COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 14 MARS 2019
N° 2019/
MS
Rôle N° 17/05187
N° Portalis DBVB-V-B7B-BAG2J
[S] [K]
C/
EURL PERF NUT ASSISTANCE SUD EST
Copie exécutoire délivrée
le : 14/03/2019
à :
- Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE
- Me Agnès BALLEREAU BOYER, avocat au barreau de GRASSE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 09 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00398.
APPELANTE
Madame [S] [K], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Christel THOMAS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMEE
EURL PERF NUT ASSISTANCE SUD EST, sise [Adresse 2]
représentée par Me Agnès BALLEREAU-BOYER, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 17 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Mme SALVAN, Président de chambre, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019,
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [S] [K] a été engagée par la société Perf Nut Assistance Sud Est à compter du 1er octobre 2012 en qualité de Référente Perfusion Nutrition selon contrat à durée indéterminée, moyennant une rémunération brute mensuelle de 2.820,53 euros outre une prime de 176 euros d'astreinte et une prime d'objectif, et la mise à disposition d'un véhicule professionnel.
La société Perf Nut Assistance Sud Est assure au domicile du patient l'administration de leur traitement sous perfusion et/ou de leur alimentation entérale et parentérale.
Par avenant du 27 septembre 2012, a été insérée au contrat de travail une clause de non-concurrence précisant la possibilité pour la société de délier Mme [K] de son obligation de non-concurrence, à la condition de l'en informer, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au plus tard dans le mois suivant la notification de la rupture.
Par avenant du 29 août 2014, a été prévue une astreinte téléphonique nationale de nutrition parentérale comportant l'obligation de demeurer à domicile ou à proximité, du vendredi 8h30 au vendredi suivant, moyennant une prime d'astreinte de 65 € bruts.
Le 4 décembre 2014, l'employeur a soumis à la salariée un nouvel avenant relatif à la rémunération et précisant la liste des prescripteurs devant être visités par Mme [K].
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 février 2015, Mme [K] a été convoquée a un entretien préalable à un licenciement, fixé le 4 mars 2015, auquel elle ne s'est pas présentée.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 mars 2015 Mme [K] a été licenciée pour faute grave.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mars 2016, la société Perf Nut Assistance Sud Est a informé Mme [K] qu'elle était déliée de son obligation de non concurrence.
Mme [K] a saisi, la juridiction prud'homale, le 23 juillet 2015, en contestation du bien-fondé du licenciement et aux fins d'octroi d'indemnités de non concurrence et de rupture.
Par jugement en date du 9 février 2017, le conseil de prud'hommes de Cannes l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée aux dépens en déboutant la société Perf Nut Assistance Sud Est de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 24 janvier 2018, Mme [K], appelante explique:
- s'agissant de l'exécution du contrat de travail :
-qu'elle était polyvalente puisqu'elle remplissait à la fois une mission technique d'infirmière coordinatrice et de commerciale chargée de prospecter les prescripteurs en matière de nutrition entérale et perfusion; que dès son arrivée dans l'entreprise elle a constaté une mauvaise ambiance liée notamment au manque de clarté quant aux activités de la société SOS Oxygène et de la société Perf Nut Assistance Sud Est qui ont le même dirigeant; qu'alors qu'à son embauche, il lui avait été indiqué qu'elle interviendrait principalement sur le secteur des Alpes-Maritimes et une partie du Var, une autre commerciale s'occupant du secteur allant de [Localité 1] jusqu'aux limites des Bouches-du-Rhône, son employeur par mail du 28 novembre 2014, lui a demandé de signer un avenant à son contrat de travail contenant une liste limitative de 24 prescripteurs dont 22 situés hors des Alpes-Maritimes à plus de 45 minutes de son domicile avec maintien des tâches techniques dans le 06, ce qui constitue une modification substantielle de ses fonctions qu'elle a refusée; qu'elle a été victime d'un accident de la circulation le 27 juin 2014 dans l'exercice de ses fonctions à la suite duquel son véhicule de fonction a été attribué à une autre commerciale ; qu'étant consciente de ne plus être appréciée et ne supportant plus le harcèlement dont elle a fait l'objet, elle a donc pris l'initiative d'une rupture conventionnelle, proposition déclinée par la direction;
-que l'employeur ne justifie pas de ce que la lettre du 30 mars 2015 la déliant de son obligation de non-concurrence a bien été présentée par La Poste à Mme [K]; que son obligation est donc valable jusqu'au 16 mars 2016 que l'employeur aurait dû l'indemniser conformément à l'article 11 de son contrat de travail;
- que la véritable cause du licenciement tient à son refus de respecter l'avenant à son contrat de travail ,
- qu'elle subit un préjudice considérable, n'a pas reçu la convocation à l'entretien préalable alors qu'elle travaillait ce jour-là et a reçu la notification du licenciement alors qu'elle se trouvait en congés payés qu'elle n'a donc jamais pu avoir l'occasion de prendre connaissance des griefs qui lui étaient reprochés; qu'elle exerce désormais exclusivement les fonctions d'infirmière alors qu'elle aurait aimé continuer d'exercer des fonctions techniques et commerciales,
-que les griefs figurant dans la lettre de licenciement sont en grande partie prescrits comme étant connus de l'employeur et ne constituent ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
En conséquence, l'appelante demande de réformer le jugement:
A titre principal :
Dire et juger que les griefs sont prescrits notamment ceux relatifs au démarchage de médecins généralistes, à la formation du 30 janvier 2015, l'absence du 9 février 2015, le reporting commercial, le déjeuner du 22 janvier 2015,
En tout état de cause:
Dire et juger que les faits allégués à l'appui de la mesure de licenciement sont infondés ,
En conséquence,
Constater que le licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse,
Condamner la société Perf Nut Assistance Sud Est à verser la somme de 39.302,40 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la société Perf Nut Assistance Sud Est à verser la somme de 6.550,40 € et celle de 655,04 € d'indemnité compensatrice de préavis te au titre des conges payés y afférents,
Condamner la société Perf Nut Assistance Sud Est à verser 1.965,12 € nets d'indemnité légale de licenciement,
Constater que la société Perf Nut Assistance Sud Est n'a pas délié Madame [K] de son obligation de non concurrence ;
En conséquence,
Condamner la société Perf Nut Assistance Sud Est à verser la somme de 11.790, 72 € d'indemnité de non concurrence,
Ordonner la remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 50 € par jour à compter de la décision à venir,
Condamner la société Perf Nut Assistance Sud Est à verser a Madame [K] la somme de 5.000 €au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 2017, la société Perf Nut Assistance Sud Est, intimée fait valoir :
-que les faits invoqués à l'appui du licenciement ne sauraient se heurter à la prescription;
-que Mme [K] a manifesté son insubordination en faisant fi de toutes les règles en vigueur au sein de l'entreprise, et bien que son attention ait été régulièrement attirée sur la nécessité de respecter les consignes;
-que la salariée a adopté une stratégie commerciale au mépris des directives données lors de deux entretiens le 25 février et le 20'mai 2014, notamment en intervenant au sein du CHU de [Établissement 1] et en officiant dans des conditions susceptibles d'attenter aux intérêts commerciaux de la société SOS Oxygène alors que l'activité de Perf Nut Assistance Sud Est se concentre sur l'administration des traitements par perfusion et sur la nutrition entérale parentérale à domicile et non sur l'oxygénothérapie;
-que l'attitude de Mme [K] entretenait la confusion notamment en continuant de prendre des rendez-vous avec les médecin généralistes qui ne pouvaient plus être les prescripteurs initiaux ni générer des renouvellements d'ordonnance,
-que les initiatives prises par Mme [K] l'ont été en violation des procédures en vigueur en engageant des frais de restaurant le 22 janvier 2015, en dispensant une formation auprès d'un institut, en se rendant à une soirée consacrée à la thématique sur la fin de vie malgré l'opposition de l'employeur et en utilisant à des fins personnelles le véhicule de service, enfin en ne justifiant pas son absence le 6 mars 2015,
-que la résistance de Mme [K] à remettre des reportings conformes aux exigences de la société est avérée, que ce manquement a persisté malgré plusieurs rappels à l'ordre et une formation,
- que la société a délié Mme [K] de son obligation de non-concurrence par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mars 2015 courrier recommandé que la salariée n'a pas, comme à son habitude, daigné retirer.
En conséquence, la société intimée demande de :
Confirmer le jugement sauf en ce qu'il la déboute de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Constater que les faits allégués à l'appui du licenciement ne sont pas prescrits notamment les griefs relatifs au démarchage des médecins généralistes, à la formation du 30 janvier 2015, l'absence du 9 février 2015, au reporting commercial, au déjeuner du 22 janvier 2015 ;
En conséquence :
Dire et juger que le licenciement de Madame [K] est parfaitement fondé et justifié,
Dire et juger que les demandes formulées par Madame [K] sont non fondées dans leur principe et injustifiées dans leur montant ;
Débouter Madame [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Et statuant a nouveau :
Condamner Madame [K] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail :
La lettre de licenciement du 16 mars 2015 est ainsi motivée :
Madame,
Par lettre recommandée en date du 19 février 2015, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à votre éventuel licenciement fixé à la date du 4 mars 2015 a 16H45, entretien auquel vous ne vous êtes pas présentée.
Votre absence à l'entretien préalable ne m'a pas permis de modifier mon appréciation de la situation. En conséquence, j'ai considéré, après réflexion, que votre maintien au sein de notre société n'était plus possible. Je suis donc au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave, pour les raisons suivantes :
Dans le cadre d'une synergie commerciale entre les sociétés SOS OXYGENE et PERF NUT ASSlSTANCE SUD EST, la Direction des deux structures avait retenu que les Pôles digestif et gynécologie obstétrique du CHU de [Établissement 1] 2 ainsi que l'équipe mobile de nutrition du Centre [Établissement 2] ([Établissement 2]) de [Localité 2] étaient démarchés par les seuls commerciaux de la société SOS OXYGENE. Cette décision prise dans un souci de continuité de relations de travail et de confiance déjà établies depuis de nombreuses années par SOS OXYGENE, est bénéfique aux deux structures, puisque générant des prescriptions tant dans le domaine de l'oxygénothérapie que de la nutrition entérale et parentérale. Toutefois, votre présence au sein de ces services, présence que vous avez-vous-même confirmée par mail adressé à Monsieur [Y] [M], perturbe les relations tissées par SOS OXYGENE et,est, par conséquent, préjudiciable tant à la société PERF NUT ASSlSTANCE SUD EST qu'à la société SOS OXYGENE.
Je vous rappelle que, suite à la sélection, en novembre 2014, de notre candidature à un appel d'offres portant sur la nutrition artificielle, Mesdames [B] et [Q] vous avaient averti, une nouvelle fois, sur l'importance de ne pas intervenir au sein des services du CHU de [Établissement 1] 2 et du [Établissement 2]. Rappel que vous avez choisi d'ignorer au vu du mail du 12 décembre 2014, dans lequel vous écrivez « Au cours d'un entretien avec [L] [Établissement 1] dans le service du A4, elle a posé la question sur le rapport PNA avec SOS OXYGENE, ce qui n'est pas clair pour les services ».
Cette situation a pour effet de faire stagner le nombre de patients confiés aux sociétés SOS OXYGENE et Société Perf Nut Assistance Sud Est par ces services qui trouvent la situation confuse.
Les objectifs premiers en terme de développement commercial de la société Perf Nut Assistance Sud Est sont l'antibiothérapie, la nutrition entérale et parentérale. Vous ne pouviez l'ignorer, ceux-ci étant clairement repris dans votre contrat de travail du 26 septembre 2012 tant dans son article 3 consacré à votre qualification que dans l'article 4 précisant le mode de calcul de votre rémunération composée d'un salaire fixe et de primes variables d'objectif.
Dans la prestation de service, seuls les médecins spécialistes peuvent initier un traitement à domicile, avec le concours de la société Perf Nut Assistance Sud Est. Malgré les directives données, vous persistez à prendre des rendez-vous avec des cabinets généralistes, comme l'atteste votre planning du 20 au 29 janvier 2015. En l'espace de quelques jours, vous avez ainsi pris rendez-vous avec les Docteurs [R] [O] (20/01/2015), [T] [A] (21/01/2015), et [E] [H], dont le Cabinet se trouve, de surcroît, dans l'arrière-pays grassois (28/01/2015), tous trois médecins généralistes, ainsi qu'avec un cabinet d'infirmiers de [Localité 3] (29/01/2015).
Ces cibles commerciales ne présentent aucun intérêt pour notre société au vu de la réglementation, et ne sont, dès lors, en aucun cas, prioritaires vu la faiblesse de potentiel de prescriptions qui peut en découler, et, à ce titre, ne font pas partie des cibles qui vous ont été
données par la Direction. De tels déplacements sont, non seulement chronophages, mais également coûteux tant en terme de temps de travail, que de déplacement, de coût de carburant et d'usure du véhicule. De surcroît, ces ciblages stériles sont un frein au
développement de notre société, comme l'atteste d'ailleurs la faiblesse de vos résultats.
Nous sommes d'autant plus surpris de ces choix, qui non seulement vont à l'encontre des directives qui vous ont été formulées mais, également, sont intolérables au regard de votre parcours professionnel antérieur à votre embauche au sein de notre société et de votre
qualification.
Vous avez été embauchée dans le but de conduire une démarche commerciale et technique prenant en compte votre expertise paramédicale. Votre refus de respecter les consignes nous
oblige à mettre en suspens le développement commercial dé notre société. Dès lors, Madame [K] [B], engagée depuis le mois de septembre 2014 en tant qu'attachée de développement commercial, ne peut agir dans l'intérêt de la société PERF NUT ASSISTANCE
SUD EST de peur de discréditer l'imagé de marque de la société du fait d'un discours dissymétrique auprès de nos prescripteurs, du fait de vos interventions. Madame [B] ne peut, dans ce cas, remplir les objectifs qui lui ont été fixés. L'investissement, en terme de masse salariale de la structure, ne peut dans cette situation se justifier voire s'équilibrer.
Le 30 janvier 2015, vous avez réalise une formation de 2 heures auprès de l'Institut de formation en soins infirmiers de l'Hôpital [Établissement 3] à [Localité 1]. Votre intervention s'est réalisée sans que vous n'ayez informé au préalable votre hiérarchie qui, n'a, de plus, aucune
connaissance des supports utilisés ni du contenu de la formation ainsi dispensée. Vos fonctions ne prévalent, en aucun cas, que vous agissiez en qualité de formateur auprès de qui que ce soit, en interne comme en externe. Ainsi, une fois encore, au lieu de respecter les directives assignées par votre supérieur hiérarchique, et vos obligations contractuelles, vous prenez des initiatives qui peuvent s'avérer préjudiciables pour notre société, et son image de marque, aucun contrôle sur le discours que vous tenez n'étant possible.
De même, vous avez assisté à une soirée consacrée à la thématique de la Loi Leonetti sur la fin de vie, le 5 février 2015. Vous aviez demandé l'aval de Monsieur [Y] [M], sous l'autorité duquel vous êtes placée, afin d'y participer au nom de la société PERF NUT ASSISTANCE SUD EST.
Monsieur [M] vous avait répondu par la négative, la fin de vie ne représentant pas un axe de développement pour notre société. C'est donc, à titre personnel, que vous vous y êtes rendu, en utilisant, toutefois, le véhicule qui vous a été remis par la société PERF NUT
ASSISTANCE SUD EST, véhicule dont l'utilisation, conformément a l'article 6 de votre contrat de travail, est limitée à l'exercice de l'activité professionnelle , en conséquence, son usage pour des fins personnelles n'est pas autorisé. »
Le lundi 9 février 2015, Madame [K] [B], avec qui vous collaborez au sein de la société Perf Nut Assistance Sud Est, a reçu un SMS de votre part, dans lequel vous lui indiquiez que vous vous rendiez chez votre médecin, pour un problème de mal de dos. A 12H17, vous avez envoyé un mail pour informer Madame [B] que vous deviez avoir une séance d'ostéopathe. Pour autant, vous n'avez jamais fourni de justificatif quant à votre absence, ni arrêt maladie, ni certificat médical. De même, le 6 mars 2015, vous avez indiqué à Monsieur [O] [N], Responsable d'équipe de la saccade Société Perf Nut Assistance Sud Est avec qui vous n'avez aucun lien hiérarchique, par le biais d'un SMS que vous étiez malade. Vous êtes en congés depuis le 9 mars 2015 et n'avez toujours pas justifié de votre absence du 6 mars.
Vous n'avez jamais rempli correctement votre « reporting commercial » et ce malgré les formations dispensées tant de manière collective (formation commerciale sur [Localité 4], au sein de la société PERF NUT ASSISTANCE MIDI PYRENEES le 26 avril 2013) qu'individueIles (nombreux rappels de Monsieur [M], au sein de la société Société Perf Nut Assistance Sud Est, dont notamment Ie 12 juin 2014). Des remarques réitérées notamment sur le contenu de ces reportings vous ont été faites. Le 3 novembre 2014, un mail à destination de l'ensemble des commerciaux des structures PERF NUT ASSISTANCE ayant pour objet une note de service sur les reportings commerciaux a été diffusé. Le 9 décembre 2014, Monsieur [M] vous alertait par mail sur le fait qu'il était essentiel que le reporting soit établi et transmis de manière systématique, même avec du retard, ainsi que le prévisionnel de rendez-vous à 15jours.
Le 25 janvier 2015, une fois encore, Monsieur [M] vous alertait par mail sur le fait que votre reporting ne devait comporter ni les visites techniques ni les visites de suivi. En effet, Ie 22 janvier 2015, vous mentionniez sur votre reporting l'organisation du retour a domicile d'un enfant en nutrition entérale, alors même que par courriel du 12 décembre 2014, vous confirmiez ne plus intégrer les actions techniques dans le reporting I
Conformément à la note de service du 17 décembre 2014, concernant la Gestion des avantages médecins », diffusés a I'ensemble des personnels des structures PERF NUT ASSISTANCE, « toute invitation ou cadeau, fera l'objet d'une validation préalable et obligatoire par le directeur de plate-forme ». Vous étiez destinataire de cette note de service, que vous avez d'ailIeurs contresignée.
Pour autant, le 22 janvier 2015, vous avez invité des cadres des services d'urologie et de cardiologie de I'HôpitaI [Établissement 3], sans avoir, au préalable, fait de demande auprès de votre supérieur hiérarchique. Une nouvelle fois, vous ne respectez pas les consignes qui vous sont données et les procédures qui en découlent. »
Il est justifié par l'employeur ( pièce 21 et 22) de la remise à Mme [K] de la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement.
La lettre de licenciement à quant à elle été notifiée durant une absence congés payée de la salariée ce qui n'a aucune incidence sur la procédure de licenciement, laquelle est régulière.
Il incombe à l'employeur d'établir les motifs à l'origine du licenciement, ceux-ci devant être matériellement vérifiables.
La faute grave résulte d'un manquement par le salarié à ses obligations contractuelles qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et justifie la cessation immédiate du contrat de travail.
Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.
En application de ce texte, la cour écarte d'emblée comme prescrit le grief tenant au défaut d'établissement par la salariée de reportings dès lors qu' il ressort des propres termes de la lettre de licenciement que ce manquement était connu de l'employeur plus de deux mois avant l'engagement de poursuites disciplinaire matérialisée par la convocation à l'entretien préalable au licenciement en date du 19 février 2015.
Concernant le démarchage des médecins généralistes, l'appelante soutient que le grief est prescrit et qu'en tout état de cause, il entrait bien dans ses fonctions de démarcher les prescripteurs de nutrition entérale et de perfusion y compris le CHU [Établissement 1] de [Localité 2], que ce soit dans le cadre de son activité technique d'infirmière D.E que dans le cadre de son activité de commerciale. Elle affirme que le démarchage des médecins généralistes a toujours fait partie de ses attributions, et qu'elle n'a plus approché lesdits médecins généralistes dans le domaine de la prescription initiale de perfusion en antibiothérapie dès qu'elle a su que ces praticiens, mais seulement les médecins spécialistes, ne pouvaient plus procéder à des prescriptions initiales dans ce domaine.
Il résulte d'un email adressé le 21 mai 2014 par la responsable commerciale [G] [Q] à Mme [K], que la prospection commerciale lui a été expliquée lors d'un entretien tenu le 20 mai, et qu'il a été écrit à Mme [K] que cette prospection portait désormais sur le secteur de [Localité 5], [Localité 6], [Localité 7], [Localité 1] (HIA [Établissement 3]), «accord étant donné pour honorer les rendez-vous prévus la semaine 21 et 22 sur [Établissement 1] ainsi que le staff prévu le 17 juin avec les urgentistes de [Localité 8] [Localité 9] et [Établissement 4]». Or il est justifié de ce que malgré le changement de périmètre de son intervention, Mme [K] a persisté à prendre des rendez-vous avec des médecins généralistes (docteur [H] le 28 janvier 2015 , docteur [O] le 20 janvier 2015, docteur [P] [R] le 21 janvier 2015).
L'insubordination de Mme [K] est encore caractérisée :
-par l' emprunt du véhicule de service pour se rendre, le 5 février 2015, à une soirée consacrée à la thématique sur la fin de vie alors que le contrat de travail en limite l'utilisation à l'exercice de «l'activité professionnelle» et que l'employeur lui avait fait connaître par écrit le 3 février 2015, que cette thématique ne concernait pas les objectifs commerciaux de la société, et qu'il ne l'autorisait pas à se rendre à cette soirée;
-par l'initiative de Mme [K] d'offrir un déjeuner le 22 janvier 2015 à des clients sans passer par le circuit de validation préalable obligatoire par le directeur de toute invitation ou cadeau, résultant d'une note du 17 novembre 2014 de l'employeur qu'elle ne prétend pas avoir ignorée.
Nonobstant la modicité de la facture de restaurant et la faible distance kilométrique parcourue avec le véhicule de la société pour se rendre à une soirée privée, ces comportements traduisent une insubordination persistante constitutive d'une faute grave justifiant la cessation immédiate du contrat de travail.
Recherchant la véritable cause du licenciement, la salariée soutient que l'employeur a manifestement voulu se débarrasser d'elle après avoir « tenté de la faire craquer en lui disant que si elle n'était plus apte physiquement et qu'il fallait qu'elle arrête », en «traçant» tous ses déplacements, en embauchant une commerciale à compter de septembre 2014 pour prospecter la clientèle et, en critiquant systématiquement toutes ses actions et démarches, en tentant de l'isoler puis en voulant modifier son contrat de travail .Le véritable motif de licenciement serait le refus de Mme [K] d'accepter de signer un avenant portant modification substantielle de son contrat de travail.
S'il est exact que la salariée s'est trouvée placée en arrêt de travail du 28 juin jusqu'au 7 juillet 2014, à la suite de quoi elle n'a plus disposé du véhicule de service, et, qu'il est arrivé à l'employeur de lui adresser un mail tardif (30 décembre à 23h15) ces éléments sont insuffisants à démontrer la réalité des agissements décrits par la salariée.
Par ailleurs, s'il a été imposé à compter du 1er septembre 2014 à Mme [K] d'effectuer des astreintes à son domicile l'employeur justifie qu'il n'a fait que mettre à exécution une nouvelle réglementation nationale obligatoire.
Enfin, le contrat de travail stipule une clause de mobilité géographique en ces termes :
Il est précisé que, dans le cadre de son contrat de travail, Mme [K] est susceptible d'être affectée dans tout établissement existant ou futur dépendant de la société Perf Nut Assistance Sud Est.
Le contrat dispose par ailleurs que le poste de Mme [K] implique le démarchage commercial grâce à une prospection des prescripteurs présents et potentiels de la zone d'intervention de l'entreprise.
La redéfinition du périmètre de prospection commerciale de Mme [K] relève en l'espèce du pouvoir d'administration et de direction de l'employeur. Il n'est pas justifié qu'elle a été mise en 'uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
Il se déduit de ces motifs que le licenciement a exactement été prononcé pour faute grave.
Le licenciement étant motivé par une faute grave, la salariée ne peut prétendre à l'indemnité compensatrice de préavis, à une indemnité de licenciement, et sera déboutée du surplus de ses prétentions d'indemnisation mal fondées compte tenu de l'issue de l'appel.
Sur la clause de non-concurrence :
Le 30 mars 2015, la société Perf Nut Assistance Sud Est a adressé à Mme [K] un courrier recommandé A/R l'informant qu'elle se trouvait déliée de son obligation de non-concurrence.
Les documents de la Poste versés au dossier de la société Perf Nut Assistance Sud Est (pièce 21) ne prouvent pas que ledit courrier a été présenté à Mme [K] ni qu'elle en a été avisée.
La défaillance dans l'administration de cette preuve est d'autant plus apparente qu'il est produit les documents d'envoi et de réception de la lettre de convocation à entretien préalable de la salariée.
Dans ces circonstances, c'est à bon droit que Mme [K] sollicite le versement de la contrepartie financière à l'obligation contractuelle de non-concurrence prévue au contrat et dont le montant s'élève à la somme de 10'373,62 euros.
Infirmant sur ce point la décision déférée, la cour condamnera l'employeur à verser cette somme à la salariée.
La décision déférée sera confirmée en toutes ses autres dispositions.
Sur les dépens et les frais non-répétibles :
Eu égard aux succombances respectives en cause d'appel chaque partie supportera ses propres frais d'irrépétibles et dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Infirme partiellement le jugement déféré et statuant à nouveau du seul chef infirmé, condamne la société Perf Nut Assistance Sud Est à payer à Mme [K] à titre d'indemnité de non-concurrence la somme nette de 10'373,62 euros.
Confirme en toutes ses autres dispositions le jugement déféré,
Y ajoutant,
Dit que chaque partie supportera ses propres frais d'irrépétibles et dépens.
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIERLE PRESIDENT