COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 27 JUIN 2019
N° 2019/259
N° RG 17/02016
N° Portalis DBVB-V-B7B-76TD
SARL AZUR CLIM
SARL CIM GESTION
C/
[Z] [B] [N] [O]
SARL AURIGE INGENIERIE
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eric BIENFAIT
Me Emilie VOIRON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 16 Janvier 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 2016F00386.
APPELANTES
SARL AZUR CLIM, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Eric BIENFAIT, avocat au barreau de NICE
SARL CIM GESTION, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Eric BIENFAIT, avocat au barreau de NICE
INTIMES
Monsieur [Z] [B] [N] [O]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Emilie VOIRON, avocat au barreau de GRASSE
SARL AURIGE INGENIERIE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Emilie VOIRON, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 23 Mai 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S :
Le 3 novembre 2004 la S.A.R.L. AZUR CLIM ayant pour gérant Monsieur [W] [P] a embauché Monsieur [Z] [O] pour un emploi d'ingénieur bâtiment. Le 3 janvier 2005 ce salarié est devenu ingénieur chargé d'affaires.
Les statuts de la S.A.R.L. ENERPULSE INGENIERIE, signés le 16 octobre 2009, mentionnent quatre associés :
- Monsieur [Z] [O] (le père) pour 60 %,
- la société AZUR CLIM pour 20 %, locataire de son nouveau siège [Adresse 3], dont elle sous-loué une partie jusqu'au 16 septembre 2011 à la société ENERPULSE INGENIERIE afin que cette dernière y installe son siège ;
- la S.A.R.L. CIM GESTION pour 10 %,
- et Monsieur [V] [O] (le fils) pour 10 % ;
et pour activité essentiellement 'le bureau d'études techniques pour les ouvrages du bâtiment, les missions en sanitaire, les fluides, le génie climatique et le génie électrique'. Le 31 suivant la société CIM GESTION a facturé la somme de 1 254 euros 98 T.T.C. à la société ENERPULSE INGENIERIE pour la création de cette dernière.
Le contrat de travail de Monsieur [Z] [O] avec la société AZUR CLIM a pris fin le 23 novembre 2010.
Le 6 octobre 2011 ont été signés les statuts de la S.A.R.L. AURIGE INGENIERIE ayant deux associés Messieurs [Z] (pour 80 %) et [V] (pour 20 %) [O], son siège [Adresse 1], c'est-à-dire au domicile de Monsieur [Z] [O], et pour activité principalement 'bureau d'études, ingénierie, audits, assistance-suivi-évaluation de la construction et de la rénovation'. Cette société s'est immatriculée au R.C.S. le 12 suivant, et son premier gérant est Monsieur [Z] [O].
L'assemblée générale extraordinaire de la société ENERPULSE INGENIERIE réunie le 6 juillet 2015 a décidé sa dissolution anticipée et sa mise en liquidation amiable, avec nomination en qualité de liquidateur de Monsieur [Z] [O] alors associé à 90 %.
Par jugement du 11 avril 2014 le Tribunal de Commerce de NICE a condamné la société AZUR CLIM à payer à la société ENERPULSE INGENIERIE la somme principale de 3 922 euros 88 T.T.C. au titre d'une facture de prestations établie le 30 novembre 2012.
Le 27 juillet 2015, avec rappel le 21 septembre, la société CIM GESTION a demandé à la société ENERPULSE INGENIERIE les raisons de la baisse régulière du chiffre d'affaires et de la perte de cette dernière pour les années 2012, 2013 et 2014, alors que la société AURIGE INGENIERIE réalise des bénéfices depuis sa création. En septembre la société ENERPULSE INGENIERIE a répondu à la société CIM GESTION qu'elle n'avait été ni présente ni représentée lors des assemblées générales des 19 mars 2013, 27 mars 2014, 23 mars et 6 juillet 2015. Le 30 octobre suivant la société CIM GESTION a exprimé son insatisfaction pour les réponses apportées.
Les comptes de résultats de la société AURIGE INGENIERIE sont les suivants :
- au 30 septembre 2012 : bénéfice de 21 628 euros,
- au 30 septembre 2013 : bénéfice de 8 281 euros,
- au 30 septembre 2014 : bénéfice de 1 331 euros.
Ceux de la société ENERPULSE INGENIERIE sont :
- au 30 septembre 2011 : bénéfice de 11 113 euros,
- au 30 septembre 2012 : perte de 9 250 euros,
- au 30 septembre 2013 : perte de 18 997 euros.
