COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT SUR RENVOI DE CASSATION
DU 10 OCTOBRE 2019
N° 2019/328
N° RG 19/02020 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDXPJ
SA LYONNAISE DE BANQUE
C/
SAS LAGARDERE
SCP BTSG²
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Agnès ERMENEUX
Me Roselyne SIMON-THIBAUD
Décision déférée à la Cour :
Arrêt prononcé sur saisine de la Cour suite à l'arrêt rendu par la Cour de Cassation en date du 17 Octobre 2018, qui a cassé et annulé l'arrêt rendu le 09 mars 2017 par la 8ème Chambre A de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence enregistré au répertoire général sous le n° RG 15/11300.
DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION
SA LYONNAISE DE BANQUE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social sis [Adresse 1]
représentée par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-ARNAUD- CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Frédéric PIAZZESI de la SELARL CABINET PIAZZESI AVOCATS, avocat au barreau de NICE, plaidant
DEFENDERESSES SUR RENVOI DE CASSATION
SAS LAGARDERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège sis [Adresse 2]
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON- THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
SCP BTSG², prise en la personne de Maître [V] [W], Mandataire Judiciaire, demeurant [Adresse 3] agissant en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la Société LAGARDERE, dédigné à ces fonctions par ordonnance de M. Le Président du Tribunal de Commerce de Nice du 28 Octobre 2016
représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée par Me Michel LOPRESTI, avocat au barreau de GRASSE, plaidant
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 05 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Pierre CALLOCH, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Monsieur Pierre CALLOCH, Président
Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller
Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2019.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2019,
Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant jugement en date du 13 décembre 2012, le tribunal de commerce de NICE a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la société LAGARDERE et désigné maître [U] en qualité de mandataire judiciaire.
Par ordonnance en date du 13 janvier 2015, le juge commissaire de la procédure collective a retenu que la contestation émise par la débitrice à l'admission d'une créance d'un montant de 149 995 € 62 invoquée par la société CIC LYONNAISE DE BANQUE au titre de solde débiteur de compte courant excédait les limites de son pouvoir juridictionnel et s'est déclaré incompétent.
La juridiction du fond n'ayant pas été saisie pour trancher le litige, la société CIC LYONNAISE DE BANQUE a demandé au juge commissaire de tirer les conséquences de la carence tant du débiteur que du mandataire judiciaire. Suivant ordonnance en date du 18 juin 2015, le juge commissaire a déclaré la créance invoquée par la banque 'irrecevable en l'état'.
Par déclaration en date du 22 juin 2015, la société CIC LYONNAISE DE BANQUE a interjeté appel de cette décision.
Suivant arrêt en date du 9 mars 2017, la cour a infirmé l'ordonnance, dit que la forclusion était opposable à la société LAGARDERE et maître [U] ès qualité vu l'absence de saisine du juge du fond dans le délai d'un mois et a admis la créance déclarée par la CIC LYONNAISE DE BANQUE au passif de la société LAGARDERE pour la somme de 149 995 € 62.
La société LAGARDERE ayant formé un pourvoi, la cour de cassation a par arrêt en date du 17 octobre 2018 cassé cet arrêt et renvoyé la cause devant la cour d'appel d'AIX EN PROVENCE autrement composée.
La société LYONNAISE DE BANQUE a fait assigner par acte en date du 20 février 2019 la société LAGARDERE et la société BTSG prise en la personne de maître [W] afin que l'affaire soit évoquée à l'audience du 5 septembre 2019.
A l'appui de ses demandes, la société LYONNAISE DE BANQUE, par conclusions déposées le 20 juin 2019, soutient que le juge commissaire devait statuer sur l'admission de la créance malgré l'ordonnance en date du 13 janvier 2015 par laquelle il s'était déclaré incompétent. Elle invoque la jurisprudence de la cour de cassation pour soutenir qu'il appartenait au débiteur ou au mandataire judiciaire, à l'origine de la contestation, de saisir le juge du fond de celle-ci dans le délai prévu par l'article R 624-5 du Code de commerce. A défaut, le juge commissaire devait constater la forclusion concernant cette contestation sur le fond de la créance et admettre celle ci au passif au vu des pièces versées établissant tant son principe que son montant. La société LYONNAISE DE BANQUE conclut en conséquence à la réformation de l'ordonnance attaquée, demandant à la cour de se déclarer compétente pour connaître de ses demandes, de juger forclos les moyens invoqués par la société LAGARDERE et maître [U] et en conséquence d'admettre à titre chirographaire sa créance à hauteur de la somme de 149 995 € 62, les intimées étant condamnées à lui verser une somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société LAGARDERE et la société civile professionnelle BTSG², par conclusions déposées le 28 mai 2019, soutiennent qu'en application des articles L 624-2 et R 624-5 du Code de commerce dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 12 mars 2014 et du décret du 30 juin 2014, le juge commissaire s'étant comme en l'espèce déclaré incompétent en omettant de surseoir à statuer est dessaisi de la contestation qu'il a tranchée. Il appartenait dès lors au créancier de saisir le juge du fond pour statuer sur la validité de la déclaration de créance. En conséquence, au vu du dispositif de l'ordonnance du 13 janvier 2015, la CIC LYONNAISE DE BANQUE se devait de saisir le juge du fond ou de former contredit, faute de quoi sa demande d'admission devait être déclarée forclose. La société LAGARDERE et la société civile professionnelle BTSG² invoquent en outre l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du 13 janvier 2015 et affirment que c'est à bon droit que dans son ordonnance du 18 juin 2015, le juge commissaire a déclaré irrecevables les demandes de la société CIC LYONNAISE DE BANQUE. Selon elles, l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation cité par la société appelante concernerait une situation juridiquement totalement distincte de celle objet du litige. Elles demandent en conséquence à la cour de confirmer l'ordonnance en date du 18 juin 2015 et de condamner la société CIC LYONNAISE DE BANQUE à leur verser la somme de 5 000 € chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'article R 624-5 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige antérieure au décret du 30 juin 2014, dispose que la décision d'incompétence du juge commissaire statuant sur l'admission d'une créance ouvre au créancier, au débiteur et au mandataire judiciaire un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré pour saisir la juridiction compétente à peine de forclusion, à moins de contredit.
En l'espèce, le juge commissaire saisi de la contestation de la créance formée par la société LAGARDERE pour s'opposer à son admission au passif s'est déclaré incompétent, sans ordonner de sursis à statuer, par ordonnance en date du 13 janvier 2015 ; la société CIC LYONNAISE DE BANQUE n'a pas formé contredit à cette décision, et n'a pas saisi le juge du fond dans le mois suivant l'avis qui lui avait été adressé ; il en résulte que la décision d'incompétence, quelle que soit par ailleurs son bien fondé, a acquis autorité de la chose jugée et a dessaisi en application de l'article 481 du code de procédure civile le juge commissaire de la demande en admission au passif de la créance contestée ; c'est dès lors à bon droit que le même juge commissaire, par ordonnance en date du 18 juin 2015, s'est estimé dessaisi et a jugé irrecevable la seconde demande d'admission formée pour la même créance par la société CIC LYONNAISE DE BANQUE ; l'ordonnance en date du 18 juin 2015 sera en conséquence confirmée.
Au vu des circonstances de l'espèce, l'équité impose de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de la partie appelante.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Vu l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation en date du 17 octobre 2018,
- CONFIRME l'ordonnance du juge commissaire en date du 18 juin 2015 ayant déclaré irrecevable la demande d'admission de créance formée par la société LYONNAISE DE BANQUE.
Ajoutant à la décision attaquée,
- DÉBOUTE la société LAGARDERE et la société civile professionnelle BTSG de leur demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- MET les dépens à la charge de la société LYONNAISE DE BANQUE, dont distraction au profit des avocats à la cause
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT