anciennement dénommée 17ème chambre)
ARRÊT AU FOND
DU 17 JANVIER 2019
N° 2019/
GB/FP-D
Rôle N° RG 17/07217 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAL4K
Stéphane X...
C/
SAS ADREXO
Copie exécutoire délivrée
le :
17 JANVIER 2019
à :
Me Stéphanie Y..., avocat au barreau de NICE
Me Jonathan Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 28 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° f15/00697.
APPELANT
Monsieur Stéphane X..., demeurant [...]
représenté par Me Stéphanie Y..., avocat au barreau de NICE substitué par Me Hélène A..., avocat au barreau de NICE
INTIMEE
SAS ADREXO, demeurant 1330 av Guillibert de la Lauzière Europarc de Pichaury Bt D5 - enue Guilibert de la Lauzière - [...]
représentée par Me Jonathan Z..., avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2018 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller , a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de:
Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président
Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller
Monsieur Nicolas TRUC, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2019.
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Janvier 2019,
Signé par Monsieur Jean-Luc THOMAS, Président et Madame Françoise PARADIS-DEISS, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
PROCÉDURE
Par une déclaration électronique reçue le 11 avril 2017, M. Stéphane X... a interjeté appel du jugement rendu le 28 février 2017 par le conseil de prud'hommes de Nice, à lui notifié le 21 mars 2017, rejetant ses prétentions formées à l'encontre de la société Adrexo, sauf à retenir que son licenciement ne repose pas sur une faute grave pour lui allouer les sommes suivantes :
433,61 euros, ainsi que 43,36 euros au titre des congés payés afférents, du chef du salaire dont il a été privé durant sa mise à pied conservatoire,
1 152,90 euros pour préavis, ainsi que 115,29 euros au titre des congés payés afférents,
480,37 euros au titre de son indemnité de licenciement.
En cause d'appel, M. X... poursuit la condamnation de la société Adrexo à lui verser les sommes suivantes :
25 339,98 euros, ainsi que 2 534 euros au titre des congés payés afférents, après requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à plein temps,
433,61 euros, ainsi que 43,36 euros au titre des congés payés afférents, du chef du salaire dont il a été privé durant sa mise à pied conservatoire,
1 152,90 euros pour préavis, ainsi que 115,29 euros au titre des congés payés afférents,
480,37 euros au titre de son indemnité de licenciement,
3 170,52 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
500 euros à titre de dommages-intérêts pour une absence de la visite médicale d'embauche,
3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour une exécution déloyale de son contrat de travail,
3 000 euros pour ses frais irrépétibles, le tout avec intérêts au taux légal capitalisés à compter de la saisine du conseil de prud'hommes pour les créances salariales.
Ce salarié réclame la délivrance, sous astreinte, de divers documents sociaux rectifiés en fonction de la décision à intervenir.
La société Adrexo conclut à la confirmation du jugement déféré à la censure de la cour et réclame à son adversaire une indemnité d'un montant de 3 000 euros pour ses frais non répétibles.
La cour renvoie pour plus ample exposé aux indications du jugement et aux écritures des parties.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 8 octobre 2018.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. X... a été embauché le 20 septembre 2010 par la société Adrexo comme distributeur de journaux, d'imprimés et objets publicitaires, par un contrat de travail à temps partiel modulé, à raison de 30,33 heures de travail par mois, pour un salaire mensuel moyen de 268,75 euros brut ; par un avenant du 9 mars 2012, la durée du travail a été portée à 65 heures par mois, pour un salaire de 576,45 euros brut ; par un avenant du 25 mars 2013, la durée de son travail a été portée à 60,67 heures par mois ; le salarié a été licencié le 1er décembre 2014 pour une faute grave à raison de faits dont il conteste la matérialité.
.../...
Pour réclamer un rappel de salaire d'un montant de 25 339,98 euros, sans préjudice des congés payés afférents, le salarié rappelle que l'article L. 3123-25 du code du travail dispose que lorsqu'une convention, un accord d'entreprise ou d'établissement, prévoit que la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail peut varier, les limites à l'intérieur desquelles cette durée peut varier ne peuvent excéder le tiers de la durée stipulée dans le contrat de travail.
La société Adrexo reconnaît avoir dépassé 4 fois en 2013 les tunnels haut de modulation (page 14 de ses conclusions), cette circonstance étant suffisante pour appliquer la sanction d'un temps plein.
Par ailleurs, son conseil établit que le salarié se voyait parfois indiquer ses jours de travail sans respecter le délai de prévenance de 7 jours ; selon son employeur ses jours de travail étaient les lundi et mardi, puis les lundi, mardi et mercredi, le jeudi étant un jour de disponibilité, ce qui, cependant, ne résulte ni du contrat de travail, ni de ses deux avenants, non plus du 'programme indicatif de modulation' sur l'année (dont seul le programme édité de novembre 2010 à octobre 2011 a été signé par le salarié), de sorte que M. X... ne savait jamais à l'avance quand il devait prendre livraison des journaux, imprimés et objets publicitaires, pour quels jours de tournée et selon quel périmètre géographique commandant la durée de sa tournée.
A cet égard, il ne peut être contesté que la feuille de route éditée le 30 mai 2014 faisait obligation au salarié de tourner le 2 juin 2014, que la feuille de route éditée le 20 juin 2014 faisait obligation au salarié de tourner le 23 juin 2014, que la feuille de route éditée le 3 octobre 2014 faisait obligation au salarié de tourner le 6 octobre 2014, et que la feuille de route éditée le 31 octobre 2014 faisait obligation au salarié de tourner le 3 novembre suivant (pièce 14).
Cette manque de respect du délai de prévenance faisait que M. X... ne savait pas selon quel rythme hebdomadaire il pouvait être appelé à travailler pour la société Adrexo, de sorte qu'il restait excessivement à la disposition de cet employeur.
La société Adrexo ne contestant pas le fait que les heures de travail mentionnées sur ses bulletins de salaires ont été effectivement réalisées par M. X..., l'argument pris de ce que celui-ci avait un second emploi est sans portée pour renverser la présomption simple d'un travail à temps complet.
L'employeur ne contestant pas le détail de la réclamation salariale détaillée dans le décompte pièce 15, la cour entrera en voie de condamnation.
.../...
La lettre de licenciement du 1er décembre 2014, notamment, reproche à M.X... d'avoir jeté dans des containers destinés à la récupération du papier des documents publicitaires qui lui auraient été confiés le 10 octobre 2014.
Pour démontrer la réalité des faits, la société Adrexo verse aux débats un procès-verbal de constat, dressé le 10 octobre 2014, dans lequel l'huissier de justice fait état de la présence dans deux containers papier de documents publicitaires, en grande quantité, identifiables comme suit :
- Carrefour noir, noir, marron du 14 au 31 octobre 2014,
- Carrefour noir, noir, marron du 14 au 21 octobre 2014,
- Conforama noir, noir marron du 15 octobre au 18 novembre 2014,
- Auchan noir, vert du 8 au 14 octobre 2014.
L'huissier a constaté que les liasses sont entières, même si le lien est absent, et que le papier est neuf.
L'employeur soutient toujours que ces documents publicitaires, identifiables par ces couleurs, ont été remis à M. X... à la date du 10 octobre 2014, ce que ce dernier a contesté par un courrier du 28 janvier 2015 dans lequel il indiquait avoir pris possession de ces documents seulement le 13 octobre 2013 pour une tournée prévue le lendemain.
Le document intitulé 'feuille de route', édité le 10 octobre 2014, revêtu de la signature de M. X..., ne précise pas le jour de l'enlèvement des documents à distribuer, mais seulement la date de sa tournée fixée au 13 suivant.
En revanche, cette 'feuille de route' détaille le salaire prévu pour cette tournée en particulier comme suit :
- rémunération du temps d'attente : 2,38 euros,
- rémunération du temps de préparation : 23,92 euros.
Le bulletin de paie édité pour le mois de novembre suivant mentionne très exactement ces deux éléments de salaire sous la date du '13 octobre 2014", ce qui accrédite définitivement la version de M. X... lorsqu'il affirme avoir pris possession le 13 octobre 2014, et non le 10, des liasses destinées à sa tournée du lendemain.
Relève de l'évidence le fait que les documents publicitaires dont un huissier de justice a constaté la présence le 10 du même mois ne pouvaient être les mêmes que ceux qui ont été confiés à M. X... trois jours plus tard.
Ce premier motif de licenciement ne résiste donc pas à l'analyse.
La lettre de licenciement reproche également au salarié une absence de distribution, les 16 et 17 octobre 2014, de ces mêmes documents publicitaires, pour partie jetés.
Mais le conseil du salarié objecte utilement le fait que les documents publicitaires devant être distribués les 16 et 17 octobre 2014 ont été remis à un autre distributeur et qu'il suffit pour en être convaincu de constater que le bulletin de salaire du mois de novembre 2014 ne mentionne pas de rémunération pour ces deux jours.
D'où il suit que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la matérialité des faits reprochés, en conséquence de quoi la cour, infirmant le jugement, dira le licenciement de M.X... dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le salarié recevra le salaire dont il a été privé durant sa mise à pied conservatoire du 5 novembre 2014 au 1er décembre 2014, ainsi que la somme de 1 152,90 euros qu'il réclame au titre de 2 mois de préavis, sans préjudice des congés payés afférents, et son indemnité de licenciement, autant de sommes non contestées en leurs montants.
Âgé de 31 ans au jour de la rupture de son contrat de travail, M. X... justifiait d'une ancienneté de 3 ans et demi au sein d'une entreprise occupant habituellement 11 salariés et plus.
L'intéressé ne justifie pas de son devenir professionnel.
La cour dispose des éléments suffisants d'appréciation pour arrêter à la somme de 3 170,52 euros réclamée sa juste et entière indemnisation.
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Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal capitalisés à compter du 9 juin 2015, date de la convocation de la débitrice devant le bureau de conciliation, valant première mise en demeure de payer.
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L'absence d'une visite médicale d'embauche, pour être illégitime, ne fut pas source d'un préjudice certain et quantifiable établi par le salarié.
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Si les manquements de l'employeur furent nombreux, le salarié ne démontre par l'existence d'un préjudice certain et quantifiable qui n'aurait pas été précédemment réparé par les sommes allouées, assorties du bénéfice de l'intérêt au taux légal capitalisé.
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L'intimée supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile.
Confirme le jugement en ce qu'il alloue à M. X... les sommes suivantes:
433,61 euros, ainsi que 43,36 euros au titre des congés payés afférents, du chef du salaire dont il a été privé durant sa mise à pied conservatoire,
1 152,90 euros pour préavis, ainsi que 115,29 euros au titre des congés payés afférents,
480,37 euros au titre de son indemnité de licenciement.
L'infirme pour le surplus.
Statuant à nouveau, requalifie la relation de travail en un temps complet et dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Condamne la société Adrexo à verser à M. X... les sommes suivantes:
25 339,98 euros, ainsi que 2 533,99 euros au titre des congés payés afférents, en rappels de salaire, avec intérêts au taux légal capitalisés à compter du 9 juin 2015,
3 170,52 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture du contrat de travail.
Rejette les demandes plus amples ou contraires.
Condamne l'intimée aux entiers dépens.
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Adrexo à verser 3 000 euros à M. X... pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT