COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-5
ARRÊT AU FOND
DU 12 SEPTEMBRE 2019
N° 2019/ 370
TL
Rôle N° RG 17/09985 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAS76
[I] [G]
C/
SARL SOLOGNE OPERATING
Copie exécutoire délivrée
le :12 SEPTEMBRE 2019
à :
Me Amandine ORDINES, avocat au barreau d'AIX-
EN-PROVENCE
Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-
PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - section E - Formation paritaire de NICE en date du 11 Mai 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 16/00482.
APPELANTE
Madame [I] [G], demeurant [Adresse 8]
représentée par Me Amandine ORDINES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Cédrick DUVAL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE
SARL SOLOGNE OPERATING, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Vincent BURLES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et par Me Claudine DEFFARGES, avocat au barreau de BLOIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Avril 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre
Monsieur Thierry LAURENT, Conseiller
Madame Mariane ALVARADE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Caroline LOGIEST.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 12 Septembre 2019
Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Madame Pascale ROCK, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCEDURE
Madame [I] [G] a été engagée par la SARL Sologne Operating en qualité d'assistante de direction, à compter du 5 novembre 2008, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel de 39 heures mensuelles (9 heures le lundi), moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2559,55 euros.
[I] [G] a également été engagée par la SARL Europ Communication à compter du 1er avril 2008, suivant contrat à durée indéterminée en qualité d'assistante de direction moyennant un salaire brut moyen mensuel qui était en dernier lieu de 2050,44 euros
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des gardes chasses et gardes pêche particuliers.
La SARL Sologne Operating employait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement (17).
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 18 novembre 2015, [I] [G] a été convoquée par la SARL Sologne Operating à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 7 décembre 2015 et par lettre du 16 décembre 2015, adressée sous la même forme, elle a été licenciée pour insuffisance professionnelle.
Son contrat de travail avec la SARL Europ Communication a été rompu par rupture conventionnelle le 31 décembre 2015.
Contestant son licenciement par la SARL Sologne Operating et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits, [I] [G] a saisi la juridiction prud'homale, afin d'obtenir diverses sommes tant en exécution qu'au titre de la rupture du contrat de travail.
Par jugement rendu le 11mai 2017, le conseil de prud'hommes de Nice a :
* débouté [I] [G] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet,
* débouté [I] [G] de ses demandes au titre d'heures supplémentaires et de travail dissimulé,
* condamné la SARL Sologne Operating à payer à [I] [G] les sommes suivantes :
- 32 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Le conseil de prud'hommes a en outre:
* débouté les parties du surplus de leurs prétentions,
* condamné la SARL Sologne Operating aux entiers dépens.
[I] [G] a interjeté appel de cette décision le 24 mai 2017 dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas critiquées.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 26 janvier 2018, [I] [G], appelante soutient que :
- elle se trouvait à la disposition permanente de son employeur qui méconnaissait son contrat de travail à temps partiel et son contrat de travail doit donc être requalifié en temps complet, ayant travaillé largement au delà de la durée légale de travail,
- elle fournit les pièces justifiant de la séparation des tâches pour les deux emplois, justifiant qu'elle effectuait 35 heures pour l'une et travaillait le reste du temps tous les jours et notamment ses jours de congés pour la SARL Sologne Operating,
- elle justifie d'une charge de travail qui exigeait d'effectuer des heures supplémentaires,
- sa demande n'est pas prescrite,
- c'est sciemment que l'employeur n'a pas déclaré les heures supplémentaires qu'elle a effectué se rendant ainsi coupable de travail dissimulé,
- son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car en 8 ans de travail elle a toujours donné satisfaction et n'a jamais fait l'objet de sanction,
- les griefs ne sont pas fondés.
[I] [G] demande en conséquence de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- l'infirmer pour le surplus et pour les faibles montants qui lui ont été alloués,
Statuant à nouveau :
- dire et juger qu'aucune insuffisance professionnelle ne saurait lui être reprochée,
- dire et juger qu'aucune faute professionnelle ne saurait lui être reprochée,
En conséquence :
A titre principal :
- requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet,
- condamner la SARL Sologne Operating à lui payer les sommes suivantes :
- 226 452,06 euros à titre de rappel de salaire afférent à la requalification en temps complet, outre 26 645,20 euros de congés payés y afférents,
- 59 724,24 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 179 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 24 802 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2480 euros de congés payés y afférents,
- 12 555,71 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement.
A titre subsidiaire,
- condamner la SARL Sologne Operating à lui payer les sommes suivantes :
- 115293,98 euros à titre de rappel d'heures complémentaires, outre 11529,39 euros de congés payés y afférents,
- 38840,10 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé,
- 116500 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 14 359,93 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1435,99 euros de congés payés y afférents,
- 6860,59 euros à titre de rappel d'indemnité de licenciement.
- fixer la moyenne des salaires à la somme de 6473,35 euros bruts
En tout état de cause,
- condamner la SARL Sologne Operating à lui payer la somme de 25 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.
- ordonner à la SARL Sologne Operating de lui remettre ses bulletins de salaire, son certificat de travail et l'attestation destinée au Pôle emploi rectifiés sous astreinte de 100 euros par jour de retard
- dire et juger que la Cour se réserve le droit de liquider l'astreinte,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la SARL Sologne Operating au droit de recouvrement ou d'encaissement en application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996,
- condamner la SARL Sologne Operating au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Aux termes de ses dernières écritures transmises par la voie électronique le 5 septembre 2017, la SARL Sologne Operating, intimé fait valoir que :
- le contrat de travail qui la liait à [I] [G] ne peut être requalifié en contrat de travail à temps complet car c'était un contrat de travail à temps partiel écrit, mentionnant la durée hebdomadaire prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine,
- [I] [G] ne prouve pas avoir travaillé à temps complet d'autant qu'elle travaillait déjà à temps complet pour une autre société, la société Europe Communication qui était prestataire de service pour la SARL Sologne Operating,
- elle opère sciemment une confusion entre les deux sociétés et ne prouve pas qu'elle était à la disposition de son employeur ou que celui-ci modifiait aléatoirement son rythme de travail,
- la demande concernant les heures supplémentaires est prescrite pour la période de janvier 2013 à mars 2013,
- les tâches prétendument effectuées pendant des heures supplémentaires sont des tâches relevant des fonctions de la société Europe Communication pour laquelle [I] [G] travaillait à temps plein,
- le travail de [I] [G] n'ayant pas changé, il n'y avait pas un surcroit de travail justifiant d'effectuer des heures supplémentaires sauf la mision de chauffeur en plus,
- [I] [G] ne prouve pas l'existence de l'intention de dissimuler des heures, les retraits d'espèces servaient pour les rabatteurs lors des chasses privées,
-le licenciement pour insuffisance professionnelle est fondé en raison du retard pris dans le traitement de certains dossiers, de l'absence d'ouverture de comptes bancaires, de traitements de dossiers de cotisations, des erreurs dans le traitement de dossiers, des griefs liés à la discipline.
La SARL Sologne Operating demande en conséquence de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté [I] [G] de sa demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, de sa demande de rappel d' heures supplémentaires ainsi que de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé
- infirmer le jugement en ce qu'il a accueilli les demandes de [I] [G] au titre de la contestation de son licenciement
- débouter [I] [G] de l'ensemble de ses demandes
- condamner [I] [G] à lui payer une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 avril 2019.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
Les demandes d'[I] [G] sur la requalification de son contrat de travail ou de sa demande au titre des heures supplémentaires portent sur la période de janvier 2013 à octobre 2015.
L'article L3245-1 (issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013) du code du travail dispose que:
« l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour où, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. »
L'article 21 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 dispose :
' Les dispositions du code du travail prévus aux III et IV du présent article s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription, puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure...'
Les dispositions issues de la loi numéro 2013-504 du 14 juin 2013 s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013.
Ainsi, lorsque la prescription quinquennale commence à courir avant la date de promulgation de la loi, le nouveau délai s'applique à compter de cette date, sans pouvoir porter la durée totale de prescription au delà de cinq ans.
En l'espèce, les demandes portent sur des créances salariales datant de janvier 2013 à octobre 2015 et ne sont donc pas prescrites.
Sur les demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Le contrat de travail à temps partiel, qui doit être établi par écrit, doit permettre au salarié de prévoir son rythme de travail et lui permettre éventuellement un emploi pour un autre employeur.
En cas de requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, l'employeur est tenu à un rappel de salaire sur la base d'un salaire à temps complet en complétant les sommes déjà versées au titre du travail à temps partiel même en cas de revenus perçus par ailleurs (Cass. Soc. 17 octobre 2012 n° 11-14795).
L'article L3171-4 du code du travail dispose: 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié'.
Il doit être tenu compte, lorsque l'employeur ne fournit pas d'éléments de nature à justifier des horaires réalisés par la salarié pour les périodes litigieuses, du décompte versé aux débats par la salarié (Cass. Soc. 24 novembre 2010 n° 09-40.928).
[I] [G] demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet à compter de janvier 2013 car elle devait se tenir constamment à la disposition de son employeur et ne pouvait pas prévoir son rythme de travail et les heures complémentaires qu'elle a effectuées la conduisait à effectuer un temps de travail au moins égal à un temps plein et à défaut elle demande le règlement d' heures supplémentaires en fonction d'un calendrier qu'elle a elle même établi.
[I] [G] produit :
- son contrat de travail faisant état d'une journée de travail de 9 heures tous les lundis avec les obligations d'une part de l'informer sept jours avant toute modification de la répartition des jours ou heures de travail et d'autre part trois jours avant toute heure complémentaire,
- une délégation de pouvoir en date du 14 mai 2009 lui donnant tous pouvoirs dans la gestion du personnel rattaché à la MSA de la SARL Sologne Operating, tant sur le plan administratif que disciplinaire mais également sur les plans de la sécurité et de l'hygiène,
- un tableau de ses missions faisant état de multiples tâches vis à vis de l'ensemble de l'équipe et du gérant de la société et des contacts directs avec les intervenants extérieurs, de l'organisation et de la gestion notamment pour la qualité du suivi administratif et du secrétariat et également chauffeur d'invités lorsque cela le nécessite,
- l'organigramme de la SARL Sologne Operating montrant que, sur le plan hiérarchique, elle est juste en dessous du manager en sa qualité d'assistante de direction et qu'elle a 19 personnes sous ses ordres,
- un tableau récapitulatif journalier des heures supplémentaires effectuées en 2013, 2014 et 2015 avec le détail des heures complémentaires jour par jour.
- de nombreux mails de 2013 à 2015 justifiant des heures supplémentaires adressés notamment à [U] et [C] [X], respectivement chargée de l'intendance de la SARL Sologne Operating et régisseur des deux propriétés ([Adresse 3] et [Adresse 6]) gérées par la SARL Sologne Operating, adressés parfois à largement plus de 20 heures et quasiment tous les jours de la semaine,
La SARL Sologne Operating produit :
- une convention de prestation de services en date du 30 octobre 2013 entre la SARL Sologne Operating et la SARL Europ Communication stipulant que la SARL Sologne Operating s'engage à mettre à disposition de la SARL Europ Communication ses salariés et son savoir-faire relatif à l'entretien de domaines de chasse et l'organisation de parties de chasse,
- des mails de 2015 entre le gérant de la SARL Sologne Operating et [I] [G] dans lesquels il est indiqué qu'aucun temps supplémentaire n'est demandé, qu'[I] [G] a pris ses congés pour les deux sociétés et notamment, dans un mail du 15 juillet 2015, [I] [G] précise au gérant : ' je ne suis pas contre un déplacement à [Localité 1] afin de réaliser mon travail et je me vois dans l'obligation d'effectuer celui-ci de par votre envoi.
Je dois quand même vous rappeler que, selon mon contrat de travail, vous devez me stipuler sept jours ouvrés à l'avance ( c'est à dire jeudi 9) et non quatre jours (ce jour mercredi 15).
Sachez que pour cette mission, vous me mettez dans l'embarras.'
- un courrier en date du 12 décembre 2013 de la direction générale des finances publiques indiquant que, suite à la vérification de leur comptabilité, le contrôle se conclut sans rectification.
- un courrier de l'URSSAF en date du 12 novembre 2012 qui indique qu'aucune irrégularité n'a été relevée au vu des documents consultés au titre de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS.
- le contrat de travail d'[I] [G] avec la SARL Europ Communication en date du 1er avril 2008 pour une durée hebdomadaire de 35 heures, en qualité d'assistante de direction,
Il ressort des pièces produites, et notamment de la convention de prestations de services que les deux sociétés pour lesquelles [I] [G] travaillait sous l'autorité du même gérant, étaient étroitement imbriquées et que les mails produits par [I] [G] ainsi que son calendrier annoté ne permettent pas de déterminer quelle société ils concernaient.
Contrairement à ses dires, [I] [G] n'était pas à la disposition permanente de son employeur, reprochant même au gérant de l'avoir prévenue tardivement, soit quatre jours avant, d'une modification de ses jours de travail et elle a bénéficié de la totalité de ses congés payés pour les deux sociétés.
De plus, [I] [G] indique elle-même, qu'elle était libre d'organiser son temps de travail car elle travaillait la plupart du temps à son domicile de [Localité 5].
[I] [G] qui avait près de huit ans d'ancienneté ne justifie d'aucune réclamation auprès du gérant quant à l'existence d'heures supplémentaires non réglées.
Enfin, [I] [G] ne s'est plainte ni auprès des services fiscaux ni auprès de L'URSSAF de sa situation professionnelle et ces contrôles n'ont donné lieu à aucun redressement.
En conséquence, [I] [G] sera déboutée de sa demande de requalification de contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, ainsi que de sa demande au titre des heures supplémentaires.
Sur la demande relative au travail dissimulé
[I] [G], qui ne prouve pas l'existence d'un travail dissimulé, sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
La lettre de licenciement en date du 16 décembre 2015 est ainsi motivée :
' Vous êtes entrée au service de la SARL Sologne Operating à compter du 5 novembre 2008 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Vous occupez, depuis lors, les fonctions d'assistante de direction.
À ce titre, et ainsi que vous le précisez dans la fiche de mission que vous nous avez remise le 20 juillet 2015, vous assistez la direction dans tous les aspects de son travail, et ce, afin d'optimiser la gestion de son activité.
Interface avec tous les interlocuteurs de la direction, vous organisez et coordonnez les informations internes et externes liées aux fonctions de la société.
L'exécution de votre travail qui implique notamment rigueur et réactivité se révèle insatisfaisante.
Divers dysfonctionnements ont ainsi été relevés à votre encontre, et caractérisent une mauvaise exécution de vos missions.
Notamment, le traitement de plusieurs dossiers a pris du retard, et cela, alors même que vous aviez régulièrement confié à vos collègues des tâches qui vous incombent.
Ainsi, la gestion du crédit Suisse Monaco, et plus particulièrement, s'agissant de la réglementation FACTA, a été particulièrement long et a nécessité plusieurs relances de notre part.
Il en a été de même s'agissant de l'ouverture de nouveaux comptes en banque pour la société.
L'interlocutrice du crédit Suisse Paris, vous avait informé de la clôture des comptes auprès de cet organisme au 31 juillet 2015.
Vous avez, toutefois, omis de faire le nécessaire afin de procéder à l'ouverture de nouveaux comptes.
Vous avez également omis d'accomplir les démarches relatives au changement de signature en banque pour le nouveau gérant, et cela malgré les demandes de Monsieur [H] et les recommandations de nos avocats, de sorte que Monsieur [H] a dû se déplacer sur [Localité 7], début juillet 2015 afin de gérer lui-même cette affaire.
Vous n'avez également pu traiter le dossier des cotisations 2013,2014 et 2015 sollicitées par la MSA, les tableaux OTCHETS, demandée pour le mois d'août dernier, ou encore certaines tâches comptables et de caisses (mise à jour des caisses, contrôle et vérification de caisses, codification des factures, par exemple...).
Nous avons également constaté que vous aviez oublié d'établir le tableau des risques professionnels, alors même que cette mission vous incombe en vertu de la délégation de pouvoirs dont vous bénéficiez.
Vous avez également en charge l'assurance pour le domaine. Or, à la révision, il s'est avéré que la valeur assurée été largement sous-évaluée, l'inventaire des biens n'avait pas été effectué. À l'exigence de la direction, cette tâche a dû être confiée, en urgence, à une autre personne.
Ces exemples ne sont pas limitatifs, et le retard accumulé révèle votre incapacité à gérer de manière efficace et régulière le travail qui nous est confié.
Nous constatons également que le transfert de certaines de vos tâches à vos collègues manifeste en réalité votre inaptitude à les traiter vous-même.
Outre le fait que vous ne sachiez pas répondre lorsque des interrogations se présentent sur des missions qui relèvent pourtant de vos missions, vous ne semblez également pas comprendre les questions elles-mêmes.
Afin de masquer votre incompétence, vous transférez alors la charge du dossier sur vos collègues.Cela a été notamment le cas lorsque s'est posée la question de la TVA de la société, le renseignement d'un formulaire pour la réglementation FATMA, la gestion du changement de gérant sur les comptes en banque, etc...
Malgré les explications qui vous sont fournies, vous ne parvenez pas à accomplir vos missions ou ne les réalisez que de manière insatisfaisante.
L'ensemble des éléments évoqués caractérise une insuffisance professionnelle de votre part justifiant votre licenciement.
Nous sommes également, et par ailleurs, confrontés au cours de ces dernières semaines, à votre insubordination et votre déloyauté, lesquels sont contraires à vos obligations professionnelles.
En effet, le week-end du 9 octobre 2015, après de nombreuses réticences, vous acceptez de venir travailler mais avez refusé d'exécuter votre mission de chauffeur pourtant annexée à votre contrat de travail selon fiche de missions établie par vos soins, vous prévalant alors d'une attitude avec restriction non valablement justifiée.
Il y a là un comportement fautif de votre part.
Le 26 octobre 2015, nous découvrons que vous avez dissimulé un mail en date du 14 octobre 2015, lequel contenait des informations importantes (solde des caisses 2014), et des réponses à nos interrogations, mais que vous ne nous avez pas transmis alors qu'il aurait dû l'être dès sa réception.
Votre man'uvre et votre déloyauté constituent un manquement à votre exécution loyale du contrat de travail.
Désirant recueillir vos observations sur l'ensemble des griefs présentés, nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé aux 7 décembre 2015 auxquel vous vous êtes présentée assistée.
Vos explications ne sont toutefois pas de nature à remettre en cause les griefs qui vous sont faits.
Mais surtout, votre défi de notre autorité a atteint son paroxysme lors de l'entretien préalable.
En effet, vous avez à cette occasion proféré des menaces à notre encontre, qu'il s'agisse de saisir le conseil de prud'hommes ou bien de révéler de prétendues illégalités qu'auraient commises la société.
Il est incontestable que votre comportement fautif récent a pour seule finalité de parvenir à la rupture de votre contrat de travail, celle-la même qu'en raison de la formulation d'exigences totalement déraisonnables vous n'avez pu obtenir dans le cadre d'une rupture conventionnelle.
Votre insuffisance professionnelle et votre comportement fautif ne nous permettent pas de nous maintenir dans les liens contractuels.
Par conséquent nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de votre ancienneté, vous disposez d'un préavis d'une durée de deux mois...'
Il ressort de la lettre de licenciement que [I] [G] a été licenciée pour insuffisance professionnelle, insubordination et déloyauté.
Un licenciement pour une cause réelle et sérieuse doit exister réellement dans les faits, être précise et vérifiable et être suffisamment importante pour justifier la rupture du contrat de travail.
Un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié (Cass. Soc.7 décembre 1993 D. 1994 somm. 309).
Peut être licencié pour une cause réelle et sérieuse, le salarié qui se rend coupable d'erreurs répétées, même minimes (Cass. Soc. 4 janvier 1979 Bull. Civ. V n°3).
La SARL Sologne Operating produit :
* pour le grief concernant le crédit suisse [Localité 4]
Un mail en date du 24 mars 2015 adressé à Mme [S] par le crédit suisse lui demandant de remplir un formulaire
- un mail de Mme [S] à [I] [G] lui transférant le mail pour attribution
- un mail du 14 avril 2015 de Mme [S] à [I] [G] la relançant car la réponse est urgente
- un mail du 17 avril 2015 de [I] [G] à Mme [S] indiquant qu'elle ne sait pas quoi remplir sur le document n'ayant pas les informations sur ce compte et qu'elle n'est pas en contact avec cette banque
- un mail en date du 17 avril 2015 de Mme [S] à [I] [G] lui indiquant que selon le gérant, c'est à [I] [G] de s'en occuper et qu'elle peut lui donner les contacts nécessaires
- un mail en date du 17 avril 2015 de [I] [G] au gérant lui demandant de remplir le document et de faire le nécessaire
* Pour le grief concernant le crédit suisse Paris :
- un mail du 30 juin 2015 de la comptable de SARL Sologne Operating à [I] [G] lui demandant de transmettre à la banque les documents de changement de gérance et d'informer les conseillers bancaires de se changement
- un mail du même jour de [I] [G] à la comptable avec copie au gérant répondant qu'elle n'a pas le contact bancaire et qu'elle ne peut donc pas effectuer les démarches
- un mail du même jour de la comptable à [I] [G] lui disant qu'elle a été en relation avec cette agence bancaire et qu'elle doit faire le nécessaire
- un mail du même jour de [I] [G] à la comptable lui disant qu'elle n'a jamais été en contact avec la banque et qu'elle est dans la même situation que la comptable et que c'est Mme [S] qui s'en occupait et qu'elle ne peut rien faire dans ce dossier
* sur le grief de la mauvaise exécution de tâches comptables :
- un échange de mails en septembre et octobre 2015 entre la comptable,
le gérant, Mme [S], Mme [X], secrétaire et [I] [G] sur des problèmes de tableaux Otchets et de caisses.
* Sur le grief de refus d'exécuter la fonction de chauffeur pendant le week-end du 9 octobre 2015 :
- un mail en date du 7 octobre 2015 lui demandant d'aller chercher une personne à l'aéroport de [Localité 9] le 10 octobre,
- un mail de [I] [G] du 8 octobre indiquant qu'elle a bien noté et qu'ils en parleront,
- un certificat médical du 6 octobre 2015 reçu le 9 octobre 2015 indiquant que l'état de santé de [I] [G] ne lui permet pas d'effectuer des trajets en train, car et voiture,
* Sur le grief de déloyauté par dissimulation d'un mail en date du 14 octobre 2015 :
- la SARL Sologne Operating fournit des mails de juillet 2015 et des 9,10 et 13 octobre 2015.
[I] [G] produit :
- un mail en date du 22 mars 2013 adressé par [I] [G] à Europ Communication indiquant qu'elle n'a pas de contact avec le crédit suisse à [Localité 4],
- des mails prouvant par des pièces jointes qu'elle a fait le nécessaire pour le changement de gérant auprès du crédit suisse,
- des mails indiquant que c'est en accord avec la comptable qu'elle rendait les comptes à une date fixe avec un mail de la comptable indiquant que c'est elle qui est en retard et un mail de Mme [S] à la secrétaire en date du 11 février 2015 indiquant : ' c'est les avocats qui suivent cette affaire ' pour les cotisations MSA,
- des mails d'échange avec le conseiller du salarié indiquant que certains griefs n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable,
- un mail en date du 30 septembre 2015 de [I] [G] au gérant indiquant par rapport au week end du 9 octobre qu'elle a un dossier médical qu'elle leur adresse,
- le mail du 14 octobre adressé à la secrétaire et a [I] [G] celle-ci étant cependant en récupération à cette date.
S'agissant de l'insuffisance professionnelle, il ressort des pièces produites que les griefs évoqués ne peuvent être imputés directement et uniquement à [I] [G].
En effet, c'est Mme [S] qui était l'interlocutrice du crédit suisse Monaco et la comptable de la SARL Sologne Operating qui était en relation avec le crédit suisse [Localité 7].
[I] [G] justifie qu'elle a donné tous les éléments au nouveau gérant qui seul pouvait apposer sa signature et envoyer ensuite les documents.
De même, pour les autres griefs, que se soit pour les cotisations MSA, le retard dans l'envoi des documents comptables pour les caisses, l'établissement de tableaux Octet, [I] [G] justifie soit de ne pas avoir commis d'erreur soit que d'autres personnes suivaient les dossiers.
Il se déduit de ses motifs que le grief d'insuffisance professionnelle n'est pas établi.
S'agissant du grief d'insubordination, [I] [G] justifie avoir adressé à la SARL Sologne Operating un certificat médical attestant de son impossibilité d'exécuter la tâche de chauffeur sachant que la SARL Sologne Operating connaissait ses problèmes médicaux comme en atteste le précédent gérant.
S'agissant du grief de déloyauté, il appartenait à la secrétaire de faire le nécessaire car [I] [G] était absente, en récupération à cette date.
Il se déduit de ces motifs que le licenciement de [I] [G] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
[I] [G] sollicite le versement d'une indemnité compensatrice de préavis de trois mois.
La convention collective nationale des gardes-chasses dont elle dépend précise que 'le délai congé ou préavis est fixé en cas de licenciement après un an de présence à deux mois.'
En conséquence, [I] [G] qui a perçu le règlement d'un préavis de deux mois sera déboutée de sa demande de versement d'un troisième mois.
Au moment de la rupture de son contrat de travail [I] [G] comptait au moins deux années d'ancienneté et la SARL Sologne Operating employait habituellement au moins onze salariés.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, [I] [G] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l'espèce un salaire de 2560 euros.
En raison de l'âge de [I] [G] au moment de son licenciement (comme étant née en 1975), de son ancienneté dans l'entreprise (8 ans), du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que des justificatifs produits (sans emploi nonobstant de nombreuses recherches, retard de paiement des impôts, retard de paiement dans le règlement d'emprunts...), il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de 45000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les dommages-intérêts pour préjudice distinct
En application de l'article 1382 devenu 1240, du code civil, des articles 1134 et 1147 du code civil [I] [G] sollicite la condamnation de la SARL Sologne Operating à lui payer la somme de 25000 euros à titre de dommages intérêts compte tenu du caractère vexatoire du licenciement et du préjudice moral ainsi subi.
Elle précise qu'elle a toujours donné entière satisfaction dans son travail et que cette procédure cachait le désir de la nouvelle direction de se séparer d'elle.
[I] [G] produit l'attestation de Monsieur [F] en date du 17 février 2016, gérant de la SARL Sologne Operating jusqu'en juin 2015 qui indique :
' [I] [G], durant ses fonctions de direction de la SARL Sologne Operating, a toujours effectué son travail avec professionnalisme et loyauté, conformément à nos demandes, ave toute la discrétion et l'intégrité dues à ses responsabilités. Ses résultats ont toujours été à la hauteur de nos exigences face aux diverses situations de part ses initiatives et son sérieux.
Ayant connaissance de son état de santé et de douleurs dorsales importantes et afin d'optimiser son travail, nous mui avions permis d'organiser ses déplacements (éviter les transports en commun imposants une station assise prolongée, la conduite de véhicule trop récurrente) ainsi que son temps de travail. Cela nous a donné toutes satisfactions et n'a engendré aucune entrave dans la réalisation de ses tâches.'
Il est certain que pour [I] [G], qui avait toujours donné entière satisfaction à son employeur, que le licenciement pour insuffisance professionnelle, déloyauté et insubordination a été particulièrement vexatoire.
Il lui sera alloué à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice ainsi subi la somme de 20000 euros.
Sur les autres demandes
La cour ordonnera à la SARL Sologne Operating de remettre à [I] [G] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur l'application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail
L'effectif de l'entreprise étant supérieur à 11 salariés et [I] [G] ayant plus de deux ans d'ancienneté, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités chômage payées à [I] [G] du jour du licenciement au jour de la présente décision dans la limite de 6 mois.
Sur les dépens et les frais non-répétibles
Il y a lieu de condamner la SARL Sologne Operating à payer à [I] [G] une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 2000 euros, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance.
La SARL Sologne Operating qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat de [I] [G] en ce qui concerne les dépens de la procédure d'appel qui est jugée suivant la procédure avec représentation obligatoire.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud'homale,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté [I] [G] de ses demandes de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein ainsi que de ses demandes au titre des heures supplémentaires, en ce qu'il a dit que le licenciement de [I] [G] est un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la SARL Sologne Operating à verser à [I] [G] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,
Condamne la SARL Sologne Operating à payer à [I] [G] les sommes suivantes :
- 45000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 20000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
Ordonne à la SARL Sologne Operating de remettre à [I] [G] ses bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformes au présent arrêt,
Dit n'y avoir lieu de prononcer une astreinte,
Ordonne le remboursement par la SARL Sologne Operating aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à [I] [G], du jour de son licenciement au jour de la présente décision, dans la limite de 6 mois d'indemnité de chômage,
Condamne la SARL Sologne Operating à payer à [I] [G] une somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL Sologne Operating aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction des dépens de la procédure d'appel au profit de l'avocat de [I] [G],
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions.
LE GREFFIERLE PRESIDENT