COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 13 JUIN 2019
N° 2019/ 272
N° RG 18/03566
N° Portalis DBVB-V-B7C-BCAZP
SCI XAABI
C/
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
- Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de DIGNE-LES-BAINS en date du 17 Janvier 2018 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00088.
APPELANTE
SCI XAABI
dont le siège social est [Adresse 1]
représentée par Me Séverine TARTANSON de la SELARL CABINET D'AVOCATS TARTANSON, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
INTIMÉE
SA CIC LYONNAISE DE BANQUE,
dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Pascal ANTIQ de la SCP MAGNAN - ANTIQ, avocat au barreau d'ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Avril 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne DUBOIS, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Lydie BERENGUIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 13 Juin 2019
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Lydie BERENGUIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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LA COUR
Par actes notariés des 28 octobre 2005 et 18 octobre 2006, la banque CIC Lyonnaise de banque (la Lyonnaise de banque) a consenti deux prêts à la SCI XAABI (la SCI), respectivement de 151 704 € et de 245 170 €, destinés à financer l'acquisition d'immeubles.
Des échéances étant restées impayées, la Lyonnaise de banque s'est prévalue de la déchéance du terme des prêts le 29 octobre 2010.
Le 15 septembre 2016, la Lyonnaise de banque a fait assigner la SCI en ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ; un sursis à statuer a été prononcé dans l'attente de l'issue de la procédure introduite par la SCI.
En effet, le 10 janvier 2017, la SCI a fait assigner la Lyonnaise de banque aux fins de faire constater que la demande en ouverture d'une procédure collective s'analyse en une demande en exécution d'une obligation contractuelle, laquelle est prescrite par application de l'article 2444 du code civil et non, en l'absence de déchéance du terme, en une mesure en exécution d'un titre exécutoire.
Par jugement contradictoire du 17 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Digne les Bains a :
- débouté la SCI de sa contestation de la validité du prononcé de la déchéance du terme des deux prêts ;
- fixé les créances de la Lyonnaise de banque sur la SCI aux sommes de 285 548,65 € et de 170 212,56 €, arrêtées au 10 novembre 2016 ;
- rejeté toutes autres demandes ;
- condamné la SCI aux dépens.
La SCI est appelante de ce jugement.
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Par arrêt mixte du 10 janvier 2019, cette cour a :
- confirmé le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté le moyen tiré d'un défaut de validité du prononcé de la déchéance du terme,
- rejeté la contestation du caractère de titre exécutoire attaché à l'acte notarié de prêt,
Avant dire droit sur les autres prétentions,
invité les parties à présenter des observations sur le moyen de droit suivant relevé d'office :
' La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance, la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtu de la formule exécutoire n'a pas pour effet de modifier cette durée.'
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Vu les conclusions remises le 26 avril 2018, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la SCI XAABI demande à la cour de :
- réformer le jugement attaqué ;
- constater que la déchéance du terme notifiée le 29 octobre 2010 n'a pas été précédée d'une mise en demeure notifiant à l'emprunteur les échéance impayées, les périodes concernées et un délai de régularisation ;
- constater qu'en l'absence de déchéance du terme, l'action engagée s'analyse en une demande en exécution d'une obligation contractuelle, laquelle est prescrite en application de l'article 2224 du code civil, et non en une mesure d'exécution d'un titre exécutoire ;
- constater que la SCI n'a pas procédé à des paiements et qu'en conséquence, aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu ;
- déclarer prescrite toute action en paiement au titre du prêt en litige ;
- condamner la Lyonnaise de banque aux dépens et au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Vu les conclusions remises le 6 février 2019, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, et aux termes desquelles la Lyonnaise de banque demande à la cour de :
- débouter la SCI de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement attaqué ;
- constater que l'action de la banque n'est pas atteinte par la prescription ;
- constater que toutes actions en vertu des titres de prêt ne sont pas prescrites ;
- fixer la créance de la Lyonnaise de banque à hauteur de 285 548,65 € et de 170 212,56 € ;
- condamner la SCI aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 5 mars 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La prétention de la SCI tend à faire reconnaître l'acquisition de la prescription quinquennale de la créance de prêt.
La banque, qui ne conteste pas l'application de ce délai de prescription, se prévaut d'actes interruptifs découlant de paiements effectués par M. [A] [D], à une époque où il était, selon elle, dirigeant de fait de la SCI, situation qu'il aurait « régularisée » en devenant le dirigeant de droit.
La SCI fait valoir que les paiements émanant d'une personne autre que le débiteur n'ont pu interrompre la prescription.
A l'égard d'une dette payable par termes successifs, la prescription se divise comme la dette elle-même et court à l'égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance, de sorte que si l'action en paiement des mensualités impayées se prescrit à compter de leurs dates d'échéance successives, l'action en paiement du capital restant dû se prescrit à compter de la déchéance du terme qui emporte son exigibilité.
La banque s'étant prévalue de la déchéance du terme le 29 octobre 2010, c'est à compter de cette date que la prescription de l'action en paiement du capital restant dû a couru. Relativement aux échéances impayées, le point de départ de la prescription se situe à leurs dates d'exigibilité respectives, antérieures au 29 octobre 2010.
Même dans le cas où elle est constatée par un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, une obligation reste soumise à la prescription découlant de la nature de la créance.
Il s'ensuit que les obligations de remboursement souscrites par la SCI, en vertu de prêts consentis par un établissement de crédit, se prescrivent par cinq ans conformément aux dispositions de l'article L 110-4 du code de commerce.
Selon l'article 2240 du code civil, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.
Si la reconnaissance du droit du créancier peut résulter d'un paiement, c'est à la condition qu'il émane du débiteur ou de son mandataire.
Il résulte de l'historique des paiements produit par la Lyonnaise de banque que, postérieurement à la déchéance du terme, des paiements ont été effectués par M. [A] [D] jusqu'au 30 octobre 2014, les opérations étant enregistrées sous le libellé « VIR M. [A] [D] ».
La Lyonnaise de banque prétend que M. [D], père du gérant à la date des paiements, aurait été le dirigeant de fait de la SCI, situation qu'il aurait « régularisée » en se faisant nommer gérant de la personne morale à la fin de l'année 2018.
Mais il n'est pas établi que lorsqu'il a effectué des paiements, M. [A] [D] exerçait au sein de la SCI une activité positive et indépendante de gestion, sous le couvert ou en se substituant au dirigeant de droit. La seule circonstance que la Lyonnaise de banque lui a adressé, le 17 janvier 2013, un courrier lui proposant de rechercher un accord amiable de renégociation des prêts litigieux ne fait pas preuve de la qualité de dirigeant de fait, même s'il a ensuite été désigné gérant.
Aucun élément n'établit que les paiements effectués par M. [D] l'ont été en qualité de mandataire de la SCI.
En l'absence d'un acte interruptif dans le délai de 5 ans ayant couru à compter du 29 octobre 2010, les obligations nées du prêt de 151 704 €, souscrit le 28 octobre 2005, et du prêt de 245 170 €, souscrit le 18 octobre 2006, sont prescrites.
Le jugement attaqué est infirmé.
La Lyonnaise de banque, qui succombe, est condamnée aux dépens.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement attaqué,
Dit que les obligations nées du prêt de 151 704 € du 28 octobre 2005 et du prêt de 245 170 € du 18 octobre 2006, souscrits par la SCI XAABI auprès de la société CIC Lyonnaise de banque, sont prescrites.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société CIC Lyonnaise de banque aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT