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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 2 MAI 2019
N° 2019/
MA
RG N° 17/03996
N° Portalis DBVB-V-B7B-BADVS
[V] [U]
C/
SARL CONVERS TELEMARKETING
Copie exécutoire délivrée
le : 02/05/2019
à :
- Me Sébastien BADIE, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE
- Me Elsa MEDINA, avocat au barreau de NICE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NICE en date du 13 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° F16/00028.
APPELANTE
Madame [V] [U], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL CONVERS TELEMARKETING, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Elsa MEDINA, avocat au barreau de NICE
et par Me Jocelyne DELAYE, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Décembre 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Mariane ALVARADE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Pascale ROCK.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Mars 2019, prorogé au 21 mars 2019, au 4 avril 2019 puis au 2 mai 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 2 mai 2019.
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Mme [V] [U] a été engagée par la SARL CONVERS TELEMARKETING en qualité de téléconseillère, à compter du 13 septembre 2005, suivant contrat à durée indéterminée.
Suivant avenant du 1er octobre 2006, elle a été promue superviseur et par avenant du 1er janvier 201, le statut d'agent de maîtrise coefficient 198 lui a été accordé. Elle percevait un salaire horaire brut de 12,48 euros.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine du secteur tertiaire.
La SARL CONVERS TELEMARKETING employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement.
En raison de graves problèmes de santé ayant nécessité plusieurs interventions chirurgicales et une longue hospitalisation, Mme [U] a été placée en arrêt maladie à compter du 5 septembre 2013 jusqu'au 1er octobre 2015.
Aux termes de deux visites médicales de pré-reprise en août et septembre 2014, dont les conclusions s'orientaient dans le sens d'une inaptitude au poste occupé, une reconversion dans le domaine des ressources humaines et des formations complémentaires ont été évoquées.
Mme [U] a par ailleurs été reconnue travailleur handicapé par le service d'aide au travail et à l'orientation professionnelle pour une durée de 3 ans à compter du 21 octobre 2014.
A la suite de deux examens médicaux des 1er et 16 octobre 2015, le Docteur [X], médecin du travail, la déclarait inapte au poste de superviseur et à tout poste exigeant certaines contraintes posturales.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 novembre 2015, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 23 novembre 2015 et par lettre du 25 novembre 2015, adressée sous la même forme, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
En raison du licenciement prononcé, le FONGECIF l'informait par courrier du 30 novembre 2015, de l'impossibilité de maintenir la prise en charge précédemment accordée au titre du CIF.
Considérant que son employeur a manqué à son obligation de reclassement, elle a saisi, le 12 janvier 2016, la juridiction prud'homale afin d'obtenir sa condamnation au paiement de diverses sommes.
Par jugement rendu le 13 février 2017 le conseil de prud'hommes de Nice a :
* dit le licenciement justifié,
* condamné la SARL CONVERS TELEMARKETING à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
-1947,47 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement,
- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté Mme [U] du surplus de ses demandes,
* mis les dépens à la charge de la SARL CONVERS TELEMARKETING.
Mme [U] a interjeté appel de cette décision dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 14 septembre 2017, Mme [U], appelante, expose :
qu'un bilan ergo a été dressé le 19 juin 2014 par le centre de convalescence Atlantis concluant en ces termes : « Reprise professionnelle : demande probable d'un mi-temps thérapeutique avec aménagement du poste de travail ; Reclassement professionnel à envisager »
que du 29 octobre 2014 à fin décembre 2014, elle a effectué, auprès de l'association ITEC, une prestation spécifique d'orientation professionnelle (PSOP), prescrite par le médecin conseil de la CPAM des Alpes Maritimes, aux termes de laquelle, il ressortait l'existence de contraintes engendrées par son état de santé, et a souhaité se reconvertir dans le domaine des ressources humaines aux fins de bénéficier éventuellement d'un reclassement interne,
que compte tenu de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé le 3 septembre 2014, une prise en charge par l'AGEFIPH de ses salaires avant ladite formation était possible dans le cadre de l'aide au maintien dans l'emploi par le biais du service SAMETH,
que le projet était ainsi mené de concert avec l'organisme de formation, le SAMETH, le médecin du travail et le médecin-conseil de la CPAM et a abouti au dépôt de sa candidature en juin 2015 aux fins d'effectuer une formation en « Master 2 Economie et Management des Ressources Humaines » à l'[Établissement 1], Mme [J] [Z], directrice des ressources humaines, ayant été régulièrement informée par voie téléphonique de l'avancement du projet,
que parallèlement, en juin 2015, elle a sollicité son employeur pour que cette formation soit suivie dans le cadre d'une période de professionnalisation,
que sa candidature ayant été acceptée par l'ISEM par courrier du 24 juillet 2015, Mme [J] [Z] refusait le principe de la période de professionnalisation et lors d'un entretien dans les locaux de la société le 30 juillet 2015, elle lui donnait son accord pour le suivi de cette formation dans le cadre d'un congé individuel de formation, lui confirmant que le coût pédagogique ainsi que ses salaires pourraient être pris en charge par le FONGECIF PACA,
que le conseiller du FONGECIF lui précisait toutefois qu'elle serait hors délai pour une prise en charge à compter de septembre 2015 au regard de la périodicité des commissions d'examen des demandes, qu'un financement était possible à compter de janvier 2016, mais qu'elle devait déposer un dossier en ce sens avant le 15 septembre 2015,
qu'elle remettait donc à Mme [Z] le dossier CIF le 5 août 2015, lequel était régularisé et tenu à sa disposition à compter du 10 août 2015,
que le 13 août 2015, dans le cadre d'un rendez-vous avec le FONGECIF, il lui était indiqué qu'aucune dérogation n'était envisageable pour le financement des mois d'octobre à décembre 2015 mais que compte tenu de son statut de travailleur handicapé, une intervention du SAMETH serait possible sur cette période,
que le 17 août 2015, elle s'entretenait téléphoniquement avec Mme [D], Responsable du Service SAMETH, laquelle lui confirmait qu'avec l'accord de son employeur, une aide pourrait être mise en place pour les mois d'octobre à décembre inclus, par l'intermédiaire de l'AGEFIPH, dans le cadre de l'aide au maintien dans l'emploi,
que le 7 septembre 2015, Mme [D] appuyait son projet auprès de l'Université de NICE en confirmant que d'une part, le CIF ne pourrait être effectif qu'à partir du mois de janvier 2016 et d'autre part, que le SAMETH pourrait apporter son soutien financier pour les trois premiers mois de formation,
que le même jour, elle était déclarée en invalidité 1ère catégorie avec perception d'une pension d'invalidité mensuelle de 590,07 euros à compter du 1er octobre 2015,
qu'elle récupérait donc son dossier CIF auprès de son employeur et l'adressait au FONGECIF PACA accompagné d'un courrier dans lequel elle précisait que «dans le cadre de la négociation entre le SAMETH '' et son « employeur'', il était convenu que ce dernier maintiendrait « son salaire ainsi que le coût pédagogique pendant les mois d'octobre, novembre et décembre '',
qu'alors que le projet était quasiment entériné, Mme [Z] revenait sur sa décision et l'informait par téléphone de son refus du CIF,
qu'en réalité, alors que la visite de reprise était prévue au 1er octobre 2015, l'employeur a trouvé l'occasion de mettre fin dans les meilleurs délais à son contrat de travail,
que cependant, en l'état de l'acceptation initiale de la SARL CONVERS TELEMARKETING, le 23 octobre 2015, le FONGECIF lui a notifié la validation de sa demande de congé individuel de formation pour une formation du 4 janvier 2016 au 31 août 2016,
qu'ayant fait l'objet d'une mesure de licenciement, par courrier du 30 novembre 2015, le FONGECIF l'informait de l'impossibilité de maintenir la prise en charge précédemment accordée, ce qui la contraignait à financer sa formation au moyen de ses propres deniers.
Elle fait grief aux premiers juges d'avoir considéré qu'elle avait décidé, à l'insu de son employeur de suivre une formation qu'elle avait financée personnellement et qu'elle avait ainsi renoncé au congé individuel de formation, et d'avoir déduit qu'elle n'était pas, du fait de cette formation, en mesure d'accepter un reclassement, alors que le congé individuel de formation est un droit et qu'il avait été initialement accordé par l'employeur.
Elle demande à la cour de :
Sur le licenciement :
A titre principal,
dire que la SAS CONVERS TELEMARKETING a manqué à son obligation de reclassement en s'opposant abusivement à la demande de congé individuel de formation après l'avoir accepté, la privant d'une possibilité de maintien dans l'emploi,
dire que la SAS CONVERS TELEMARKETING aurait dû suspendre son contrat de travail durant la formation acceptée et financée par le FONGECIF PACA,
dire que la SAS CONVERS TELEMARKETING n'a pas procédé à des recherches sérieuses et loyales de reclassement au sein de son entreprise et de celles du groupe auquel elle appartient,
dire que l'obligation de reclassement de la société CONVERS TELEMARKETING était renforcée du fait de son statut de travailleur handicapé,
dire que la SAS CONVERS TELEMARKETING n'a pas respecté les dispositions des articles L. 5113-3 et L. 5213-6 du Code du travail,
En conséquence,
voir infirmer le jugement en ce qu'il a retenu l'existence d'une cause réelle et sérieuse,
dire que son licenciement de Mme [U] est sans cause réelle et sérieuse,
condamner la SAS CONVERS TELEMARKETING au paiement des sommes suivantes :
- 23.928,36 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.982,09 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 598,20 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
A titre subsidiaire,
- dire irrégulière la procédure de licenciement du fait du non-respect du délai préfix de deux jours ouvrables entre l'entretien préalable et la notification du licenciement,
En conséquence,
confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement irrégulier et condamné à ce titre la SAS CONVERS TELEMARKETING,
condamner la SAS CONVERS TELEMARKETING au paiement de la somme de 1.994,03 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de la procédure,
Sur les manquements relatifs aux dispositions relatives aux travailleurs handicapés,
dire que le fait d'avoir refusé la formation dans le cadre du CIF initialement accepté, constitue une discrimination au sens de l'article L. 5213-6,
dire que la société CONVERS TELEMARKETING n'a pris aucune mesure en faveur de son maintien dans l'emploi ou de sa reconversion professionnelle,
dire que la formation projetée dans le cadre du CIF n'entrainait aucune charge disproportionnée pour la société CONVERS TELEMARKETING,
dire que ces manquements lui ont causé un préjudice distinct aussi bien moral que matériel,
En conséquence,
voir infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'existence d'une discrimination tenant au statut de travailleur handicapé,
condamner la société CONVERS TELEMARKETING au paiement de la somme de 10.000 à titre de dommages et intérêts,
condamner la société CONVERS TELEMARKETING au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens,
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société CONVERS TELEMARKETING au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
voir assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 2 novembre 2018, la SARL CONVERS TELEMARKETING, intimée,fait valoir :
que dès le 10 août 2015, un accord sur le congé individuel de formation était donné à la salariée, toutefois dans le cadre exclusif d'une prise en charge de la formation par Fongecif,
que l'autorisation d'absence a été délivrée le 8 septembre 2015,
que Mme [V] [U] ne souhaitait pas reprendre son travail, ni attendre l'acceptation du dossier « CIF » par le Fongecif pour intégrer, à son gré, la formation qu'elle souhaitait.
Elle demande à la cour de :
Sur le licenciement :
A titre principal
- dire qu'elle a bien consenti à la demande de CIF présentée par Mme [V] [U], ce qui résulte de la signature de l'autorisation d'absence du 8 septembre 2015, lui en donner acte et notamment lui donner acte de ce qu'elle avait validé le congé CIF pour la période prise en charge par le Fongecif à compter du 4 janvier 2016 jusqu'au 31 août 2016, conformément à la demande de la salariée,
- dire qu'elle a bien et loyalement satisfait aux recherches de reclassement tant en interne que dans le groupe sur des postes compatibles avec les compétences et la capacité physique de Mme [V] [U] et qu'elle a satisfait correctement à l'obligation de reclassement tant en ce qui concerne son inaptitude que son handicap,
- dire que le licenciement de Mme [U] repose bien sur un motif réel et sérieux,
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le Conseil des Prud'homrnes de Nice le 13 février 2017 en ce qu'il a dit le licenciement de Mme [V] [U] justifié,
- rejeter la demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- rejeter la demande d'indemnité compensatrice de préavis et la demande d'indemnité de congés payés sur préavis.
A titre subsidiaire,
-Si par extraordinaire, le licenciement de Mme [V] [U] était jugé sans cause réelle et sérieuse,
- fixer l'indemnité qui lui serait allouée à une somme de 12.441,11 euros équivalant à 6 mois de salaire à défaut de caractérisation et évaluation d'un préjudice,
Sur la procédure de licenciement :
- dire que Mme [V] [U] ne caractérise pas la réalité du préjudice résultant pour elle de l'envoi un jour trop tôt de la lettre de licenciement et ne l'évalue pas,
En conséquence,
voir infirmer sur ce seul point le jugement du conseil des prud'hommes de Nice du 13 février 2017 et fixer à 10 euros le préjudice hypothétique subi par Mme [V] [U] de ce fait,
Sur la discrimination invoquée :
- dire que Mme [U] n'est victime d'aucune discrimination de la part de son employeur eu égard à son statut de travailleur handicapé, tant au regard de son maintien dans l'emploi qu'au regard de la reconversion professionnelle et que toutes les mesures ont été prises en vue de la formation qu'elle souhaitait dans le cadre du congé individuel de formation pris en charge par le Fongecif,
- dire que Mme [V] [U] ne caractérise aucun préjudice réel y afférent, ni ne l'évalue,
En conséquence,
- confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Nice du 13 février 2017 en ce qu'il a constaté « qu'il n'y a aucune discrimination de la part de la société CONVERS TELEMARKETING eu égard au statut de travailleur handicapé de Mme [V] [U] », et l'a déboutée de ses demandes,
- rejeter la demande de la somme de 10.000 euros présentée par Mme [V] [U] à ce titre,
Concernant l'article 700 du code de procédure civile :
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nice ayant attribué une somme de 1.000 euros à ce titre à Mme [V] [U] ;
- rejeter la demande d'une somme de 2.500 euros à ce titre formulée devant la cour par Mme [U] ,
- condamner Mme [U] à lui payer, à ce titre, une somme de 1.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 décembre 2018.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le licenciement pour inaptitude
Aux termes des visites médicales de reprise des 1er et 16 octobre 2015, Mme [U] a été déclarée inapte au poste de superviseur et à tout poste exigeant contraintes posturales suivantes :
« - flexion antérieure du buste ;
- Flexion cervicale antérieure prolongée ;
- Station immobile debout prolongée ''.
Le médecin du travail a néanmoins conclu à une possibilité de «reclassement sur un poste à temps partiel excluant les contraintes énumérées ci-dessus tel un poste administratif en position assise ».
La lettre de licenciement du 25 novembre 2015 est ainsi motivée :
« Vous trouverez ci-dessous les motifs sur la base desquels nous prenons notre décision :
Vous avez été soumise à deux examens médicaux de reprise du travail (). A l'issue de ce second examen, le médecin du travail vous a déclarée inapte a occuper votre emploi de superviseur et tout poste exigeant des contraintes posturales suivantes :
- Flexion antérieure du buste ;
- Flexion cervicale prolongée ;
- Station immobile debout prolongée ''.
Il a également fait état du reclassement possible sur un poste à temps partiel.
Or, le poste de superviseur que vous occupiez ne peut être rempli en position assise puisqu'il impose de se pencher sur les postes de travail informatiques des téléconseillers que vous supervisez, occasionnant ainsi de fréquentes flexions antérieures du buste et des flexions cervicales prolongées.
De plus, à l'exception de ce poste de superviseur, incompatible avec vos contraintes et les recommandations du médecin du travail, il n'y a actuellement, aucun autre poste disponible dans l'entreprise, ni aucune création de poste envisagée, notamment dans vos compétences ; le seul poste ouvert, de technicien informatique, le 17/11/2015, ne correspondait pas a vos compétences.
Aussi, comme indiqué dans notre courrier du 13/11/2015, nous nous trouvons dans l'impossibilité de vous reclasser en respectant les contraintes posées par le médecin du travail; en effet aucun autre poste de l'entreprise n'est disponible actuellement et notamment dans vos compétences, et aucune création de poste n'est envisagée. De plus, nous avons également effectué diverses recherches auprès de sociétés en liaison avec nos associés, situées dans d'autres régions de France ; aucun, malheureusement n'a de poste disponible actuellement, ni de poste prévisible.
En conséquence, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement qui prend effet immédiatement (. . .) ''.
Mme [U] fait valoir que la SARL CONVERS TELEMARKETING a manqué à son obligation de reclassement en s'opposant abusivement à la demande de congé individuel de formation après l'avoir acceptée, la privant d'une possibilité de maintien dans l'emploi.
Elle indique que le code du travail prévoit des dispositions spécifiques concernant les travailleurs handicapés qui mettent à la charge de l'employeur des obligations renforcées destinées à assurer le maintien dans l'emploi ou la reconversion professionnelle, en particulier les articles L 5113-3 et L 5213-6 du code du travail, dispositions renforçant par la même l'obligation de reclassement en matière d'inaptitude, que le non-respect de ces dispositions est susceptible de causer au salarié un préjudice distinct justifiant l'octroi de dommages et intérêts, qu'en l'espèce, son état de santé commandait d'envisager une reconversion professionnelle, que le refus de formation opposé par l'employeur, alors qu'elle bénéficie du statut de travailleur handicapé est discriminatoire.
Sur le congé individuel de formation
Il ressort des pièces du dossier et en particulier des échanges de correspondances et de courriels entre les différents protagonistes que l'employeur avait autorisé Mme [U] à s'absenter à compter de janvier 2016 à août 2016, en raison de l'expiration du délai de dépôt de la demande, et que son statut de travailleur handicapé permettait une prise en charge financière au titre des mois d'octobre à décembre 2015, grâce à l'intervention du SAMETH,
que la prise en charge de la formation par le Fongecif ne pouvait être opérée à partir du mois d'octobre 2015 mais seulement sur la période de janvier à août 2016, l'employeur s'engageant à faire l'avance du salaire et à en demander le remboursement au Fongecif, étant en outre précisé que pendant les périodes d'interruption de la formation pendant la session programmée la salariée ne réintègrerait pas l'entreprise mais serait en «CIF non rémunéré »,
que Mme [U] ne pouvait donc affirmer, comme indiqué dans son courrier du 8 septembre 2015, que « l 'employeur maintiendrait son salaire ainsi que le coût pédagogique pendant les mois d'octobre, novembre et décembre '',
que le Fongecif a notifié le 23 octobre 2015 à la SARL CONVERS TELEMARKETING son accord pour la formation sollicitée, alors que le 25 septembre 2015, Mme [U] avait conclu un contrat de formation en Master 2 économie et management des organisations et ressources humaines pour la période du 05/10/2015 au 31/08/2016 avec Asure-Formation - UNICE PRO,
que si Mme [U] soutient avoir seulement anticipé l'évolution de sa situation professionnelle au sein de la société CONVERS TELEMARKETING, il ne peut être ignoré que parallèlement à la procédure de congé individuel formation, elle s'est inscrite à une formation qu'elle a autofinancée,
qu'elle prétend que sa direction lui a indiqué « au téléphone » en septembre 2015, qu'elle renonçait au congé individuel de formation, et que ce refus a été opposé en prévision de l'avis d'inaptitude qui serait rendu, celle-ci préférant la licencier,
que cependant, elle ne rapporte aucunement la preuve de ses affirmations,
que si Mme [D] adressait à l'employeur le 5 novembre 2015 à 08:24 un courriel libellé en ces termes « j'ai pris également connaissance de votre message téléphonique de la semaine dernière (...) précisant que CONVERS ne souhaitait pas donner suite à la demande de formation visant à favoriser le reclassement professionnel de Mme [U] '', par courriel du même jour à 09:09, elle indiquait « Suite à notre conversation téléphonique de ce jour, je vous précise comme convenu un point de mon mail précédant :Vous m'avez informée de votre souhait de ne pas sponsoriser les frais liés à la demande de formation de Mme [U], à savoir le coût pédagogique et le maintien de son salaire à temps partiel entre le 1er octobre 2015, date de sa reprise et janvier 2016, date du démarrage de sa demande FONGECIF. J'espère que cette précision décrit plus fidèlement la situation. ».
Il en résulte que Mme [U] ne saurait se prévaloir d'une violation des dispositions de l'article L. 1226-3 du code du travail qui permet la suspension du contrat de travail du salarié déclaré inapte pour lui permettre de suivre un stage professionnel, ni d'un traitement discriminatoire à son égard.
Les moyens présentés à l'appui de ses demandes ne peuvent qu'être rejetés.
Sur l'absence de recherches réelles de reclassement
Mme [U] fait valoir que la motivation de l'impossibilité de reclassement n'est pas pertinente, l'employeur employant plus de 200 salariés organisés en plusieurs services (production, ressources humaines, commercial et projet), comprenant des postes de nature administrative, ainsi que de commerciaux et d'assistantes commerciales qui auraient pu lui convenir.
Elle verse aux débats la newsletter interne de la société du mois de mai 2015 qui indique que le recrutement d'un commercial était en cours et celle du mois de septembre 2015 de laquelle il ressort que dans le cadre de la « mobilité interne '', Mr [W] est venu « en renfort » sur un poste d'agent d'écoute en raison de l'absence de 2 salariées . Elle estime que c'est donc de manière fallacieuse que l'employeur affirme dans la lettre de licenciement, qu'à l'exception d'un poste de technicien, aucun poste n'était disponible, ni aucune création de poste envisagée.
Elle observe encore que l'employeur a fait diffuser une annonce mentionnant qu'il recrute régulièrement des téléconseillers sous contrat à durée indéterminée à temps plein ou partiel, qu'un tel poste aurait également été conforme aux réserves posées par le médecin du travail.
Elle fait en outre valoir que l'employeur a également affirmé avoir opéré des recherches auprès de sociétés en liaison avec ses associés, situées dans d'autres régions de France, sans toutefois préciser le périmètre du groupe et par conséquent de ses recherches, pour démontrer l'absence de reclassement.
La SARL CONVERS TELEMARKETING estime avoir effectué de façon loyale des recherches de postes adaptés à la situation de Mme [U]. Elle produit notamment les courriers que ses associées, les sociétés Tradition des Vosges, Simcocash et EURL Locaber lui ont adressé le 2 novembre 2015, en réponse à sa demande de reclassement.
Suite à l'avis d'inaptitude émis le 16 octobre 2015, la SARL CONVERS TELEMARKETING a interrogé le médecin du travail qui a été amené à préciser suivant courriel du 26 octobre 2015, que « l'interdiction de flexion cervicale prolongée n'autorisait pas le travail en continu sur poste informatique, Mme [U] étant déclarée inapte à son poste de superviseur et pouvant être reclassée sur un poste de type administratif en temps partiel...correspondant dans la majorité des cas à un presque mi-temps ».
Il en résulte que Mme [U] ne pouvait être reclassée sur des postes de superviseur/animateur, superviseur qualité ou superviseur clients, d'agent d'écoute et téléconseiller, qui nécessitent l'utilisation d'un poste informatique ou s'effectuent en position continue debout, qu'elle ne pouvait non plus être reclassée sur des emplois administratifs dès lors qu'ils s'effectuaient également sur des postes informatiques, ni occuper le poste à temps complet confié à Mr [W] en août 2015, soit antérieurement à son licenciement.
Si la SARL CONVERS TELEMARKETING démontre par ailleurs l'absence de postes de travail disponibles à temps partiel ou de création de postes à temps partiel compatibles avec les compétences de Mme [U] et les préconisations médicales, elle ne justifie pas pour autant avoir effectué des recherches de façon sérieuse et loyale, dès lors qu'il est constant que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail, de sorte que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit fondé le licenciement de Mme [U] et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes subséquentes à titre d'indemnité et de dommages et intérêts.
La reconnaissance du caractère infondé du licenciement n'établit pas pour autant la violation par l'employeur des dispositions relatives aux travailleurs handicapés ou encore un traitement discriminatoire, de sorte que la demande de dommages et intérêts formulée sur ce fondement par la salariée sera rejetée.
Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail
Mme [U] sollicite les sommes de 5982,09 euros et de 598,20 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et au titre des congés payés y afférents.
La SARL CONVERS TELEMARKETING fait valoir que la salariée était doublement dans l'impossibilité d'effectuer ce préavis, en raison de son inaptitude et de l'engagement de formation qu'elle avait souscrit.
Il est cependant constant que si le salarié ne peut en principe prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'il est dans l'impossibilité physique d'exécuter en raison d'une inaptitude à son emploi, cette indemnité est due au salarié dont le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude.
L'article 19 de la convention collective applicable prévoit un préavis de 2 mois pour les agents de maîtrise.
En vertu de l'article L. 5213-9 du code du travail, les salariés reconnus travailleurs handicapés peuvent prétendre en cas de licenciement, à une indemnité de préavis doublée dans la limite de 3 mois.
Il sera octroyé à Mme [U] les sommes demandées.
Au moment de la rupture de son contrat de travail Mme [U] totalisait dix ans et deux mois d'ancienneté et la SARL CONVERS TELEMARKETING employait habituellement au moins onze salariés.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [U] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l'espèce un salaire de 1994,03 euros.
En raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, comme étant née en [Date naissance 1], de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de la somme de 23.928,36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la régularité de la procédure
En application des dispositions de l'article L. 1232-6 alinéa 3 du code du travail, la lettre de licenciement ne peut être expédiée moins de deux jours ouvrables après la date prévue de l'entretien préalable au licenciement auquel le salarié a été convoqué.
En vertu des dispositions de l'article L 1226-15 du code du travail en son dernier alinéa, en cas d'irrégularités affectant la procédure de licenciement, il est fait application de l'article L1235-2.
Mme [U] sollicite une somme de 1994,03 euros correspondant à un mois de salaire à titre de réparation.
En l'espèce, Mme [U] a été convoquée à un entretien qui s'est tenu le 23 novembre 2015 et il est constant que la lettre de licenciement a été expédiée le 25 novembre 2015, alors qu'elle aurait dû l'être au plus tôt le 26 novembre 2015.
La cour observe qu'un délai très bref a séparé la décision d'inaptitude du 16 octobre 2015 et celle de licencier la salariée, que l'empressement de l'employeur dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement est source de préjudice qu'il convient de réparer.
Le jugement du conseil de prud'hommes sera en conséquence confirmé, sauf en ce qui concerne le montant alloué, qui sera fixé à la somme de 1994,03 euros.
Sur les intérêts:
Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation.
Les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et du jugement entrepris qui est confirmé à hauteur de 1947,47 euros.
Sur les dépens et les frais non-répétibles:
La SARL CONVERS TELEMARKETING qui succombe dans la présente instance, doit supporter les dépens et il y a lieu de la condamner à payer à Mme [U] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné la SARL CONVERS TELEMARKETING à payer à Mme [V] [U] une somme au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement, outre au paiement d'une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.
Statuant à nouveau sur le surplus,
Dit que le licenciement de Mme [V] [U] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne la SARL CONVERS TELEMARKETING à payer à Mme [V] [U] les sommes suivantes :
- 23.928,36 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 5.982,09 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 598,20 euros brut au titre des congés payés sur préavis,
- 1 994,03 euros au titre de l'irrégularité de la procédure,
Y ajoutant,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris qui est confirmé à hauteur de 1947,47 euros et du présent arrêt pour le surplus,
Dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Condamne la SARL CONVERS TELEMARKETING à payer à Mme [V] [U] une somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL CONVERS TELEMARKETING aux dépens d'appel,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.
LE GREFFIERLE PRESIDENT