COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2019
N° 2019/336
Rôle N° RG 16/21071 - N° Portalis DBVB-V-B7A-7TQM
SAS RIVERE GROUP
C/
[Z] [R]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me LAMBERT
Me BADIE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 08 Septembre 2016 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 15/00427.
APPELANTE
SAS RIVERE GROUP, anciennement HOLD RIVER, représentée par son Président Directeur général Mr [H] [I],
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Pierre-Vincent LAMBERT, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [Z] [R]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 5],
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,
assisté de Me Rose-marie FURIO-FRISCH, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Mai 2019 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Valérie GERARD, Président de chambre
Madame Françoise PETEL, Conseiller
Madame Anne DUBOIS, Conseiller, magistrat rapporteur
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2019,
Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS :
Par acte notarié du 31 janvier 1992, [Z] [R] a emprunté solidairement avec [C] [O], [W] [P] et [U] [T] à la SARL Conseil promotion, désormais SAS Rivere Groupe, la somme de 382.202 francs qu'ils se sont obligés à rembourser au plus tard le 15 mai 1992 avec un intérêt annuel de 14 %.
Il a été condamné à payer à titre provisionnel à la SARL Conseil promotion la somme de 640.000 francs, outre 5.000 francs au titre des frais irrépétibles et les dépens, par ordonnance de référé du 20 octobre 1998.
Cette décision, signifiée avec commandement le 13 novembre 1998, n'a pu être exécutée.
Le 13 juin 2013, la SARL Conseil promotion, devenue SAS Hold River, a alors assigné [Z] [R] en paiement devant le tribunal de grande instance de Nice qui s'est déclaré incompétent au profit de celui de Grasse.
Par jugement du 8 septembre 2016, ce tribunal a :
- rejeté la fin de non recevoir tirée du défaut de la qualité pour agir de la SAS à associé unique Hold River, immatriculée au RCS de NICE sous le numéro 450 697 958, venant aux droits de la SARL Conseil promotion,
- dit prescrites les créances de la SAS Hold River à l'encontre de [Z] [R], au titre de l'acte notarié de prêt du 31 Janvier 1992, et déclaré en conséquence l'action de la SAS Hold River irrecevable à l'encontre de [Z] [R],
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision,
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Hold River au paiement des entiers dépens, distraits au pro't de Maître Becret Christophe, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La SAS Rivere Group « anciennement Hold River » a interjeté appel le 24 novembre 2016.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 21 août 2017 et tenues pour intégralement reprises, elle demande à la cour de :
- condamner [Z] [R] à lui payer la somme de 58.266,32 € avec, au titre de la pénalité contractuelle, un intérêt de 14 % l'an à compter du 16 mai 1992 et capitalisation des intérêts, pour la première fois le 16 mai 1993,
- le condamner au paiement de l'indemnité contractuelle de 5% stipulée à l'acte du 31 janvier 1992, soit 2.913,32 € avec intérêts de droit à compter de l'assignation en référé du 30 avril 1998 valant mise en demeure et capitalisation des intérêts, pour la première fois le 30 avril 1999,
- le condamner au paiement de la somme de 8.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens exposés tant devant les tribunaux de grande instance de Nice et de [Localité 4] que devant la juridiction de céans,
- ordonner la distraction des dépens conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières écritures déposées et notifiées le 7 avril 2017 et tenues pour intégralement reprises, l'intimé demande à la cour de :
- constater la prescription de la créance invoquée par la SAS Rivere Group ;
- déclarer irrecevable la SAS Rivere Group en son appel ;
- dire et juger qu'elle ne justifie pas de sa qualité juridique pour se prétendre créancière de [Z] [R] ;
- dire et juger l'appel formé par la SAS Rivere Groupe irrecevable pour défaut de droit d'agir en raison de la prescription de la créance principale, des intérêts et de l'indemnité de 5% qui en sont les accessoires ;
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
- condamner la SAS Rivere Groupe à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice ;
- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour déclarait étonnamment non prescrite la demande en paiement de la créance principale ;
- dire et juger que les intérêts ne sont dus qu'à compter du 17 juin 2008 ;
- en tout état de cause ;
- condamner la SAS Rivere Group au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 avril 2019.
***
*
SUR CE :
Sur la prescription de l'action :
La SAS Rivere Groupe fait grief au premier juge d'avoir retenu la prescription de son action sur le fondement de l'article L110-4 du code de commerce alors que l'opération n'est pas de nature commerciale, que l'acte notarié du 31 janvier 1992, tout comme l'ordonnance de référé du 20 octobre 1998, sont exécutoires pendant trente ans et qu'en tout état de cause, ne sont pas atteintes par la prescription même s'ils sont affectés par la loi du 17 juin 2008.
Selon l'ancien article L110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par 10 ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Comme le souligne à bon droit l'appelante, il ne suffit pas qu'une partie soit commerçante, pour que l'acte querellé soit commercial.
En l'espèce, dans l'acte du 31 janvier 2012, [Z] [R] a reconnu, avec d'autres, devoir solidairement à la SAS Rivere Groupe une somme 382.202 francs pour prêt de pareille somme consenti le même jour.
L'acte rectificatif intervenu les 10 et 28 octobre 1994, précise que cette somme a été versée au compte de la SCI « Les résidences Montana » par les emprunteurs qui en sont les seuls associés, pour lui permettre d'acquérir une assiette foncière sur laquelle elle a ensuite édifié un ensemble immobilier. Il rectifie également l'indication erronée de la part contributive de chacun des associés à la dette, celle-ci devant, compte tenu de la destination des fonds, être proportionnelle à leurs droits dans le capital de la SCI « Les résidences Montana ».
Il en résulte, contrairement à ce que soutient l'intimé, que la créance est de nature civile, dès lors que le prêt a permis à la société, par nature civile, et dont les associés ne peuvent avoir la qualité de commerçants, la réalisation de son objet social, étant souligné que [Z] [R], qualifié de gérant de société dans les actes précités sans plus de précision, se prévaut d'une activité commerciale sans verser la moindre pièce à l'appui de ses assertions.
Par ailleurs, la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance et la circonstance que celle-ci soit constatée par un acte authentique revêtue de la formule exécutoire n'a pas pour effet de modifier cette durée.
En l'espèce, la créance étant civile, son action en paiement était soumise à la prescription trentenaire de l'ancien article 2262 du code civil, réduite à 5 ans par la loi du 17 juin 2008.
L'action de la SAS Rivere Groupe, introduite le 13 juin 2013, avant l'expiration de ce délai de prescription quinquennal, n'est donc pas prescrite .
Sur le fond :
L'appelante sollicite la condamnation de l'intimé au paiement de la somme principale de 58.266,32 euros, assortie des intérêts au taux de 14% l'an à compter du 16 mai 1992 au titre de la pénalité contractuelle, ainsi que l'indemnité contractuelle de 5% s'élevant à 2.913,32 euros avec intérêts de droit à compter de l'assignation en référé du 30 avril 1998, et anatocisme.
[Z] [R] qui ne discute pas le principal de la créance, oppose à bon droit que l'action en paiement des intérêts n'est recevable qu'à compter du 17 juin 2008, soit 5 ans avant l'assignation au fond.
En effet, contrairement à ce que prétend la créancière, ce n'est pas la clause d'intérêts qui est stipulée à titre de pénalité mais son taux, porté à 14% à titre de clause pénale.
L'intimé sera par conséquent condamné au paiement des sommes de :
- 58.266,32 euros à titre principal avec intérêts au taux de 14% à compter du 13 juin 2008,
- 2.913,32 euros au titre de l'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2008.
Les intérêts dus pour au moins une année entière seront capitalisés.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
[Z] [R] qui succombe, sera condamné aux entiers dépens et à payer à la SAS Rivere Groupe la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
la cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition,
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action,
CONDAMNE [Z] [R] à payer à la SAS Rivere Groupe les sommes de :
- 58.266,32 euros à titre principal avec intérêts au taux de 14% à compter du 13 juin 2008,
- 2.913,32 euros au titre de l'indemnité contractuelle avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2008,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière,
CONDAMNE [Z] [R] à payer à la SAS Rivere Groupe la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE [Z] [R] aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT