COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
4e Chambre 3, anciennement dénommée 9e Chambre C
ARRÊT AU FOND
DU 18 JANVIER 2019
N° 2019/ 5
RG 17/10316
N° Portalis DBVB-V-B7B-BAT22
Marie-Claude X... - ACHACHE
C/
SAS NOVARTIS PHARMA
Copie exécutoire délivrée le :
à :
- Me Antoine Y..., avocat au barreau de MARSEILLE
- Me Yann Z..., avocat au barreau de PARIS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de MARSEILLE en date du 28 Avril 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/02472.
APPELANTE
Madame Marie-Claude X... - ACHACHE, demeurant [...]
représentée par Me Antoine Y... de la SELARL Y... & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me A... claude GUARIGLIA, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
SAS NOVARTIS PHARMA, demeurant [...]
représentée par Me Karine B..., avocat au barreau de MARSEILLE et Me Yann Z..., avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre
Madame Hélène FILLIOL, Conseiller
Monsieur Franck LANDOU, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2019.
ARRÊT
CONTRADICTOIRE,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2019
Signé par Madame Catherine LE LAY, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Marie-Claude X... a été engagée par les laboratoires CIBA-GEIGY suivant contrat à durée indéterminée du 25 janvier 1983 aux droits desquels est venue la SAS NOVARTIS PHARMA, en qualité de visiteuse médicale ;
La société est spécialisée dans le commerce de gros de produits pharmaceutiques et la convention collective applicable est celle de l'industrie pharmaceutique ; elle appartient à un groupe de sociétés employant plus de 1400 salariés ;
A compter du 1er septembre 2000, Marie-Claude X... a été nommée aux fonctions de directeur de région ville, groupe VII, niveau A de la convention collective ;
Marie-Claude X... a été en arrêt de maladie à compter du 12 mars 2012 ;
Le 9 janvier 2015, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste en une seule visite :
Marie-Claude X... a été licenciée le 13 mars 2015 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Elle a saisi le conseil de prud'hommes 1er juillet 2015 aux fins d'obtenir les indemnités liées à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et des rappels d'indemnité de licenciement et d''indemnités journalières ;
Par jugement du 13 juillet 2016, le conseil de prud'hommes de Marseille a :
- condamné la SAS NOVARTIS PHARMA à payer à Marie-Claude X... :
* la somme de 58.516,29 € à titre de rappel d'indemnité de licenciement conventionnel
* la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile - débouté Marie-Claude X... du surplus de ses demandes
- débouté la SAS NOVARTIS PHARMA de ses demandes
- condamné la SAS NOVARTIS PHARMA aux dépens.
Saisi d'une requête en omission de statuer, le conseil de prud'hommes par décision du 28 avril 2017 a :
- reçu la requête en omission de statuer
- ordonné la rectification en omission de statuer du jugement du 13 juillet 2016
- jugé que la requête est recevable
- jugé que le licenciement pour inaptitude est confirmé
- débouté Marie-Claude X... de ses demandes formulées dans sa requête
- débouté la SAS NOVARTIS PHARMA de ses demandes
- condamné la SAS NOVARTIS PHARMA aux dépens.
Marie-Claude X... a relevé appel de cette décision le 30 mai 2017 ;
Par ordonnance du 4 mai 2018, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimée ;
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 mai 2018 ;
Appelée à l'audience du 15 mai 2018, la procédure a été renvoyée au 20 novembre 2018 dans l'attente de la décision sur déféré de l'ordonnance d'irrecevabilité ;
La cour, par arrêt du 29 juin 2018, a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état ;
Selon ses conclusions du 17 août 2017, Marie-Claude X... demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la requête en omission de statuer
- l'infirmer pour le surplus
- juger que la SAS NOVARTIS PHARMA a violé son obligation légale de reclassement
- condamner la SAS NOVARTIS PHARMA à lui payer :
* la somme de 150.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* la somme de 36.689,87 € à titre de rappel d'indemnités journalière maladie
* la somme de 27.131,36 € outre 2713,13 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner la SAS NOVARTIS PHARMA aux dépens.
MOTIFS
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la requête en omission de statuer par suite de la décision rendue le 13 juillet 2016 dans laquelle les juges ont omis de vider leur saisine ;
A/ sur le rappel d'indemnités journalières
Attendu que pour fonder sa demande de rappel de la somme de 36.689,87 €, Marie-Claude X... fait valoir que l'employeur l'a indemnisée sur la base de son salaire fixe et du montant de l'avantage en nature qui lui était consenti, en omettant de prendre en compte sa rémunération variable perçue en raison de l'atteinte des objectifs qui lui étaient personnellement assignés ; qu'elle invoque les dispositions de l'accord du 22 juin 2007 relatif à l'indemnisation de la maladie ;
Attendu qu'il y a lieu de constater que le conseil de prud'hommes a débouté Marie-Claude X... de sa demande, observant qu'elle ne justifiait aucunement du montant qu'elle réclamait et ne transmettait pas les éléments permettant de l'étayer, émanant notamment de la sécurité sociale et de la prévoyance ;
Attendu qu'il convient de relever que la situation est la même en cause d'appel ; que la cour constate que sur certains bulletins de salaire, les primes ont bien été prises en compte (juin 2012, novembre 2012); que dans ces conditions, la salariée qui n'apparaît pas avoir jamais contesté les sommes reçues et n'explique nullement le détail de son calcul ne permet pas à la cour d'en vérifier l'exactitude de sorte qu'il y a lieu de confirmer le jugement l'ayant déboutée de sa demande ;
B/ sur le licenciement
Attendu que Marie-Claude X... soutient que son licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse au motif que l'employeur a violé son obligation de reclassement ;
Attendu qu'à l'issue de la visite de reprise du 9 janvier 2015, le médecin du travail a déclaré Marie-Claude X... : ' inapte définitif au poste de directeur régional ; pas de 2ème visite conformément à l'article R 4621-31 du code du travail (notion de danger immédiat) ; pas de reclassement proposé par le médecin du travail ;'
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur à l'époque du licenciement, lorsqu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnel, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités ;
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ;
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail ;'
Attendu que la preuve de l'impossibilité de reclassement incombe à l'employeur ;
Attendu qu'il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;
Attendu enfin que les recherches de reclassement doivent être sérieuses et loyales ;
Attendu que pour soutenir la violation par son employeur de son obligation de reclassement, Marie-Claude X... verse au débat :
- le courrier que lui a adressé la SAS NOVARTIS PHARMA le 19 janvier 2015 :
'...Conformément à notre obligation, nous avons recherché une possibilité de reclassement vous concernant et sommes en mesure de vous proposer le poste de reclassement suivant au sein de Novartis Pharma :
* intitulé du poste : chef de produit
* description du poste : fiche de poste ci-jointe
* Temps de travail : temps plein
* Lieu de travail : site de [...]
* classification : 7 de la CCN des entreprises du médicament
Nous vous informons également que nous avons transmis cette proposition , ainsi que l'ensemble des postes disponibles au sein du groupe, au Dr C..., médecin du travail afin qu'elle nous fasse part de ses recommandations ;
Nous vous précisons également que vous pourrez, le cas échéant, bénéficier des formations nécessaires si vous décidez de répondre favorablement à cette proposition ;
Nous vous remercions de bien vouloir nous communiquer votre décision au plus tard le 30 janvier... '
- son courrier en réponse le 25 janvier : '... Cependant mon état de santé et ma situation familiale me contraignent à ne pas donner une suite favorable et à refuser cette proposition ; dans l'attente de votre retour, je vous prie...'
- le courrier de licenciement en date du 13 mars 2015 :
' ...par courrier en date du 19 janvier 2015, nous avons écrit au médecin du travail pour recueillir ses observations sur la proposition de reclassement à un poste de chef de produit situé au sein de notre siège social à Rue il-Mal maison...observations aux termes desquelles, il nous a indiqué 'confirmer l'avis d'inaptitude définitive émis le 9 janvier 2015, ... pas de reclassement proposé par le médecin du travail;
....ne disposant pas en interne d'autres offres compatibles avec les préconisation du médecin du travail, nous avons recherché au sein des différentes divisions de Novartis des solutions de reclassement compatibles avec les préconisations du médecin, sans succès ;
Dans ces conditions, nous avons informé le médecin que nous ne disposions pas d'autres offres compatibles avec ses préconisations, et n'avons eu d'autre choix que de poursuivre la procédure ...
Ne disposant pas d'autres offres compatibles avec les préconisations de la médecine du travail et compte-tenu de votre refus d'accepter le poste de reclassement que nous vous avons proposé, nous sommes par conséquent dans l'obligation de vous notifier votre licenciement pour impossibilité de reclassement ...'
- son reçu pour sole de tout compte ;
Attendu que Marie-Claude X... fait valoir :
- que l'employeur aurait du, compte-tenu de la rédaction de l'article L 1226-2, avant de lui proposer le poste de chef de produit solliciter préalablement le médecin du travail pour connaître ses préconisations et non faire l'inverse
- qu'elle s'interroge sur les motifs ayant conduit l'employeur à transmettre au médecin du travail 'l'ensemble des postes disponibles' sans les lui avoir communiqués
- que selon une pièce de l'employeur, un poste de responsable scientifique informations contactologie était disponible en région PACA et aurait pu lui convenir
- que le poste proposé constitue une rétrogradation au surplus dans un lieu très éloigné de son domicile
- qu'un courriel commun aux autres entités du groupe et des réponses stéréotypées ne peuvent être considérées comme une recherche loyale et sérieuse
- que l'employeur qui n'a pas transmis les registres d'entrée et de sortie des personnels ne met pas la cour en mesure de vérifier l'existence de poste disponibles ;
Attendu que pour retenir que le licenciement était fondé sur cause réelle et sérieuse , les premiers juges ont considéré que l'employeur était dans l'impossibilité de proposer un autre emploi et était de ce fait dans l'obligation de rompre le contrat de travail dans la mesure où il avait fait une offre de reclassement qui avait été refusée pour des raisons qui n'appartiennent qu'à Marie-Claude X... ; qu'ils ont constaté que le médecin du travail avait bien été sollicité ;
Attendu que Marie-Claude X... ne peut sans paradoxe reprocher à l'employeur de lui avoir transmis une offre de reclassement avant d'en avoir saisi le médecin du travail et lui faire grief également d'avoir transmis au médecin les postes disponibles sans lui en avoir fait part ;
Attendu que l'article L 1226-2 impose à l'employeur, de proposer au salarié un poste compatible avec les préconisations du médecin du travail, telles qu'elles résultent de l'avis d'inaptitude ; qu'il n'existe pas d'obligation de saisir à nouveau le médecin du travail avant de proposer un poste de reclassement ;
Mais attendu que la circonstance d'avoir communiqué la liste des postes disponibles au médecin du travail ne dispensait pas l'employeur de la soumettre à Marie-Claude X..., ce qu'elle n'apparaît pas avoir fait compte-tenu du courrier de licenciement où la SAS NOVARTIS PHARMA rappelle qu'elle n'a proposé à la salariée que le seul poste de chef de produits ; que dans ces conditions, le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieus;
C/ sur les conséquences
Attendu que Marie-Claude X... est fondée à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis de 3 mois selon la convention collective applicable, soit la somme de 27.131,36€ compte-tenu de la moyenne (9043,79 €) des 12 derniers mois de salaire avant l'arrêt de maladie, outre les congés payés incidents ;
Attendu que Marie-Claude X... avait 32 ans d'ancienneté et était âgée de 59 ans au moment de son licenciement; qu'elle ne donne aucun renseignement sur sa situation personnelle à partir de 2015 ;
Attendu qu'elle peut prétendre à des dommages-intérêts en application de l'article L 1235-3 du code du travail ; que la cour lui alloue la somme de 150.000 € ;
Attendu qu'en application de l'article L 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner d'office le remboursement des indemnités-chômage ayant pu être servies à Marie-Claude X... dans la limite de 6 mois ;
D/ sur les autres demandes
Attendu qu'il convient d'infirmer les dispositions du jugement s'agissant du débouté de la demande en frais irrépétibles présentée par Marie-Claude X... ;
Attendu qu'il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de la SAS NOVARTIS PHARMA;
Attendu qu'il y lieu d'allouer à Marie-Claude X... la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
Attendu que les dépens d'appel sont mis à la charge de l'intimée ;
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, en matière prud'homale,
Confirme le jugement de première instance en ce qu'il a :
- jugé la requête en omission de statuer recevable et fondée
- débouté Marie-Claude X... de sa demande en paiement de rappel d'indemnités journalières
- débouté la SAS NOVARTIS PHARMA de ses demandes
- mis les dépens à la charge de la SAS NOVARTIS PHARMA,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau par ajout et substitution
Juge le licenciement de Marie-Claude X... dépourvu de cause réelle et sérieuse
Condamne la SAS NOVARTIS PHARMA à payer à Marie-Claude X... :
* la somme de 27.131,36 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 2713,13 € à titre de congés payés incidents
* la somme de 150.000 € à titre de dommages-intérêts en application de l'article L 1235-3 du code du travail
Ordonne d'office le remboursement par la SAS NOVARTIS PHARMA à pôle-emploi des indemnités chômage susceptibles d'avoir été servies à Marie-Claude X... dans la limite de 6 mois ;
Condamne la SAS NOVARTIS PHARMA à payer à Marie-Claude X... la somme de 2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la SAS NOVARTIS PHARMA aux paiement des dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT