COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3 (anciennement dénommée 3ème Chambre A)
ARRÊT AU FOND
DU 09 MAI 2019
N° 2019/197
N° RG 16/04687 - N° Portalis DBVB-V-B7A-6IKY
[V] [T]
C/
Société SNC MARIGNAN RESIDENCES
SNC COGEDIM MEDITERRANEE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Joseph MAGNAN
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de NICE en date du 19 Février 2016 enregistré au répertoire général sous le n° 10/03494.
APPELANT
Monsieur [V] [T]
né le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 1]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Henri-Charles LAMBERT, avocat au barreau de NICE
INTIMEES
SNC MARIGNAN RESIDENCES, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Eric GOMEZ, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sébastien SION de la SCP MOLAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
SNC COGEDIM MEDITERRANEE, demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
plaidant par Me Eric GOMEZ, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Sébastien SION de la SCP MOLAS ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 13 Mars 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame Béatrice MARS, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente
Mme Béatrice MARS, Conseiller rapporteur
Mme Florence TANGUY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Jocelyne MOREL.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Mai 2019,
Signé par Mme Marie-Brigitte FREMONT, Présidente et Madame Jocelyne MOREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée se sont associées en vue de développer, en qualité de maîtres d'ouvrage, un programme immobilier situé quartier des Plans à [Localité 2].
Elles ont chargé le Cabinet AAP - Atelier Alain Philip d'une mission d'étude générale urbaine et architecturale ainsi que d'une mission d'urbaniste-conseil.
Par contrat du 13 mai 2008, elles ont confié à M. [V] [T], qui a accepté, une mission d'aménagement et de maîtrise d''uvre de conception pour l'aménagement et la construction du programme immobilier.
La première mission de l'architecte intitulée mission A, prévue au contrat, comportait quatre
phases :
1 - Schéma d'aménagement
2 - Présentation au Maire
3 - Dossier projet
4 - Présentations générales officielles au maire et à ses conseillers et éventuellement en réunions
publiques.
Les parties ont prévu à la page 6 de leur contrat un «'délai global maximum pour la mission A » de 19 semaines, démarrant à la signature, la durée de l'élaboration du schéma d'aménagement
étant fixée à 2 semaines.
Les honoraires de l'architecte au titre de la mission A étaient fixés à la somme de 50 000 euros HT, payables selon l'échéancier suivant':
- 10 000 euros à l'issue de la phase 1
- 30 000 euros à l'issue de la phase 3
- 10 000 euros à la validation du schéma d'aménagement par la Mairie.
Selon l'article 12.2 1 du contrat, « en cas d'arrêt du projet notifié par le maître d'ouvrage et dû à des causes extérieures à sa volonté, qu'elles relèvent de la force majeure ou de circonstance de nature juridique, administrative, économique ou commerciale, le présent contrat sera résilié sans
délais, notifié par lettre recommandée et avec droit pour l'architecte aux règlements correspondant aux missions exécutées ».
L'article 12.2 4 mentionnait « le contrat pourra être résilié de plein droit, en cas d'inexécution par l'architecte de ses obligations, 8 jours après mise en demeure visant la présente clause résolutoire demeurée sans réponse ».
Dans ce dernier cas, la résiliation ne donnera lieu à aucun versement de dommages et intérêts
d'une partie à l'autre, selon l'article 12.2 4 in fine.
Par courrier recommandé en date du 31 juillet 2008, la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée ont invité M. [V] [T] à réagir et à prendre les dispositions nécessaires pour honorer les délais prévus au contrat liant les parties.
Par nouveau courrier, remis en mains propres, le 30 septembre 2008, la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée ont mis en demeure M. [V] [T] de leur fournir, sous huit jours, l'ensemble des éléments de la mission A.
Par courrier recommandé en date du 5 octobre 2008, M. [V] [T] a expliqué que le dépassement du délai contractuel n'engendrait aucun préjudice et a indiqué que les retards ne lui étaient pas imputables.
Par courrier recommandé en date du 28 octobre 2008, visant l'article 12.2 4 du contrat, la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée ont notifié à M. [V] [T] la résiliation du contrat d'architecte.
Par actes d'huissier signifiés les 10 et 18 mai 2010, M. [V] [T] a assigné ses co-contractants devant le tribunal de grande instance de Nice afin d'obtenir paiement de ses honoraires et la réparation de son préjudice.
Par jugement en date du 19 février 2016, le tribunal de grande instance de Nice a':
- Constaté la résiliation de plein droit du contrat d'architecte conclu le 13 mai 2008 entre la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée d'une part et M. [V] [T] d'autre part aux torts de M. [V] [T], et ce, conformément à la mise en demeure visant la clause résolutoire adressée à ce dernier le 28 octobre 2008, avec effet au 6 novembre 2008
- Débouté M. [V] [T] de l'intégralité de ses demandes
- Débouté la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée de leur demandes au titre des pénalités de retard et autres retenues
- Condamné M. [V] [T] à payer à la SNC Marignan Résidences la somme de 1 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné M. [V] [T] à payer à la SNC Cogedim Méditerranée la somme de 1 250 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M. [V] [T] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné M. [V] [T] aux dépens
- Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
- Dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de décision
- Rejeté toutes demandes, fins ou prétentions, plus amples ou contraires.
M. [V] [T] a relevé appel de cette décision le 14 mars 2016.
Vu les conclusions de M. [V] [T], appelant, signifiées le 31 décembre 2018, au terme desquelles il est demandé à la cour de':
- Condamner conjointement et solidairement les SNC Marignan Résidences et SNC Cogedim Méditerranée, maîtres d'ouvrages, à payer à M. [T] la somme de 478 688 €
- Dire et juger que les sommes dent condamnation porteront intérêts moratoires au taux légal à
compter de l'assignation du 10 mai 2010 valant mise en demeure pour la somme de 407 396 euros
- Ordonner la capitalisation des intérêts pour la première fois le 10 mai 2011
- Condamner in solidum les SNC Marignan Résidences et SNC Cogedim Méditerranée, au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel distraits dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de la SNC Marignan Résidences et de la SNC Cogedim Méditerranée, intimées, signifiées le 31 octobre 2018, au terme desquelles il est demandé à la cour de':
A titre principal':
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 février 2016
- Débouter M. [V] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement entrepris':
- Dire et juger régulière sur la forme et bien fondée sur le fond, la résiliation de plein droit prononcée selon lettre du 28 octobre 2008 par les SNC Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée, du contrat d'architecture du 13 mai 2008 aux torts, frais et risques exclusifs de
M. [T], architecte
- Constater la résiliation de plein droit prononcée selon lettre du 28 octobre 2008 par les SNC Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée, du contrat d'architecture du 13 mai 2008 aux torts, frais et risques exclusifs de M. [T], architecte
- Débouter M. [V] [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
A titre reconventionnel':
A titre principal':
- Constater l'acquisition du bénéfice de la clause résolutoire visée au contrat d'architecture du 13 mai 2008 au profit des SNC Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée et la résiliation dudit contrat aux torts, frais et risques exclusifs de M. [T]
A titre subsidiaire':
- Prononcer la résiliation de plein droit du contrat d'architecture du 13 mai 2008 avec effet au 28 octobre 2008, aux torts, frais et risques exclusifs de M. [T]
- Le condamner au paiement des pénalités de retard et autres retenues que les maîtres d'ouvrage se réservent de chiffrer dans des conclusions ultérieures
A titre encore plus subsidiaire':
- Débouter M. [T] de ses prétentions
- Débouter M. [V] [T] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
- Condamner M. [V] [T] à payer à la SNC Marignan Résidences et à la SNC Cogedim Méditerranée, chacune, la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner M. [T] aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de Maître Sébastien Badie de la SCP Badie- Simon Thibaud et Juston, avocats associés à la cour d'appel d'Aix en Provence, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est en date du 6 mars 2019.
MOTIFS DE LA DECISION':
Aux termes de l'article 12-2-4'du contrat d'architecte signé entre les parties : le contrat pourra être résilié de plein droit, en cas d'inexécution par l'architecte de ses obligations, 8 jours après mise en demeure visant la présente clause résolutoire demeurée sans effet. Dans ces cas ( 3 et 4 ) elle ne donnera lieu à aucun versement de dommages et intérêts d'une partie à l'autre.
M. [T] s'est engagé à accomplir les quatre phases prévues dans la mission A comprenant':
« l'établissement du schéma d'aménagement, (deux semaines) la présentation au maire, le dossier projet (six semaines) et la présentations générales officielles au maire et à ses conseillers et éventuellement en réunions publiques » dans un « délai global maximum de 10 semaines ».
Les sociétés Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée font valoir que M. [T] n'a respecté aucun de ses obligations contractuelles « tant en terme de qualité de travail fourni que de respect des délais convenus au contrat ».
Par courrier recommandé en date du 31 juillet 2008, les maîtres d'ouvrage ont avisé M. [T] de ce que le délai de deux semaines prévu pour la phase « établissement du schéma d'aménagement » était dépassé sans que ce document ne soit formalisé « 11 semaines après le lancement des premiers travaux », et de ce que « les remarques faites par le maître de l'ouvrage au cours des réunions et dans les comptes rendus successifs n'ont pas été pris en compte ».
Les sociétés Marignan Résidences et Cogedim Méditerranée reprochaient également au maître d''uvre la qualité des documents élaborés en précisant « vous nous remettez des documents (') ceux-ci se révèlent souvent inexploitables et comportent des erreurs et/ou des incohérences importantes ».
A défaut de réponse qu'elles jugeaient satisfaisante, par courrier en date du 30 septembre 2008, les sociétés Marignan Résidences et Cogedim mettaient en demeure M. [T] « de remettre
l'ensemble des éléments de la mission A » en indiquant « 20 semaines après le lancement des premiers travaux, cette phase (établissement du schéma d'aménagement) est toujours dans le même état, alors que le délai contractuel de réalisation de la phase A était de 10 semaines ».
Les maîtres d'ouvrage l'avisaient par là même, en application des dispositions de l'article 12-2-4 du contrat d'architecte de « la résiliation de plein droit du contrat huit jours après la présente mise en demeure ».
Enfin, par courrier en date du 28 octobre 2008 les sociétés Marignan Résidences et Cogedim, invoquant le fait que le courrier du 30 septembre 2008 était « resté sans effet » notifiaient à M. [T], en application des dispositions de l'article 12-2-4 du contrat d'architecte, « la résiliation du contrat régularisé le 29 avril 2008 pour inexécution de ses obligations ».
M. [T], impute le dépassement des délais prévus, qu'il ne conteste pas, aux maîtres de l'ouvrage. Toutefois'il ne démontre pas, comme il le soutient, que :
* les sociétés Marignan Résidences et Cogedim « lui ont fourni tardivement le projet de base lui permettant d'établir ses plans » ou qu'elles ont modifié « de manière substantielle le plan de masse »
* les maîtres de l'ouvrage lui ont « volontairement accordé des délais très courts pour exécuter la mission A dans le but prémédité de rompre le contrat », alors qu'il lui appartenait, en tant que professionnel, de refuser de contracter dans l'hypothèse de délais irréalisables.
* le projet a été présenté en vidéo projection le 10 octobre 2008 sans observations, alors que dès le 31 juillet 2008 les sociétés Marignan Résidences et Cogedim lui ont fait part des difficultés qu'elles rencontraient ayant abouties à une résiliation du contrat le 28 octobre 2008.
Enfin, le fait qu'un retard dans l'exécution de la mission soit sanctionné dans le contrat d'architecte par l'application d'une pénalité, n'empêche pas le maître de l'ouvrage d'invoquer une résiliation du contrat en cas de non respect général des obligations contractuelles par le maître d''uvre, et notamment, comme en l'espèce, l'existence de retards.
Dès lors, en l'état de ces éléments, il y a lieu de confirmer la décision déférée qui a jugé que la défaillance fautive de M. [T] à accomplir sa mission notamment dans les délais impartis constituait un manquement grave dans l'exécution de ses obligations justifiant la résiliation du contrat à ses torts.
M. [T] sollicite le paiement d'une somme de 478 688 euros comprenant ses honoraires pour la mission A de 48 000 euros TTC et divers postes': frais annexes collatéraux (achat de deux logiciels, formation de deux salariés sur ce logiciel...)': 26 319 euros TTC, des frais et débours pour exécution de missions non contractuelles': 122 446,40, emprunt hypothécaire': 16 422,50 euros, préjudice lié à la rupture du contrat': 192 000 euros TTC.
L'article 12-2-4 prévoit que la résiliation du contrat par le maître de l'ouvrage, en cas de défaillance contractuelle du maître d''uvre, «' ne donnera lieu à aucun versement de dommages et intérêts d'une partie à l'autre ».
M. [T] n'est donc en droit de prétendre qu'au paiement des travaux effectués et non à des dommages intérêts correspondant à ses frais accessoires, étant précisé que le contrat d'architecte prévoyait une rémunération à hauteur de 50 000 euros HT concernant la mission A.
Les sociétés Marignan Résidences et Cogedim font valoir que les documents fournis par M. [T] ne sont pas exploitables au vu des erreurs qu'ils contiennent ( bilan SHON faux, plans des collectifs ne respectant pas les superficies moyennes prévues...), ce dont il avait été avisé notamment lors des réunions de chantier des 10 juin 2008, 6 août 2008, 12 septembre 2008 et 19 septembre 2008.
M. [T] indique avoir accompli la mission confiée dans la phase A et conteste les reproches formulés par les sociétés Marignan Résidences et Cogedim.
Toutefois, afin d'attester ses dires, il demande à la cour de procéder à diverses analyses de documents, notamment en effectuant une comparaison « des plans de masse APS n°2 du 3 juin 2008 avec l'APS n°3 du 6 juin 2008 » ou « du plan de masse APS 16 avec le plan de masse APS 18 du 21 août 2008 ».
La cour n'ayant pas les compétences nécessaires en matière d'architecture pour évaluer le travail fourni, il appartenait à [T], qui sollicite le paiement d'honoraires en exécution d'un travail exempt de défauts qu'il indique avoir accompli, ce qui est contesté par les sociétés Marignan Résidences et Cogedim, de solliciter le prononcé d'une mesure d'expertise permettant seule d'établir la réalité et la conformité des travaux exécutés.
Dès lors, en l'absence d'éléments probants, il n'y a pas lieu de recevoir la demande de paiement présentée.
- Sur l'article 700 du code de procédure civile':
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SNC Marignan Résidences et de la SNC Cogedim Méditerranée les frais irrépétibles engagés dans la présente instance. Il convient donc de condamner M. [T] à leur verser, à ce titre, une somme de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS':
La cour, par décision contradictoire, en dernier ressort':
Confirme dans son intégralité le jugement en date du 19 février 2016',
Condamne M. [V] [T] à payer à la SNC Marignan Résidences et la SNC Cogedim Méditerranée, ensemble, une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [V] [T] aux entiers dépens avec recouvrement direct au profit des avocats de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE