COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 27 JUIN 2019
sl
N° 2019/ 439
N° RG 18/01081 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BBZXK
[S] [F]
[N] [F] épouse [U]
C/
SARL PBI EURO TRANSACTIONS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES
ASSOCIATION COUTELIER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 14 Décembre 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/02872.
APPELANTS
Monsieur [S] [F]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Philippe MACLE, avocat au barreau de TOULON, plaidant
Madame [N] [F] épouse [U]
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JOURDAN / WATTECAMPS ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Philippe MACLE, avocat au barreau de TOULON, plaidant
INTIMEE
SARL PBI EURO TRANSACTIONS, dont le siège social est [Adresse 3], pris en la personne de son représentant légal en exercice
représentée par Me François COUTELIER de l'ASSOCIATION COUTELIER, avocat au barreau de TOULON, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Mai 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie LEONARDI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Sophie LEONARDI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2019
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. [S] [F] et Mme [N] [F], épouse [U] ont confié par mandat du 1er juin 2006 à la SARL PBI Euro Transactions la gérance d'une maison située à [Localité 1] dont ils sont propriétaires indivis. Le 4 juillet 2006, cette dernière a donné l'immeuble à bail commercial à la SARL Univ'Hair qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 30 mars 2015 selon jugement du tribunal de commerce d'Évry.
Les consorts [F] ont alors sollicité paiement auprès de leur mandataire d'une somme de 48'590 € au titre de travaux prévus au bail mais non réalisés puis l'ont fait assigner en déclaration de responsabilité et paiement de dommages-intérêts devant le tribunal de grande instance de Toulon qui par jugement contradictoire du 14 décembre 2017 a :
' déclaré irrecevable la demande pour cause de prescription ;
' condamné les consorts [F]/[U] à payer à la SARL PBI Euro Transactions la somme de 1300 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamné les mêmes aux dépens.
Les consorts [F]/[U] ont régulièrement relevé appel de cette décision le 18 janvier 2018 et demandent à la cour selon conclusions signifiées par voie électronique le 6 mai 2019 de:
vu les articles 1984, 1991, 1217 et suivants du code civil,
' infirmer le jugement déféré ;
' constater l'inexécution par la SARL PBI Euro Transactions de ses obligations contractuelles
' en conséquence, la condamner au paiement des sommes de :
*48'590 € au titre des travaux,
*10'000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
*4000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' la condamner aux dépens avec bénéfice de l'article 699 du même code.
Au soutien de leur appel, M. [F] et Mme [U] font valoir principalement que la SARL Univ'Hair devait entreprendre des travaux de couverture, ravalement, peinture et d'électricité au plus tard le 30 juin 2009 sauf à régler une indemnité de 30'000 € aux bailleurs, que la SARL PBI Euro Transactions a récupéré les clés du local au courant du deuxième semestre 2015 sans opérer de constat des lieux, que le local n'a pu être reloué en cet état et qu'il est constant que le mandataire a manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de toutes diligences relatives à ces travaux ; ils ajoutent que leur action est recevable au visa de l'article 2224 du code civil dès lors que ce n'est qu'à l'occasion de la restitution des clefs intervenue au cours du deuxième semestre 2015 qu'ils ont été informés de l'inexécution des travaux.
La SARL PBI Euro Transactions sollicite en réplique selon conclusions signifiées par voie électronique le 29 mai 2018 :
vu les articles 1719 et suivants et 2224 du code civil,
' confirmer le jugement déféré ;
' en tant que de besoin, déclarer irrecevable la demande des consorts [F]/[U], et constater leur absence de préjudice et l'absence de faute de la SARL PBI Euro Transactions ;
' en conséquence débouter les consorts [F]/[U] de l'ensemble de leurs demandes ;
' les condamner aux dépens ainsi qu'au paiement des sommes de 5000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 5000 € également pour frais de procédure.
L'intimée explique principalement que l'absence de réalisation des travaux litigieux ne ressort d'aucune pièce, que M. [H] [F], père des appelants qui se rendait régulièrement à l'agence pour leur compte, a suivi l'exécution du mandat et donné des instructions, que la question des travaux était ainsi parfaitement connue et que le défaut d'information éventuel commis par la SARL PBI Euro Transactions le 1er juillet 2009 ne peut ouvrir droit à une action intentée sept ans plus tard le 4 mai 2016.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 23 avril 2019.
MOTIFS de la DECISION
Sur la demande principale :
Les termes du mandat rémunéré de gestion immobilière intervenu entre les parties le 1er juin 2006 et sa reconduction ne sont pas contestés. L'article 1991 du code civil édicte que « le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution » ; l'article 1992 du même code précise : « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire ».
Il s'évince de ces dispositions que le mandataire est tenu à une obligation de moyens supposant une exécution loyale, prudente et diligente du mandat conféré et que son exécution défectueuse doit être établie par le mandant conformément aux règles régissant la responsabilité contractuelle de droit commun ; cependant la faute est présumée en cas d'inexécution du mandat conféré.
En se référant toutes deux à l'article 2224 du code civil, les parties admettent que les actions nées du mandat litigieux se prescrivent par cinq ans. Ainsi que l'a rappelé le premier juge, le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits fondant son action. C'est manifestement à tort que les indivisaires [F]/[U] soutiennent que ce n'est qu'à la remise des clés postérieurement à la résiliation du bail commercial qu'ils auraient découvert que les travaux mis à la charge du preneur n'auraient pas été exécutés. En effet :
-l'absence de tout constat ne permet aucunement de mesurer la prétendue inexécution ;
-leur réalisation devant intervenir au plus tard le 1er juillet 2009, les consorts [F]/[U] qui avaient négocié personnellement le bail commercial notamment par un déplacement sur les lieux (cf conclusions intimée page 2, sixième alinéa) ne pouvaient ignorer cette date, pas plus que l'absence postérieure de paiement de l'indemnité de 30'000 € ;
-ils ne soutiennent pas et démontrent encore moins que l'agence immobilière leur aurait dissimulé volontairement la non réalisation des travaux convenus ;
-ils le peuvent d'autant moins que nonobstant leur vaine critique des témoignages concordants des collaborateurs de l'agence, il est constant que M. [H] [F], marchand de biens et père des appelants, qui avait également confié à l'agence la gestion de biens personnels, est intervenu constamment pour leur compte auprès d'elle par ses passages quasi quotidiens au cours desquels la question des travaux a été régulièrement abordée (cf témoignages de Mmes [K] [J], [J] [I], [A] [G] et [Z] [Z] et de M. [F] [L]) ;
-ces témoignages sont en outre corroborés par la remise d'un chèque et les instructions manuscrites de M. [H] [F] figurant en pièces 4 et 5 du dossier de l'intimée.
Il résulte de ces éléments que les appelants étaient dûment informés au 1er juin 2009 de l'inexécution qu'il s'allèguent et n'ont entrepris aucune démarche ou diligence quelconque en vue d'y remédier. Il est à noter également qu'ils n'ont procédé à aucune déclaration de créance auprès du liquidateur. C'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré la demande irrecevable comme prescrite.
Sur la demande reconventionnelle :
Quand bien même le recours a été introduit au soutien d'un argumentaire similaire adossé aux mêmes pièces, aucune pièce aux dossiers des parties n'établit l'intention de nuire ou l'erreur grossière équipollente au dol. La SARL PBI Euro Transactions ne justifie pas plus d'un préjudice particulier autre que celui d'avoir était contrainte d'exposer de nouveaux frais de conseil et de représentation.
En conséquence, sa demande en paiement de dommages-intérêts ne peut aboutir.
En revanche sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile est fondée.
Les appelants qui succombent dans leur recours sont condamnés aux dépens en application de l'article 696 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Déboute la SARL PBI Euro Transactions de sa demande en paiement de dommages-intérêts;
Condamne M. [S] [F] et Mme [N] [U] à lui payer la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Les condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT