COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-5
ARRÊT AU FOND
DU 10 OCTOBRE 2019
lu.b
N° 2019/ 566
N° RG 18/08474 - N° Portalis DBVB-V-B7C-BCOYJ
SARL SIVANE
C/
Syndicat des copropriétaires [Adresse 1]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON
ASSOCIATION CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal d'instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 09 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 91-16-260.
APPELANTE
SARL SIVANE, dont le siège social est [Adresse 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée la SCP A VIDAL-NAQUET AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Syndicat des copropriétaires [Adresse 1], pris en la personne de son syndic en exercice le Cabinet FONCIA MARSEILLE, dont le siège est [Adresse 3], elle même prise en la personne de son Président en exercice domicilié au siège en cette qualité.
représenté par Me Anne-Cécile NAUDIN de l'ASSOCIATION CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 785,786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Juin 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc BRIAND, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Hélène GIAMI, Conseiller
Monsieur Luc BRIAND, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2019
Signé par Madame Laure BOURREL, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
La SARL Sivane a vendu en l'état futur d'achèvement quatre bâtiments divisés en 12 lots situés [Adresse 1]. Soutenant qu'elle était demeurée propriétaire du lot [Cadastre 1] en nature de jardin, le syndicat des copropriétaires l'a fait assigner en paiement de charges et provisions devant le tribunal d'instance d'Aix-en-Provence qui, par jugement contradictoire du 9 avril 2018, a :
' rejeté la demande de renvoi devant le tribunal d'instance de Marseille pour cause de connexité ;
' écarté les sommes de 96 euros, 840 euros, 180 euros et 132,20 euros du décompte présenté par le syndicat ;
' condamné la SARL Sivane à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [Adresse 1] les sommes de :
*2 616,61 euros au titre de l'arriéré de charges arrêtées au 2 mars 2018 avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
*300 euros à titre de dommages-intérêts,
*1 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' ordonné l'exécution provisoire du jugement ;
' rejeté toutes autres demandes.
' condamné la SARL Sivane aux dépens.
La SARL Sivane a régulièrement relevé appel de cette décision le 18 mai 2018 et demande à la cour, selon conclusions signifiées par voie électronique le 22 mai 2019, de:
vu les articles 10-1, 14 et 18 de la loi du 10 juillet 1965,
' infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il rejette la demande de renvoi et écarte les frais de recouvrement ;
' à titre principal, débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes ;
' en tant que de besoin, annuler l'état de répartition des charges de la copropriété et retrancher du total des millièmes les 106/1000èmes imputés à tort ou lot [Cadastre 1] consistant en la jouissance exclusive d'un jardin ;
' à titre subsidiaire, exclure des charges les montants de 96 euros, 840 euros, 180 euros, 132 euros et 1 425 euros au titre d'honoraires ;
' en tout état de cause, condamner le syndicat aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, la SARL Sivane fait valoir principalement que le « lot [Cadastre 1] » ne concernant que la jouissance exclusive d'un jardin non bâti, il n'est pas soumis aux charges de copropriété, qu'un lot au sens de la loi du 10 juillet 1965 organisant la copropriété des immeubles bâtis comporte obligatoirement une partie privative et une quote-part des parties communes, que les parties communes à jouissance privative sont des parties communes affectées à l'usage et à l'utilité exclusifs d'un lot, que l'absence de contestation ou de recours à l'encontre de l'assemblée générale ayant voté les charges est indifférent, que le procès-verbal du 23 avril 2015 invoqué par le syndicat n'est pas signé, que les honoraires des auxiliaires de justice ne relèvent pas des frais de recouvrement prévus à l'article 10-1 de la loi précitée et que les appels de fonds sont irréguliers.
Le syndicat des copropriétaires sollicite en réplique, selon conclusions signifiées par voie électronique le 6 juin 2019, de :
vu la loi du 10 juillet 1965,
' confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il écarte les frais de recouvrement et condamne la SARL Sivane au paiement de la somme de 300 € à titre de dommages-intérêts ;
' condamner la SARL Sivane à payer au syndicat les sommes de :
*6 410,58 euros au titre des charges arrêtées au 30 juin 2019,
*1 248,20 euros au titre des frais de recouvrement,
*500 euros à titre de dommages-intérêts,
*3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner la SARL Sivane aux dépens.
L'intimé explique principalement que 106/1000èmes des parties communes sont affectés au lot [Cadastre 1], propriété de l'appelante qui est à l'origine du règlement de copropriété en sa qualité de promoteur, qu'elle reprend en vain son argumentaire de première instance, qu'elle a tenté d'obtenir par tous moyens du syndicat une scission de la copropriété avec ce lot pour y poursuivre une nouvelle opération immobilière lucrative, que très habilement elle n'en sollicite pas l'annulation et qu'il convient d'actualiser la créance du syndicat ; ce dernier ajoute que les frais de recouvrement sont justifiés par la carence de la SARL appelante et qu'aucune irrégularité n'affecte les procès-verbaux d'assemblées générales produits.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue en cet état de la procédure le 11 juin 2019.
MOTIFS de la DECISION
Aucune des parties ne contestant le rejet de la demande de renvoi pour cause de connexité, la confirmation de ce premier chef du jugement s'impose.
Sur le paiement des charges de copropriété :
L'article 10 de la loi du 10 juillet 1965 énonce que « les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement communs en fonction de l'utilité que ces services et équipements présentent à l'égard de chaque lot et qu'ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article5 » ; l'article 14 -1 de la même loi dispose en outre que « pour faire face aux dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d'administration des parties communes et équipements communs de l'immeuble, le syndicat des copropriétaires vote, chaque année, un budget prévisionnel, que les copropriétaires versent au syndicat des provisions égales au quart du budget voté, sauf à ce que l'assemblée générale fixe des modalités différentes et que la provision est exigible le premier jour de chaque trimestre ou le premier jour fixé par l'assemblée générale ».
La SARL Sivane n'en conteste pas le principe et ne critique pas plus les charges proprement dites telles que figurant au décompte actualisé établi par le syndic, son argumentaire consistant, à l'instar de ses écritures de première instance, à soutenir que le lot [Cadastre 1] a été qualifié improprement de lot. Ainsi que l'a justement retenu le premier juge, cet argumentaire ne peut prospérer ; en effet :
-en sa qualité de promoteur de l'opération immobilière, la SARL Sivane a bâti l'immeuble de la copropriété vendu en l'état futur d'achèvement, a établi l'état descriptif de division et le règlement de copropriété en se réservant la jouissance exclusive du lot [Cadastre 1] à usage de jardin d'une superficie de 654 m² sur une emprise totale de 22 a 39 ca ainsi qu'il ressort de l'acte notarié du 17 avril 2014 et ses annexes,
-étant à l'origine de l'ensemble de ces opérations, la SARL Sivane n'a pu se méprendre sur les obligations qu'elle a souscrites ; elle ne conteste pas l'intention qui lui est prêtée par le syndicat de les poursuivre sur le lot litigieux dont il n'est pas indifférent de relever que sa surface excède le quart de l'emprise totale de la copropriété,
-elle n'a jamais intenté une procédure quelconque en annulation, modification ou révision du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division ni contesté le rejet de ses demandes de scission de la copropriété en vue de réaliser une autre opération immobilière,
-quand bien même un droit de jouissance exclusif de parties communes ne constitue pas un droit de propriété, ce droit de jouissance peut être affecté d'une quote-part des parties communes correspondant aux charges que son titulaire doit supporter dans l'entretien de la copropriété, sauf à considérer que l'appelante peut l'exercer sans aucune contrepartie, ce qu'elle ne soutient pas.
C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que le règlement de copropriété devait s'appliquer.
Pour le surplus, les procès-verbaux d'assemblées générales produits (cf pièces n° 3 et 7 du dossier du syndicat) ont bien été signés par leur président ; de même, les budgets des exercices échus et les budgets prévisionnels ont été approuvés aux majorités requises et quitus a été donné au syndic de sa gestion ainsi que l'a jugé la juridiction d'instance par des motifs pertinents que la cour adopte.
L'approbation des comptes du syndic par l'assemblée générale rend certaine, liquide et exigible la créance du syndicat des copropriétaires relative à chaque quote-part de charges et le copropriétaire qui n'a pas contesté, dans les termes prévus à l'article 42 de la loi précitée, les décisions d'assemblées générales ayant approuvé les comptes des exercices considérés ne peut s'opposer au paiement des sommes qui lui sont réclamées.
Le syndicat est recevable à actualiser sa créance au regard des appels de fonds nouvellement échus en cours de procédure ; au vu de l'extrait de compte produit en pièce n° 8 de son dossier, il convient ainsi de majorer l'arriéré arrêté au 2 mars 2018 par le premier juge des sommes respectives de 66,25 euros, 230,70 euros, 25,65 euros, 125,35 euros, 125,35 euros, 128,10 euros et 128,10 euros, soit un total de 829,50 euros, ce qui porte le solde débiteur de la SARL Sivane au montant actualisé de 3 506,11 euros.
Ce décompte inclut également diverses sommes au titre de frais de relance ou de mise en demeure, de frais de contentieux, de frais d'huissier ou d'honoraires d'avocats.
L'article 10 -1 de la loi du 10 juillet 1965 énonce que « par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 10, sont imputables au seul copropriétaire concerné a) les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur » ; ce texte ne vise que les frais nécessaires exposés par le syndicat à compter d'une mise en demeure et non les frais qui relèvent des dépens ou ceux entrant dans les prévisions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le premier juge a écarté à bon droit les frais taxables ainsi que les frais de contentieux qui ne sont justifiés par aucune diligence particulière, étant observé en outre que le contrat de syndic n'est pas produit. En revanche les frais de courriers recommandés justifiés par les accusés de réception figurant en pièces n°2 et 6 doivent être admis à concurrence de 72 €.
Sur les demandes annexes :
Rappelant que la copropriété s'était trouvée sous administration provisoire, que la carence de l'appelante l'avait contrainte à des avances de fonds, et que sa trésorerie avait été mise en péril, le tribunal a considéré que ces circonstances caractérisaient un préjudice distinct de celui né du seul retard apporté au paiement.
La SARL Sivane ne critique pas sérieusement ce chef de jugement ; la copropriété ne fournit pour sa part aucun élément nouveau autorisant une appréciation autre, ce qui conduit à la confirmation du montant de 300 euros alloué à ce titre.
Contraint d'exposer de nouveaux frais de conseil et de représentation, le syndicat est fondé en sa demande d'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La SARL appelante qui succombe dans son recours est condamnée aux dépens en application de l'article 696 du même code.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions et y ajoutant
Condamne la SARL Sivane à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier situé [Adresse 1] (13'510) les sommes complémentaires de :
*829,50 euros au titre de l'arriéré de charges pour la période du 3 mars 2018 au 30 juin 2019,
*72 euros au titre des frais de recouvrement,
*2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
La condamne aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement direct dans les termes de l'article 699 du même code.
LE GREFFIERLE PRESIDENT