COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 2-3
(anciennement dénommée 6ème C)
ARRÊT AU FOND
DU 07 FÉVRIER 2019
N°2019/ 62
Rôle N° RG 18/06265 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCIJS
Leonard X...
C/
Alina Y...
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE
Alima Y...
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Marielle Z...
Me Lidia B...
-ministère public + 2 copies
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance du Juge aux affaires familiales de MARSEILLE en date du 02 Mars 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 18/00335.
APPELANT
Monsieur Leonard X...
né le [...] à Kepno - pologne
de nationalité Polonaise, demeurant [...] résidence Besançon Bat F1 - [...]
comparant en personne
assisté de Me Marielle Z..., avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Madame Alina Y...
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/011961 du 08/11/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
née le [...] à GLUBCZYCE
de nationalité Polonaise, demeurant ulica Klasztorna 8/5 - 48100 - 48100 GLUBCZYCE (POLOGNE)
représentée par Me Lidia B..., avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2018, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CUTAJAR, Conseiller faisant fonction de président, et M. Thierry SIDAINE, Conseiller, chargés du rapport.
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:
Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller faisant fonction de président
Madame Marie-France SEREE, Conseiller
M. Thierry SIDAINE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Mandy ROGGIO.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2019.
L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par Madame LEGRAS, substitut général qui a fait connaître son avis.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2019.
Signé par Mme Michèle CUTAJAR, Conseiller faisant fonction de président et Madame Mandy ROGGIO, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Des relations entre Alina Y... et Léonard X..., tous deux de nationalité polonaise, est issue l'enfant Sara, née le [...] à Glubczyce ( Pologne).
Exposant que le 08 novembre 2017, le père a soustrait l'enfant qui se trouvait sur le territoire polonais pour l'emmener en France, Alina Y... a saisi le 09 novembre 2017 l'autorité centrale de Pologne.
L'autorité centrale polonaise a alors saisi l'autorité centrale française d'une demande de retour de l'enfant en Pologne, sur le fondement de la convention de la Haye du 25 octobre 1980.
Le 13 novembre 2017, le tribunal régional de Glubczyce ( Pologne), saisi par les deux parties, a confié à Alima Y... l'exercice de la surveillance personnelle de l'enfant et fixé la résidence de l'enfant au domicile maternel .
Par acte du 10 janvier 2018, le procureur de la république de Marseille a fait citer Léonard X... devant le tribunal de grande instance de Marseille , aux fins d'entendre ordonner, avec exécution provisoire, le retour immédiat de Sara sur son lieu de résidence habituelle, soit Ul Klasztorna, 8/5, 45-100 Glubczyce ( Pologne) et condamner Léonard X... à payer à Alina Y... les frais de voyage, frais de représentation en justice et toutes les dépenses engagées pour localiser l'enfant .
A l'audience du 22 février 2018, le procureur de la république a maintenu ses demandes.
Léonard X... s'est opposé au retour de l'enfant sur le sol polonais, au motif principal que la résidence de Sara se trouvait en France jusqu'au mois de mars 2017, date à laquelle Alina Y... l'a illicitement déplacée en Pologne.
Par décision du 02 mars 2018, le tribunal de grande instance de Marseille a, sur le fondement de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 :
constaté que le déplacement de l'enfant Sara Y... X..., née le [...] à Glubczyce ( Pologne) est illicite
constaté l'absence d'exception au retour de l'enfant en Pologne, au sens de l'article 13 de la convention de la Haye
ordonné en conséquence le retour immédiat de l'enfant mineure en Pologne, lieu de sa résidence habituelle
rappelé que l'exécution provisoire de la présente de décision est de droit
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
dit qu'à défaut d'exécution volontaire de la décision de retour dans un délai de dix jours à compter de la signification, l'enfant sera remis au parent délaissé
dit que copie de la présente décision et du compte rendu d'audience est immédiatement transmise , par l'intermédiaire du procureur de la république de Marseille et de l'autorité centrale française, à l'autorité centrale polonaise.
Le 10 avril 2018, Léonard X... a interjeté appel de cette décision.
Le 07 juin 2018, Léonard X... a remis l'enfant à Alina Y....
Le 31 août 2018, le tribunal du district d'Opole a rejeté le recours formé par Léonard X... à l'encontre de l'ordonnance de référé rendu le 26 mars 2018 par le juge polonais lequel a confié l'enfant à la mère pour toute la durée de la procédure.
Le 05 décembre 2018, le tribunal régional de Glubczyce, chambre de la famille a notamment organisé les droits de visite du père chaque deuxième et quatrième samedi du mois, de 9 heures à 13 heures, au domicile d'Alina Y... et en sa présence, sans droit de sortie à l'extérieur du lieu d'habitation de la mère.
Par dernières conclusions déposées le 26 Novembre 2018, Léonard X... demande à la cour:
'-Vu les dispositions de l'article 3 et suivants de la convention de la Haye du 25 octobre 1980
- Vu les dispositions de l'article 1210-5 du code de procédure civile
- Vu les dispositions de l'article 1070 du code de procédure civile
- constater la compétence de la cour de céans
- constater l'application des dispositions de la convention de la Haye du 25 octobre 1980
- infirmer le jugement du 02 mars 2018"
Il expose d'abord quels ont été les choix de vie du couple Y...-X... et soutient que les parties avait décidé de s'établir en France.
Il critique le raisonnement des premiers juges qui ont considéré que malgré un ancrage administratif de l'enfant en France, les éléments de la procédure permettaient de considérer que la résidence habituelle de l'enfant étant fixée en Pologne, de sorte que le déplacement illicite de l'enfant sur le sol français était constitué.
Il soutient donc que c'est de manière unilatérale qu'Alima Y... a regagné la Pologne avec l'enfant au mois de mars 2017.
Il fait plaider que depuis le retour de Sara auprès de sa mère en Pologne, cette dernière s'oppose à tout contact de l'enfant avec son père.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 24 novembre 2018, Alima Y... sollicite la confirmation pure et simple de la décision déférée et la condamnation de l'appelant à lui payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, comprenant les frais de déplacements engagés pour venir chercher l'enfant à Marseille.
Elle soutient essentiellement que compte tenu de la précarité de la situation personnelle et familiale du couple Y.../X... en France, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la résidence de Sara n'était pas établie en France.
Au contraire, elle démontre les solides attaches de l'enfant sur le territoire polonais.
Le ministère public auquel le dossier de l'affaire a été communiqué en application des articles 515-10 du code civil et 425 du code de procédure civile, a pris des conclusions écrites régulièrement, aux termes desquelles, il sollicite confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions.
La procédure a été clôturée le 27 novembre 2018.
DISCUSSION
A l'audience, avant le déroulement des débats, et à la demande des parties, l'ordonnance de clôture rendue le 27 novembre 2018 a été révoquée et la procédure a été à nouveau clôturée.
La compétence de la juridiction française pour connaître du litige n'est pas remise en cause par les parties.
Il sera rappelé à Léonard X... que la question soumise à l'appréciation de la cour n'est pas celle de l'organisation de ses droits de visite telle que définie par la juridiction polonaise dont la souveraineté ne peut être remise en cause par les juridictions françaises, mais reste celle du déplacement illicite de l'enfant, au regard des dispositions de l'article 3 de la convention de la Haye du 25 octobre 1980, même s'il n'est ni contesté ni contestable que Léonard X... a exécuté la décision qu'il critique et a remis l'enfant à la mère le 07 juin 2018.
La convention de la Haye du 25 Octobre 1980, relative aux aspects civils de l'enlèvement international d'enfant de moins de 16 ans a été ratifiée par la France et la Pologne.
Elle prévoit, dans son article 3, que le déplacement ou le non retour d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il y a eu violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme seul ou conjointement, par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non retour.
Au terme de l'article 4 , la convention s'applique à tout enfant qui avait sa résidence habituelle dans un Etat contractant immédiatement avant l'atteinte aux droits de garde ou de visite.
En cause d'appel , l'analyse effectuée par les premiers juges n'est pas démentie par les pièces de la procédure:
C'est d'abord à bon escient que les premiers juges ont rappelé que la résidence de l'enfant s'entend du lieu où se réalise son intégration familiale et sociale, au regard de la durée, de la régularité, des conditions et des raisons de son séjour sur le territoire d'un Etat membre, du déménagement de la famille dans cet état, de la nationalité de l'enfant, du lieu et des conditions de scolarisations, des connaissances linguistiques, des rapports familiaux et sociaux entretenus par l'enfant concerné dans cet Etat.
Sara est née en Pologne le [...], de parents tous deux de nationalité polonaise.
Il n'est ni contesté ni contestable que dès le mois de décembre 2014, et jusqu'au mois de mars 2017, le couple a vécu par intermittence, tantôt en Pologne tantôt en France.
Il est ainsi acquis aux débats que les parents ont vécu en France du mois de décembre 2014 au mois de Janvier 2015, puis du mois d'avril 2015 au mois d'octobre 2015,enfin du mois de mars 2016 au mois de mars 2017.
C'est cependant en vain que l'appelant soutient que la résidence du couple a donc bien été fixée en France après la naissance de l'enfant, les séjours en Pologne ne constituant que de simples voyages.
En effet , la situation familiale et conjugale du couple Y.../ X... ne peut être éludée:
Il est constant que l'appelant se trouve dans les liens d'une union contractée le 27 novembre 2006 avec Anne Lise A..., de nationalité française.
En cause d'appel, Léonard X... ne conteste pas la teneur de ses propres déclarations devant les premiers juges, devant lesquels il a indiqué que lorsqu'Alina Y... et l'enfant séjournaient en France, elles étaient accueillies au domicile conjugal du couple A.../X....
Du fait de cette situation qualifiée à juste titre par les premiers juges de précaire et confuse, l'[...] n'est pas établi , alors même que l'intimée a conservé en Pologne toutes ses attaches familiales et professionnelles ( elle a en notamment perçu des allocations chômage en Pologne à compter du 09 mai 2017).
C'est également avec pertinence que les premiers juges ont relevé que les parents n'ont pas sollicité l' inscription de Sara dans un établissement scolaire français antérieurement à la déclaration de recensement scolaire du mois de décembre 2017.
Par conséquent, compte tenu de ces éléments, le fait que l'enfant soit enregistrée auprès de certaines administrations, est insuffisant à caractériser l'ancrage et l'intégration de l'enfant sur le sol français.
Dès lors, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
Il serait inéquitable qu'Alima Y... assume l'intégralité des frais irrépétibles .
La somme de 1200 euros lui sera allouée.
Léonard X..., qui succombe, assumera la charge des entiers dépens d'instance , tels que strictement définis par les dispositions de l'article 695 du code de procédure civile .
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, après débats en Chambre du Conseil
CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.
CONDAMNE Léonard X... à payer à Alina Y... la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE Léonard X... aux entiers d'instance , tels que définis par les dispositions de l'article 695 du code de procédure civile .
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT