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17/10/2019 | FRANCE | N°17/04072

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-1, 17 octobre 2019, 17/04072


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2019



N° 2019/344













N° RG 17/04072 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAD4O







[E] [D]

Société ZIEGLER FRANCE





C/



Société TRANSAFOS





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Adrienne MICHEL-CORSO



Me Philippe-Laurent SIDER



Me Ludov

ic ROUSSEAU















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 17 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00493.





APPELANTS



Monsieur [E] [D]

né le [Date naissance 2] 1965 à[Localité 5]D, de nationalité Française,...

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 17 OCTOBRE 2019

N° 2019/344

N° RG 17/04072 - N° Portalis DBVB-V-B7B-BAD4O

[E] [D]

Société ZIEGLER FRANCE

C/

Société TRANSAFOS

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Adrienne MICHEL-CORSO

Me Philippe-Laurent SIDER

Me Ludovic ROUSSEAU

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TARASCON en date du 17 Février 2017 enregistré au répertoire général sous le n° 15/00493.

APPELANTS

Monsieur [E] [D]

né le [Date naissance 2] 1965 à[Localité 5]D, de nationalité Française, demeurant [Adresse 10] (SUISSE)

représenté par Me Adrienne MICHEL-CORSO, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

S.A. ZIEGLER FRANCE, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Renaud PERRACHON de la SCP DEYGAS - PERRACHON - BES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, plaidant

INTIMEE

S.A.S. TRANSAFOS, dont le siège social est sis [Adresse 11]

représentée par Me Ludovic ROUSSEAU, avocat au barreau d'AIX-EN- PROVENCE, assisté de Me Christophe RAMBAUD, avocat au barreau de LYON, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 09 Septembre 2019 en audience publique. Conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Monsieur Baudouin FOHLEN, Conseiller

Monsieur Jean-Pierre PRIEUR, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 17 Octobre 2019,

Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

F A I T S - P R O C E D U R E - D E M A N D E S

Le 8 mai 2012 la société TRADIMPEX basée aux Emirats Arabes Unis [E.A.U.] a émis 2 factures contre Monsieur [E] [D] demeurant à [Adresse 7] (Suisse) pour la vente d'un navire pneumatique Capelli 1000 long de 9 m 57, avec 2 moteurs [Localité 8] et une remorque ; pour le tout une facture mentionne , un prix de 55 878 francs suisses et le transport maritime de Dubaï (E.A.U.) à [Localité 6] (13) pour 6 679 francs suisses soit au total 62 557 francs suisses, tandis que l'autre indique les sommes respectives de 111 755 francs suisses et de 13 357 francs suisses soit au total 125 112 francs suisses sans autre précision ; ce document précise que le navire est , mais le 24 avril 2013 ce vendeur a attesté que le navire était neuf et n'avait encore jamais pris la mer.

Selon connaissement sans réserves de la société AMI INTERNATIONAL du 20 mai 2012, mentionnant comme chargeur ce vendeur et comme destinataire cet acheteur, le navire a été transporté sous bâche plastique dans un conteneur TRIU 081886/0 entre [C] [U] (E.A.U.) et [Localité 4] (13) ; à l'arrivée le 24 juin le navire a été pris en charge sans réserves par la S.A. ZIEGLER FRANCE mandatée par Monsieur [D] ; celle-ci a acheminé le navire jusqu'à l'entrepôt à [Localité 9] (13) de la S.A.S. TRANSAFOS, laquelle l'a reçue sans réserves le 11 juillet et l'a entreposé sur son parking extérieur clôturé.

Par lettre du 14 août la société ZIEGLER a demandé à Monsieur [D] de sortir son bateau au plus vite. La société TRANSAFOS a demandé le 27 août la mise en dépôt d'office du navire.

Le 30 octobre 2012 Monsieur [D] s'est présenté dans les locaux de la société TRANSAFOS, et a établi avec cette dernière la constatation écrite de divers dégâts et manquants.

La société ZIEGLER a écrit le 8 novembre 2012 à la société TRANSAFOS pour la tenir responsable des dégâts au navire de Monsieur [D], et lui demander de stopper les frais de stationnement au 30 octobre précédent.

Le 13 juin 2013 la société VERITECH, requise le 14 décembre 2012 par l'assureur de la société TRANSAFOS, a rédigé son rapport d'expertise.

Un rapport d'expertise a été établi le 9 juillet 2013 par la société AM GROUP, requise le 6 novembre 2012 par l'assureur de la société ZIEGLER.

Par lettre du 21 octobre 2013 l'Avocat de la société ZIEGLER a demandé à la société TRANSAFOS 'de confirmer que vous admettez que le point de départ de la prescription ne peut être le jour de la découverte des dommages [le 30 octobre 2012], mais le jour où vous aurez terminé votre prestation d'entreposage en restituant le bateau'. Le 9 décembre 2013, puis le 23 janvier 2014 avec copie à Monsieur [D], la seconde société a mis la première en demeure de procéder à l'enlèvement du bateau ; le 13 décembre 2013, puis le 28 janvier 2014 avec copie à la société TRANSAFOS, la société ZIEGLER a invité Monsieur [D] à récupérer le plus vite possible son bateau.

Une ordonnance de référé du 6 mars 2014, rendue à la demande de Monsieur [D] et contre les sociétés ZIEGLER et TRANSAFOS assignées le 24 janvier précédent, a désigné comme expert Monsieur [N] [K], qui a examiné le navire chez la société TRANSAFOS les 19 mai (date à laquelle ce dernier a été mis à l'intérieur du hangar de cet entrepositaire) et 9 septembre de la même année, et déposé son rapport le 26 novembre 2014 en concluant :

* les 2 moteurs datent de 2007, et le navire a été construit en 2009 ; le prix de vente de ce dernier pour 55 878 francs suisses 00 correspond à 54 697 euros 86 T.T.C.

* vers le 20 août 2012 Monsieur [X] salarié de la société TRANSAFOS a constaté la déchirure du cocon (c'est-à-dire de la bâche) et a pris des photographies, mais sans avertir son employeur de cette situation ; celle-ci a permis la disparition de divers matériels à bord du navire ;

* selon le relevé météorologique pour la zone de [Localité 6] un coup de vent de force 7 [Localité 3] (50 km/h) est survenu dans la nuit du 28 au 29 octobre 2012 ;

* préjudice matériel de Monsieur [D] :

- dommages aux pneumatiques et selleries imputables à la rupture du cocon (lequel était tout à fait satisfaisant avec recouvrement total et intégral sous la coque et autour des hélices) et au stationnement du navire à l'air libre jusqu'au 19 mai 2014 , ainsi que dommages imputables au coup de vent du 28-29 octobre 2012 : 47 886 euros 04 ;

- dommages imputables à l'état mécanique des 2 moteurs non entretenus depuis deux ans : 1 469 euros 56 ;

- disparition de matériels : 3 658 euros 63 ;

- dommages imputables à l'arrimage, la société ZIEGLER n'ayant fait aucune réserve au débarquement du navire : 307 euros 48 ;

- dommages imputables aux vices propres du navire (gelcoat de la timonerie) : 3 498

euros 74 ;

d'où un total de 56 825 euros 85 T.T.C. ;

* factures de stockage de la société TRANSAFOS pour la période du 12 juillet 2012 au 9 septembre 2014 : 28 101 euros 00 H.T. soit 31 721 euros 00 T.T.C. ;

* perte de jouissance éventuelle de Monsieur [D] : 16 975 euros 00 sur 1 an, et 33 950 euros 00 sur 2 ans.

Les 11 factures émises par la société TRANSAFOS contre la société ZIEGLER du 31 juillet 2012 au 31 octobre 2014 aboutissent à un total de 27 279 euros 00 sans T.V.A., et leurs conditions générales de vente au verso stipulent à l'article 11 un délai de prescription d'un an.

Monsieur [D] a récupéré son bateau le 18 novembre 2014.

Le 28 octobre 2013 la société ZIEGLER a fait assigner la société TRANSAFOS en responsabilité des dommages constatés le 30 octobre 2012 sur le navire de Monsieur [D], en relevé et garantie de toutes demandes que celui-ci serait susceptible de former contre elle-même, et en paiement d'une somme de 13 613 euros 00 au titre des réparations, devant le Tribunal de Commerce de LYON qui par jugement du 20 juillet 2015 s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de TARASCON-SUR-RHONE ; devant ce dernier Monsieur [D] avait fait assigner respectivement les 10 et 13 mars 2015 la société TRANSAFOS et la société ZIEGLER en paiement ; par ordonnance du 28 octobre 2015 le Juge de la Mise en Etat a joint ces deux instances ; un jugement du 17 février 2017 a :

* déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société ZIEGLER à l'encontre de la société TRANSAFOS ;

* débouté en conséquence la société ZIEGLER de toutes ses demandes contre la société TRANSAFOS ;

* rejeté la fin de non recevoir tirée d'une prescription de l'action de Monsieur [D] à l'encontre de la société TRANSAFOS ;

* condamné la société ZIEGLER à payer à Monsieur [D] les sommes de :

- 11 971 euros 51 au titre de la tempête [1/4 du dommage],

- 436 euros 05 au titre des vices mécaniques [1/4 du dommage] ;

* condamné la société TRANSAFOS à payer à Monsieur [D] les sommes de :

- 11 971 euros 51 au titre de la tempête [1/4 du dommage],

- 3 498 euros 74 au titre du balcon avant bâbord [que reconnu devoir en totalité la société TRANSAFOS ],

- 436 euros 05 au titre des vices mécaniques [1/4 du dommage] ;

* débouté Monsieur [D] de toutes ses autres demandes ;

* condamné in solidum la société ZIEGLER et Monsieur [D] à payer à la société TRANSAFOS la somme de 28 101 euros 00 [frais de stockage] outre intérêts légaux à compter du présent jugement ;

* rejeté toutes autres demandes des parties ;

* débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

* dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;

* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Appel a été régulièrement interjeté d'abord le 2-3 mars 2017 par la société ZIEGLER, puis le 20-21 suivant par Monsieur [D] ; ces 2 instances ont été jointes par ordonnance du 11 septembre 2018.

Concluant le 24 mai 2017 Monsieur [E] [D] soutient notamment que :

- il a acquis pour 115 000 francs suisses le bateau qui n'avait jamais été mis à l'eau et dont les moteurs avaient été peu utilisés car de démonstration ;

- la société ZIEGLER est intervenue en qualité de commissionnaire de transport pour le trajet maritime, le dépotage et la livraison ; elle n'a émis aucune réserve lors de la réception, ni lors du dépotage par la société TRANSAFOS ; lui-même, qui voulait faire naviguer le bateau en Suisse, s'est aperçu que celui-ci ne pouvait recevoir d'homologation, et a envisagé sa mise à l'eau sur la Côte d'Azur, ce contretemps expliquant l'entreposage le 11 juillet 2012 chez la société TRANSAFOS ; le 30 octobre suivant il est venu chez cette dernière pour récupérer son bateau, dont il a alors constaté l'état lamentable, et qu'il a refusé de réceptionner avant la fin de l'expertise judiciaire ;

- son action contre la société TRANSAFOS n'est pas prescrite, n'étant fondée ni sur la manutention ni sur les conditions générales de la même, mais sur la responsabilité quasi-délictuelle ;

- il est un simple particulier, et s'est rapproché de professionnels :

. la société ZIEGLER commissionnaire de transport et/ou transitaire agent de liaison, tenue d'une obligation de résultat de la prise en charge à la livraison, y compris pour les manquements de sa substituée la société TRANSAFOS ;

. cette dernière entrepositaire du bateau ;

- l'absence de réserves de ces 2 sociétés lors de leur réception du bateau laisse présumer le parfait état de ce dernier ; ultérieurement le cocon a été ouvert, et le salarié de la société TRANSAFOS ne l'a pas informée des dégâts constatés ; ces manquements évidents et intolérables engagent la responsabilité de cette société ;

- la société ZIEGLER, et non lui-même, était le donneur d'ordre de la société TRANSAFOS ;

- il a acquis le navire 115 112 francs suisses, et non 55 878 francs suisses ;

- il n'a pas commis de faute en laissant son bateau chez la société TRANSAFOS, puisqu'il attendait un lieu de mouillage ; il a payé la première facture de 1 119 euros 00 de cette société à la société ZIEGLER pour juillet 2012 ; il n'a pas à régler les périodes ultérieures d'entreposage du 30 octobre 2012 à juillet 2013 due aux 2 expertises amiables, de juillet au 9 décembre 2013 car la société TRANSAFOS exerçait son droit de rétention, et de janvier à décembre 2014 durant le déroulement de l'expertise judiciaire ;

- sont responsables des dommages suivants la société ZIEGLER qu'il a requise, et le préposé de celle-ci la société TRANSAFOS :

. les atteintes à l'état parfait du bateau lors de son arrivée au Port de [Localité 4] et à son matériel ;

. les suites du coup de vente, qui n'est pas un cas de force majeure ;

. l'état des moteurs, vu l'inertie de ces 2 adversaires ;

. les vices propres du navire (gelcoat de la façade de la console) ;

. le préjudice de jouissance, n'ayant pu utiliser un bateau semblable du 30 octobre 2012 au 9 septembre 2014 ;

- sont imputables à la société ZIEGLER les dommages à l'arrimage, celle-ci n'ayant pas émis de réserves à réception dans ce Port ;

- il n'a pas à régler à la société TRANSAFOS les frais de l'entreposage, lequel n'a pas été correctement exécuté, tandis que les factures de celle-ci ont été émises contre la société ZIEGLER ; la première société ne l'a ni relancé ni mis en demeure de payer.

L'appelant demande à la Cour, vu les articles 367 du Code de Procédure Civile, L. 132-3 et suivants du Code de Commerce, 1382 et 1383, 1927 et suivants du Code Civil, de :

- déclarer la demande bien fondée, et en conséquence :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. déclaré recevable comme non prescrite son action tant à l'égard de la société TRANSAFOS et de la société ZIEGLER ;

. débouté la société TRANSAFOS de ses demandes tendant à faire déclarer irrecevable comme prescrite l'action de Monsieur [D] à son encontre ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

. retenu des fautes commises par Monsieur [D] afin de minorer sa demande de préjudice au titre de la déchirure du cocon et retenir sa responsabilité pour ce préjudice pour moitié ;

. débouté Monsieur [D] de ses demandes au titre :

du vol ou l'absence du matériel sur le bateau ;

de l'arrimage du bateau ;

des vices propres du navire ;

. retenu des fautes commises par Monsieur [D] afin de minorer sa demande de préjudice au titre des vices mécaniques et retenir sa responsabilité pour ce préjudice pour moitié ;

. débouté le même de ses demandes au titre du préjudice de jouissance ;

. condamné Monsieur [D] à payer la somme de 28 101 euros 00 in solidum avec la société ZIEGLER à la société TRANSAFOS au titre des frais d'entreposage ;

. débouté Monsieur [D] de sa demande de condamnation des sociétés ZIEGLER et TRANSAFOS au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

. débouté Monsieur [D] de sa demande de condamnation des sociétés ZIEGLER et TRANSAFOS au titre des dépens comprenant le coût de l'expertise ;

* et statuant à nouveau :

- débouter les parties défenderesses de l'ensemble de leurs conclusions à l'encontre de Monsieur [D] et de leur appel incident ;

- homologuer le rapport d'expertise rendu par Monsieur [N] [K] en date du 26 novembre 2014 à l'exception des postes de préjudice relatifs au vol et aux vices propres du bateau et ainsi :

- condamner la société ZIEGLER à payer à Monsieur [D] la somme de 303 [en réalité 307] euros 48 T.T.C. au titre du préjudice subi pour arrimage à bord ;

- condamner in solidum la société ZIEGLER et la société TRANSAFOS à payer à Monsieur [D] la somme de 56 512 euros 97 T.T.C., décomposée comme suit :

. 3 658 euros 63 au titre du préjudice subi pour vol,

. 47 886 euros 04 au titre du préjudice subi pour la tempête,

. 3 498 euros 74 au titre du préjudice subi pour vices propres du bateau,

. 1 469 euros 56 au titre du préjudice subi pour l'état mécanique du bateau, somme à parfaire par un devis actualisé ;

- condamner in solidum la société ZIEGLER et la société TRANSAFOS à payer à Monsieur [D] la somme de 33 950 euros 00 au titre du préjudice de jouissance subi par ce dernier pour non-utilisation de son bateau ;

- débouter la société TRANSAFOS de l'ensemble de ses demandes et de sa demande reconventionnelle à1'encontre de Monsieur [D] au titre des frais d'entreposage ;

- débouter la société ZIEGLER de sa demande de garantie à l'encontre de Monsieur [D] concernant les frais d'entreposage ;

- condamner in solidum la société ZIEGLER et la société TRANSAFOS à payer à Monsieur [D] la somme de 3 500 euros 00 chacune en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner solidairement la société ZIEGLER et la société TRANSAFOS à payer à Monsieur [D] les entiers dépens, en ce compris le remboursement des frais d'expertise s'élevant à la somme de 6 699 euros 00 T.T.C.

Concluant le 30 mai 2017 la S.A. ZIEGLER FRANCE soutient notamment que :

- Monsieur [D] lui a confié le soin de réceptionner et de dédouaner le bateau, puis de le faire conserver dans l'attente de son transport vers la Suisse, d'où le choix par elle de la société TRANSAFOS ; le même lui a annoncé qu'il ferait enlever le bateau le 30 octobre 2012 ;

- elle a assigné la société TRANSAFOS le 28 octobre 2013 en raison du refus (implicite) de celle-ci de lui accorder le report de prescription demandé le 8 novembre 2012 ;

- elle est transitaire et commissionnaire agréée en douane donc mandataire et responsable que de sa faute personnelle prouvée, et commissionnaire de transport répondant de sa substituée la société TRANSAFOS ;

- elle n'a pas commis de faute personnelle : sa mission de donneur d'ordre à la société TRANSAFOS a pris fin le 30 octobre 2012, date à laquelle Monsieur [D] a décidé de laisser son bateau chez cet entrepositaire ; le même ne lui a pas demandé le stockage du bateau en entrepôt fermé ; elle n'est pas responsable de l'expertise amiable ;

- en l'absence d'inventaire contradictoire sur les équipements du bateau au départ du transport maritime il est impossible de savoir si ceux retenus par l'expert étaient ou non à bord ;

- elle n'est pas responsable des dommages dûs à l'arrimage par le transporteur maritime ;

- les dommages suite au coup de vent incombent à la société TRANSAFOS ;

- Monsieur [D] est responsable de l'entretien de ses moteurs pendant les 2 années d'entreposage ;

- les vices propres sont dûs à la société TRANSAFOS lorsqu'elle a rentré le bateau à l'intérieur de son bâtiment ;

- elle-même a confié l'exécution matérielle de prise en charge du bateau au Port de [Localité 4] à la société TRANSAFOS, ainsi que le soin de conserver celui-ci dans l'attente de sa prise de possession par Monsieur [D] ;

- le transport terrestre réalisé par la société TRANSAFOS n'est pas une opération de manutention visée par la loi maritime et la prescription annale, mais l'exécution d'un contrat soumis à la prescription de 5 ans ;

- l'assignation de la société TRANSAFOS le 28 octobre 2013 a interrompu la prescription même annale, même si elle-même n'a pas préalablement désintéressé Monsieur [D] ni s'est obligée à le faire ; l'action de Monsieur [D] contre elle-même jointe à cette assignation a fait disparaître l'éventuelle prescription annale ;

- l'entreposage du 11 juillet au 30 octobre 2012 incombe à la société TRANSAFOS puisque les dommages sont survenus durant cette période ;

- ensuite Monsieur [D] a pris la décision d'annuler le transport final et de laisser son bateau chez la société TRANSAFOS, ce qui a déchargé elle-même de sa mission, et cet entrepositaire a exercé son droit de rétention en s'opposant à laisser sortir le bateau sans règlement de ses factures par Monsieur [D] ; ce dernier a en outre préféré laisser son bateau chez la société TRANSAFOS en pensant qu'il n'aurait rien à payer ;

- si elle est débitrice de frais de stockage, elle sera nécessairement relevée et garantie par Monsieur [D].

L'appelante demande à la Cour de :

* sur les demandes de Monsieur [D] :

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre de la société ZIEGLER au profit de Monsieur [D] ;

- dire et juger que la société ZIEGLER ne saurait être tenue à payer à Monsieur [D] la somme de 11 971 euros 51 au titre des dommages causés par la tempête, la somme de 436 euros 05 au titre des vices mécaniques, et la somme de 28 100 euros 00 au titre des frais d'entreposage ;

* sur la garantie due par la société TRANSAFOS :

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite la société ZIEGLER dans sa demande en garantie à l'encontre de la société TRANSAFOS ;

- dire et juger que la société ZIEGLER est recevable à agir contre la société

TRANSAFOS ;

- dire et juger que la société ZIEGLER n'a commis aucune faute personnelle susceptible de lui faire perdre son recours contre la société TRANSAFOS ;

- condamner la société TRANSAFOS à relever et garantir la société ZIEGLER de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens qui pourraient être mises à sa charge au profit de Monsieur [D] ;

* sur la demande de la société TRANSAFOS au titre de ses frais d'entreposage :

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à l'encontre de la société ZIEGLER au profit de la société TRANSAFOS ;

- débouter la société TRANSAFOS de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la

société ZIEGLER au titre de sa facturation portant sur les frais d'entreposage ;

- à titre subsidiaire : condamner Monsieur [D] à relever et la société ZIEGLER au titre de sa facturation portant sur les frais d'entreposage ;

* en toutes hypothèses : condamner in solidum ou qui d'entre eux mieux le devra Monsieur [D] et la société TRANSAFOS :

- à verser à la société ZIEGLER France la somme de 12 000 euros 00 sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- aux entiers dépens de l'instance.

Par conclusions du 24 juillet 2017 la S.A.S. TRANSAFOS répond notamment que :

- Monsieur [D] a acquis un bateau d'occasion et non neuf ;

- la société ZIEGLER est intervenue en qualité de commissionnaire de transport y compris pour sa relation avec la société TRANSAFOS ; aucun stationnement de longue durée du bateau n'était prévu, raison pour laquelle celui-ci a été stationné à l'extérieur ; le véhicule de transport commandé par Monsieur [D] était inadapté, l'intéressé n'ayant jamais prouvé le

problème d'homologation en Suisse ; la réglementation douanière a obligé elle-même à demander le 27 août 2012 la mise en dépôt d'office du bateau non exporté immédiatement ;

- lors du constat contradictoire du 30 octobre suivant avec Monsieur [D] celui-ci n'a pris et demandé aucune mesure conservatoire ; ce caractère contradictoire n'empêchait pas Monsieur [D] de faire enlever son bateau ;

- l'action engagée par la société ZIEGLER contre elle entreprise de manutention est prescrite par un an à compter de la remise du bateau soit le 11 juillet 2012, et au plus tard à la date de connaissance du dommage le 30 octobre suivant ; ce délai d'un an est également stipulé par ses conditions générales ;

- la société ZIEGLER commissionnaire de transport ne peut agir à titre principal contre son substitué que si elle a désintéressé son donneur d'ordre Monsieur [D] ou s'est engagée à le faire ; cette double situation n'existait ni le 28 octobre 2013 lorsque cette société a assigné elle-même, ni le 17 février 2017 jour du jugement ; lors de cette assignation la société ZIEGLER ne pouvait assigner en garantie la société TRANSAFOS, faute d'avoir déjà fait l'objet d'une action principale para Monsieur [D] ;

- est prescrite également l'action de Monsieur [D], engagée par l'assignation en référé-expertise le 24 janvier 2014, le délai d'un an étant alors expiré ; le fondement quasi-délictuel de cette action ne peut priver la société TRANSAFOS de la faculté d'opposer à Monsieur [D] ses conditions générales stipulant la prescription annale ;

- les fautes commises par Monsieur [D] sont de nature à exonérer elle-même des responsabilités encourues : fausse déclaration de valeur du navire et des moteurs, indiqués par l'expert judiciaire comme à tort respectivement neuf et avec fonctionnement réduit ;

- le même a tardé à prendre en charge son bateau, alors qu'initialement la mission confiée à elle par la société ZIEGLER n'était que le dépotage et le chargement sur un porte-char, et non l'entreposage ;

- Monsieur [D] n'a pas donné d'instructions à la suite des constatations du 30 octobre 2012, même pour établir un devis ; rien ne justifiait de subordonner le départ du bateau à la prise en charge des réparations ; le caractère contradictoire de ces constatations permettait à l'intéressé de reprendre son bateau pour le confier à un réparateur ;

- elle n'a pas exercé son droit de rétention, mais a mis en demeure Monsieur [D] [en réalité seulement la société ZIEGLER] d'avoir à reprendre possession de son bateau ;

- les désordres pneumatiques et de sellerie sont dûs au stationnement extérieur pendant 2 ans, alors qu'elle avait proposé la mise en place d'une bâche à Monsieur [D] qui n'a pas donné suite ;

- elle ne pouvait vérifier les matériels contenus dans le bateau, et donc faire des réserves ; ceux prétendument disparus n'avaient pas fait l'objet d'un inventaire contradictoire ;

- l'arrimage incombait au transporteur maritime ;

- les circonstances de l'ouverture du cocon sont indéterminées, et il n'est pas démontré que sa déchirure soit imputable à un préposé d'elle-même ;

- la tempête du 28-29 octobre 2012 présente les circonstances d'un cas de force majeure, exonératoire de sa responsabilité ; les dommages n'auraient pas été aggravés si Monsieur [D] avait pris possession de son bateau dès le dépotage du conteneur ;

- elle-même ne pouvait en aucun cas être tenue de l'entretien mécanique des moteurs, faute de mandat en ce sens de Monsieur [D] ;

- elle reconnaît devoir payer la somme de 3 498 euros 74 retenue par le jugement ;

- le retard mis par Monsieur [D] à reprendre possession de son bateau et à le réparer est la seule cause du préjudice de jouissance qu'il allègue ;

- la société ZIEGLER comme Monsieur [D] lui doivent, au titre des frais de stationnement, la somme de 28 101 euros 00 puisqu'ils ne peuvent lui faire le moindre grief au titre de l'inexécution de ses obligations ; les intérêts doivent courir à compter non du jugement, mais des dates d'échéances des factures.

L'intimée demande à la Cour, vu les articles L. 5421-12 à 5422-26 du Code des Transports, 1134 et suivants du Code Civil, de :

- déclarer mal fondés Monsieur [D] et la société ZIEGLER en leur appel et les débouter de toutes leurs demandes ;

- déclarer bien fondée la société TRANSAFOS en son appel incident ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

. déclaré recevable l'action de Monsieur [D],

. mis à la charge de la société TRANSAFOS une somme de 11 971 euros 51 au titre de la tempête,

. attribué 1/4 de responsabilité à la société TRANSAFOS au titre de dommages imputables à l'état du moteur ;

- déclarer irrecevable car prescrite l'action engagée par Monsieur [D] ;

- dire la tempête exonératoire de responsabilité de la société TRANSAFOS ;

- subsidiairement, déclarer recevable elle-même en son exception d'inexécution ;

- débouter Monsieur [D] de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

. déclaré irrecevable la société ZIEGLER,

. considéré que le comportement de Monsieur [D] a contribué à l'aggravation des dommages,

. imputé à Monsieur [D] la moitié des dommages allégués au titre de la partie pneumatique et sellerie (1 744 euros 21),

. débouté Monsieur [D] de sa demande au titre de la disparition du matériel de bord (3 658 euros 63),

. débouté Monsieur [D] de sa demande au titre des dommages imputables à l'arrimage (303 euros 48),

. mis à la charge de la société TRANSAFOS les dommages au balcon avant bâbord

(3 498 euros 74),

. débouté Monsieur [D] de sa demande au titre d'un préjudice de jouissance

(33 950 € 00),

. débouté Monsieur [D] de ses autres demandes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Monsieur [D] et la société ZIEGLER à payer à la société TRANSAFOS le montant de ses factures de stationnement s'élevant à 28 101 euros 00 ;

- l'infirmer en ce qui concerne le point de départ des intérêts au titre des factures de la société TRANSAFOS ;

- majorer la condamnation en paiement de la somme de 28 101 euros 00 en principal des intérêts au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente, majoré de 10 points de pourcentage à compter des dates d'échéances de factures et subsidiairement à compter de la formulation de sa demande reconventionnelle ;

- ordonner la capitalisation des intérêts par application des dispositions de l'article 1154 du Code Civil ;

- condamner en tant que de besoin la société ZIEGLER à relever et garantir la société TRANSAFOS des éventuelles condamnations prononcées à la demande de Monsieur [D] ;

- condamner Monsieur [D] et/ou la société ZIEGLER au paiement d'une indemnité de 3 000 euros 00 par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2019.

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M O T I F S D E L ' A R R E T

Sur la prescription de l'action de la société ZIEGLER contre la société TRANSAFOS :

La première société, commissionnaire de transport car Monsieur [D] lui a demandé d'organiser le déplacement du bateau de celui-ci entre son embarquement à Dubaï et sa livraison finale après débarquement à [Localité 4], s'est heurtée à une impossibilité de livrer effectivement à l'intéressé uniquement parce que ce dernier n'avait ni obtenu l'homologation de son bateau en Suisse, ni commandé un véhicule de transport adapté.

Pour remédier à cet empêchement la société ZIEGLER, faute d'instructions de la part de Monsieur [D], a logiquement et à juste titre, organisé, toujours en qualité de commissionnaire de transport de l'intéressé, le transport du bateau du Port de [Localité 4] à l'entrepôt situé à [Localité 9] de la société TRANSAFOS, laquelle a accepté de recevoir ce bateau et de le garder jusqu'à la décision à venir de Monsieur [D] ; cette opération a été demandé par la première société, avec les composantes suivantes : 'traction conteneur (...) contenant un bateau pneumatique (...) pour dépotage (...) du bateau (...) transport sur un porte-char (...) restitution du conteneur vide', dans ses 2 courriels des 13 et 14 juin 2012 à la seconde qui l'a acceptée.

Cette mission n'est pas celle de l'entrepreneur de manutention lequel, aux termes de l'article L. 5422-19 du Code des Transports, marchandises y compris les opérations de mise et de reprise sur hangar et sur terre-plein, qui en sont le préalable ou la suite nécessaire$gt;. La société TRANSAFOS a en effet rempli un rôle qui dépasse celui de la manutention maritime se déroulant dans le port ou à toute proximité de celui-ci, puisqu'elle a récupéré le bateau de Monsieur [D] pour l'entreposer dans ses locaux jusqu'à ce que l'intéressé le fasse transporter dans un port de plaisance.

Le jugement est donc confirmé pour avoir écarté la prescription annale fixée par l'article L. 5422-25 du même Code.

Les 11 factures de stockage émises par la société TRANSAFOS à l'encontre de la société ZIEGLER stipulent à leur verso, auquel renvoie leur recto, des conditions générales de vente qui prévoient à leur article 11 que 'Toutes les actions auxquelles le contrat conclu entre [elles deux] peut donner lieu sont prescrites dans le délai d'un an à compter de l'exécution de la prestation litigieuses dudit contrat (...)'.

Le problème de l'état du bateau de Monsieur [D] a été connu par lui le 30 octobre 2012, jour du constat contradictoire des dommages avec la société TRANSAFOS qui fait partir le délai de prescription, document que le premier a évidemment porté à la connaissance de la société ZIEGLER qu'il avait chargée de prendre soin du bateau. La seconde société a fait assigner la première le 28 octobre 2013, c'est-à-dire dans l'année de ce point de départ du délai de prescription.

En principe la société ZIEGLER, commissionnaire de transport, n'a qualité pour exercer une action principale en garantie à l'encontre de son substitué la société TRANSAFOS, lorsqu'elle estime ce dernier responsable du dommage causé à son donneur d'ordre Monsieur [D], que si préalablement elle a désintéressé cette victime ou s'est obligée à le faire. Mais il est possible audit commissionnaire d'agir à titre déclaratoire contre son substitué, dans le délai de prescription d'un an résultant du contrat avec ce dernier, mais à la condition de ne pas lui réclamer le paiement d'aucune somme. Cependant la société ZIEGLER a fait assigner le 28 octobre 2013 la société TRANSAFOS en lui réclamant notamment le paiement d'une somme de 13 613 euros 00 au titre des réparations sur le navire de Monsieur [D], alors qu'elle n'avait pour ce montant ni désintéressé ce dernier ni pris l'engagement de le faire. Cette assignation n'a donc pas interrompu le délai de prescription d'un an des conditions générales de vente de la société TRANSAFOS .

C'est par suite à bon droit que le Tribunal a déclaré irrecevable comme prescrite l'action de la société ZIEGLER à l'encontre de la société TRANSAFOS, et débouté en conséquence la première de toutes ses demandes contre la seconde.

Sur la prescription de l'action de Monsieur [D] contre la société TRANSAFOS :

Ces 2 parties ne sont pas liées par le contrat de stockage, puisque toutes les factures de la seconde ont été émises exclusivement contre la société ZIEGLER et non contre le premier. Monsieur [D] agit donc contre la société TRANSAFOS, comme précisé tant dans son assignation que dans ses conclusions d'appel, sur le fondement soit du contrat de dépôt (article 1927 du Code Civil), soit de la responsabilité quasi-délictuelle des articles 1382 et 1383 anciens du même Code. Or ces 2 fondements sont régis par la prescription de cinq ans fixée par l'article 2224 du Code Civil.

L'assignation de la société TRANSAFOS par Monsieur [D] délivrée, d'abord en référé-expertise le 24 janvier 2014, puis après dépôt du rapport de Monsieur [K] du 26 novembre suivant le 10 mars 2015 au fond, est ainsi intervenue moins de 5 ans après le point de départ de ce délai qui était le 30 octobre 2012, jour du constat contradictoire des dommages entre ces 2 parties.

Le jugement est donc confirmé pour avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée d'une prescription de l'action de Monsieur [D] à l'encontre de la société TRANSAFOS.

Sur les dommages au bateau de Monsieur [D] :

Ce dernier a confié ce bateau à la société ZIEGLER son commissionnaire de transport, ce qui lui permet de rechercher sa responsabilité au bénéfice de Monsieur [D] soit pour sa faute personnelle, soit comme garante de sa substituée la société TRANSAFOS pour les fautes commises par celle-ci, même si elle-même n'a pas commis de fautes.

Le coup de vent du 28-29 octobre 2012 n'a pas dépassé pour la zone de [Localité 6] (dont fait partie [Localité 9]) les 50 km/h soit la force 7 [Localité 3], et cette situation n'était ni imprévisible ni irrésistible, ce qui exclut la force majeure invoquée à tort par la société TRANSAFOS.

L'expert judiciaire Monsieur [K] a retenu à juste titre que les dommages aux pneumatiques et selleries, ainsi que ceux imputables au coup de vent qui a ouvert et/ou déchiré le cocon protégeant le bateau, pour la somme totale de 47 886 euros 04, sont dûs à la rupture du cocon protégeant le bateau de Monsieur [D], laquelle est intervenue suite au coup de vent précité, et a été constatée le 30 suivant, c'est-à-dire très rapidement, par l'intéressé et la société TRANSAFOS de manière contradictoire. Ce bateau étant arrivé chez cette dernière le 11 juillet précédent pour en principe peu de temps mais pour un temps indéterminé, il lui appartenait de prendre toutes précautions pour remplir son obligation de dépositaire fixée par les articles 1927 et 1928 du Code Civil, c'est-à-dire 'apporter, dans la garde la chose déposée,

les mêmes soins qu'il apporte dans la garde des choses qui lui appartiennent', cette disposition devant 'être appliquée avec plus de rigueur (...) 2° [si ce dépositaire] a stipulé un salaire pour la garde du dépôt' ce qui était le cas en l'espèce puisque la société TRANSAFOS facturait à la société ZIEGLER le dépôt du bateau de Monsieur [D]. Par suite le Tribunal ne pouvait reprocher à Monsieur [D] d'avoir refusé de bâcher son bateau comme demandé par la société TRANSAFOS, puisque cette demande est par définition postérieure au coup de vent et constatations précités, et qu'au surplus l'expert judiciaire n'a même pas incriminé Monsieur [D] sur ce point. Le coup de vent du 28-29 octobre 2012, exclusif de la force majeure, entraîne en conséquence la responsabilité de la société TRANSAFOS et de la société ZIEGLER à hauteur de la somme de 47 886 euros 04 retenue par l'expert judiciaire ; mais cette responsabilité est in solidum pour ces 2 sociétés, et non partagée entre Monsieur [D] pour 1/2 et ces 2 sociétés chacune pour 1/4 comme l'a fait le Tribunal ; en effet ce coup de vent est antérieur à la constatation par Monsieur [D] le 30 suivant des déchirure et/ou ouverture de la bâche de son bateau, ce qui empêche de lui reprocher de ne pas avoir donné suite à la proposition de devis faite le 12 décembre, soit postérieurement, par la société PSL GREEMENT mandatée par la société TRANSAFOS.

Les dommages imputables à l'état mécanique des 2 moteurs non entretenus depuis deux ans, soit la somme de 1 469 euros 56, ressortent de la responsabilité du seul Monsieur [D], à qui il incombait de veiller, en qualité de propriétaire d'un bateau à moteur sachant que ces derniers doivent être entretenus, audit entretien dont ni lui ni la société ZIEGLER ne démontrent qu'ils en avaient chargé la société TRANSAFOS. Par suite le jugement est infirmé pour avoir condamné cette dernière comme la société ZIEGLER à payer chacune 1/4 des dommages soit la somme de 436 euros 05.

Pour la disparition de matériels, chiffrée à 3 658 euros 63 par l'expert judiciaire, ce dernier a noté que Monsieur [D] ne lui avait fourni ni inventaire ni rapport d'expertise ni facture ni photographies attestant de l'armement ; l'existence et la consistance de ces matériels n'était pas prouvées, c'est avec raison que le Tribunal a sur ce point débouté Monsieur [D], et le jugement est confirmé.

L'expert judiciaire a retenu la responsabilité de la seule société ZIEGLER pour les dommages imputables à l'arrimage, et à bon droit puisque celle-ci a pris le bateau sans réserve lors de son débarquement à [Localité 4] depuis le navire du transporteur maritime. C'est par suite à tort que le Tribunal a débouté Monsieur [D] de sa demande pour ce poste de préjudice évalué à 307 euros 48.

Pour les dommages imputables aux vices propres du navire la condamnation de cette société par le jugement à payer la somme de 3 498 euros 74 au titre du balcon avant bâbord est admise par celle-ci, et sera confirmée par la Cour.

Le préjudice de jouissance invoqué par Monsieur [D] concerne uniquement la période du 30 octobre 2012 date de constatation des dommages, au 9 septembre 2014 date de la dernière réunion de l'expert judiciaire ; mais l'intéressé ne justifie pas avoir durant les saisons 2013 et 2014, pendant lesquelles il prétend avoir été privé injustement de son bateau, recouru à des locations de bateau de remplacement. Le jugement est donc confirmé pour avoir débouté Monsieur [D] de sa demande sur ce point.

Sur les factures d'entreposage de la société TRANSAFOS :

La première facture du 31 juillet 2012 pour ledit mois et la somme de 1 119 euros 00 a été émise contre la société ZIEGLER, laquelle l'a répercutée dès le 14 août suivant à Monsieur [D] ; mais ce dernier ne justifie aucunement son allégation d'avoir réglé ce créancier. La société TRANSAFOS a choisi de facturer pour le stockage du bateau de Monsieur [D] non ce dernier, mais la société ZIEGLER uniquement ; cependant cette prestation de stockage a bénéficié au seul Monsieur [D], lequel est donc également redevable du paiement desdites factures.

Ces dernières au nombre de 11 ont été émises du 31 juillet 2012 au 31 octobre 2014 pour la somme totale de 27 279 euros 00 sans T.V.A., et non de 28 101 euros H.T. comme retenu par le Tribunal, et concernent la période du 16 juillet au 31 décembre 2012 et celle du 1er avril au 31 octobre 2014. Monsieur [D] était fondé, suite au sinistre constaté le 30 octobre 2012, à engager une procédure de référé-expertise contre notamment la société TRANSAFOS ; mais il n'a saisi le Président du Tribunal que le 24 janvier 2014 soit bien tardivement, alors que les 2 expertises amiables réalisées entre temps avaient été initiées le 6 novembre 2012 par l'assureur de la société ZIEGLER avec rapport le 9 juillet 2013, et le 14 décembre 2012 par celui de la société TRANSAFOS avec rapport du 13 juin 2013. Enfin Monsieur [D] n'a pas mis fin au stockage de son bateau chez la société TRANSAFOS dès le lendemain du 9 septembre 2014 date de la dernière réunion organisée par l'expert judiciaire, comme il le pouvait puisqu'il a attendu le 18 novembre suivant.

C'est par suite à bon droit que le Tribunal a condamné Monsieur [D], comme la société ZIEGLER destinataire des factures de stockage de la société TRANSAFOS, sauf à réduire la somme de 28 101 euros H.T. à celle de 27 279 euros 00 sans T.V.A.

Le fait que le véritable bénéficiaire du stockage ait été Monsieur [D] justifie la demande de la société ZIEGLER à être totalement relevée et garantie par lui.

La société TRANSAFOS est fondée à demander que les intérêts au taux légal courent non à compter du jugement comme l'a décidé le Tribunal, mais de la date d'émission de chaque facture, que leur taux soit conforme à l'article L. 441-6-I-alinéa 8 du Code de Commerce, et qu'en outre ils soient capitalisés en vertu de l'article 1154 du Code Civil

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D E C I S I O N

La Cour, statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire.

Infirme le jugement du 17 février 2017 pour avoir :

* condamné la S.A. ZIEGLER FRANCE et la S.A.S. TRANSAFOS à payer chacune à Monsieur [E] [D] les sommes de :

- 436 euros 05 au titre des vices mécaniques ;

- 11 971 euros 51 au titre de la tempête ;

* débouté Monsieur [E] [D] de sa demande en paiement de 307 euros 48 pour les dommages imputable à l'arrimage ;

* condamné in solidum la S.A. ZIEGLER FRANCE et Monsieur [E] [D] à payer à la S.A.S. TRANSAFOS la somme de 28 101 euros H.T. pour le stockage du bateau, outre intérêts légaux à compter du présent jugement.

Confirme tout le reste du jugement.

Condamne la S.A. ZIEGLER FRANCE à payer à Monsieur [E] [D] la somme de 307 euros 48 pour les dommages imputables à l'arrimage.

Condamne in solidum la S.A. ZIEGLER FRANCE et Monsieur [E] [D] à payer à la S.A.S. TRANSAFOS la somme de 27 279 euros 00 sans T.V.A. pour le stockage du bateau, avec à compter de la date d'émission de chaque facture les intérêts au taux légal lequel est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage et capitalisation en vertu de l'article 1154 du Code Civil.

Condamne Monsieur [E] [D] à relever et garantir la S.A. ZIEGLER FRANCE de la totalité de la condamnation précitée.

Condamne in solidum la S.A. ZIEGLER FRANCE et la S.A.S. TRANSAFOS à payer à Monsieur [E] [D] la somme de 47 886 euros 04 au titre des dommages aux pneumatiques et selleries, ainsi que ceux imputables au coup de vent.

Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamne in solidum la S.A. ZIEGLER FRANCE et la S.A.S. TRANSAFOS à payer à Monsieur [E] [D] une indemnité globale de 3 500 € 00 au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Condamne in solidum la S.A. ZIEGLER FRANCE et la S.A.S. TRANSAFOS aux dépens d'appel qui incluront les frais de l'expertise judiciaire de Monsieur [N] [K], avec application de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Condamne la S.A.S. TRANSAFOS à relever et garantir la S.A. ZIEGLER FRANCE de toutes les condamnations prononcées contre elle.

Rejette toutes les autres demandes.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 3-1
Numéro d'arrêt : 17/04072
Date de la décision : 17/10/2019

Références :

Cour d'appel d'Aix-en-Provence 02, arrêt n°17/04072 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-17;17.04072 ?
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