Le 6 mai 2016 la société AZUR CLIM et la société CIM GESTION ont fait assigner la société AURIGE INGENIERIE et Monsieur [O] en concurrence déloyale devant le Tribunal de Commerce de NICE, qui par jugement du 16 janvier 2017 a :
* débouté la société AZUR CLIM et la société CIM GESTION de l'intégralité de leurs demandes ;
* débouté Monsieur [O] de ses autres demandes notamment au titre des dommages et intérêts ;
* condamné la société AZUR CLIM et la société CIM GESTION :
- au paiement chacune de la somme de 1 500 euros 00 à Monsieur [O] au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- aux entiers dépens.
La S.A.R.L. AZUR CLIM et la S.A.R.L. CIM GESTION ont régulièrement interjeté appel le 1-2 février 2017, et par conclusions du 31 juillet 2017 soutiennent notamment que :
- Monsieur [O] a été désigné gérant de la société ENERPULSE INGENIERIE ; celle-ci n'était pas sous-locataire de la société AZUR CLIM ;
- constatant la diminution brutale du chiffre d'affaires de la société ENERPULSE INGENIERIE toutes deux ont effectué des recherches, et découvert concomitamment que Monsieur [Z] [O] était également gérant de la société AURIGE INGENIERIE exerçant la même activité de bureau d'études dans le bâtiment ; la prospérité de cette dernière n'a cessé de s'améliorer ;
- Monsieur [Z] [O] a perçu :
. en 2012 une rémunération pour la gérance de la société ENERPULSE INGENIERIE à hauteur de 36 000 euros alors que le chiffre d'affaires baissait de 23 % et qu'il y a eu une perte de 9 250 euros ;
. en 2013 une rémunération pour la gérance de la société ENERPULSE INGENIERIE à hauteur de 16 534 euros alors que le chiffre d'affaires baissait de 51 % et qu'il y a eu une perte de 18 997 euros ;
. en 2013 une rémunération pour la gérance de la société AURIGE INGENIERIE à hauteur de 10 500 euros alors que celle-ci présente un bénéfice de 8 281 euros ;
- le siège de la société AURIGE INGENIERIE a été fixé au domicile de son gérant, lequel a ainsi perçu des loyers pour 4 760 euros ;
- l'obligation de fidélité et de loyauté de Monsieur [Z] [O] gérant de la société ENERPULSE INGENIERIE lui impose à l'égard de cette dernière de s'abstenir au sein de la société AURIGE INGENIERIE de tout acte ou comportement déloyal ; pour la société AURIGE INGENIERIE Monsieur [Z] [O] a bénéficié du savoir-faire et de la compétence de la société ENERPULSE INGENIERIE, ainsi que de ses fichiers clientèle et de ses réseaux commerciaux ;
- Monsieur [Z] [O] a créé de manière concomitante une société concurrente de celle qu'il avait la charge de gérer, et qui plus est dans la totale opacité ;
- le même n'a pas réalisé ses prestations salariées pour la société AZUR CLIM ; n'ayant pu acheter au prix du bilan les parts de la société AZUR CLIM au sein de la société ENERPULSE INGENIERIE, il a décidé de mettre un terme à cette dernière en créant la société AURIGE INGENIERIE ;
- elles n'ont jamais prétendu que la société AURIGE INGENIERIE et/ou Monsieur [Z] [O] auraient détourné des contrats de la société ENERPULSE INGENIERIE.
Les appelantes demandent à la Cour, visant l'article 1382 (devenu 1240) du Code Civil, de :
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes ; statuant à nouveau :
* dire et juger que Monsieur [Z] [O] et la société AURIGE INGENIERIE se sont rendus responsables d'actes déloyaux au préjudice de la société ENERPULSE INGENIERIE dont les sociétés AZUR CLIM et CIM GESTION étaient associées ; en conséquence :
* condamner Monsieur [Z] [O] et la société AURIGE INGENIERIE solidairement à payer et porter :
- à la société AZUR CLIM la somme de 3 600 euros 00 en remboursement de son apport en capital social dans la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- à la société CIM GESTION la somme de 1 800 euros 00 en remboursement de son apport en capital social dans la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- à la société AZUR CLIM la somme de 9 515 euros 00 au titre des dividendes qu'elle aurait pu percevoir sur les années 2012, 2013 et 2014 dans le cadre de sa participation au capital de la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- à la société CIM GESTION la somme de 4 757 euros 50 au titre des dividendes qu'elle aurait pu percevoir sur les années 2012, 2013 et 2014 dans le cadre de sa participation au capital de la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- à la société AZUR CLIM la somme de 20 000 euros 00 à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de voir prospérer l'activité de la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- à la société CIM GESTION la somme de 10 000 euros 00 à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance de voir prospérer l'activité de la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- aux sociétés AZUR CLIM et CIM GESTION la somme de 10 000 euros 00 chacune en réparation du préjudice distinct cause par les conséquences des fausses informations qu'ils ont volontairement, exposées devant le Tribunal de Commerce, et ce de manière une nouvelle fois totalement déloyale ;
* condamner Monsieur [Z] [O] et la société AURIGE INGENIERIE solidairement à payer et porter à la société AZUR CLIM et à la société CIM GESTION la somme de 5 000 euros 00 chacune au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 13 septembre 2017 la S.A.R.L. AURIGE INGENIERIE et Monsieur [Z] [O] répondent notamment que :
- la société ENERPULSE INGENIERIE est sous-locataire de la société AZUR CLIM ; la première année d'existence de celle-là la convention d'alimentation en sa faveur des réseaux d'affaires et fichiers clients de celle-ci et de la société CIM GESTION s'est effectuée comme convenue ; mais au cours de 2011 ces apports ont cessé, et la société AZUR CLIM comme la société CIM GESTION ont empêché la société ENERPULSE INGENIERIE de démarcher les entreprises de génie climatique ;
- privé ainsi de développement commercial Monsieur [Z] [O] a décidé de créer la société AURIGE INGENIERIE, laquelle n'a pas conduit à l'effondrement de la société ENERPULSE INGENIERIE ; la société AZUR CLIM et la société CIM GESTION se sont désintéressées des assemblées générales de la société ENERPULSE INGENIERIE ;
- il n'y a pas de preuve d'actes matériels de concurrence déloyale ; la société AZUR CLIM et la société CIM GESTION n'ont connu aucune baisse de leurs chiffres d'affaires ; le risque économique et la déception des associés n'est pas un préjudice indemnisable ;
- la dégradation des relations entre la société ENERPULSE INGENIERIE et la société AZUR CLIM a conduit celle-ci à préférer confier les travaux à ses salariés ;
- la gestion de Monsieur [Z] [O] comme sa rémunération n'ont jamais été critiquées ni remises en cause ;
- la simple comparaison des chiffres d'affaires ne suffit pas à établir l'existence d'actes de concurrence déloyale ;
- la société ENERPULSE INGENIERIE et la société AURIGE INGENIERIE ont des activités distinctes, seule la seconde pouvant réaliser des études thermiques ;
- les clients sont différents.
Les intimés demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement ;
- pour le surplus condamner les sociétés CIM GESTION et AZUR CLIM à payer :
. à Monsieur [Z] [O] la somme de 30 000 euros 00 à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice subi du fait de leur déloyauté ;
. la somme de 4 000 euros 00 au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile au bénéfice de Monsieur [O] et de la société AURIGE INGENIERIE.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2019.
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M O T I F S D E L ' A R R E T :
La simultanéité entre 2011 et 2014 de la baisse des résultats de la société ENERPULSE INGENIERIE (d'un bénéfice de 11 113 euros à une perte de 18 997 euros), et de ceux de la société AURIGE INGENIERIE (bénéfice de 21 628 euros à 1 331 euros), ne suffit pas à démontrer que les premiers soient imputables aux seconds.
La société ENERPULSE INGENIERIE affirme que l'un de ses quatre associés Monsieur [Z] [O] a violé son obligation de fidélité et de loyauté à son égard, en faisant bénéficier les savoir-faire, compétence, fichiers clientèle et réseaux commerciaux d'elle-même vis-à-vis de la société AURIGE INGENIERIE, mais n'en rapporte aucunement la preuve.
Le principe fondamental de la liberté du commerce permet à Monsieur [Z] [O], bien qu'associé non unique de la société ENERPULSE INGENIERIE, de choisir ensuite de créer sa propre structure la société AURIGE INGENIERIE dont il est associé même à 80 %.
Enfin la société CIM GESTION (comme la société AZUR CLIM) ne se sont jamais présentées aux assemblées générales 2012-2013-2014 de la société ENERPULSE INGENIERIE dont elles sont associées.
C'est par suite à bon droit que le Tribunal a écarté toute concurrence déloyale de la société AURIGE INGENIERIE et de Monsieur [Z] [O] au préjudice de la société AZUR CLIM et de la société CIM GESTION.
Si la procédure de la société AZUR CLIM et de la société CIM GESTION était injustifiée, son caractère abusif n'est pas démontré, non plus que le préjudice spécifique qu'en aurait subi Monsieur [Z] [O] ; par suite la Cour déboutera ce dernier de sa demande de dommages et intérêts.
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D E C I S I O N
La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.
Confirme tout le jugement du 16 janvier 2017.
En outre, vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamne in solidum la S.A.R.L. AZUR CLIM et la S.A.R.L. CIM GESTION à payer à Monsieur [Z] [O] et à la S.A.R.L. AURIGE INGENIERIE une indemnité unique de 4 000 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.
Condamne in solidum la S.A.R.L. AZUR CLIM et la S.A.R.L. CIM GESTION aux dépens d'appel, avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Rejette toutes les autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT