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14/03/2019 | FRANCE | N°17/09144

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-9, 14 mars 2019, 17/09144


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE


Chambre 1-9





ARRÊT AU FOND


DU 14 MARS 2019





N° 2019/ 219




















N° RG 17/09144 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAQ2Q











P... W...








C/





E... C...


Y... A...
































Copie exécutoire délivrée >

le :


à : Me Nikita SICHOV





Me Robin EVRARD


























Décision déférée à la Cour :





Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06081.








APPELANT





Monsieur P... W...


né le [...] à KIROVOGRAD (URSS), de nationalité Russe, de...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 14 MARS 2019

N° 2019/ 219

N° RG 17/09144 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAQ2Q

P... W...

C/

E... C...

Y... A...

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Nikita SICHOV

Me Robin EVRARD

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 02 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/06081.

APPELANT

Monsieur P... W...

né le [...] à KIROVOGRAD (URSS), de nationalité Russe, demeurant [...]

représenté par Me Nikita SICHOV, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Sarah BAYE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Monsieur E... C...

né le [...] à PARIS (75), demeurant [...]

représenté par Me Robin EVRARD de la SELARL BOSIO-EVRARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de NICE substitué par Me Alisée YOUNES, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 23 Janvier 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Madame Sandrine LEFEBVRE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2019,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Ingrid LAVIGNAC, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Par ordonnance du 1er février 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a autorisé monsieur P... W... à pratiquer des saisies conservatoires de droits d'associés ou de valeurs mobilières détenues par monsieur E... C... dans la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation d'une somme de 1 127 000 € et des droits d'associés ou de valeurs mobilières détenues par monsieur Y... A... dans la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation d'une somme de 3 400 000€.

Par jugement rendu le 2 mai 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a :

-ordonné la jonction de la procédure RG n°16/06804 avec la procédure RG n°16/0681,

-rétracté les deux ordonnances rendue le 1er février 2016,

-ordonné la mainlevée des quatre saisies-conservatoires,

-débouté monsieur A... et monsieur C... de leurs demandes de dommages et intérêts,

-rejeté les demandes faites au titre des frais irrépétibles,

-condamné monsieur W... aux dépens.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 12 mai 2018, monsieur P... W... a interjeté appel du jugement du juge de l'exécution.

Par ordonnance en date du 22 octobre 2018, l'instance opposant monsieur P... W... à monsieur C... a été disjointe de celle opposant monsieur P... W... à monsieur A... en raison du décès de ce dernier et de la nécessité d'appeler dans la cause ses héritiers.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 8 janvier 2019, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, monsieur P... W... demande à la cour de: -le déclarer recevable en son appel,

-réformer le jugement entrepris,

-déclarer monsieur E... C... irrecevable ou mal fondé en sa demande de rétraction de l'ordonnance du 2 février 2016,

-débouter monsieur E... C... de toutes ses demandes,

-déclarer monsieur A... irrecevable ou à mal fondé en sa demande de rétraction de l'ordonnance du 2 février 2016,

-débouter monsieur A... de toutes ses demandes,

-condamner monsieur E... C... à payer à monsieur P... W... la somme de 7500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner monsieur A... à payer à monsieur P... W... la somme de 7500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner solidairement monsieur E... C... et monsieur A... aux entiers

dépens.

Monsieur P... W... conclut à la régularité de son appel aux motifs que, demeurant à l'étranger, il dispose d'un délai de cinq mois pour remettre ses conclusions d'appel au greffe de la cour en application de l'article 911-2 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel ayant été régularisée le 12 mai 2017, il disposait ainsi d'un délai expirant le 12 octobre pour notifier ses conclusions, ce qu'i1 a fait le 5 octobre 2017.

Son appel serait par conséquent régulier.

Sur le fond, monsieur P... W... expose avoir confié à monsieur E... C..., le fils de sa compagne, une somme de 3 400 000 € pour procéder à un investissement pour son compte sans que cette remise fasse l'objet d'un écrit en raison de leur relation étroite de famille.

Il lui a également prêté une somme de 3 600 000 € que monsieur E... C... s'était engagé à rembourser sous trois ans, aux termes d'une lettre de garantie, ce prêt n'étant pas celui fondant ses prétentions.

Il soutient que monsieur E... C... a confié la somme de 3 400 000 € à monsieur Y... A... afin qu'il régularise en son nom, l'acquisition de 36 % des parts sociales de la S.A.R.L. VILLA AZUR, qui exploitait un hôtel -restaurant à VILLENEUVE LOUBET, ce que ce dernier a reconnu près de deux ans plus tard, le 1er septembre 2012.

Le 23 septembre 2010, tant pour son compte que pour le compte de monsieur E... C... et de deux autres associés, monsieur Y... A... a fait l'acquisition de la totalité des parts sociales de la SCI DU 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR.

Le 15 septembre 2014, monsieur E... C... lui a cédé sa créance d'un montant de

3 400 000 € à l'encontre de monsieur Y... A....

Parallèlement, monsieur E... C... a souhaité lui céder ses participations dans la SCI du 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et dans la S.A.R.L. VILLA AZUR.

Le 31 octobre 2014, les actes ont été signés, constatant la cession par monsieur E... C... à sa personne de :

- toutes ses parts de la SCI pour le prix de 779 881 €, payé comptant,

- toutes ses parts de la S.A.R.L. pour le prix de 92 704 € payé comptant,

-son compte courant au sein de la SCI pour le prix de 192 119,31 € payé comptant,

- son compte courant au sein de la S.A.R.L. pour le prix de 62 191,80 € payé comptant.

Bien que les actes aient été préparés par leurs responsables, les autres associés au sein de la SCI et de la S.A.R.L. ont refusé d'agréer cette cession.

C'est dans ces conditions que selon acte notarié en date du 20 février 2015, monsieur E... C... lui a donné tous pouvoirs pour user des droits et actions résultant de sa participation dans la SCI du 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et la S.A.R.L. VILLA AZUR, procuration qu'il a toutefois par la suite révoquée.

Il affirme par ailleurs que monsieur Y... A... a cessé de lui adresser des informations sur ces deux sociétés, ne répondant pas à ses lettres.

Soutenant que les débiteurs tentaient manifestement de se dérober à leurs obligations, monsieur P... W... indique avoir obtenu du juge de l'exécution deux ordonnances sur requêtes l'autorisant à saisir les parts sociales et les comptes-courants d'associés de monsieur A... et de monsieur C.... Il a par la suite fait assigner monsieur A... et monsieur C... devant le tribunal de grande instance de Paris et a en parallèle saisi les juridictions moscovites pour obtenir le remboursement de la somme de 3 600 000 €, la procédure étant actuellement pendante devant la Cour de cassation russe de sorte qu'i1 n'existe à ce jour aucune décision irrévocable de cet autre litige contrairement à ce qu'affirme monsieur E... C....

Il ajoute que suite à la contestation par monsieur E... C... de sa signature sur la lettre de garantie de la somme de 3 600 000 €, un tribunal moscovite a ordonné une expertise.

L'expert désigné a conclu que monsieur E... C... avait bien signé la lettre de garantie.

Dans son ordonnance sur requête, le juge de l'exécution a limité l'autorisation de procéder à une saisie-conservatoire à la somme de 1 127 000 € représentant les sommes qu'il a payées à monsieur E... C... au titre de :

- 779 881 € à raison d'une cession de parts sociales de la SCI DU 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST, sans que monsieur W... ne devienne finalement associé au sein de cette SCI ,

- 92 704 € à raison d'une cession de parts sociales de la S.A.R.L. VILLA AZUR, sans que monsieur W... ne devienne finalement associé au sein de cette S.A.R.L.,

-192 119,31 € à raison d'une cession de créance en compte courant de la SCI DU 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST, alors qu'il n'est pas devenu associé au sein de la SCI et ne peut donc disposer d'un compte courant en son sein,

-62 191,80 € à raison d'une cession de créance en compte courant de la S.A.R.L. VILLA AZUR, alors qu'il n'est pas devenu associé au sein de la S.A.R.L. et ne peut donc disposer d'un compte courant en son sein.

Il affirme que :

-les développements de monsieur E... C... au sujet de la somme de 3 600 000 € est indépendante des versements précités qui concernent uniquement la somme de 3 400 000 €,

-les actes de cession, qui ne sont pas de simples projets, ont été préparés par les associés de la SCI DU 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR et mentionnent expressément que le cessionnaire a payé comptant le prix et qu'il en a reçu quittance,

-il importe peu de justifier des versements faits à ce titre dans la mesure où un paiement peut intervenir de plusieurs façons, notamment par compensation, et se prouver par tout moyen,

-le paiement du prix a été expressément quittancé dans les quatre actes,

-monsieur E... C... ne lui aurait pas donné procuration pour gérer ses parts sociales comme un propriétaire si aucun paiement n'était intervenu,

-monsieur A... n'aurait eu aucune raison de lui fournir des renseignements sur le fonctionnement des sociétés s'il n'était pas le véritable propriétaire des parts sociales,

-monsieur E... C... n'explique pas comment, à 19 ans et sans emploi, il a pu confier la somme de 3 400 000 € à monsieur A... pour procéder à cet investissement dans les deux sociétés, créance qu'il lui a ensuite cédée.

Monsieur P... W... estime ainsi que sa créance de 1 127 000 € payée pour les parts sociales et les comptes-courants d'associés de la SCI DU 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR ne souffre d'aucune contestation.

L'ancienneté de la dette et le comportement récent de monsieur E... C..., qui a révoqué la procuration qu'il lui avait consentie, démontrent son absence d'intention d'exécuter ses obligations à son égard.

Les seuls actifs de monsieur E... C..., âgé de 25 ans, sont ses participations dans les deux sociétés précitées de sorte qu'il nourrit les plus grandes craintes pour le recouvrement de sa créance.

Par conclusions notifiées par le RPVA le 20 décembre 2018, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens et prétentions, monsieur E... C... demande à la cour de

-déclarer l'appel de monsieur P... W... caduc,

-déclarer en conséquence irrecevables les conclusions de monsieur P... W...,

-condamner monsieur P... W... au paiement de la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour appel abusif, ainsi que celle de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-déclarer que l'arrêt de la Cour de Cassation russe du 26 avril 2018 a autorité de chose jugée et démontre l'absence de toute créance de monsieur P... W... à son encontre,

-ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue par le juge de l'exécution le 1er février 2016, ayant autorisé les saisies conservatoires sur ses parts au sein de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR,

-ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 15 février 2016 à l'encontre de monsieur C... des parts qu'il détient au sein de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR,

-condamner monsieur P... W... à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

-débouter monsieur W... de toutes ses demandes,

-condamner monsieur P... W... à lui payer la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Monsieur E... C... soulève in limine litis la caducité de l'appel en application de l'article 908 du code de procédure civile.

Il soutient qu'eu égard à la date de la déclaration d'appel faite le 12 mai 2017, monsieur P... W... devait déposer ses conclusions avant le 14 août 2017. Ce dernier ayant notifié ses conclusions le 5 octobre 2017, ces dernières sont tardives de sorte que l'appel est caduc et les conclusions de monsieur P... W... irrecevables.

Sur le fond, monsieur E... C... conclut au caractère mensonger des faits tels qu'exposés par monsieur P... W... qui ne démontre pas être créancier et lui avoir versé la moindre somme.

Il affirme que la lettre de garantie, sur laquelle monsieur P... W... a fondé sa requête ayant donné lieu à l'ordonnance de saisie conservatoire, est un faux, soulignant que dans ses dernières écritures prises devant le tribunal de grande instance de Paris, monsieur P... W... a retiré cette pièce de la procédure.

Dès lors, monsieur E... C... estime que monsieur P... W... ne justifie pas d'une créance paraissant fondée à son encontre.

Il ajoute que monsieur P... W... ne verse aucune pièce justifiant du transfert des fonds litigieux à son profit, affirmant que monsieur P... W..., ancien préfet du district administratif du Sud de Moscou, a été reconnu coupable de détournement de fonds (30 millions de roubles alloués pour la rénovation des maisons de ce quartier') et condamné à 3 ans et 6 mois de prison par jugement du Tribunal de Moscou du 13 juillet 2011 ainsi qu'à une amende de 400 000 roubles, qu'il a été arrêté en juillet 2010 et qu'il a reconnu les faits.

Sa démarche relève d'une nouvelle tentative d'escroquerie à son encontre, monsieur E... C... affirmant que monsieur P... W..., qui a vécu avec sa mère pendant 18 ans, a pu ainsi lui soutirer diverses signatures.

Monsieur E... C... souligne par ailleurs que monsieur P... W... ne rapporte pas la preuve d'un règlement à son profit, aucune trace d'un transfert de fonds par chèque ou par virement n'étayant le paiement d'une somme d'une telle importance.

Il indique que dans le cadre de l'instance au fond devant le tribunal de grande instance de Paris, il a été fait sommation à monsieur P... W... de produire le justificatif du transfert ou de la remise des 3 600 000 € prétendument prêtés, le justificatif de l'origine desdits fonds et le justificatif des ressources de sa mère, demande qui s'est heurtée à un refus.

Monsieur P... W... ne peut ni ne veut justifier de l'existence de la somme de

3 600 000 € ni de sa remise, de sorte qu'il ne démontre pas l'existence d'une créance apparente fondée en son principe.

Il ajoute que l'inexistence de la créance alléguée a été tranchée par l'arrêt irrévocable de la cour d'appel de Moscou du 2 octobre 2017 qui a rejeté toutes les demandes de monsieur P... W... à son encontre. Cette décision, à l'encontre de laquelle le pourvoi en Cassation déposé par monsieur P... W... a été rejeté par décision du 26 avril 2018, bénéficie en France, selon monsieur E... C..., de la forme négative d'autorité de la chose jugée, telle qu'elle résulte de l'article 1355 du code civil et qui ne nécessite pas d'exequatur.

La forme négative d'autorité de la chose jugée (l'effet négatif ou l'autorité négative de la chose jugée) est régie par l'ancien article 1351 du code civil. Le plaideur qui a succombé à l'étranger ne peut plus engager une nouvelle instance pour obtenir, d'une manière directe ou indirecte, ce qui lui a été refusé par un premier jugement.

La demande de Monsieur W... est irrecevable au sens de l'article 122 du code de procédure civile.

Il souligne que monsieur P... W... ne rapporte pas la preuve de menaces sur le recouvrement de la créance alléguée.

Il indique par ailleurs que la « lettre de garantie » n'est pas rédigée en langue russe, alors qu'il ne parle pas et n'écrit pas correctement le français, contestant avoir écrit les mentions présentes sur ces documents qu'il a signés en blanc.

Monsieur E... C... rappelle au surplus avoir développé devant le tribunal de grande instance de Paris la nullité de la lettre de garantie pour vice du consentement, faute de comprendre le français, langue dans laquelle l'acte litigieux a été rédigé, pour non respect des prescriptions légales obligatoires de l'article 1325 du code civil en l'absence d'un original de ce document, pour violation de l'article 1326 du code civil en l'absence de mention en lettre de la somme prêtée et en l'absence de date certaine.

Il rappelle qu'aux termes de l'arrêt de la Cour d'Appel de Moscou, la lettre de garantie aurait été rédigée en septembre 2010 ; l'action en paiement aurait dû être introduite dans les 5 années de la date de l'acte de sorte que cette demande se heurte à la prescription quinquennale de droit commun prévue par l'article 2224 du code civil.

Faute de démontrer la matérialité de la remise des fonds, monsieur P... W... ne peut être accueilli en ses prétentions en vertu de l'article 1131 du code civil. Ce vice affecte également le « contrat de cession » dont la traduction n'est pas correcte, l'acte russe étant en fait intitulé « compte rendu ».

Au vu de ces éléments, monsieur E... C... sollicite ainsi la confirmation du jugement déféré.

Monsieur E... C... demande enfin la condamnation de monsieur P... W... au paiement de dommages et intérêts pour saisies abusives dans la mesure où ce dernier n'est titulaire d'aucune créance et a présenté des faits tronqués.

Par ordonnance du 8 janvier 2019, l'instruction a été déclarée close et l'affaire fixée à l'audience du 23 janvier 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur l'appel

Il n'y a pas lieu de répondre aux moyens développés par monsieur P... W... dans ses conclusions concernant monsieur Y... A... en raison de la disjonction de l'instance l'opposant à ce dernier prononcée par l'ordonnance en date du 22 octobre 2018.

L'article 908 du code de procédure civile dispose:'A peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.'

Aux termes de l'article 911-2 du code de procédure civile, les délais prévus au troisième alinéa de l'article 902 et à l'article 908 sont augmentés de deux mois si l'appelant demeure à l'étranger.

Monsieur P... W... a interjeté appel du jugement du juge de l'exécution par déclaration d'appel du 12 mai 2017.

Dans la mesure où monsieur P... W... réside à Moscou, il disposait jusqu'au 12 octobre 2017 pour conclure en vertu de l'article 911-2 du code de procédure civile.

Monsieur P... W... ayant notifié ses conclusions par RPVA le 4 octobre 2017, dans les délais, il convient de débouter monsieur E... C... de sa demande aux fins de caducité de l'appel et aux fins d'irrecevabilité de ses conclusions.

La cour observe au surplus que les conclusions de monsieur P... W... communiquées en cours d'appel n'ont fait l'objet d'aucun incident devant le conseiller de la mise en état, qui avait en principe une compétence exclusive pour les déclarer irrecevables en vertu de l'article 914 du code de procédure civile (dans sa version antérieure au décret du 6 mai 2017 applicable aux déclarations d'appel antérieures au 1er septembre 2017) ce qui n'a cependant pas été évoqué par les parties.

* Sur la saisie conservatoire

L'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que toute personne dont la créance parait fondée en son principe, peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Aux termes de sa requête déposée devant le juge de l'exécution, monsieur P... W... a sollicité une saisie conservatoire des parts sociales et des comptes courants d'associés détenus par monsieur E... C... au sein de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation d'une somme de 4 726 896,11 € comprenant:

-une somme de 3 600 000 € en exécution d'une lettre de garantie,

- 779 881 € en raison d'une cession des parts sociales de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST,

-92 704 € en raison d'une cession des parts sociales de la S.A.R.L. VILLA AZUR,

-192 119,31 € en raison d'une cession de créance en compte courant de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST,

-62 191,80 € en raison d'une cession de créance en compte courant de la S.A.R.L. VILLA AZUR.

Le juge de l'exécution a autorisé la saisie conservatoire litigieuse uniquement à hauteur de la somme de 1 127 000 € représentant le montant des cessions des parts sociales et des créances en compte courant des deux sociétés par monsieur E... C... à monsieur P... W..., écartant la demande de ce dernier de l'autoriser à saisir à titre conservatoire la somme de 3 600 000 €.

La saisie conservatoire litigieuse ne portant pas ainsi sur la somme de 3 600 000 € fondée sur la lettre de garantie , tous les moyens développés par monsieur E... C... pour contester le bien fondé de cette créance sont inopérants.

Monsieur P... W... verse par ailleurs aux débats quatre contrats rédigés en langue française:

-un contrat de cession de parts sociales de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST en date du 31 octobre 2014 aux termes duquel monsieur E... C... a cédé à monsieur P... W... les parts sociales qu'il détient au sein de cette société moyennant paiement de la somme de 779 881 € et aux termes duquel il est expressément indiqué:'le cessionnaire a payé comptant le prix de 779 881 € ce jour ',

-un contrat de cession de parts sociales de la S.A.R.L. VILLA AZUR en date du 31 octobre 2014 aux termes duquel monsieur E... C... a cédé à monsieur P... W... les parts sociales qu'il détient au sein de cette société moyennant paiement de la somme de 92 704 € et aux termes duquel il est expressément indiqué:'la présente cession est consentie et acceptée moyennant le prix de 86,72 euros par part cédée soit un prix total de 92 704 euros que le cédant reconnaît avoir reçu du cessionnaire ce jour même et dont il lui consent bonne et valable quittance',

-un contrat de cession de créance en compte courant en date du 31 octobre 2014 aux termes duquel monsieur E... C... cède à monsieur P... W... 100% de son comte courant d'associé qu'il détient dans la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST moyennant paiement de la somme de 192 119,31 € et aux termes duquel il est expressément indiqué: 'ce prix est payé comptant par le cessionnaire ainsi que le cédant le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance',

-un contrat de cession de créance en compte courant en date du 31 octobre 2014 aux termes duquel monsieur E... C... cède à monsieur P... W... 100% de son comte courant d'associé qu'il détient dans la S.A.R.L. VILLA AZUR moyennant paiement de la somme de 62 191,80 € et aux termes duquel il est expressément indiqué: 'ce prix est payé comptant par le cessionnaire ainsi que le cédant le reconnaît et lui en donne bonne et valable quittance',

Tous ces actes, aux termes desquels monsieur E... C... a reconnu avoir reçu les prix de cession, sont paraphés et signés par ce dernier.

Bien que monsieur E... C... indique ne pas écrire et parler correctement le français, monsieur P... W... produit :

-un diplôme d'études secondaires complètes au nom de monsieur E... C... en date du 23 juin 2008 mentionnant qu'il a obtenu en français la note de 5 (très bien),

-une attestation de l'école suisse libre internationale de français appliqué, indiquant que monsieur E... C... a suivi les cours du 5 janvier au 23 janvier 2009 et a donné entière satisfaction,

-une attestation ministérielle de dispense de formation linguistique en date du 19 février 2009 aux termes de laquelle il est mentionné que monsieur E... C... a satisfait aux épreuves du test de connaissance en langue française et de son niveau satisfaisant en la matière.

L'ensemble de ces éléments consacre ainsi le principe de créance invoqué par monsieur P... W... à l'encontre de monsieur E... C....

Monsieur P... W... justifie par ailleurs de menaces dans le recouvrement de sa créance eu égard à l'ancienneté de la dette et à la résistance opposée par monsieur E... C..., ce dernier ayant annulé le 10 décembre 2015 la procuration du 20 février 2015 aux termes de laquelle il avait donné pouvoir à l'appelant de gérer les parts sociales des deux sociétés avec le droit de prendre toutes les décisions relatives à la cession ou l'aliénation par tous moyens des parts sociales.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a rétracté l'ordonnance sur requête du 1er février 2016 rendue au profit de monsieur P... W... à l'encontre de monsieur E... C... et en ce qu'il a ordonné la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées par monsieur P... W... sur les parts sociales ou les valeurs mobilières détenues par monsieur E... C... au sein de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation de la somme de 1 127 000 €.

Il y a lieu par conséquent d'autoriser monsieur P... W... à pratiquer les saisies conservatoires des parts sociales ou des valeurs mobilières détenues par monsieur E... C... au sein de la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et de la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation de la somme de 1 127 000 €.

* Sur la demande en dommages et intérêts pour saisie abusive

Monsieur E... C... qui succombe sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive.

* Sur les frais irrépétibles et les dépens

Monsieur E... C... qui succombe sera condamné à verser à monsieur P... W... la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour , après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute monsieur E... C... de ses demandes aux fins de caducité de l'appel et d'irrecevabilité des conclusions de monsieur P... W...,

Infirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse du 2 mai 2017 seulement en ce qu'il a :

- rétracté l'ordonnance sur requête rendue le 1er février 2016 au profit de monsieur P... W... l'autorisant à pratiquer une saisie conservatoire des droits d'associé ou de valeurs mobilières détenues par monsieur E... C... dans la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation d'une somme de 1 127 000 €,

-ordonné la mainlevée des saisies conservatoires en date des 15 février 2016 pratiquées par monsieur P... W... sur les droits d'associé ou les valeurs mobilières détenues par monsieur E... C... dans la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et la S.A.R.L. VILLA AZUR pour sûreté et conservation d'une somme de 1 127 000 €,

-rejeté la demande faite par monsieur P... W... au titre des frais irrépétibles,

-condamné monsieur P... W... aux dépens,

Et statuant de nouveau sur ces seuls chefs infirmés,

Autorise monsieur P... W... à pratiquer une saisie conservatoire sur les droits d'associé ou les valeurs mobilières détenues par monsieur E... C... dans la SCI 1399 AVENUE DE LA BATTERIE OUEST et la S.A.R.L. VILLA AZUR pour avoir sûreté et conservation d'une somme de 1 127 000 €,

Y ajoutant,

Déboute monsieur E... C... de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive,

Condamne monsieur E... C... à verser à monsieur P... W... la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne monsieur E... C... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 1-9
Numéro d'arrêt : 17/09144
Date de la décision : 14/03/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 5A, arrêt n°17/09144 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-14;17.09144 ?
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